Voici ce que dit le catéchisme de ce sacrement qui prend une place prépondérante dans la vie du fidèle (pp. 208 sq.).
« L’Eucharistie est un sacrement qui, par l’admirable changement de toute la substance du pain au corps de Jésus-Christ et de celle du vin en Son sang Précieux, contient vraiment, réellement et substantiellement le Corps, le Sang, l’Ame et la Divinité de Jésus-Christ Notre Seigneur, sous les espèces du pain et du vin pour être notre nourriture spirituelle… »
« … Dans l’Eucharistie, il y a vraiment le même Jésus Christ qui est dans le Ciel et qui est né de la très Sainte-Vierge Marie… »
« … Après la consécration, l’hostie est le vrai Corps de Jésus-Christ sous les espèces du pain… »
« … Après la consécration, dans le calice, il y a le vrai Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ sous les espèces du vin… »
« … Le changement du pain et du vin au sang de Jésus-Christ se fait au moment même où le prêtre, pendant la Sainte-Messe, prononce les paroles de la consécration… »
« … La consécration est le renouvellement, par le ministère du prêtre, du miracle opéré par Jésus-Christ en changeant à la dernière Cène le pain et le vin en son Corps et en son Sang adorables, par ces mots : “Ceci est mon corps, ceci est mon sang…” ».
« … Le miraculeux changement qui s’opère chaque jour sur nos autels est appelé, par l’Eglise, Transsubstantiation… »
« … Jésus-Christ est tout entier aussi bien dans l’hostie que dans le calice, parce que, dans l’Eucharistie, il est vivant et immortel comme dans le ciel… »
(P. 219 sqq.) : « L’Eucharistie n’est pas seulement un sacrement, elle est aussi le sacrifice permanent de la nouvelle loi, que Jésus-Christ a laissé à son Eglise, afin de s’offrir à Dieu par les mains de ses prêtres… »
« … Le sacrifice consiste en général à offrir à Dieu une chose sensible et à la détruire en quelque manière pour reconnaître son souverain domaine sur nous et sur toutes choses… »
« … La Sainte-Messe est le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ offert sur nos autels sous les espèces du pain et du vin, en souvenir du sacrifice, de la Croix… »
« … Le sacrifice de la Messe est substantiellement le même que celui de la Croix en. e que c’est le même Jésus-Christ qui s’est offert sur la Croix et qui s’offre par les mains des prêtres, ses ministres, sur nos autels ; mais, dans la manière dont il est offert, le sacrifice de la Messe diffère du sacrifice de la Croix, tout en gardant avec celui-ci la plus intime et la plus essentielle relation… »
« … Entre le sacrifice de la Messe et le sacrifice de la Croix, il y a cette différence et cette relation que, sur la Croix, Jésus-Christ s’est offert en répandant son sang et en méritant pour nous ; tandis que, sur les autels, il se sacrifie sans effusion de sang et nous applique les fruits de Sa passion et de Sa mort… »
« … Une autre relation du sacrifice de la Messe avec celui de la Croix est que le sacrifice de la Messe représente d’une manière sensible l’effusion du sang de Jésus-Christ sur la Croix ; car en vertu des paroles de la consécration, le Corps seul de Notre Sauveur devient présent sous l’espèce du pain et son Sang seul sous l’espèce du vin ; et ce n’est que par concomitance naturelle, et à cause de l’union hypostatique, que Jésus-Christ vivant et véritable est présent sous chacune des espèces… »
« … Le sacrifice de la Croix est l’unique sacrifice de la loi nouvelle, car après lui Notre Sauveur a apaisé la Divine Justice, acquis tous les mérites nécessaires pour nous sauver et accomplir de son côté notre rédemption. Ce sont ses mérites qu’il nous applique par les moyens qu’il a institués dans son Eglise, au nombre desquels est le saint sacrifice de la Messe… »
« … On offre à Dieu le sacrifice de la Messe pour quatre fins :
Et voici les principaux dogmes concernant ce sacrement :
Nous examinerons l’Eucharistie sous trois aspects : l’office de la Messe, la transsubstantiation et la notion de sacrifice.
