Souffrir peut-être… mais guérir

L’échec, également signe du Royaume de Dieu

(Jacques Dubois)

Ce chapitre n’est pas le grain de sable qui enraye et bloque la machine. Il n’est pas question de contredire, ni même de rectifier ce qui vient d’être écrit dans les pages précédentes. Cette étude est un peu comme un morceau indispensable au puzzle que nous aurons construit ensemble.

1. Le sens du mot “échec”

Paraissant énigmatique aux uns, défaitiste aux autres, nous entendons ce mot comme étant la ‘‘non-guérison”. C’est donc l’état dans lequel nous continuons à être, lorsque nous sommes malades, malgré les promesses, malgré les démarches, malgré les prières d’intercession.

Nous sommes ici en pleine actualité. Cette situation est courante et nous connaissons certainement tous des chrétiens malades et qui le restent malgré toutes les interventions qui ont pu être faites auprès du Seigneur.

Ce signe est celui d’une actualité souvent douloureuse et parfois déprimante.

2. Le signe négatif

Il n’entre pas, à proprement parler, dans le cadre de cette étude. Nous aurions pourtant tort de ne pas au moins le signaler. Par signe négatif, nous pensons :

a) aux conséquences de notre incrédulité. Nous sommes malades. Dieu voudrait nous guérir mais nous n’y croyons pas et nous ne le demandons même pas. Nous restons donc dans notre maladie par notre propre faute. Nous sommes un peu dans la même situation que les habitants de Nazareth à propos desquels il est dit que “Jésus ne fit pas beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité” (Matthieu 13.58). L’échec est ici le signe du royaume de notre propre incrédulité.

b) aux conséquences de la désapprobation et du châtiment de Dieu, entre autres lorsque nous sommes des profanateurs. C’était le cas des Corinthiens souillant la table du Seigneur et le moment de la sainte cène : “C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades et qu’un grand nombre sont morts” (1 Corinthiens 11.30). Il y a aussi le cas extrême de l’incestueux de cette même ville de Corinthe que Paul a “livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur” (1 Corinthiens 5.5). Dans ce même dossier nous pouvons y mettre encore le cas d’Ananias et de Saphira (Actes 5.1-11). Ici, l’échec est le signe d’une justice active et punitive immédiate à laquelle, dans sa grâce, le Seigneur n’a heureusement pas toujours recours.

3. Le signe positif

Parler d’échec comme étant un signe du royaume, dans le sens où nous l’entendons, c’est donc affirmer que, dans un certain nombre de cas, Dieu peut ne pas guérir sans qu’apparaissent soit l’ombre de l’incrédulité, soit le signe de la réprobation, soit le spectre de l’interdit.

Est-il juste, biblique, évangélique de croire que la maladie peut être un signe du royaume, un signe positif alors que nous avons prié pour la guérison avec foi, ardeur et persévérance ? Est-il normal de ne pas y voir, malgré tout, un manque de foi, ou un interdit personnel ou communautaire ? Il faut admettre que, sur ce point, les chrétiens ne sont pas tous d’accord.

Il y a donc un malentendu, et parfois un malaise entre deux tendances extrêmes, dont l’une établit un parallèle absolu entre la foi et la santé, et l’autre accepte très facilement, peut-être trop facilement l’alibi de “la volonté du Seigneur” !

Entre ces deux positions très tranchées, auxquelles la suite de cette étude donnera un début de réponse, il y a une situation intermédiaire qui, elle non plus, n’est pas exempte de danger. Il faut la démasquer car, par elle, trop souvent, notre incrédulité naturelle relève la tête. Voici comment les choses se présentent :

Nous admettons la “non-guérison”’ comme signe du royaume qui vient en disant : Dieu est souverain et il ne veut pas nous guérir. C’est ce que nous disions, mais nous pensons autrement. Nous pensons que la situation dans laquelle nous sommes est liée à l’état d’imperfection de notre condition terrestre et qu’il ne serait pas raisonnable d’espérer guérir. Le signe positif n’en est plus un, il est devenu aveu d’impuissance, puisque nous pensons que nous sommes dans une situation fâcheuse avec laquelle nous devons tenir compte. C’est comme si, en réalité, nous disions : Que voulez-vous, les choses sont ce qu’elles sont, et même Dieu ne saurait les changer. L’incrédulité a mis ici son habit du dimanche.

