Un homme dans la tour

FALLOT

Jean-Paul a pris la main d’Etienne et la serre bien fort. Un grand espoir naît dans son cœur. Certainement on vient à leur secours. Le bruit grandit, se précise. Un son de grelot.

— C’est Fallot ! hurle Etienne, en trépignant. C’est bien lui.

Les enfants avaient oublié le chien qui avait jugé bon de courir l’aventure dans d’autres galeries.

De puissants aboiements remplissent tout à coup la voûte. S’ils n’avaient su ce que c’était, les gamins auraient eu terriblement peur. Volontiers ils voleraient à sa rencontre, mais ils n’osent bouger, car un seul pas pourrait leur être fatal.

Enfin voilà Fallot, haletant et agité. Il tourne autour de ses amis qu’il a retrouvés, leur prodiguant au passage de copieux coups de langue, toujours inattendus. Dans la nuit, ces marques d’affection ont quelque chose de singulier. Si le chien pouvait parler, il dirait sans doute combien il est heureux de les revoir, il leur raconterait tout au long son équipée souterraine.

Etienne enlace son chien et l’embrasse avec joie. Il compte beaucoup sur lui pour le tirer de là.

— Que va-t-on faire, questionne Jean-Paul préoccupé de quitter au plus tôt ces lieux obscurs.

— Je cherche, mais ne vois guère. Je ne possède ni crayon, ni papier pour lancer un S.O.S. à nos familles.

— Mais crois-tu que l’un des nôtres pourra venir jusqu’à nous ?

— Certainement non ! L’ouverture est trop petite. A peine si nous avons pu nous engager dans l’étroit boyau qui est à l’entrée.

— Au fond, une seule chose est nécessaire pour que nous sortions d’ici, c’est un peu de lumière pour voir notre route, et pas davantage.

— C’est juste. Ce que tu me dis-là me donne une idée.

— Laquelle ? Dis vite !

— Si on attachait la lampe au collier du chien, je suis persuadé qu’on comprendrait à la ferme.

Et sans attendre l’approbation de son jeune ami, Etienne se met à l’œuvre. A tâtons, il passe rapidement la poignée du boîtier dans le collier de la bête qui se laisse faire.

— Et maintenant, Fallot, va-t-en et ne traîne pas ! Allons, pas de tergiversations !

Pour une fois, le chien n’a pas du tout l’air de comprendre, et plus le garçon l’invite à partir, plus il vient se blottir contre lui.

— Va-t-en donc, disent en chœur les gosses.

Fallot est déconcertant. Il tourne, aboie, halète… et revient se jeter dans leurs jambes.

— Décidément tout est contre nous, déclare Jean-Paul désolé. Il en pleurerait si cela servait à quelque chose. Découragés par leur insuccès, les deux enfants se sont de nouveau assis tandis que Fallot les lèche affectueusement.

— Tu crois toujours que Dieu nous a entendus, demande le Parisien ?

— Toujours ! La venue de Fallot me le prouve.

— C’est une réponse bien maigre !

Etienne ne répond rien. Il conserve malgré tout de l’espoir car il pense bien que, tôt ou tard, la bête se décidera à partir. La faim au moins la chassera de force.

— Il faut patienter, conseille-t-il. C’est tout ce qu’on peut faire.

— Oui, mais ça peut durer longtemps.

Des larmes coulent des yeux de Jean-Paul qui se décourage. Ce qu’il avait cru un moyen de salut n’est plus qu’un leurre. Etienne, de son côté, est accablé de voir son ami éploré, d’autant plus qu’il se sent responsable de cette triste aventure. Encore s’il était seul ! Il serre fort la main de son petit ami pour lui faire sentir son affection et lui redonner confiance.

— Tu sais, Jean-Paul, nos larmes ne servent à rien. Je me refuse à croire que notre prière est perdue. Croyons toujours !

Sans qu’on sache pourquoi, Fallot vient de bondir. Il saute de rocher en rocher et se précipite dans quelque galerie, celle sans doute qui conduit dehors. Son grelot s’époumone dans l’obscurité. Popol et Etienne frappent des mains. Bientôt on n’entend plus qu’un faible bruit ; puis, plus rien. On dirait qu’avec ce départ soudain, un peu de lumière est entrée dans la grotte.

— Le chien est déjà dehors, déclare Etienne.

— Pourvu que la lampe arrive à bon port !

— Je le pense : elle est solide.

Au bout d’un moment de silence, chargé de réflexions intérieures, Etienne dit tout haut :

— Je le savais bien ! Dieu a eu pitié de nous. Disons-lui merci, veux-tu ?

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