Le culte public dans l’Eglise catholique suit un ordre rigoureusement fixé par d’innombrables règlements qui ont été abrégés dans deux ouvrages officiels : le Bréviaire romain et le Missel (spécialement pour la messe). Cette liturgie est le résultat de siècles de tradition. On y retrouve des éléments très anciens. Nous allons décrire succinctement le culte principal, la Grand’Messe.
Le culte public dans l’Eglise catholique suit un ordre rigoureusement fixé par La première partie de la Messe se nomme Préparation, ou Messe des Catéchumènes.L’officiant, qui se place dans l’allée centrale ou à la porte du sanctuaire, asperge d’eau bénite la foule des fidèles, tandis que le chœur chante « Purifie-moi avec l’hysope ». Puis il revêt sa chasuble et récite avant l’Introit (même pour une messe pontificale) des prières, dont le Confiteor, au pied de l’autel, puis le chœur répète neuf fois le Kyrie Eleison suivi du Gloria (sauf pour les morts, l’Avent et le Carême). Après le Gloria se place la récitation ou le chant des Collectes (oraisons). Puis, vient la lecture de l’Epître (côté Sud : Eglise) et de l’Evangile (côté Nord : païens). On élève les cierges pendant l’Evangile (Jésus, Lumière du monde), et le prêtre baise le Missel à la fin (respect pour la Parole, quoique la Bible soit invisible dans une église catholique). Puis, c’est le sermon en français. Ensuite vient le Credo, c’est-à-dire le Symbole de Nicée (génuflexion quand on mentionne l’incarnation).
La deuxième partie, l’instruction, se nomme aussi Messe des Fidèles.
D’abord, c’est l’Offertoire : on offre le pain et le vin (reste d’une très ancienne coutume de l’Eglise primitive, où les éléments de la Cène étaient apportés à tour de rôle par l’un ou l’autre des fidèles) et l’on ajoute de l’eau au vin pour symboliser les deux natures du Christ.
Vient ensuite la secrète, suivie de la préface, variable selon les temps ecclésiastiques, et trois Sanctus. Pendant ce temps, l’assistant a sonné trois fois une petite clochette. Puis, l’officiant récite à voix basse (souvenir des persécutions) plusieurs prières avant la consécration des espèces (à deux reprises le servant sonne trois fois). Le prêtre élève l’hostie et la coupe au-dessus de l’autel, c’est l’Elévation. Après une nouvelle série de prières, le Pater est chanté sur une très vieille mélodie, et les prêtres se donnent entre eux le « baiser de paix » (l’officiant pose sa main sur l’épaule du diacre et incline vers lui sa tête, geste répété par les clercs). Le servant agite encore trois fois sa sonnette et c’est la consommation du sacrifice, précédée d’une prière d’humiliation. La coupe est réservée aux clercs ; les fidèles ne prennent que le pain sous la forme d’un disque de farine sans levain appelé hostie, c’est-à-dire victime. Le fidèle n’a pas le droit de la toucher, car elle est Jésus-Christ tout entier. Il doit « tenir la tête droite, les yeux baissés, la bouche médiocrement ouverte, la langue un peu avancée sur le bord des lèvres et la nappe de la communion étendue sous le menton… », et le prêtre lui pose l’hostie sur la langue, il doit l’avaler sans y toucher sous aucun pré- texte et sans la mordre.
Ensuite, vient l’Ablution des vaisseaux (patène, assiette en vermeil, calice, coupe dont l’intérieur est doré, ciboire s’il y a lieu, vase avec couvercle pour la Sainte Réserve, lunule, disque vitré pour l’exposition de l’hostie dans l’ostensoir).
C’est enfin la troisième partie de la Messe, la Post-communion, qui comprend la récitation de plusieurs prières et la bénédiction. Puis, au nord de l’autel, l’officiant récite l’Evangile de saint Jean (1.1-14), et ce sont des prières pour l’Etat, le Pape et, depuis quelque temps, pour la Russie. La liturgie de la Messe comprend un très grand nombre de gestes (signes de croix, génuflexions, mouvements du corps et déplacements de l’officiant), de formules et d’accessoires :
On brûle de l’encens après l’Introït, à l’Evangile et à l’Elévation de l’hostie et à celle du calice.
