Sa présence

DE TOUTE TA PENSÉE

« Cherchez continuellement sa face. »

(Psaumes 105.4)

Maîtriser ses pensées n’est pas chose aisée quoi qu’en dise Alain qui recommande à ses lecteurs, comme règle d’hygiène de l’esprit, de ne jamais avoir deux fois la même pensée. Facile à dire ! L’auteur de « Propos sur le Bonheur » suggère une méthode infaillible pour masser le cerveau : Y a qu’à… « changer d’idées et… ce n’est pas difficile  »… « Pour purger la cervelle » il suffit « de regarder autour de soi et de se donner ainsi comme une douche de spectacles » (oui mais, quels spectacles ?). Il suffit aussi « de remonter des effets aux causes ce qui est un moyen assuré de chasser les images noires ». Je doute que nos contemporains, dont les médias se chargent d’occuper et d’encombrer les esprits, aient le temps ou seulement le désir de réfléchir assez « pour remonter » jusqu’aux causes. Il n’empêche que ces conseils sont valables et Alain a raison de recommander à chacun de ne pas « réciter mentalement sa tristesse »… Toutefois, comme nous aurions aimé que le philosophe invitât ses lecteurs à se tourner vers Dieu ! Savait-il que lui seul détient le pouvoir de « purger le cerveau » de toutes pensées vaines, de stopper sans pitié « cette circulation des idées conduisant souvent à une certaine futilité » ? Qui s’approche du Seigneur de sainteté est plus apte à discerner le pur de l’impur, le vrai du faux, le futile de l’essentiel. Il serre dans son cœur l’exhortation de Paul : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange soit l’objet de vos pensées » (Philippiens 4.8).

Certes, Dieu a le pouvoir de changer nos pensées, mais il n’interviendra jamais sans avoir obtenu notre consentement et notre collaboration. Comment le Créateur ferait-il germer la graine et grandir la plante si le cultivateur négligeait de répandre la semence dans un sol préparé ? De même, le Maître est bien disposé à filtrer nos idées pourvu que nous soyons « ouvriers avec Lui ». Il faut reconnaître que l’homme est plutôt porté à laisser aller ses pensées « la bride sur le cou », sans trop s’émouvoir lorsqu’elles s’éparpillent dans des chemins interdits. Or, Dieu nous appelle à les juguler, à les contrôler, surtout à les lui donner. Quand elle évoque les pensées, sa Parole laisse clairement entendre que le chrétien n’est pas un simple spectateur.

Ouvriers avec Dieu, avons-nous dit ?

Soit !

Mais au juste, que puis-je faire pour « l’aimer de toute ma pensée » ? Certains croyants, dont la piété ne fait aucun doute (1), préconisent dans leurs écrits ce qu’ils appellent : « La pratique de la présence de Dieu. » Ils savent combien l’esprit est porté à vagabonder loin du Seigneur mais, disent-ils : « La volonté est maîtresse de nos facultés. C’est elle qui doit constamment ramener à Dieu nos pensées chaque fois qu’elles s’en éloignent. » Bien sûr, cette discipline exige – Surtout au début – une vigilance de tous les instants, des actes de volonté réitérés, des efforts persévérants pour entretenir avec Dieu une conversation secrète ininterrompue. Le premier soin du chrétien sera donc de maintenir son esprit en la présence du Seigneur, s’efforçant de donner à ses pensées l’habitude d’une orientation intérieure. Et dès qu’il les surprendra batifolant loin de sa face, il s’efforcera de les ramener à Dieu « doucement et tranquillement ».

(1) Frère Laurent (La pratique de la présence de Dieu) et Th. Kelly (La présence ineffable). Ed. Labor et Fides.

Une première objection surgit alors tout naturellement : en gardant les pensées constamment tendues vers Dieu, le croyant ne risque-t-il pas de planer dans l’irréel, de cultiver la rêverie et la distraction ? Certainement pas ! On peut accomplir parfaitement sa tâche, être présent et bien présent tout en gardant un œil fixé vers le ciel. L’un n’empêche pas l’autre. Au contraire ! Persuadons-nous que l’adoration devrait être en toile de fond à chaque instant de notre vie puisque l’Écriture ordonne : « Rendez continuellement grâces à Dieu »… « Offrez sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges »… Comment cela pourrait-il se faire si nous laissons nos pensées s’égailler à l’aventure ?

