Le repos éternel des Saints

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Misère de ceux qui perdent le repos des Saints

Lecteur, si vous êtes étranger à Christ, à la nature et à la vie sainte de son peuple que nous venons de décrire, si vous vivez et si vous mourez dans cet état, permettez-moi de vous dire que vous n’aurez jamais part aux joies du ciel et que vous ne goûterez jamais le repos éternel des saints. Je suis chargé pour vous d’un message de la part de Dieu : comme la parole de Dieu est véritable, vous ne jouirez jamais du bonheur de sa présence. C’est là la sentence que j’ai ordre de prononcer sur vous : prenez-la comme vous voudrez et échappez-y si vous pouvez. Je sais qu’une soumission humble et cordiale à Jésus-Christ vous sauverait : il vous reconnaîtrait comme membre de sa famille et vous donnerait une part dans l’héritage de ses élus. Si mon message pouvait avoir un aussi heureux résultat, je ne m’affligerais point comme Jonas, de ce que les menaces de Dieu ne seraient point exécutées contre vous ; loin de là, je bénirais le jour où Dieu m’aurait accordé un tel succès. Mais si vous venez à mourir sans être régénéré, aussi vrai que les cieux sont au-dessus de votre tête, et la terre sous vos pieds, vous serez exclu du repos des saints, et vous recevrez votre portion dans les peines éternelles.

« Mais, me direz-vous, quand est-ce que Dieu vous a montré le livre de vie, et quand vous a-t-il révélé quels sont ceux qui seront sauvés et quels sont ceux qui seront exclus ? » — Je ne vous nomme point, vous ou tout autre ; j’affirme seulement que ce sera le sort de tous ceux qui ne se sont point régénérés, et le vôtre si vous êtes dans cet état. Je ne me mêle point non plus de déterminer quels sont ceux qui se repentiront, et ceux qui ne se repentiront point ; encore moins d’affirmer que vous ne vous repentirez jamais. J’aimerais mieux vous montrer quelles espérances vous avez encore devant vous, si vous ne voulez pas les perdre par votre négligence. J’aimerais mieux vous persuader de prêter l’oreille à temps, avant que la porte soit fermée, plutôt que de vous dire qu’il n’y a plus pour vous d’espoir de repentance. Mais si la description que nous avons donnée du peuple de Dieu n’est pas conforme à l’état de votre âme, c’est une question bien épineuse de savoir si vous serez jamais sauvé.

Ai-je besoin de monter au ciel pour savoir que sans la sanctification nul ne verra le Seigneur ; que ceux qui ont le cœur pur sont les seuls qui verront Dieu ; que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ? Ai-je besoin d’aller au ciel pour demander à Jésus-Christ ce qu’il est venu nous apprendre en descendant sur la terre, ce que nous ont enseigné les apôtres inspirés de son esprit, et dont ils ont laissé un témoignage à l’univers ? Et quoique je ne connaisse point les secrets de votre cœur, quoique je ne puisse vous dire si c’est là ou non votre état, cependant si vous voulez vous en occuper, vous pouvez savoir de vous-même si vous êtes ou non héritier du ciel. Tout ce que je désire, c’est que si vous êtes encore sous la condamnation, vous puissiez le reconnaître et y échapper ; mais comment échapperez-vous, si vous négligez Christ et son salut ? Cela est aussi impossible qu’il l’est que les démons eux-mêmes soient sauvés. — Quand Balthazar vit une main mystérieuse écrire sur la muraille, ses genoux se choquèrent l’un contre l’autre. De quelle frayeur ne devez-vous pas être saisi, vous contre qui la main de Dieu s’est déclarée, non pas dans une ou deux sentences, mais dans toute la teneur des Écritures qui nous menacent de la perte d’un royaume éternel ! Comme je voudrais que vous prissiez cette perte à cœur, je vous montrerai la nature de la perte du ciel et les circonstances qui l’aggravent.

I. En perdant le ciel, les impies perdent Dieu lui-même, tous les sentiments délicieux qui naissent de l’union avec Dieu, la bienheureuse société des anges et des saints.