La couleur des vêtements du prêtre change avec le temps : blanc (fêtes), rouge (Martyrs et Pentecôte), violet (Avent et Carême), noir (Vendredi-Saint et Morts), vert (jours ordinaires), rose et drap d’or.
L’Eglise classe les messes suivant deux critères : d’après le moment de leur célébration et leur degré de solennité. D’après le premier système, on distingue les messes : 1. de saison (dimanches et fêtes), 2. des saints, 3. votives, c’est-à-dire à l’initiative personnelle (votum) du prêtre, par exemple pour l’Etat, le roi, un conclave, un mariage, etc… et 4. des morts (ou de requiem).
D’après leur solennité, on distingue les messes publiques (grand’messes) et les messes privées. La messe solennelle est caractérisée par un plus grand nombre d’assistants et de cierges. Elle a lieu le dimanche dans toutes les églises ; chaque jour, dans les cathédrales et les collégiales. Dans les petites églises où l’on ne peut réunir beaucoup d’officiants, on se contente d’une « messe chantée ». La messe privée est « basse », elle n’exige qu’un officiant avec son acolyte (souvent un laïque) et est seulement parlée. Par dérogation, la Grand’Messe peut être célébrée sans diacre ni sous-diacre.
Certaines messes publiques peuvent comprendre des rites particuliers : messes dites pontificales (évêque avec insignes), papales (pape en personne), capitulaires (dans une collégiale), etc…
Outre la messe, il existe le « Culte privé ». Ce sont essentiellement des prières. Il existe aussi l’Office canonial, comportant 7 « heures » : Matines-Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Cet Office est chanté dans les monastères et récité par les prêtres. C’est la grande prière historique de l’Eglise qui fait du prêtre le médiateur et l’ambassadeur du peuple chrétien auprès de Dieu. Cette récitation doit être quotidienne pour les prêtres, sous peine de péché mortel. Le Bréviaire (4 vol. Hiver, Eté, Automne, Hiver) est le manuel de cette prière.
Dans l’Eglise primitive, l’ordre du service est d’abord peu réglementé, mais rapidement une discipline fut nécessaire. 1 Corinthiens 14.31-32, 40 : « Car vous pouvez tous prophétiser successivement, afin que tous soient instruits et que tous soient exhortés. Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes… Mais que tout se fasse avec bienséance et avec ordre. » Le plan général du culte a été emprunté à la synagogue et comprenait quatre éléments essentiels : prière, lecture, prédication, chant, avec l’administration de la Cène et du Baptême en plus 1.
1 La synagogue était un local très simple avec estrade, pupitre, chaises, lampe allumée, armoire à Torah. L’ordre du service était le suivant : Prière, Bénédiction, Lecture, Commentaire, Collecte, Bénédiction, Chant des Psaumes.
Les règles se figèrent peu à peu, tandis que l’Eglise vieillissait et grandissait. Règles de plus en plus strictes. L’influence du paganisme y est indéniable. Cette sclérose apparaît nettement pour le cas des prières : d’abord libres, d’abondance, elles deviennent fixes et sont récitées, puis enfin ne sont plus dites que par le clergé. De même, les chants, à la fin, ne sont plus chantés que par les chantres, dans le chœur.
Certains éléments des cultes païens s’infiltrèrent dans le culte chrétien. Un exemple, parmi d’autres, en est l’usage de l’encens. Pendant trois siècles, l’Eglise fut très hostile à l’encens païen. Son usage s’étendit très lentement, après l’entrée en masse des païens au IVe siècle. Aujourd’hui, on en fait grand emploi pour la messe et les cérémonies. Il y a même des « personnes encensées » (après l’Offertoire, clergé et fidèles en particulier). On procède d’après un ordre hiérarchique strictement fixé : 1. officiant ; 2. les autres dignitaires. On compte cinq coups d’encensoir pour le Saint-Sacrement, la Croix de l’autel, l’officiant, les cardinaux et évêques présents, deux coups pour les dignitaires moins élevés et les reliques, un coup pour les fidèles…
Les vêtements sacerdotaux sont les restes de l’ancien costume romain, du manteau et de la serviette.
La messe et la liturgie catholiques sont une sorte de musée d’antiquités où l’on trouve des souvenirs de tous les siècles. Le latin augmente cette impression de vétusté vénérable.