Ici, laissons parler le frère Laurent : « Je m’’efforce de demeurer dans sa sainte présence et cela par une simple attention et un regard d’amour constamment fixé sur lui, ce que je puis appeler une présence réelle de Dieu, ou pour mieux dire, une conversation secrète, silencieuse et habituelle de l’âme à Dieu… Il n’y a pas au monde de vie plus douce qu’une vie de conversation continuelle avec Dieu… Néanmoins, ce n’est pas le plaisir que nous devons chercher dans cet exercice ; nous devons le faire par amour, parce que Dieu désire nous avoir… Prenez immédiatement la sainte et ferme résolution de ne jamais oublier Dieu. »

Le chrétien, éprouvé par ses défaillances répétées et ses longs oublis acquerra, par la grâce de Dieu et s’il persévère, la précieuse habitude de diriger ses pensées vers Lui « avec de secrètes exclamations de louanges ». Les progrès, durant les premières semaines, seront décevants mais Dieu allumera dans le cœur de son enfant le désir de vivre constamment en sa compagnie. « Nos défaillances et nos oublis sont si fréquents !… s’exclame Th. Kelly. Mais lorsque vous vous prendrez de nouveau en flagrant délit d’infidélité, ne perdez pas votre temps à vous accuser ; demandez pardon par une prière silencieuse et recommencez ; repartez de l’endroit où vous vous trouvez. Offrez à Dieu cette adoration brisée et dites-lui : “Voilà ce que je suis si tu ne viens à mon aide !” Ne vous laissez pas décourager, revenez tout simplement à lui et demeurez en sa présence, à attendre… »

Que penser de cette « pratique » ? Elle a certainement du bon puisque les hommes de la Bible s’y adonnaient :

Ce n’est pas fortuit si le grand commandement « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu… » est suivi des recommandations suivantes : « Tu en parleras quand tu seras dans ta maison et quand tu marcheras sur la route. Quand tu te coucheras et te lèveras. Tu les attacheras comme un signe sur tes mains et ils seront comme des marques placées entre tes yeux. Tu les écriras sur les montants des portes de ta maison et à l’entrée de ta ville » (Deutéronome 6.7-8). Pourquoi de telles ordonnances du Créateur si ce n’est pour amener les siens à ne pas l’oublier ? En s’y conformant scrupuleusement, l’Israélite pieux avait sans cesse l’Éternel à la fois dans ses pensées et devant ses yeux ; de plus son nom jaillissait souvent de ses lèvres.

Les juifs, aujourd’hui encore, fondent sur cette parole du Deutéronome leur coutume de la « Mézuzah » (mot qui signifie : poteau). Ce terme désigne le morceau de parchemin sur lequel sont inscrites les paroles de Deutéronome 6.4-9 et 11.13-21. D’abord enroulé, puis introduit dans un petit étui, ce parchemin est fixé sur le montant de droite de la porte de la maison ou de l’appartement. Jadis, le juif fidèle n’entrait pas sans toucher la « mézuzah » ; ensuite il se baisait les doigts en prononçant la bénédiction tirée du psaume 121 (v. 8)… Ainsi lui était fournie à tout moment l’occasion de se souvenir de l’Éternel, dans ses allées et venues comme dans ses moindres gestes.

Il est vrai que quiconque se donne pleinement au Seigneur a soif d’une communion ininterrompue avec lui. Vivre dans une atmosphère de louange et de reconnaissance, considérer les choses et les circonstances comme à travers l’œil de Dieu est un idéal auquel aspire celui qui veut être pleinement agréable à son Maître.

