Analyse du parler en langues

Chapitre 5

Deux parlers en langues ?

Récapitulons brièvement ce que nous avons déjà découvert dans la Parole. Contrairement à la doctrine et à la pratique de la glossolalie moderne :

  1. Le don des langues ne s’adressait jamais à des hommes et ne servait pas non plus à l’évangélisation selon Donald Gee lui-même.

  2. Ce n’était pas un signe pour les croyants mais pour les incroyants.

  3. Ces incroyants étaient exclusivement les Juifs qui répugnaient à admettre leur unité avec les porteurs de langues étrangères ; le Saint-Esprit confirmant dans les deux Testaments que le signe était pour “ce peuple” d’Israël (Ésaie 28.11 ; 1 Corinthiens 14.22).

Cela fait déjà beaucoup d’erreurs, beaucoup trop. Et c’est loin d’être fini. Ce qui surprend désagréablement quand on participe à des cultes où s’exerce la glossolalie, c’est le côté toujours incompréhensible de ce qui est dit. Les sons émis sont souvent bizarres, et même quand ils ne le sont pas, ils ne ressemblent pas à une vraie langue. Se basant sur 1 Corinthiens 13.1, certains affirment que ce sont “les langues des anges”. Mais voilà, chaque fois que, dans la Bible, les anges ont parlé, c’était toujours dans des langues compréhensibles et contemporaines de l’occasion. De plus, il saute aux yeux que dans ce passage, l’Esprit conduit Paul à employer plusieurs fois le “même si” de l’hyperbole. Paul n’a pas eu connaissance de tous les mystères puisqu’il ajoute quelques versets plus loin qu’il ne connaît qu’en partie. Il n’a pas davantage donné son corps pour être brûlé. Ne possédant rien ou si peu il n’a pas non plus eu l’occasion de donner tous ses biens aux pauvres. Il ne parlait pas non plus toutes les langues des hommes et des anges. Il pouvait d’autant moins parler ces dernières qu’il fait référence à son ravissement dans le troisième ciel où il a entendu “des paroles qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer” (2 Corinthiens 12.4). C’est le “Si” du conditionnel qu’il a employé. Un enfant comprendrait cela. Dans le but de me convaincre, des spécialistes de la question m’ont expliqué que dans le parler en langues on se dépasse ; du français on passe au sublime jusqu’à rejoindre les anges dans leur langage céleste et que, lorsqu’on se trouve à court de mots pour parler à Dieu, le Saint-Esprit vient à notre secours pour nous élever d’un ou plusieurs crans dans des transports inaccessibles à la belle langue de Voltaire.

Matto Grosso

Ayant au début émis des réserves et signalé que j’avais au contraire constaté des bruits insolites, des sons inarticulés, des syllabes constamment répétées et jusqu’à des vociférations qui n’avaient rien d’angélique, ces mêmes amis qui m’avaient expliqué la chose en se servant des anges, me l’expliquaient tout à coup en se servant des sauvages. Cela pouvait être, selon eux, un dialecte des tribus indiennes de l’Amérique du Sud, du Matto Grosso, des indigènes de Bornéo ou de l’Afrique centrale. Cela m’est apparu comme un non-sens de taille. Notre langue est parmi les plus riches et les plus complètes du monde ; comment une autre langue rudimentaire, au vocabulaire cent fois plus limité, aurait-elle pu sublimer ce que le français ne pouvait faire ? Et puis, quand le Seigneur à fait parler l’ânesse de Balaam, Il ne l’a pas fait s’exprimer avec des sons confus ; elle n’a pas baragouiné n’importe quoi. Balaam a très bien compris ce qu’elle disait, au point de dialoguer avec elle. Le Dieu qui à créé l’homme à son image et qui, par la conversion, l’a renouvelé dans son entendement, l’abaisserait-Il jusqu’à le faire parler moins bien qu’une bête de somme ?

Pour le savoir, il suffit de voir ce qui s’est passé à la Pentecôte où l’on trouve la norme du parler en langues. Chacun de ces Juifs, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel, “les entendait parler dans sa propre langue” (Actes 2.6), et ils dirent : “Comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle ?” (verset 8). Une troisième fois, au verset 11, après avoir énuméré quinze peuples aux dialectes différents, ils reposèrent la question : “Comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu ?”. Il s’agissait bien de langues humaines réelles, parlées et contemporaines.

Contradictions

Comment donc une autre glossolalie, où l’on n’y comprend rien, a-t-elle pu se glisser dans les esprits et s’y enraciner si fortement ? Il faut aller chercher cette contradiction d’apparence en 1 Corinthiens 14.2 où, contrairement à Actes 2, il est dit : “Celui qui parle en langues… personne ne le comprend”. Il y aurait donc deux parlers en langues, celui des Actes que l’on comprenait, et celui d’après que l’on ne comprenait plus. Il saute aux yeux que si le parler en langues de l’épître avait été une glossolalie différente de celle de la Pentecôte, cela devrait se retrouver au niveau des termes employés pour les décrire. Or il n’en est rien. Luc, auteur du livre des Actes, se sert des mêmes mots que Paul dans sa lettre aux Corinthiens. Si donc les deux parlers en langues n’étaient pas semblables, Luc l’aurait signalé, ne fut-ce que par des mots différents. On sait que les Actes ont été écrits bien après l’épitre aux Corinthiens et que cette dernière circulait dans les Églises. Luc, cela va sans dire, était au courant du contenu de cette lettre, et cela d’autant plus qu’il était le compagnon de voyage de Paul. Personne mieux que lui n’était au courant de la pensée paulinienne sur le sujet. Si donc ce qu’il rapporte dans son livre était différent de ce qu’avait dit Paul dans le sien, il n’aurait pas manqué de le signaler pour éviter la confusion. Mais il n’en a rien fait ; il en a parlé comme Paul en a parlé et il a employé le même mot pour parler d’une même chose. C’est la “glossa” dans un cas comme dans l’autre. Les textes grecs sont formels. Paul a en vue des langues aussi connues que celles dont parle Luc puisqu’il dit : “…aussi nombreuses que puissent être dans le monde les diverses langues… et aucune d’elles n’est sans son distinct.” (1 Corinthiens 14.10). Il s’agit bien dans la pensée de Paul de langues humaines. Si elles étaient de notre monde, pourquoi n’étaient-elles plus comprises des Corinthiens alors qu’elles l’étaient quelques années plus tôt à Jérusalem ? Y aurait-il contradiction ?