A la lumière de l’Ecriture et par cette série d’études, nous aurons tous compris que la guérison comme la maladie, et la maladie comme la guérison, entrent de plein pied dans un ordre établi, ordre parfait, voulu de Dieu et servant parfaitement son plan car, “toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu” (Romains 8.28), même nos maladies lorsqu’elles font partie de ce plan et entrent dans la catégorie “des choses présentes” (v. 38).

Dans cette optique de la foi, une foi qui conduit à la soumission active au sein même de l’épreuve, la maladie peut être un élément du plan parfait de Dieu, donc un élément parfait lui aussi. Quand je dis “parfait”, je l’entends comme étant de la même perfection que le bourgeon par rapport à la feuille et à la fleur, et comme ceux-ci le sont par rapport au fruit.

C’est ici le signe d’une perfection en devenir.

4. La dimension du salut

La rédemption que nous avons en Jésus-Christ affecte immédiatement notre être tout entier afin que : “Tout notre être, l’esprit, l’âme et le corps soit conservé irrépréhensible lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ” (1 Thessaloniciens 5.23).

La période de l’Ancien Testament est le temps des préparations et des mises en place d’un salut qui va être offert à tout homme. Dans ce temps, les principes appliqués passent par le “visible” et le “tangible” : un peuple ethnique : Israël ; un pays géographique : la Palestine ; un culte uniformisé et fortement structuré : au Tabernacle dans le désert, puis au Temple à Jérusalem. C’est ainsi que l’aspect “temporel et matériel” va peser d’un poids très fort. Je ne veux surtout pas dire que le côté spirituel est absent mais ici, tout s’incarne très fortement. Il se crée donc une mentalité, une conception des choses qui établit une équivalence certaine entre la santé et la bénédiction. Les promesses de Dieu faites à Moïse y conduisent d’ailleurs directement : “Vous servirez l’Eternel votre Dieu, et il bénira votre pain et vos eaux, et j’éloignerai la maladie du milieu de toi. Il n’y aura dans ton pays ni femme qui avorte, ni femme stérile. Je remplirai le nombre de tes jours” (Exode 23.25-26). “Si vous observez ces ordonnances et les mettez en pratique, l’Eternel ton Dieu gardera envers toi l’alliance et la miséricorde qu’il a jurées à tes pères. Il t’aimera, il te bénira et te multipliera. l’Eternel éloignera de toi toute maladie. Il ne t’enverra aucune de ces mauvaises maladies de l’Egypte qui te sont connues, mais il en frappera tous ceux qui te haïssent” (Deutéronome 7.12, 15).

Inversement, et instinctivement, la maladie est souvent présentée comme le résultat du péché (cf. Psaumes 38.2-9). Les amis de Job font simplement de la théologie contemporaine lorsqu’ils tirent la conclusion que tant de maux accusent Job de fautes cachées ! Le pauvre homme !

Certaines communautés chrétiennes ont parfois repris intégralement cette mentalité de l’Ancien Testament à propos du salut et de la notion de la bénédiction. Un frère prospère dans ses affaires est certainement béni par le Seigneur ! Cette optique n’est pas entièrement fausse. Mais elle le devient lorsqu’elle est absolue, exclusive et discriminatoire.

Dans le Nouveau Testament, l’aspect “temporel” n’est, bien sûr, pas entièrement évacué. Dieu n’a cessé d’incarner sa grâce dans nos vies et celle-ci affecte tout notre être, dès à présent. Toutefois le salut et la piété sont désormais davantage encore en relation avec la foi telle qu’elle est exprimée dans Hébreux 11.1.