Certainement, la pratique de la présence de Dieu, et quoique nous fassions quelques réserves (voir plus loin), a du bon et l’enfant de Dieu ne s’égarera pas en l’observant… En effet,

a) Il fera très vite une affligeante découverte : à savoir qu’il lui arrive trop souvent de congédier le Seigneur de ses pensées et cela durant de longues, de très longues heures chaque jour. Dieu serait-il le grand oublié des chrétiens ?

b) Cette utile découverte le conduira inévitablement à s’humilier ; ainsi se développera certainement chez lui « la crainte de l’Eternel » ainsi que la soif d’aimer le Seigneur « de toute sa pensée ».

c) Toujours plus conscient de la vanité de ses pensées et de la boue qu’elles véhiculent, il acquerra une notion plus exacte de la sainteté de Dieu et, en conséquence, éprouvera un désir plus ardent de purification, s’attendant à recevoir de lui de nouvelles pensées.

d) Cette pratique lui fournira l’occasion de se présenter sans cesse devant Dieu et, dans la lumière du Saint-Esprit, il discernera plus précisément « ce qui est bon, agréable et parfait », d’où une heureuse incidence dans « son quotidien ».

e) A fréquenter continuellement le Maître, il apprendra à le mieux connaître. Il décèlera ses perfections, sa personne lui deviendra précieuse et la louange tiendra une plus grande place dans ses journées.

f) En fin de compte, il expérimentera que hors du Seigneur, il est absolument incapable de purifier son cœur des mauvaises pensées qui l’assiègent. Sa seule ressource, s’il est déterminé à en changer, sera de s’abandonner avec confiance entre les mains du Tout-Puissant lequel « le formera lui-même, l’affermira, le fortifiera, le rendra inébranlable » (1 Pierre 5.10). Résultat : il portera du fruit à Sa gloire et se révélera un « bon et fidèle serviteur ».

Il faut admettre que, même observée scrupuleusement, cette « pratique » peut nous laisser loin de Dieu ; et ce que nous appellerions alors « sa présence » ne serait qu’une illusion. En effet :

1) Un croyant sérieux et persévérant qui s’obligerait à ramener constamment ses pensées vers Dieu – mais à un Dieu qui ne serait pas celui de l’Écriture – ne goûterait pas aux joies pures du sanctuaire. Et quand il croirait se trouver dans la présence du Très Haut parce qu’il éprouve des états d’âme merveilleux, cet homme ne vivrait pas pour autant dans l’intimité du Seigneur car on ne peut l’atteindre que par le Christ mort et ressuscité : Il est le seul Médiateur, le seul chemin ouvert à ceux qui se repentent et qui croient. « Nul ne vient au Père que par Lui » (Jean 14.6).

2) Il faut regretter que les auteurs cités plus haut donnent, dans leurs écrits, trop peu de place à l’Écriture. Nos pensées ne seront riches de la pensée du Seigneur que si nous méditons quotidiennement et avec soin sa Parole. Elle ne doit pas nous quitter. En l’observant nous ne céderons pas aux sentiments ni aux errements qui guettent le chrétien.

3) Il serait vain de vouloir cultiver la présence de Dieu si l’on vit dans le désordre. Le refus de pardonner, l’incrédulité, la mondanité… tel péché non abandonné nous tiendraient alors loin du Seigneur.

4) Enfin, quiconque négligerait de rencontrer chaque jour son Dieu, de lui consacrer du temps, sans hâte, pour l’écouter et lui parler, ne manquerait pas de l’oublier durant la journée entière. L’heure du recueillement matinal est une source de force et de réconfort. Le dialogue commencé avec Dieu avant toute activité se poursuivra tout au long du jour pourvu que nous veillions particulièrement sur nos pensées pour les lui confier. Alors les relations avec le Maître s’affermiront et seront d’autant plus étroites et bénies.

Ces réserves faites, tournons-nous avec assurance vers le Christ. Il ne met pas dehors qui s’approche de lui (Jean 6.37), tout disciple ayant « un libre accès au sanctuaire par le sang de Jésus » (Hébreux 10.19). C’est donc par la foi que nous cherchons sa face :

« Jésus s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture… » (Jean 7.37).

Questions :

  1. Ai-je le désir d’aimer le Seigneur « de toute ma pensée » ?
  2. Ai-je demandé à Dieu de sonder mes pensées et de purifier mon cœur de tout ce qui n’est pas pur, aimable… selon Philippiens 4 ?
  3. Pourquoi maintenant, m’abandonnant au Seigneur, ne lui donnerai-je pas ce domaine pour qu’il « amène toutes pensées captives à l’obéissance de Christ » (2 Corinthiens 10.5) ? Pourquoi, maintenant, ne me placerai-je pas dans la présence du Seigneur sachant que j’ai une libre entrée dans le sanctuaire par « le sang du Calvaire » ?

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