Comme Christ

SEPTIÈME JOUR
Dans son abnégation

« Nous devons donc, nous qui sommes plus forts, supporter les infirmités des faibles, et non pas chercher notre propre satisfaction. Que chacun de nous donc ait de la condescendance pour son prochain, et cela pour le bien et pour l'édification ; car aussi Christ n'a point cherché sa propre satisfaction ; mais selon qu'il est écrit : Les outrages de ceux qui t'ont outragé sont tombés sur moi. C'est pourquoi recevez-vous les uns les autres avec bonté, comme Christ nous a reçus pour la gloire de Dieu. » Rom. 15.1-3, 7.

« Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce a soi-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. » Matth. 16.24.

Christ lui-même n'a pas « cherché sa propre satisfaction ». Il a supporté avec patience les reproches par lesquels les hommes ont déshonoré Dieu ; il l'a fait afin de sauver les hommes et de glorifier Dieu. C'est là ce qui nous donne la clef de sa vie, soit à l'égard de Dieu, soit à l'égard de l'homme. C'est là aussi ce qui doit être notre règle de conduite. «Nous qui sommes plus forts, nous ne devons pas chercher notre propre satisfaction ».

Renoncer à soi-même est tout le contraire de chercher sa propre satisfaction. Quand Pierre renia Christ, il dit : « Je ne connais point cet homme-là », je n'ai rien à faire avec lui, ni avec ce qui le concerne; je ne veux pas qu'on me croie son ami. Le vrai chrétien renie de même son vieil homme : Je ne connais pas ce vieil homme; je ne veux rien avoir de commun avec lui, ni avec ce qui le concerne. Et s'il encourt quelque blâme, s'il est en butte à quelque offense, à quelque procédé pénible à son ancienne nature, il se borne à dire : Faites ce que vous voudrez du vieil Adam ; je n'en ai nul souci. Par la croix de Christ, je suis crucifié au monde, à la chair, à moi-même, et je suis étranger à ce qui touche le vieil homme. Je ne suis pas son ami. Je désavoue toute réclamation, toute exigence de sa part, je ne le connais pas.

Le chrétien qui n'en est encore qu'à se savoir sauvé de la condamnation et de la malédiction, ne peut pas comprendre ceci, il lui semble impossible de « renoncer à soi-même », et bien qu'il essaye parfois de le faire, sa vie consiste en majeure partie à chercher « sa propre satisfaction ». Mais le chrétien qui voit en Christ son modèle ne peut plus s'en tenir là. Il a renoncé à lui-même pour chercher dans la croix de Christ une parfaite intimité avec le Seigneur. Le Saint-Esprit lui a appris à dire : « J'ai été crucifié avec Christ », et par là je suis mort au péché et à moi-même. Etroitement uni à Christ, il voit son vieil homme crucifié comme un malfaiteur condamné, et il a honte de l'avouer pour son ami. Il est déterminé à ne plus chercher la satisfaction de son ancienne nature, mais à la renier, et il a reçu la force de le faire. Depuis que le Christ crucifié est sa vie, renoncer à lui-même est devenu la règle de sa vie.

Ce renoncement s'étend à tout. Il en était ainsi du Seigneur Jésus, et il en est de même de chacun de ceux qui veulent réellement le suivre. Ce renoncement comprend non seulement le péché et toute contravention à la loi de Dieu, mais il va plus loin encore, il s'étend jusqu'aux choses qui sont en apparence licites ou indifférentes. Pour celui qui a renoncé à lui-même, la volonté et la gloire de Dieu, ainsi que le salut des âmes, l'emportent toujours sur tout plaisir, sur tout intérêt personnel.

Pour pouvoir user de « condescendance pour le prochain », il faut commencer par user de renoncement à soi-même. Le jeûne de celui qui a dit : « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu », et qui ne voulut pas manger avant que le Père lui envoyât la nourriture, et que l'ouvrage du Père fût achevé, offre au croyant un bel exemple de tempérance dans le manger et le boire. La pauvreté de celui qui n'avait pas un lieu où reposer sa tête, lui apprend à user de la possession et de la jouissance des choses terrestres comme ne possédant pas ; et par la passion de celui qui a porté tous nos péchés en son corps sur le bois, il apprend à supporter patiemment toute souffrance. Son corps, comme temple du Saint-Esprit, est prêt à « porter partout la mort du Seigneur Jésus ». (2 Cor. 4.10). Avec Paul « il traite durement son corps et le tient assujetti ». (1 Cor. 9.27). Il met un frein à ses désirs, et selon l'exemple de renoncement donné par Jésus, « il ne cherche pas sa propre satisfaction ».

Le renoncement est la sauvegarde aussi de l'intelligence et de l'esprit. Le croyant soumet aux enseignements de la parole de Dieu et de l'Esprit de Dieu sa propre sagesse, son propre jugement et toutes ses pensées. Vis-à-vis de l'homme, il se montre prêt à renoncer à ses propres vues pour écouter et s'instruire avec douceur et humilité, et même quand il sait avoir raison, c'est avec douceur encore, avec humilité qu'il émet son opinion, cherchant à découvrir et à reconnaître ce qu'il y a de bon chez les autres.

Le renoncement a en outre une grande influence sur le cœur. C'est sous son contrôle que doivent se placer les affections, les désirs et la volonté aussi, cette puissance souveraine de l'âme. Chez le disciple de Christ, la propre satisfaction ne doit pas tenir plus de place qu'elle n'en tenait dans la vie de Christ. Le renoncement est la règle de sa vie.