Jean 4.24 nous parle de la simplicité du culte : « Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. » C’est bien la forme traditionnelle du culte dont parle la Samaritaine, que Jésus condamne… On peut aussi insister sur la simplicité de toutes les réunions dont nous parle le livre des Actes. On ne trouve nulle trace d’un office comparable à la Messe dans l’Ecriture. Le culte chrétien ne doit jamais être un spectacle que le fidèle contemple, mais un acte collectif auquel chacun doit participer.
Il s’agit d’examiner le dogme affirmant que le pain et le vin changent de substance lors de la consécration et deviennent réellement la chair et le sang du Christ.
Mgr Bartmann reconnaît que « les Pères manquaient en général d’une terminologie eucharistique ferme » (PTD II. 331) et les exemples qu’il donne montrent que ce dogme fut inconnu pendant des siècles. C’est au XIIe siècle, chez Hildebert de Lavardin que l’on trouve le mot transsubstantiation pour la première fois. Et c’est au XIIIe siècle, au quatrième Concile de Latran en 1215, que la transsubstantiation fut érigée en dogme. Tout le moyen âge se disputa pour savoir comment s’opérait ce miracle, il fallut trois siècles pour que l’accord se fasse.
En vérité, les Pères des premiers siècles, à propos de la Cène, se partagent en deux groupes : les uns reconnaissent une présence réelle (pas forcément matérielle) : Ignace, Justin, Irénée, tandis que les autres insistent sur une présence spirituelle : Tertullien, Cyprien, Augustin.
Tertullien : « Quand Jésus-Christ distribua le pain à ses disciples, il le fit son corps, c’est-à-dire la figure de son corps. » (Contr. Marcion IV. 40)
Augustin : « Le Seigneur n’a point fait de difficulté pour dire : Ceci est mon corps, dans ce repas où il remit et donna à ses disciples la figure de son corps et de son sang. » (Contre Adimante C. 12).
Raban Maure, évêque de Mayence, en 820 : « Quelques- uns s’imaginent qu’au sacrement du corps et du sang du Seigneur se trouvent le même corps et le même sang de Christ qui ont été pris de la Vierge Marie, j’ai écrit contre cette erreur et montré ce qu’il faut croire à ce sujet. » (Pænitentiatis. De l’institution des Clercs 1.31).
Saint Bernard (Sermon sur la Purification de la Vierge) : « La chair du Christ est mystiquement l’aliment de l’âme, mais elle ne l’est pas du corps ; aussi, n’est-elle pas mangée matériellement ; car tel qu’est cet aliment, telle doit être la manière dont on le mange. »
Mgr Bartmann déclare à ce propos : « Nous ne pouvons pas apporter une preuve formelle de la transsubstantiation, par l’Écriture — le Christ a donné à ses Apôtres son corps et son sang sous les apparences du pain et du vin mais il ne leur a pas expliqué expressément comment il était présent » (PTD IL. 331).
Nous affirmons, nous, que l’Ecriture contredit cette notion même de changement de substance.
Relisons dans l’Evangile le récit de l’institution de la Cène par le Christ : Matthieu 26.26 à 29. Nous en tirons les conclusions suivantes : 1. Jésus veut fonder un rite pour ses disciples ; 2. Ce rite a une analogie avec celui de la Pâque juive ; 3. La clé se trouve dans Jean 6, car il y parle de sa chair et de son sang et là seulement.
D’autre part, si les catholiques avaient raison, on ne comprend pas : 1. Que Jean ne répète pas dans son Evangile le récit des synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) ; 2. Comment Jésus a pu dire : « Ceci est mon-corps brisé », au moment où son corps n’était absolument pas brisé, et où son sang n’était pas répandu ; 3. Si les mots sont à prendre littéralement, pourquoi Jésus a dit : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang » et non pas « ce vin » ; 4. Comment le corps et le sang matériels de Jésus-Christ pourraient avoir une influence sur nos âmes ; 5. Pourquoi, dans d’autres passages, on ne prend pas le verbe être littéralement : je suis la porte, le cep, le chemin, etc… 6. Pourquoi Jésus a dit « Faites ceci en mémoire de moi» s’il est présent réellement ? Ce mot mémoire, que Jésus utilise laisse entendre, en effet, qu’il sera absent lorsque ses disciples célébreront la Cène. D’autre part, Jésus avant sa mort prévient ses disciples de son départ prochain, il leur affirme qu’il va les quitter. Pas une seule fois il ne leur dit : je resterai présent avec vous dans la Sainte Eucharistie. Plus que cela, il dit à ses disciples expressément qu’il sera remplacé sur la terre par le Paraclet, l’Esprit-Saint, qui, lui, sera présent : « il vaut mieux pour vous que je parle, car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais st je pars je vous l’enverrai… » (Jean 16.7).