Retour à Jérusalem

Voyons ce qui s’est passé exactement à Jérusalem. À la venue du Saint-Esprit des langues de feu séparées se posèrent sur les disciples qui, séparément et distinctement parlèrent dans les dialectes des gens présents. Quinze pays et peuples sont cités, chacun comprenant la langue parlée dans le pays d’où il venait. Au niveau de l’audition, il n’y avait là rien de miraculeux ; l’émission était surnaturelle mais la réception était naturelle puisque c’était leur langue à eux qu’ils comprenaient. Quant aux quatorze autres langues, à moins de les connaître, ils ne pouvaient les comprendre, pas plus que les Corinthiens ne pouvaient comprendre des langues qu’ils ne connaissaient pas. Nous souvenant qu’un petit croquis vaut mieux qu’un long discours nous allons mettre cet axiome en image. Supposons qu’il y ait eu des Corinthiens présents à la Pentecôte, munis de quinze magnétophones et qu’ils aient enregistré séparément ce qui y avait été dit et compris. Imaginons que, rentrés dans leur Église à Corinthe, ils y aient fait entendre ces quinze cassettes à ces chrétiens qui ne connaissaient qu’une langue, peut-être deux. L’inévitable conclusion aurait été celle de Paul : “personne ne les comprend !” Forcément, puisque à Corinthe, à part le grec, nul ne pouvait comprendre. Allons plus loin encore. Si ces cassettes enregistrées, traversant les siècles, étaient écoutées de nos jours dans des Assemblées de Paris, New York, Genève, Londres ou Melbourne, le résultat serait le même. Ces quinze idiomes qui étaient compris à Jérusalem ne le seraient pas plus de notre temps qu’ils ne l’étaient à Corinthe au premier siècle. Inversement, imaginons qu’à l’aide de la machine à remonter le temps, on ait transporté en bloc l’Assemblée de Corinthe à Jérusalem. Ils auraient compris les paroles dites miraculeusement dans leur langue, le grec, mais ils n’auraient rien compris des quatorze autres langues. Forcément. Et si le grec n’avait pas été au programme du Saint-Esprit ce jour-là, ils n’auraient rien compris du tout ! C’est précisément ce qui se passait dans leurs réunions à Corinthe ; c’était dans d’autres langues que le grec qu’on y parlait par l’Esprit. Personne n’y comprenait rien, non parce que c’était une autre sorte de parler en langues, ou un langage extatique ou angélique, mais tout simplement parce que ce n’était pas du grec. Ce qui s’y disait, quoique en langues aussi contemporaines qu’à la Pentecôte, leur était aussi inaccessible que de téléphoner en arabe à quelqu’un qui ne comprend que le français !

Encore à Jérusalem

En outre, et pour les mêmes raisons, on remarque qu’à la Pentecôte certains, comme à Corinthe, n’ont pas non plus compris ce qui s’y disait. Il est clair, d’après Actes 2, qu’il y avait deux groupes de Juifs présents à la fête religieuse :

  1. ceux qui étaient en visite à Jérusalem (Actes 2.5), venus de quinze pays différents et qui, outre l’araméen, parlaient l’une de ces quinze langues ;

  2. les Juifs indigènes qui, forcément, ne parlaient ni ne comprenaient aucun de ces quinze dialectes. C’était eux “les autres” (Actes 2.13) qui se moquaient en disant : “Ils sont pleins de vin doux”. Ces Juifs autochtones qui ne connaissaient que l’araméen n’ont pas non plus compris les langues miraculeusement parlées ce jour-là. Au lieu de s’informer auprès de ceux qui avaient compris, ils ont préféré tourner la chose en dérision disant que les disciples étaient sous l’emprise de la boisson. Ce qu’il convient de retenir c’est qu’ils auraient pu dire exactement ce que Paul écrira environ vingt-cinq ans plus tard aux Corinthiens : “Personne ne comprend”. Et si personne ne comprend, Paul osera les fustiger par une expression cinglante : “…ne dira-t-on pas que vous êtes fous ?” En résumé, qu’est-ce que cela prouve ? Que le parler en langues dont il est question à Corinthe n’était pas un verbiage extatique inintelligible ou un inaccessible langage angélique, mais des langues aussi nationales et contemporaines que celles d’Actes 2. Et si, comme le dit Paul, personne ne les comprend, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas dans leur Église, contrairement à Jérusalem, les quinze oreilles pour les comprendre !

En conclusion, le “personne ne comprend” est devenu un paravent bien commode pour dissimuler cette quatrième erreur que l’on soustrait ainsi à toute possibilité de contrôle. Heureusement, le Saint-Esprit a prévu un moyen de vérification qui jettera plus d’éclairage sur l’erreur dont on vient de parler, et qui débouchera sur une cinquième de la plus extrême gravité. Ce sera le sujet du prochain chapitre.

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