Ce renoncement n'est pas difficile au croyant réellement donné à Christ. Pour celui qui, d'un cœur partagé, veut se contraindre à une vie de renoncement, oui, c'est difficile, mais non pas pour celui qui s'est donné sans réserve et qui a saisi de tout son cœur que la croix détruit la domination du péché et du moi. Les bénédictions qu'il recueille de son renoncement lui sont une ample compensation du sacrifice plus apparent que réel auquel il s'est soumis. A peine ose-t-il parler encore de renoncement, tant il trouve de bonheur à être rendu conforme à l'image de Jésus.

Aux yeux de Dieu, le renoncement ne tire pas sa valeur, ainsi qu'on se le figure parfois, du degré de peine qu'il cause. Non, car la peine qu'on en éprouve vient en grande partie d'un reste de répugnance à renoncer à soi-même. Sa plus grande valeur aux yeux de Dieu vient au contraire d'un acquiescement facile et même joyeux qui ne regarde pas comme un sacrifice ce qui est fait pour Jésus, et qui s'étonne plutôt d'entendre les autres le qualifier de renoncement.

Ili fut un temps où les hommes croyaient devoir fuir au désert et se retirer dans des couvents pour renoncer à eux-mêmes. Le Seigneur Jésus nous a montré que c'est dans nos rapports ordinaires avec les hommes que doit s'exercer le renoncement. Aussi Paul dit ici que « nous devons ne pas chercher notre propre satisfaction, et cela pour le bien et l'édification de notre prochain, car Christ n'a pas cherché sa propre satisfaction. C'est pourquoi recevez-vous les uns les autres avec bonté comme Christ nous a reçus ». Le renoncement de notre Seigneur : voilà, ni plus ni moins, l'exemple à suivre. Ce qu'il fut, nous devons l'être. Ce qu'il fit, nous devons le faire.

Quelle vie glorieuse sera celle de l'Eglise de Christ quand cette règle-là prévaudra : chacun ne vivant plus que pour rendre les autres heureux ; chacun renonçant à lui-même, ne se cherchant plus lui-même, estimant les autres meilleurs que lui-même ! Alors plus de susceptibilité prompte à s'offenser, plus d'amour-propre blessé au moindre manque d'égards. Comme disciple de Christ, chacun cherchera à supporter les faibles et à avoir de la condescendance pour son prochain.

« Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive ». Cette parole de Jésus non seulement nous appelle à renoncer à nous-mêmes, mais nous indique en outre le moyen de le pouvoir. Celui qui ne se borne pas à vouloir atteindre le ciel par Christ, mais qui veut aussi marcher sur ses traces pour lui plaire, le suivra.

Dans ce cœur là Jésus prend aussitôt la place qu'occupait le moi. Jésus seul devient alors le centre et le but de sa vie. La reddition sans réserve de celui qui suit Jésus est couronnée de l'insigne bénédiction de voir Christ devenir lui-même sa vie par son Esprit. L'esprit de Christ, son esprit de renoncement et d'amour lui est envoyé, et c'est alors avec joie qu'il renonce à lui-même, puisqu'il trouve là un moyen d'intime communion avec Dieu.

Le renoncement n'est plus alors une œuvre qu'il accomplit dans le but d'atteindre à la perfection par lui-même ; il n'est plus seulement une victoire négative sur lui-même, un moyen de tenir en respect son moi. Depuis qu'il a formellement rompu avec le moi, Christ a pris en lui la place du moi, et l'amour de Christ, sa douceur et sa bonté se répandent de lui sur les autres. Nul commandement alors ne lui paraît plus béni, plus naturel que celui-ci : « Nous devons ne pas chercher notre propre satisfaction, car aussi Christ n'a pas cherché sa propre satisfaction... Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même et qu'il me suive ».

Bien-aimé Sauveur, je te remercie de ce nouvel appel à te suivre et à ne pas chercher ma propre satisfaction, puisque toi-même tu ne l'as pas cherchée. Je te remercie de ce qu'à présent, je n'ai plus peur comme naguère, d'entendre ce que tu me dis là. Tes commandements ne me sont plus pénibles. Ton joug est aisé, et ton fardeau léger. Ce que je vois de ta vie terrestre et de l'exemple qu'elle me donne à suivre, m'est un gage certain de ce que je recevrai en moi de ta vie actuelle et céleste. C'est là ce que je n'avais pas encore compris. Longtemps après avoir reconnu en toi mon Sauveur, je n'osais pas admettre la pensée de renoncer à moi-même. Mais pour celui qui a appris ce que c'est que de se charger de sa croix, d'être crucifié avec toi et de laisser son vieil homme cloué sur la croix, il n'est plus si terrible de renoncer à soi-même. Depuis que j'ai compris que tu es toi-même ma vie, depuis que je sais que tu te charges entièrement de la vie qu'on te confie entièrement, « produisant en nous le vouloir et le faire », je ne crains plus que tu me laisses manquer de l'amour et de la sagesse nécessaires pour pouvoir suivre joyeusement tes traces dans la voie du renoncement.

Seigneur, tes disciples sont indignes d'une telle grâce, mais puisque tu as bien voulu nous l'accorder, tout notre bonheur sera de ne plus chercher notre propre satisfaction, mais d'avoir chacun, de la condescendance pour son prochain, comme tu nous en as donné l'exemple. Veuille ton Saint-Esprit le réaliser avec puissance en nous ! Amen.

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