Préparation. — Moyens employés après certains résultats. — Coïncidences remarquables. — Conférence à Pittsburg. — Jour de jeûne et de prière. — Conférence à Cincinnati. — Visites des familles. — Influence générale du réveil sur l’Eglise.
On a cru, comme nous le disions, que c’était la grande crise commerciale et la dureté des temps qui avaient obligé les hommes à reconnaître leur dépendance vis-à-vis de Dieu, et qui avaient préparé les cœurs à recevoir des impressions religieuses et à subir l’influence des vérités chrétiennes.
Nous sommes dispensé d’examiner si de telles causes peuvent rendre compte de pareils résultats, car la suite va démontrer que le réveil avait commencé avant cette crise financière. Nous ne nions pas que cette catastrophe sociale n’ait contribué à fixer les esprits et à leur faire sentir leur dépendance à l’égard d’un Etre supérieur ; mais tous les raisonnements de ce genre seront impuissants pour assigner une cause humaine à cette œuvre prodigieuse, et n’aboutiront, en dernière analyse, qu’à nommer la souveraine grâce de Celui qui a promis d’écouter et d’exaucer la prière.
La première réunion mixte de prière se tenait le 23 septembre 1857, dans Fulton Street. On ne l’avait pas convoquée pour produire un réveil ; on n’y pensait même pas. Mais Dieu avait ses vues. Les réunions mixtes établies sur tout le territoire n’ont pas non plus été instituées en vue de réveiller le sentiment chrétien, mais plutôt pour nourrir celui qui existait déjà, et afin de lui donner essor. On ouvrait ces réunions non pour créer les besoins religieux, mais pour y répondre ; ce qui est très différent et très significatif. Nulle part, le réveil n’avait été précédé ni accompagné de mesures particulières, prises en vue de produire une surexcitation religieuse. Toutes ces réunions mixtes, au contraire, ont été simplement la conséquence d’un fait, savoir : que Dieu répandait son Esprit de grâce et de supplication ; et gloire lui en soit rendue ! Telle est la véritable cause première de cette grande résurrection spirituelle qui s’est produite presque simultanément dans toute l’étendue de ce vaste continent. Comment douter, après cela, que le jour favorable du Seigneur ne fût venu ! En tous lieux, la voix populaire faisait dater « le réveil » du jour où la première réunion avait été ouverte ; mais il datait de plus loin. Le caractère constant du réveil était la prière ; la prière faite par des chrétiens de toutes dénominations ; la prière persévérante, s’élevant chaque jour comme un épais nuage d’encens devant le trône de Dieu, inspirée par le Seigneur et exaucée aussi par le Seigneur. Une telle prière est une puissance qui remue le ciel ; une telle prière ne peut qu’être entendue et remporter la victoire.
Parmi les indices précurseurs de ce réveil dans les pays de l’Ouest, se trouve la convocation à Pittsburgh d’une conférence qui se tint vers la fin de l’automne de 1857. Cette conférence prolongea ses séances pendant trois jours, et traita du besoin d’un réveil général dans toutes les Eglises de son ressort et dans d’autres encore. On y parla des moyens, des obstacles, des motifs d’espérance, des besoins actuels, des indications providentielles et de tout ce qui se rapporte à cet important sujet. La réunion fut solennelle, émouvante et encourageante. On pria la plupart du temps. Il n’y avait là pas moins de deux cents pasteurs, sans compter beaucoup de laïques, attirés par l’intérêt de la circonstance. L’influence d’une pareille conférence ne pouvait venir plus à propos ni produire un meilleur effet. On discuta avec une rare habileté et un sérieux remarquable. Un comité fut chargé d’adresser un appel aux Eglises. Cet appel était imprégné d’un esprit de réveil à la fois incisif et pressant ; il était plein d’opportunité et de suggestions utiles. On insistait pour qu’il fût lu du haut des chaires le dimanche, et discuté ensuite, point par point, par les diacres et les anciens de chaque église, avec beaucoup de prières. On demandait en outre qu’un plan de visites fût adopté, moyennant lequel toutes les familles de chaque paroisse fussent visitées, soit par le pasteur, soit par l’un des chrétiens les plus expérimentés. On demandait enfin aux pasteurs de prêcher sur la nécessité de mettre à profit « l’épreuve cruelle » du moment, et de presser leurs auditeurs de s’adonner à la prière.