C’est ici le signe d’un aspect de la victoire de la foi qui va au-delà des situations concrètes immédiates pour vivre déjà dans une délivrance anticipée.

5. Les œuvres de Jésus-Christ

Quand le Seigneur est venu sur la terre, il a guéri beaucoup d’hommes. “Il chassa les esprits par sa parole et il guérit tous les malades, afin que s’accomplit ce qui avait été annoncé par Esaïe le prophète : il a pris nos infirmités, et il s’est chargé de nos maladies” (Matthieu 8.16-17).

C’est un des textes-clés pris par ceux qui conçoivent le salut comme devant être pleinement vécu dans un corps en parfaite santé. Il y a, pour ces frères, une équivalence entre le péché et la maladie, ce qui est exact. Le péché a engendré la maladie et la mort, ce qui est encore exact. En nous délivrant du péché, le Seigneur nous sauve et nous guérit aussi de nos maladies. Il l’a prouvé en guérissant tous les malades quand il était sur la terre, du moins ceux dont il s’est approché.

Nous avons à remarquer que les œuvres de guérison du Seigneur se situent avant la croix, pour nous y conduire et surtout, pour y conduire le Christ. La place exacte qu’elles occupent est de révéler qui est le Christ et qu’elle va être son œuvre. L’apôtre Jean nous donne la clé quand il cite les paroles même de Jésus : “Les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir, ces œuvres même que je fais, témoignent de moi que c’est le Père qui m’a envoyé” (Jean 5.36). Car il n’était pas évident aux Juifs de sa génération qu’il était bien le Messie, l’envoyé du Père. Et parce que la leçon est importante, Jésus insiste plusieurs fois. Ainsi il dit encore : “‘Je vous l’ai dit et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi” (Jean 10.25).

Aucun chrétien visité par la grâce du Seigneur ne niera que Jésus-Christ, par son œuvre sur la croix, nous a introduit dans un salut total, parfait et qui touche notre être entier, esprit, âme et corps. Le problème n’est pas de savoir si, à la croix, il y a une provision de santé totale, comme il y en a une pour le pardon, la question est de savoir comment et quand nous entrons dans notre héritage pour le toucher.

C’est ici le signe de l’espérance qui ne trompe point.

6. Santé relative et santé absolue

Nous avons donc un “droit de grâce” à la santé parfaite puisque Jésus nous l’a acquise à la croix. Mais qu’en est-il de la situation présente ?

Dans un texte capital sur la question, l’apôtre Paul écrit : “Nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. nous savons en effet que si cette tente où nous habitons sur la terre est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est l’ouvrage de Dieu… car tandis que nous sommes dans cette tente, nous gémissons accablés, parce que nous voulons, non pas nous dépouiller, mais nous revêtir, afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie” (2 Corinthiens 4.16 ; 5.1, 4). Nous avons compris que “l’homme extérieur” et ‘‘la tente” sont ici des synonymes et qu’ils représentent notre vie physique, organique. Il est déclaré que cette vie se “détruit” irrémédiablement. Et c’est bien vrai de tout homme.

Chaque homme sur la terre, qu’il soit chrétien ou non, connaît le vieillissement, la décrépitude et, finalement, la mort. Car il est écrit : “Toute chair est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe. L’herbe sèche et la fleur tombe” (1 Pierre 1.24). En naissant physiquement, nous recevons, en nous, le germe de la mort physique. Inexorablement, inlassablement, il travaille en nous et progresse. Certaines cellules, celles du cerveau, par exemple, meurent dès les tout premiers jours de notre existence terrestre. Heureusement que nous en avons assez pour atteindre une blanche vieillesse sans être nécessairement complétement gâteux !