1o. Les impies ne soutiendront avec Dieu aucun rapport d’une nature consolante, et n’auront point de communion avec lui. Ils ont refusé d’avoir la connaissance de Dieu et lui ont dit : Eloigne-toi de nous, car nous ne nous soucions point de connaître tes voies. Dieu à son tour ne les admettra point à participer à l’héritage de ses saints, ne leur permettra point de demeurer en sa présence, mais leur dira : Je ne vous connais point ; éloignez-vous de moi, vous qui faites métier d’iniquité. Ils sont prêts maintenant à soutenir avec confiance leurs droits à Christ et au ciel, comme s’ils étaient de pieux et sincères croyants. Le blasphémateur, l’ivrogne, le fornicateur, le mondain disent : « Dieu n’est-il pas notre père aussi bien que le vôtre ? » Mais quand Christ séparera ses disciples de ses ennemis, ses amis sincères de ses aveugles flatteurs, que deviendra leur prétention présomptueuse ? Ils reconnaîtront alors, que Dieu n’est pas leur père, parce qu’ils n’ont pas voulu être son peuple. Comme ils n’ont pas voulu que Dieu habitât en eux par son esprit, de même ce tabernacle d’iniquité n’aura aucune communion avec lui ; les méchants n’habiteront point la cité de Dieu. Le monde ignore quel perte fait l’âme qui perd Dieu. Si la terre perdait la lumière du soleil, elle ne serait qu’un cachot ; et cependant cela n’est rien auprès de la perte de Dieu. Comme la jouissance de Dieu est la jouissance de tout, de même la perte de Dieu est la perte de tout.

2o. Ils perdent aussi tous les sentiments délicieux qui naissent de l’union avec Dieu : cette connaissance ravissante, l’aspect de sa glorieuse image, le plaisir inconcevable de l’aimer, le sentiment de son amour infini pour nous, la joie constante de ses saints et les flots de consolation qu’il répand sur eux. N’est-ce rien que de perdre tout cela ? Pécheurs, vos cœurs n’étaient point attachés à Dieu pendant votre vie ; vous auriez volontiers demeuré sur la terre si vous en aviez trouvé le moyen : devez-vous donc être membres du chœur céleste ?

3o. Ils seront privés de la bienheureuse société des anges et des saints glorifiés. Au lieu d’être les compagnons de ces esprits bienheureux, ils seront membres de la confrérie de l’enfer, où ils auront des compagnons d’une toute autre nature.

Pécheurs, vous serez exclus de cette société dont vous vous êtes exclus vous-mêmes ; et vous serez séparés de ceux avec qui vous n’avez point voulu être unis.

II. Je sais qu’il ne manque pas de gens prêts à s’imaginer que, comme dans ce monde ils se passent volontiers de tout cela, ils s’en passeront tout aussi bien dans le monde à venir. Mais pour se convaincre que cette perte du ciel sera pour eux un tourment cruel, qu’ils réfléchissent à ceci : leur intelligence sera éclairée, en sorte qu’ils connaîtront leur perte ; — leur conscience leur en fera une application plus immédiate ; — leurs perceptions ne seront plus engourdies ; — leur mémoire ne les trompera plus.

1o. Leur intelligence sera éclairée, en sorte qu’ils connaîtront la valeur de tout ce qu’ils ont perdu. Maintenant ils ne s’inquiètent pas de perdre Dieu, parce qu’ils n’ont jamais connu toute son excellence ; ils ne s’inquiètent pas non plus de perdre cette bienheureuse société, car ils n’en ont jamais connu la valeur. Un homme qui a perdu un joyau qu’il prenait pour une pierre commune, ne se chagrine pas de cette perte ; mais il s’en chagrine lorsqu’il vient à connaître ce qu’il a perdu. L’intelligence des damnés sans être sanctifiée sera dégagée d’une foule d’erreurs. Ils font plus de cas maintenant de leurs honneurs, de leurs biens, de leurs plaisirs, de leur santé et de leur vie que des biens d’un autre monde ; mais quand toutes ces choses les auront laissés dans le malheur, quand ils connaîtront par expérience ce qu’ils ne connaissaient que par les livres ou par les discours, ils penseront autrement. Avant d’avoir été jetés au feu, ils ne croyaient pas qu’il dût les brûler ; mais quand ils le sentiront, ils le croiront alors. La colère de Dieu, la folie du péché, la misère des pécheurs se font sentir à ces âmes condamnées autrement qu’à celles qui sont encore sur la terre et qui ne connaissent toutes ces choses que par ouï-dire. Le condamné qui marche au supplice sent le prix de la vie bien plus vivement qu’il ne le sentait dans un temps plus heureux. De même c’est quand les damnés auront perdu le bonheur éternel qu’ils sentiront toute la grandeur de leur perte.

2o. Leurs consciences leur feront de cette doctrine une application plus vraie et plus immédiate, qui accroîtra singulièrement leur peine. Ils ne s’appliquent point maintenant cette doctrine, et voilà la cause de leur sécurité et de leur calme. Ils croient à peine à un tel état de misère, et encore moins que cet état doive être à jamais le leur. C’est là ce qui détruit pour eux le fruit de tant de sermons, de tant d’exhortations, de tant de menaces. Qu’un ministre de Christ leur montre leur misère de la manière la plus claire et la plus frappante, ils ne se persuaderont jamais qu’ils soient si misérables. Qu’il leur découvre la gloire qu’ils doivent perdre et les souffrances qu’ils doivent endurer, et ils s’imagineront qu’il n’est pas question d’eux, mais seulement de quelques pécheurs scandaleux. Rien n’est plus difficile que d’amener un homme corrompu à reconnaître sa corruption, et à se voir dans un état de réprobation et de condamnation. Etrangers à la nouvelle naissance, ennemis de la sainteté, ils peuvent s’apercevoir qu’ils n’y ont aucune part, et cependant ils s’attendent à voir Dieu et à être sauvés, avec autant de confiance que s’ils étaient les gens les plus pieux du monde.