Conformément à ces arrangements, le premier dimanche de janvier 1858, des multitudes de pasteurs presbytériens ou autres prêchèrent sur le besoin d’un réveil et la possibilité de l’obtenir. Le jeudi suivant fut un jour de jeûne, d’humiliation et de prière. L’effet de ces efforts se fit sentir dans le pays, et ceux qui se réveillaient déjà en reçurent une puissante impulsion.
Fort peu de temps après cette conférence de Pittsburg, il s’en tint une autre à Cincinnati, dans le même but. Même concours de pasteurs, mêmes résultats. L’esprit public en fut frappé. De toutes parts, dans les hôtels, dans les magasins, dans les boutiques, dans les tavernes, dans les wagons des chemins de fer et ailleurs, on n’entendait plus parler que du « grand réveil ». La presse religieuse et la presse séculière, à leur tour, ne cessaient, surtout dans les campagnes, de donner des détails sur un sujet qui éclipsait tous les autres, et qui était devenu le thème de toutes les conversations.
Quant à la ville de New-York elle-même, l’organisation des distributions de traités et celle des visites pour l’école du dimanche furent extrêmement favorables à la naissance et à la propagation du mouvement, ainsi qu’à sa continuation jusqu’au moment actuel. Vers la fin de 1857, on avait adopté un système plus efficace encore, consistant à explorer et à fouiller les quartiers les plus mal famés de cette grande cité et à presser des milliers d’âmes abandonnées et négligeant leur salut de venir au culte et d’envoyer leurs enfants aux écoles du dimanche. On avait décidé de ne pas s’en tenir à chercher le long des haies et dans les carrefours, mais de pousser cette battue générale jusque dans les avenues fashionables et les familles à la mode. Le nombre de ceux qui se rendaient à la maison de prière s’en trouva considérablement accru. Plusieurs dénominations s’étaient associées pour cette œuvre, et toutes en ressentirent les heureux effets. Le nombre des enfants se trouva augmenté dans toutes les écoles du dimanche, et même doublé dans un grand nombre. De la sorte, des milliers de personnes, les unes appartenant au grand monde, les autres habitant les galetas ou les caves, venaient grossir les foules qui se rendaient le dimanche matin dans le sanctuaire. Pauvres et riches suivaient ensemble le même chemin et venaient s’asseoir côte à côte dans la maison de Dieu.
Ce système de visites fut organisé à New-York et à Brooklyn presque en même temps, chaque église visitant dans toute sa circonscription et allant à la recherche de tous les genres de dénuement.
Les bons effets du réveil sont visibles aujourd’hui dans les grandes comme dans les petites villes, et jusque dans les villages. Semblable à une marée qui monte, la mondanité, cet élément destructeur de toute activité et de tout sentiment religieux, avait fait irruption de toutes parts et commençait à ébranler notre vie sociale jusque dans ses fondements. C’est à peine si l’on se rendait compte du relâchement général dans lequel on était plongé. On paraissait encore extérieurement attaché à la religion ; mais la force de la piété et la vie avaient disparu. On s’en apercevait bien moins le dimanche que les autres jours. Les troupeaux n’oubliaient pas le local où l’on prêchait le sermon, mais bien celui où se tenait la réunion de prière. A peine si le quart des membres actifs des diverses églises pensaient encore à s’y rendre ! Ils y allaient peut-être dans les moments où l’intérêt religieux était stimulé par quelque circonstance nouvelle ou par quelques efforts extraordinaires tentés en vue de les y attirer ; mais, généralement parlant, la grande majorité se dispensait d’y paraître, et laissait au petit nombre le soin de faire l’œuvre. Si l’on pensait que nous exagérons ce triste état de choses, nous dirions qu’en consultant nos observations, depuis les vingt dernières années, nous sommes certain de n’être guère éloigné de la réalité.