En instituant la Cène, Jésus voulait : 1. Insister sur la nécessité de son incarnation : Ceci est mon corps (et non pas ma chair) ; 2. Insister sur la nécessité d’une assimilation personnelle par le fidèle ; 3. Emprunter l’image du sang à la pâque juive où un agneau, dont le sang était versé et aspergé sur divers objets, était le signe du rachat du premier-né.
Ces trois idées sont contenues dans la Sainte-Cène, qui n’est pas seulement un mémorial, mais un lieu de rencontre où Dieu nous attend.
La doctrine du sacrifice de la messe nous paraît encore plus insoutenable, bibliquement.
Les théologiens catholiques affirment qu’il s’agit simplement d’abolir en quelque sorte le temps et l’espace, afin de mettre le fidèle en présence du sacrifice unique de Jésus sur la croix. C’est une fiction. En fait, c’est plus que la re-présentation (au sens étymologique) de la croix, pour le fidèle.
Dans les expressions liturgiques, comme dans la pensée des catholiques, il s’agit bel et bien d’un sacrifice renouvelé, ayant une vertu spéciale. Pourquoi, par exemple, si ce n’était que la représentation du sacrifice de Jésus pour les assistants, faudrait-il le faire à maintes reprises pour les morts ?
Tout le Nouveau Testament nous affirme que le sacrifice de Jésus est unique et suffisant, et n’a pas besoin d’être renouvelé (car les Juifs connaissaient les sacrifices renouvelés…). Hébreux 10.1-10 : « En effet, la loi (juive) qui possède une ombre des biens à venir, et non l’exacte représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu’on offre perpétuellement chaque année, amener les assistants à la perfection. »
Hébreux 9.25 : « Et ce n’est bas pour s’offrir lui-même plusieurs fois qu’il y est entré, comme le souverain sacrificateur entre chaque année dans le sanctuaire avec du sang étranger. » Hébreux 7.27 : « … qui n’a pas besoin, comme les souverains sacrificateurs, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, car ceci, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. »
Sous ce dernier texte, la Bible de Jérusalem a une note explicative fort juste : « Cette offrande unique du Christ se place au centre de l’histoire du salut… l’essentiel du salut est acquis dès cet instant où, en la personne du Christ, l’homme est mort au péché et ressuscité à la vie nouvelle. Cette efficacité absolue et définitive du sacrifice du Christ est particulièrement soulignée par Hébreux : accompli « une fois pour toutes », ce sacrifice unique s’oppose aux sacrifices de l’ancienne Alliance, indéfiniment répétés parce qu’impuissants à procurer le salut » (éd. 1956, p. 1581).
D’ailleurs, bibliquement, ce sacrifice de la messe est non valable — même s’il existait — car il est sans effusion de sang. Or, la Bible dit (Hébreux 9.22) : « Et presque tout, d’après la loi, est purifié avec le sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. »
César Malan a un argument intéressant sur ce point : le sacrifice de la messe, c’est Jésus mort. Or, il est dit : « Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine », et dans tout le sacrifice de la messe, aucune allusion n’est faite à la résurrection.
Dans 1 Corinthiens 10.16-17 : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps de Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps ; car nous participons tous à un même bain », Paul précise que notre communion est au même « pain », et non au même corps, à la même hostie qui est d’avance divisée. L’hostie ne rend pas du tout l’image de la communion.
De cette notion particulière de la messe découlent bien des pratiques comparables à celles des religions païennes : l’adoration de l’hostie, par exemple, et toutes les légendes qui s’y rattachent.
Aujourd’hui le fidèle n’a pas le droit de boire au calice, seule l’hostie lui est offerte.
