Il y a un temps pour toute chose.
— Savez-vous sonner les cloches ?
Question oiseuse ? Rien n’est plus simple, semble-t-il, que de tirer des sons de cet instrument… à corde. Ici, inutile de travailler le solfège, de s’évertuer à manipuler des touches.
— C’est facile ! dites-vous ?
Pas si sûr !
Certains essaient de carillonner et obtiennent tout juste de vagues hoquets désordonnés. Pourquoi donc ? Parce qu’ils laissent aller la corde quand il faudrait s’y agripper et tirent lorsqu’il faudrait lâcher… si bien que le marteau a toutes les peines du monde à heurter le bronze.
Les croyants sont parfois comparables à ces sonneurs maladroits. Ils vivent une vie syncopée. Une façon certaine de perdre son temps. Il y a, dit l’Écriture, un temps pour déchirer et un temps pour recoudre. Un temps pour pleurer et un temps pour rire… Un temps pour garder et un temps pour jeter… Autrement dit, il y a un temps pour toute chose (Ecclésiaste 3.1-8). La rose doit être cueillie à point. Fanée, elle est à jeter. Le café n’est excellent que chaud ou glacé. Tiède, il écœure. A nous de discerner le temps favorable, l’heure propice pour accomplir une tâche ou chercher Dieu, car il y a des moments où ce n’est pas le moment.
L’évangéliste Moody se rendait par bateau en Angleterre lorsque soudain retentit la sirène. Un incendie venait d’éclater à bord. Sans hésiter, tous les passagers se portèrent en hâte à l’aide des marins qui luttaient déjà contre le feu. L’un des collaborateurs de Moody lui proposa d’aller à l’autre extrémité du navire pour prier :
— Nous demanderons à Dieu d’intervenir, de faciliter la tâche des hommes d’équipage et de sauver la vie de tous ces gens…
— Jamais de la vie ! s’indigna Moody. Ce n’est pas le moment. Prenons des seaux et allons prêter main forte aux autres. Cela ne nous empêchera pas de prier en même temps.
Excellente leçon de bon sens ! Les chrétiens les plus spirituels peuvent en manquer et passer à côté des devoirs les plus élémentaires. Certes, les exercices de piété sont d’une valeur incontestable (lire 1 Timothée 4.8), mais ils ne peuvent s’insérer n’importe où dans notre journée. Une maman, dont j’ai lu quelque part le témoignage, en fit l’expérience à ses dépens. Assoiffée de sainteté et recherchant la puissance du Saint-Esprit, cette personne consacrait beaucoup de temps à prier et à sonder les Écritures. Le ménage était bâclé et le mécontentement gagnait les membres de la famille. Or, un jour qu’elle était plongée dans la Bible, sa fillette accourut vers elle tenant une poupée dans les mains. Tirant la manche de sa maman visiblement distraite, l’enfant supplia à plusieurs reprises :
— Répare-la-moi s’il te plaît, répare-la-moi…
— J’ai bien autre chose à faire. Laisse-moi tranquille et va jouer plus loin… répondit sèchement la mère en écartant sa fille d’un geste d’impatience.
La dame continua ses recherches, mais sans succès. Bientôt, reprise intérieurement et déçue d’elle-même, elle ferma le livre et se rendit vers son enfant qu’elle trouva endormie sur le tapis du salon, la poupée dans les bras et les joues encore baignées de larmes. Ce tableau la bouleversa. Elle n’eut pas besoin d’un sermon pour comprendre que la sainteté ne s’accordait pas avec des devoirs négligés. Alors tout changea. Le bonheur revint dans la maison et la Bible fut comme illuminée d’une nouvelle clarté ; quant au visage de la maman, il parlait de victoire.
Nous sommes enclins à laisser à Dieu le soin d’exécuter ce que nous sommes en mesure de réaliser, tout en prétendant accomplir nous-mêmes ce qui est l’affaire du Seigneur (en cela nous imitons le sonneur de cloche maladroit). A chacun son rôle. Le mien est d’être résolument déterminé à faire sa volonté en m’abandonnant à lui, assuré qu’il me fournira les moyens de réaliser ses desseins. Ce qui est conforme à cette parole : Que le Dieu de paix… vous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté ; qu’il fasse en vous ce qui lui est agréable par Jésus-Christ… (Hébreux 13.20-21). Il m’appartient de lui confier mes fardeaux, mes doutes, mes soucis, en refusant avec détermination de les porter ou de lutter pour les chasser (Hébreux 12.1). C’est au Seigneur d’intervenir pour que j’en sois libéré : Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous… Le Dieu de toute grâce… vous formera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables (1 Pierre 5.7, 10).
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L’homme vit à contretemps plus souvent qu’il ne pense. C’est le cas lorsqu’il remet à plus tard ce qu’il devrait faire présentement… ou chaque fois qu’il entreprend une tâche à un moment inopportun. Il n’est sûrement pas indiqué de vaquer à la prière ou de se plonger dans la méditation de l’Écriture quand le travail bat son plein. Perturbé par les allées et venues de l’entourage, distrait par les bruits de la rue, le chrétien éprouve de réelles difficultés à se concentrer et à discerner la voix de Dieu : C’est le matin, de bonne heure, lorsque tout repose autour de lui, qu’il sera le plus disposé à rencontrer Dieu dans une paisible communion.
Il est également reconnu que les heures de la matinée sont propices à une activité qui réclame lucidité, rendement et effort intellectuel soutenu. Les « accus » ont été rechargés durant la nuit. En possession de tous nos moyens, nous nous montrons plus entreprenants et plus disponibles, la fatigue ne nous ayant pas encore gagnés. Il en va autrement l’après-midi. La somnolence rend moins dynamique. Pour tenir, il faut bouger ou parler. Ainsi s’explique ce besoin de bavarder avec les collègues qu’éprouvent la plupart des employés à ce moment-là. Soyons indulgents à leur égard, même s’ils nous font attendre.
La soirée est un temps de détente et de distraction. Donc, sauf exception, pas de travail absorbant à la maison. La famille avant tout. Observons ces quelques remarques et notre rendement sera certainement meilleur (1).
(1) S’égarer dans le passé ou l’avenir, se laisser entraîner dans des rêveries sans fin sont une autre façon de vivre à contretemps. Ces questions seront abordées plus loin.
QUESTIONS