3o. Leurs perceptions ne seront plus engourdies ; elles seront au contraire plus vives. L’endurcissement de leur cœur leur fait regarder le ciel et l’enfer comme des bagatelles. Nous leur avons montré la gloire et la misère éternelle, mais ils sont comme des hommes endormis ; nos paroles, comme des pierres lancées contre un mur, rebondissent vers nous : nous parlons de choses terribles, mais c’est à des hommes morts : nous sondons leurs plaies, mais ils sont insensibles : nous parlons à des rochers plutôt qu’à des hommes ; la terre tremblerait plus facilement qu’eux. Mais quand ces âmes mortes seront rappelées à la vie, quelle sensibilité exquise ! quelles horribles angoisses ! quel chagrin profond ! comme elles se reprocheront leur ancienne folie ! les larmes de la femme la plus tendre sur la perte d’un époux ne sont rien auprès des gémissements de ceux qui auront perdu le ciel. Avec quelle fureur ces créatures abandonnées s’accuseront et se tourmenteront elles-mêmes ! Comme elles déchireront leur propre cœur, et exécuteront sur elles-mêmes les vengeances de Dieu !

4o. Leur mémoire sera aussi sûre et aussi développée que leur intelligence et leurs affections. Ils auraient regardé le néant comme un grand bienfait, mais ils ne peuvent se dépouiller d’aucune partie de leur être. L’intelligence, la conscience, les affections, la mémoire, toutes leurs facultés seront vivantes pour les tourmenter. Par elles, ils se seraient nourris de l’amour de Dieu, ils auraient éternellement ressenti les joies de sa présence : par elles ils doivent se nourrir de sa colère, et souffrir éternellement la peine de son absence.

La pensée de la grandeur de la gloire qu’ils ont perdue fera leur tourment. Ce ne serait rien si cette perte pouvait se réparer ; mais perdre le poids éternel d’une gloire excellente ! penser qu’il fut un temps ou ils pouvaient l’obtenir ! « Il fut un temps où je pouvais comme les autres prétendre au royaume de Dieu. J’étais placé sur la scène du monde, et si j’avais rempli mon rôle fidèlement, j’aurais pu être compté au nombre des saints bienheureux. Le Seigneur a mis devant moi la vie et la mort, et j’ai choisi la mort. Le prix était devant moi ; si j’avais bien couru, j’aurais pu le remporter : si j’avais lutté avec ardeur, j’aurais pu être vainqueur. » Ils seront tourmentés en songeant que non seulement il leur était possible d’obtenir la couronne, mais qu’ils avaient pour cela toute chance favorable. J’ai eu à ma disposition le secours du Saint-Esprit : « J’allais devenir un homme nouveau, m’attacher à Christ et renoncer au monde. Je renonçais déjà à mes misérables convoitises charnelles. J’avais abandonné mes anciens compagnons ; je recherchais la société des hommes pieux. Et cependant, je suis retourné en arrière, j’ai lâché prise, j’ai violé mes promesses ! Oh !, combien j’ai été près du ciel ! je le touchais presque et je l’ai perdu. »

Le souvenir des occasions perdues les tourmentera aussi cruellement. « J’ai perdu des semaines, des mois, des années dont le bon emploi aurait pu me rendre heureux ! Misérable que j’étais ! ne pouvais-je trouver du temps pour cette œuvre pour laquelle tout mon temps m’était donné ? J’avais du temps pour le plaisir, pour les vains discours, et je n’en avais point pour la prière ! O temps précieux ! autrefois je ne savais comment l’employer, maintenant il est écoulé et ne peut revenir. Oh ! si j’avais seulement une année à vivre, comme je me hâterais de me repentir, comme je prierais avec ardeur, comme je vivrais saintement ! Mais il est trop tard, hélas ! trop tard. »