La santé physique présente dont nous jouissons, et qui est relative pour tout homme, est plus le résultat de la bonté d’un Dieu créateur “qui fait luire son soleil et pleuvoir sur les bons comme sur les méchants” (Matthieu 5.45) et “en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être” (Actes 17.28) que la conséquence directe de l’œuvre de Christ à la croix.

Si ce n’était pas le cas :

  1. notre santé serait parfaite, absolue.
  2. seuls ceux qui croient en Jésus-Christ l’obtiendraient.

Ce phénomène d’un corps dont la santé est très relative, même dans le meilleur des cas, fait partie des évidences. L’apôtre Paul, dans son hymne à la résurrection l’attache aux “semailles” : ‘Le corps est semé corruptible, il est semé méprisable, il est semé infirme (asthenéia : faible, malade), il est semé corps animal” (1 Corinthiens 15.42a, 43a, 44a). Et c’est au moment de la “moisson”, que Paul fort justement appelle de préférence “résurrection”, que nous entrons dans la pleine santé. Paul l’exprime en disant : “Il ressuscite incorruptible, il ressuscite glorieux, il ressuscite plein de force, il ressuscite corps spirituel” (même réf.).

Nous sommes ici en plein signe d’un Royaume qui vient.

7. Les trois fautes principales des défenseurs de la santé absolue

Ils font une faute d’incompréhension, d’insoumission et de manque de compassion. Ils se recrutent souvent parmi les chrétiens qui ont été guéris eux-mêmes et qui érigent leurs expériences en principe universel. Ils ne se laissent pas facilement convaincre. Parfois, quand la maladie les visite à nouveau et les tient en son pouvoir, ils décrochent spirituellement et certains abandonnent même la foi. Nous le disons avec tristesse. Il est toujours dangereux de vouloir aller au-delà de ce que Dieu veut.

a) L’incompréhension d’abord qui les conduit à refuser purement et simplement l’évidence biologique et clinique qui cloisonne arbitrairement différentes situations qui pourtant se recoupent et s’imbriquent : maladie et fatigue, ou maladie et vieillissement, ou encore maladie et blessures reçues par exemple en période de persécution.

Mais l’incompréhension va plus loin encore par le télescopage du plein héritage acquis à la croix, un télescopage qui ramène ici dans le temps présent et sur cette terre de péché, un élément qui est mis en réserve pour le moment où nous entrerons dans l’éternité. On sait la “qualité” douteuse de la meilleure des santés que nous pouvons avoir ici-bas. On sait aussi sa fragilité permanente. Aussi bien, prétendre avoir maintenant la santé que le Seigneur nous a acquise à la croix, c’est en diminuer considérablement la valeur et la portée. Car la mesure n’est pas pleine. Nous n’en avons pas treize à la douzaine !

b) L’insoumission ensuite. Car les défenseurs de la santé absolue ne se posent même plus la question de savoir quelle est la volonté de Dieu dans tel et tel cas. Ils ont décrété, une fois pour toutes, sans nuance, sans dérogation, que Dieu veut et doit toujours guérir, que cette situation entre nécessairement dans son plan d’amour. Ainsi, Dieu n’a “aucune chance” d’exercer sa souveraineté. C’est une manière de parler, car il l’exerce quand même, malgré eux. Mais eux, ne le voient pas et ne le reconnaissent pas. Nous devons constamment réapprendre la leçon que notre Dieu est souverain et qu’il agit comme il lui plait. N’est-ce pas l’essentiel de sa réponse à Job “du milieu de la tempête” (Job 38 à 41) ?

