Les évangiles apocryphes, productions de peu de valeur, peuvent être cependant instructifs en nous montrant combien l’œuvre des hommes, dans ce domaine, est misérable ; ici, comme toujours, la gloire de la vérité paraît avec d’autant plus d’éclat, quand on la compare avec ce qui est faux. Il vaut la peine de constater la différence qui existe entre les miracles de ces évangiles et ceux de nos évangiles canoniques ; dans ces derniers, le miracle est sans doute important, quoique toujours subordonné à la doctrine qu’il doit confirmer ; c’est un anneau dans la grande chaîne de la révélation de Dieu aux hommes. Les miracles nous conduisent toujours à leur Auteur ; ils nous apparaissent comme des rayons de la gloire du Fils de Dieu ; ils font partie d’un tout organique dont les éléments sont bien unis entre eux. Il en est autrement dans les récits apocryphes ; les miracles n’y occupent pas seulement la première place ; ils y sont tout et se rapportent exclusivement à l’enfance de Jésus-Christ, tandis que les évangiles canoniques nous parlent du miracle de Cana comme ayant été le premier (Jean 2.11).
Les faits rapportés par les évangiles apocryphes ne sont que de simples prodiges, sans aucun but élevé ; l’écrivain ne se propose que d’entretenir l’amour du merveilleux ; il ne pourrait pas dire : « Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom » (Jean 20.31). Non seulement l’élément religieux, mais l’élément moral en est souvent absent. Le Seigneur Jésus nous y est présenté comme un enfant capricieux et passionné ; il a le pouvoir de se venger d’une manière terrible de tous les torts qu’on lui fait. Citons quelques exemples comme preuve de ce que nous disons ici. — Quelques enfants refusent de jouer avec Jésus, et le fuient : il les poursuit et les change en chevreaux ; un enfant vient le heurter accidentellement et le renverse : alors lui, exaspéré, s’écrie : « Puisque tu m’as fait tomber, tu tomberas à ton tour et tu ne te relèveras pas ; » au même moment, l’enfant tombe et expire. Il a une dispute avec le maître qui lui enseigne les lettres ; le maître le frappe, alors Jésus le maudit aussitôt son bras se dessèche, il tombe sur sa face et meurt. Des faits semblables ont lieu jusqu’à ce que Joseph dise à Marie : « Désormais, ne le laissons plus sortir, car quiconque lui résiste meurt aussitôt. » — A l’âge de cinq ans, il fait des oiseaux avec de l’argile et leur donne la vie !
Telle est l’idée que les auteurs des évangiles apocryphes nous donnent du saint enfant Jésus ; ce n’est pas étonnant, car l’homme ne peut concevoir la perfection, moins encore la réaliser. Les miracles apocryphes qui n’ont pas ce caractère révoltant sont puérils, ce sont des tours de magicien, jamais des actes de puissance et d’amour ; l’idée de rédemption en est complètement absente. Ce n’est pas à dire que ces miracles n’aient jamais un caractère bienfaisant, mais ils ne nous offrent pas l’image d’un Sauveur plein de grâce et de puissance. Le plus frappant de ces miracles de l’enfance de Jésus est celui de la chute des idoles d’Egypte, au moment de l’arrivée de Jésus dans ce pays ; on peut y voir un symbole et une prophétie de la ruine de l’idolâtrie. Les lions et les léopards qui l’entourent sans lui faire aucun mal, pendant qu’il traverse le désert pour se rendre en Egypte, sont également un symbole de l’œuvre réparatrice du second Adam, venu pour rouvrir le jardin d’Éden. Mais, sauf quelques exceptions, les évangiles apocryphes sont un recueil de prodiges sans but, sans valeur ; ils nous montrent combien les facteurs de sagesse et d’amour sont nécessaires pour opérer un vrai miracle.