Cette pratique est en contradiction formelle avec tous les textes de l’Ecriture qui parlent de la Cène. Pendant de nombreux siècles les chrétiens ont communié « sous les deux espèces », nul ne le conteste. La coupe était offerte à tous, comme le pain.
L’interdiction de l’usage de la coupe nous paraît un symptôme caractéristique d’un changement de conception la concernant. Elle prouve, à notre avis, que la transsubstantiation est une innovation tardive, inconnue des premiers chrétiens.
L’interdiction de l’usage du calice est une conséquence directe et logique de la notion de changement de substance. C’est vérifié par l’Histoire.
L’usage de la coupe fut interdit au fidèle par le Concile de Constance (1415), décision ratifiée par le Concile de Trente (chapitre III, Canon 1-3). Depuis très longtemps, l’habitude s’était répandue dans les églises de ne pas donner la coupe aux fidèles, de peur de voir quelques gouttes du sang du Christ tomber à terre. En fait, bien des Conciles s’étaient opposés à cette pratique, notamment Clermont en 1095 (XXV, III) et Londres en 1175 (XVI). Ce sont d’abord les laïcs qui ont préféré ne pas courir le risque de verser le sang de Dieu. Plus tard seulement se développa la théologie justifiant cette abstention du vin, et les prêtres considérèrent comme leur privilège d’y toucher.
S’il était vrai, comme l’affirme le dogme, que le Christ est tout entier, chair et sang, dans l’hostie, on ne voit pas pourquoi Jésus aurait donné la coupe en supplément. Si c’est vrai, que retire alors le prêtre de son privilège de toucher seul au calice ?
Celui qui entre pour la première fois dans une église catholique est surpris de voir que tout se passe en dehors du fidèle. C’est plutôt un spectacle. Les prières, les chants et toute la messe sont incompréhensible, car ils se disent en latin. Ainsi en a décidé le Concile de Trente (Sess. XXII), en faisant de cette langue la seule valable liturgiquement. Cela n’est pas une règle absolue, il y a des dérogations : à Saint-Julien-le-Pauvre à Paris, par exemple, le culte est en grec. Les Uniates, en Pologne et en Russie, le font en russe. Les chrétiens dits « de rite oriental » gardent leur langue. La raison invoquée, c’est que, pour une Eglise universelle, il faut une langue universelle : le latin a été choisi pour des raisons compréhensibles. Ainsi, tout chrétien peut, par toute la terre, assister aux mêmes offices. Cela serait explicable et légitime si un effort était fait pour enseigner le latin à tous les fidèles, afin que cette langue devienne vraiment une sorte d’« espéranto » religieux. En fait, et cela est indéniable, on ne demande pas aux fidèles de comprendre. Ils n’ont qu’à écouter. Ainsi, je connais des enfants de chœur ayant servi la messe pendant des années sans avoir jamais su le sens des mots récités.
Ceci est extrêmement grave, pour nous qui croyons surtout à la nécessité pour chacun d’être en relation spirituelle avec la tête, Jésus-Christ : 1 Corinthiens 14.17-29 : « Tu rends, il est vrai, d’excellentes actions de grâces, mais l’autre n’est pas édifié. Je rends grâces à Dieu de ce que je parle en langue plus que vous tous ; mais, dans l’Eglise, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue. »
C’est un exemple de la façon mécanique et magique dont l’Église, bien qu’elle s’en défende, entend prendre à sa charge le salut de l’individu.
De nombreux Pères de l’Eglise ont pourtant jadis protesté, par exemple : Basile (Epit. 63) :
« La coutume unanime de toutes les Eglises est que chacun offre à Dieu ses prières dans sa propre langue ; car, si le sens des mots d’une prière est inconnu à celui qui l’entend, l’esprit de celui qui la prononce n’en produit aucun fruit, puisque ceux qui sont présents n’en recueillent aucun avantage. »
En France, aujourd’hui, de nombreux prêtres comprennent la nécessité de rendre le culte intelligible. De plus en plus, on distribue des missels traduits. Dans certaines églises, la messe est double : elle est traduite en langue vulgaire. Mais le fait demeure malgré tout comme un signe, car dans les pays où l’Eglise catholique règne sans opposition, elle ne songe pas à expliquer la Messe aux fidèles.