c) Un manque de compassion enfin à l’égard de tous ceux qui sont appelés par le Seigneur à assumer leur maladie dans la foi et l’obéissance et qui offrent ainsi à Jésus leur corps malade en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Ils n’apparaissent, aux yeux de ces théoriciens censeurs, que comme des chrétiens manquant de foi. Car c’est la faiblesse de tout système qui n’entre pas pleinement dans le plan de Dieu, d’être un rouleau compresseur et de faire son chemin en nivelant tout, sans aucune sensibilité, sans aucune charité. Comme la théorie de la santé à tout prix ne saurait être prise en défaut un seul instant, ceux qui ne sont pas guéris manquent donc de foi. Logique implacable qui n’a que deux défauts : celui de n’être pas vrai et celui de manquer d’amour. Il n’y a pas longtemps, j’ai visité un ami malade, moralement meurtri et spirituellement blessé après le passage d’un théoricien de la santé à tout prix. Parce que ce frère vit en communion constante avec son Dieu, il pouvait néanmoins dire, en pensant à la fameuse visite : “Père, pardonne-lui, car il ne sait ce qu’il fait.”

Nous avons donc quelque raison de rappeler le danger qu’il y a de vouloir systématiser, schématiser et uniformiser. C’est aller sûrement au-delà de la volonté du Seigneur.

8. Ils font des guérisons mais ne sont pas guérisseurs

Si Jésus a fait beaucoup de miracles, les apôtres et les disciples en ont fait également : “Beaucoup de miracles et de prodiges se faisaient au milieu du peuple par les mains des apôtres. la multitude accourait aussi des villes voisines à Jérusalem, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs et tous étaient guéris” (Actes 5.12, 16).Ceci est parfaitement dans la ligne de l’ordre missionnaire donné dans Marc 16.17, 20. Ce devait être des signes accompagnant la parole et l’authentifiant au même titre que les miracles de Jésus avaient authentifié sa parole, sa personne et son œuvre spirituelle (cf. Marc 2.10, 12).

Le texte que je viens de citer (Actes 5.12, 16) doit aussi être replacé dans son contexte historique, C’était une réponse directe à leur prière dans un climat de persécution : “Et maintenant, Seigneur, vois leurs menaces, et donne à tes serviteurs d’annoncer ta parole avec une pleine assurance, en étendant ta main, pour qu’il se fasse des guérisons, des miracles et des prodiges, par le nom de ton saint serviteur Jésus” (Actes 4.29-30).

Deux textes, l’un se rapportant à Pierre (Actes 5.15), l’autre à Paul (Actes 19.12) sont à la limite d’un climat de superstition. Un miracle spectaculaire peut ainsi provoquer un mouvement idolâtre et superstitieux. Paul et Barnabas ont couru ce danger à Lystres, la foule les identifiant à Mercure et à Jupiter (cf. Actes 14). La valeur spirituelle, la totale consécration, la constante dépendance de Dieu et l’humilité profonde de ces hommes évitent le naufrage.

A la lecture des textes sacrés, il apparaît que si les apôtres ont fait beaucoup de guérisons, ils ne sont pourtant pas des guérisseurs. Il faut citer ici des textes bien connus et parfois exagérément exploités pour justifier notre faiblesse et notre pauvreté d’action :

a) L’apôtre Paul, lui-même, souffleté par un ange de Satan, intercède à trois moments particuliers dans sa vie et reçoit de Dieu une réponse différente de celle que sa chair aurait aimé : “Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse” (2 Corinthiens 12.7). Je n’ai pas dit qu’il n’a pas été exaucé, mais il l’a été différemment de ce qu’il aurait souhaité. Nous comprenons que Paul ait lutté dans la prière pour obtenir la guérison d’autant plus qu’il sait qu’“un ange de Satan l’a souffleté”. Qu’est cette écharde dans la chair ? Selon les renseignements glanés dans ses épitres nous pouvons nous demander si ce n’était pas une forme d’ophtalmie purulente (cf. Gal. 4.14-15 ; 6.11 ; 2 Thessaloniciens 3.17, etc.). C’était une grande épreuve pour un homme appelé à un ministère public et devant beaucoup voyager, aimant lire par surcroit (2 Timothée 4.13). Aux Galates, Paul écrit : “Vous savez que ce fut à cause d’une infirmité dans la chair que je vous ai, pour la première fois, annoncé l’Evangile…” (Galates 4.13). Détail intéressant et, ô combien révélateur ! La maladie a été ici le moyen employé par Dieu pour que Paul annonce l’Evangile aux Galates.