Le souvenir de tous les efforts qu’on a faits pour les convertir augmentera leur douleur. « Les ministres de Christ auraient bien voulu me voir échapper à ces tourments. Avec quel amour et quel tendre empressement m’ont-ils sollicité ! et je n’ai fait qu’en rire. Comme ils ont mis à nu mon propre cœur ! Qu’ils auraient été heureux s’ils m’avaient vu retourner sincèrement à Christ ! Mes pieux amis m’ont averti : ils m’ont dit quel serait à la fin le fruit de mon entêtement et de ma négligence : mais jamais je n’ai voulu les écouter ni les croire. Combien de temps Dieu lui-même a-t- il daigné me supplier ! Avec quelle persévérance l’Esprit luttait contre mon cœur ! comme s’il lui en eût coûté d’accepter mon refus. Combien de fois Christ a-t-il frappé en me criant : Ouvre, pécheur, ouvre ton cœur, pourquoi tardes-tu ? ne veux-tu pas recevoir ton pardon, être sanctifié et heureux ? »

Oh ! comme le souvenir de ces instances divines indignera les damnés contre eux-mêmes ! « Faut-il que j’épuise la patience de Christ ? Faut-il que le Dieu du ciel me poursuive en vain ? faut-il qu’il se lasse à me crier : Repens-toi, convertis-toi ? C’est avec justice que cette patience se change en fureur ; c’est avec justice que cette fureur éclate contre moi avec une violence irrésistible. Quand le Seigneur me criait : « Ne veux-tu point être purifié ? Quand sera-ce ? » mon cœur, ou du moins ma conduite répondait : « Jamais. » Et maintenant quand je m’écrie : « Oh ! quand serai-je délivré de ce tourment ? c’est avec justice que je reçois la même réponse : Jamais, jamais. »

Il sera également pénible pour eux de se souvenir à quelles conditions faciles ils auraient pu échapper à cette misère. Ils n’avaient qu’à se repentir et à accepter de tout leur cœur Christ pour leur Sauveur, à renoncer au monde et à la chair, à abandonner leurs propres voies pour marcher dans les saintes et délicieuses voies de Dieu. « Ah ! dit le malheureux au milieu des tourments, c’est avec justice que je souffre tous ces maux puisque je n’ai pas voulu prendre la moindre peine pour les éviter. Où était ma raison, quand je regardais le Seigneur comme un maître dur, et que je ne me croyais libre qu’en servant le Diable et la chair ? quand j’accusais la sainte voie de Dieu d’une rigueur inutile ; quand je trouvais les lois de Christ trop sévères ? Quand même Jésus-Christ m’aurait ordonné quelque grand sacrifice, de souffrir cent fois la mort, n’aurais-je pas dû le faire ? A plus forte raison devais-je lui obéir quand il me disait seulement : Crois et sois sauvé ; cherche ma face et ton âme vivra ; prends ta croix, suis-moi et je te donnerai la vie éternelle. O offre gracieuse ! ô douces conditions ! misérable que je suis de n’avoir pas voulu les accepter ! »

Le souvenir du prix auquel ils ont vendu leur bonheur éternel les tourmentera horriblement. Quand ils compareront la valeur des plaisirs du péché avec la valeur des récompenses éternelles, ils seront confondus d’une si étonnante disproportion. D’un côté, les vils plaisirs de la chair, les applaudissements des hommes, la possession de monceaux d’or ; de l’autre côté, la gloire éternelle. « Et voilà le prix pour lequel j’ai vendu mon âme, mon Dieu, mes espérances de bonheur. Malheureux que je suis ! vendre son âme pour un si bas prix ! comme Judas, vendre son Sauveur pour un peu d’argent ! Quel échange insensé ! Encore si j’avais gagné le monde et perdu mon âme ; mais hélas ! pour bien peu de chose j’ai abandonné ma part de gloire. » Oh ! que les pécheurs pensent à cela quand ils nagent au milieu des délices de la chair ; quand ils poursuivent les richesses et les honneurs de ce monde ; quand ils se plongent en désespérés dans d’évidentes transgressions ; quand ils pèchent contre la voix de leur conscience !

Ce qui augmentera encore leurs tourments, ce sera de penser qu’ils ont volontairement causé leur propre perte. C’est un choix qu’ils ont fait librement, et personne au monde n’aurait pu les forcer à pécher contre leur volonté. Cette pensée sera poignante pour eux. « N’avais-je pas assez d’ennemis dans le monde, et faut-il que je sois mon propre ennemi ? Dieu n’a jamais donné ni à Satan, ni au monde, le pouvoir de me forcer à commettre la moindre transgression : ils ne pouvaient que m’y solliciter. J’ai cédé moi-même, et j’ai fait le mal ; je n’ai jamais eu de plus grand ennemi que moi-même. » Les pécheurs auront ainsi le cœur rongé de l’idée qu’ils ont été eux-mêmes la cause de leur ruine.

Dieu veuille vous persuader, lecteur, de vous livrer à ces pensées maintenant, pour vous préserver du malheur inconcevable de vous y livrer dans le séjour des tourments ! Ne dites pas que ce sont des pensées chimériques. Lisez ce que pensait le mauvais riche, étant dans les tourments. »

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