b) Timothée à qui l’apôtre dit : “Ne continue pas à ne boire que de l’eau, mais fais usage d’un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquentes indispositions” (1 Timothée 5.23). Nous connaissons les liens particuliers qui unissaient Paul à Timothée. Le vieil apôtre aimait appeler Timothée, son enfant. Ici pourtant, il ne le guérit pas mais se contente de lui donner quelques conseils pour soulager son jeune frère dans ses crises fréquentes, résultant d’un état chronique.

c) Trophime un autre collaborateur de Paul que ce dernier “a laissé malade à Milet” (2 Timothée 4.20). Pourquoi ne l’avoir pas guéri, alors qu’il en a guéri tant d’autres ? Dirons-nous que Trophime manquait de foi ?

d) Epaphrodite arraché de justesse à la mort car “il a été malade, en effet, et tout près de la mort, mais Dieu a eu pitié de lui, et aussi de moi, afin que je n’eusse pas tristesse sur tristesse” (Philippiens 2.25-27). Non, il ne semble pas avoir été facile le combat dans la prière qui a arraché Epaphrodite à une maladie mortelle, in extremis.

Je ne voudrais pas insister trop sur la thèse développée selon laquelle avec le temps, les miracles ont été moins nécessaires parce que, la Parole de Dieu (le N.T.) s’écrivant de plus en plus, la foi des disciples s’étayait davantage sur l’Ecriture et moins sur les signes miraculeux. Il faut pourtant admettre que les exemples cités d’Epaphrodite (encore qu’ici la guérison soit intervenue), de Timothée, de Trophime et de Paul se trouvent dans les derniers textes rédigés par l’apôtre à la fin de sa vie (épîtres de la captivité et pastorales).

Ce point a soulevé la question de la “nécessité”. Qui pourra se vanter de toujours bien comprendre la volonté de Dieu. Veut-il la guérison, il est nécessaire qu’elle ait lieu. Mais n’exauce-t-il pas ? Il faut alors que la nécessité change de camp. Elle passe du côté de la maladie qui devient “nécessaire” parce que dans son plan. “cet héritage de Dieu fait votre joie quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves…” (1 Pierre 1.6).

Le signe est ici celui d’un Dieu souverain qui fixe, dans nos vies, comme il lui plaît, le programme des “nécessités”.

9. Le “pourquoi” de la maladie

Le proto-évangile (Esaïe 53) présente “l’homme de douleur, habitué à la souffrance”, C’est dans cette direction qu’il faut chercher la bonne réponse au “pourquoi”. Lorsque nous sommes, de par la volonté du Seigneur, éprouvés, affaiblis, souffrants, malades, ne réalisons-nous pas un type nouveau de communion avec celui qui a tant souffert ? C’est une manière douloureuse certes, mais ô combien vraie, de comprendre l’expression de Paul : la communion de ses souffrances.

Nos maladies ne peuvent-elles pas aussi être considérées comme une épreuve de foi comparée à l’or éprouvé par le feu ? (1 Pierre 1.6-7). Et si le Seigneur permet parfois de redoutables épreuves, n’est-ce pas parce qu’il nous a jugé digne de souffrir ? Je pense aux propos d’un chrétien complètement paralysé alors qu’il n’a pas encore 50 ans. Il me disait : “Il faut plus de foi et de meilleure qualité, pour persévérer dans la confiance et dans la reconnaissance 24 heures sur 24, que pour guérir d’un seul coup.” C’est à titre de témoignage que je dis ces choses, je n’en fais pas un dogme.

Je ne sais pas si Gaïus était malade ou simplement souffrant, mais il est préférable de pouvoir dire à quelqu’un ce que l’apôtre Jean lui a dit : “Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l’état de ton âme” (3 Jean 2) plutôt que le contraire.

Le “pourquoi” restera pourtant souvent un mystère qui ne nous sera expliqué que là-haut. Une des questions les plus difficiles est celle de savoir pourquoi les uns, et pas les autres ! Pourquoi les délivrances accordées à ceux qui sont nommés dans Hébreux 11.1-35a alors qu’elles ne sont pas accordées à ceux qui occupent la fin du même chapitre (Hébreux 11.35b-40) en ayant pourtant la même foi. C’est pourtant le même Seigneur avec les mêmes promesses. Un jour, nous saurons, quand nous connaîtrons comme nous avons été connus.

Le signe est ici celui d’une communion réelle avec les souffrances de Christ et d’une conformité certaine dans sa mort, pour parvenir à la résurrection d’entre les morts (cf. Philippiens 3.10-11).

10. En quoi le signe du “Royaume” ?

Même si nous considérons la maladie parfois comme un état de chose parfait, à l’intérieur du plan de Dieu pour nos vies particulières, il n’en demeure pas moins que nous sommes en attente du Royaume, un Royaume éternel aux fondements inébranlables, là où il est dit qu’“Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses auront disparu” (Apocalypse 21.4). Nous rappelons ces promesses dans la joie de la foi et de l’espérance.

Mais il y a plus. Alors que nous sommes appelés à souffrir sans murmurer, en restant dans la paix et la joie du Seigneur (Philippiens 4.4), nous démontrons une autre réalité, celle de l’amour véritable. Nous aimons Dieu non pas d’abord pour ce qu’il nous donne, mais pour ce qu’il est et nous redisons comme Job, cette extraordinaire parole de foi : ‘‘L’Eternel a donné, l’Eternel a ôté, que le nom de l’Eternel soit béni (Job 1.21).

“Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour. Mais la plus grande des trois, c’est l’amour (1 Corinthiens 13.13).

Conclusion

Si nous avons le privilège très grand d’avoir une bonne santé, qu’en faisons-nous ? La mettons-nous vraiment à la disposition du Seigneur et au service de nos frères ? Ou bien la monnayons-nous pour notre propre jouissance égoïste ? Il nous sera demandé, un jour, ce que nous aurons fait du capital énorme que représente une bonne santé. C’est un “talent” qui ne nous appartient pas et nous devons le faire valoir au service du Maître.

Et pour être pratique, et rester dans notre sujet, nous nous exhorterons à :

a) aimer ceux qui souffrent, alors qu’ils sont parfois si peu aimables, irrités par leur souffrance et révoltés dans leur épreuve. Nous les entourerons, les aiderons, les visiterons et prierons pour eux et avec eux. Nous leur apporterons ainsi un secours spirituel et matériel.

b) connaître la volonté de Dieu. De même que le médecin recommence son diagnostic avec chaque malade, nous nous replacerons chaque fois devant le Seigneur pour connaître son plan et agir en conséquence. Et nous nous méfierons de nos formules toutes faites et de nos recettes à la chaîne.

c) demander selon la volonté révélée, avec foi, persévérance, jusqu’à l’exaucement. Le temps des miracles n’est pas passé et Dieu est fidèle. Il a fait de nombreuses promesses et il les tient toutes.

d) accepter dans la reconnaissance et la soumission filiale la délivrance préparée par le Seigneur, que celle-ci ait lieu ici-bas ou dans son royaume seulement. Car en vivant sur la terre, nous sommes déjà citoyens des cieux (Philippiens 3.20).

…et c’est ainsi “que maintenant comme toujours, Christ sera glorifié dans notre corps avec une pleine assurance, soit par notre vie, soit par notre mort, car Christ est notre vie, et la mort est un gain” (Philippiens 1.20).

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