Les dogmes de la création et de la providence nous mettent en présence de Dieu ; c’est l’action de Dieu sur le monde et sur l’homme qu’ils proclament et affirment. Le dogme du péché originel nous ramène à l’homme ; c’est l’acte de l’homme envers Dieu qu’il pose en tête de l’histoire du genre humain.
Quel est le contenu de ce dogme ? Quels sont les éléments, les faits essentiels sur lesquels il se fonde et qui le constituent ? Le dogme du péché originel implique et affirme :
- Que Dieu, en créant l’homme, l’a créé moral, libre et faillible ;
- Que la volonté de Dieu est la loi morale de l’homme et l’obéissance à la volonté de Dieu le devoir de l’homme, en tant qu’être moral et libre ;
- Que, par un acte de sa propre et libre volonté, l’homme a manqué sciemment à son devoir, en désobéissant à la loi de Dieu ;
- Que l’homme libre est responsable, et que la désobéissance à la loi de Dieu a justement entraîné pour lui le châtiment ;
- Que la responsabilité et la peine de la faute sont héréditaires, et que la faute du premier homme a pesé et pèse sur le genre humain.
L’autorité de Dieu, le devoir d’obéissance à la loi de Dieu, la liberté et la responsabilité de l’homme, l’hérédité de la responsabilité humaine, tels sont, dans leur chronologie morale, les principes et les faits compris dans le dogme du péché originel.
J’oublie, pour un moment, le dogme même, sa source, son histoire, la tradition biblique et chrétienne sur ce premier pas du genre humain dans le mal. Je considère l’homme, sa nature et sa destinée dans leur état actuel et général. Je recherche et je constate les faits moraux, tels qu’ils se passent aujourd’hui et qu’ils se manifestent aux regards du bon sens, à travers les disputes des savants.
L’homme est soumis, en naissant, à l’autorité morale comme à la puissance matérielle des parents qui, humainement, l’ont créé. L’obéissance est, pour lui, un devoir en même temps qu’une nécessité. La nécessité matérielle et l’obligation morale ne sont point identiques et confondues, mais intimement liées l’une à l’autre ; et dans son développement spontané, l’enfant sent instinctivement l’obligation morale bien avant qu’il se rende compte de la nécessité matérielle. L’instinct de l’obligation s’unit au sentiment naissant de l’affection, et l’enfant obéit au regard ou à la voix de sa mère sans savoir encore qu’il ne peut se passer d’elle.
De même que le sentiment de l’affection et l’instinct de l’obéissance obligatoire sont le premier éclair du bien moral dans le développement de l’enfant, de même le mouvement de la désobéissance est le premier symptôme, la première apparition du mal moral. C’est par la désobéissance volontaire à la volonté de sa mère que commence, pour l’enfant, l’infraction morale, et c’est dans la désobéissance qu’elle réside. Il ne se rend compte ni des motifs ni des conséquences de son acte ; il sait seulement qu’il désobéit, et il regarde sa mère avec un sentiment mêlé de défi et d’inquiétude ; il tâte, en hésitant, l’autorité maternelle ; il essaye d’être et surtout de paraître indépendant en face du pouvoir naturel et légitime qui le gouverne, et qu’il reconnaît au moment même où, à cette loi supérieure, il oppose sa volonté.
Tel qu’est l’enfant, tel est l’homme. De même qu’il naît libre, ainsi l’homme vit libre, et de même qu’il naît soumis, ainsi il vit soumis. La liberté existe à côté de l’autorité et lui résiste sans l’abolir. L’autorité préexiste à la liberté, et ne lui cède pas plus qu’elle ne la supprime. L’homme rend hommage à l’autorité en lui désobéissant, car il sait qu’il désobéit. L’autorité rend hommage à la liberté de l’homme en le condamnant pour en avoir mal usé, car il ne serait pas responsable de ses actes s’il n’était pas libre. La coexistence de ces deux puissances, l’autorité et la liberté, et tantôt leur accord, tantôt leur lutte, c’est là le grand fait de la nature et de la destinée humaine, le fond de l’homme et du monde.
Bien entendu que je parle ici du monde moral, du monde de la pensée et de la volonté. Dans le monde matériel, il n’y a ni autorité ni liberté ; il n’y a que des forces, des forces fatales et inégales. S’il s’agissait du monde matériel, je ne pourrais que redire ce qu’a dit excellemment Pascal : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » Quand l’homme obéit ou désobéit, il sait que l’autorité est devant lui, comme la liberté est en lui. Il sait ce qu’il fait, et il en répond. L’ordre moral est là tout entier.
En tout temps donc et en tout lieu, pour tous les hommes comme pour le premier, la désobéissance à l’autorité légitime est le principe et le fond du mal moral, ou, pour l’appeler par son nom religieux, du péché. La désobéissance a des sources diverses et compliquées : elle peut provenir de la soif de l’indépendance, de l’ambition ou de la curiosité orgueilleuse, du laisser-aller à telle ou telle des inclinations et des tentations humaines ; mais, en tout cas, elle est et reste le caractère essentiel de l’acte libre qui constitue le péché, et la source de la responsabilité qui l’accompagne.
Des hommes éminents et éminemment pieux ont contesté la liberté humaine : ne sachant comment la concilier avec ce qu’ils appellent la prescience divine, ils ont renié le fait fondamental de la nature de l’homme plutôt que de confesser pleinement le mystère de la nature de Dieu. D’autres esprits, éminents aussi et sincères, se sont bornés à élever des doutes sur la liberté humaine, et à lui contester la valeur d’un fait absolu et péremptoire. Ils ont, je crois, confondu des faits essentiellement divers quoique intimement liés entre eux ; ils ont méconnu le caractère spécial et simple du fait même de la volonté libre. Appelé, il y a trente-cinq ans, dans mon cours à la Sorbonne sur l’histoire de la civilisation en France, à exposer la controverse de saint Augustin avec Pélage sur le libre arbitre, la prédestination et la grâce, je m’en suis expliqué dans des termes que je reproduis ici, n’en trouvant point d’autres qui me paraissent plus exacts et plus complets : « Le fait qui fait le fond de toute la querelle, disais-je en 1829, c’est la liberté, le libre arbitre, la volonté humaine. Pour connaître exactement ce fait, il faut le dégager de tout élément étranger, le réduire strictement à lui-même. C’est faute de ce soin qu’on l’a si souvent mal compris ; on ne s’est pas placé en face du fait de la liberté, et de celui-là seul ; on l’a vu et décrit, pour ainsi dire, pêle-mêle avec d’autres faits qui lui tiennent de très près dans la vie morale, mais qui n’en diffèrent pas moins essentiellement. Par exemple, on a fait consister la liberté humaine dans l’acte de délibérer et de choisir entre les motifs de résolution ; la délibération et le jugement qui la suit ont été considérés comme l’essence du libre arbitre. Il n’en est rien. Ce sont là des actes d’intelligence, non de liberté : c’est devant l’intelligence que comparaissent les différents motifs de résolution et d’action, intérêts, passions, opinions ou autres ; elle les considère, les compare, les évalue, les pèse et les juge. C’est là un travail préparatoire, qui précède l’acte de volonté, mais ne le constitue en aucune façon. Quand la délibération a eu lieu, quand l’homme a pris pleine connaissance des motifs qui se présentent à lui et de leur valeur, alors survient un fait tout nouveau, tout différent, le fait de la volonté libre ; l’homme prend une résolution, c’est-à-dire commence une série de faits qui ont en lui-même leur source, dont il se regarde comme l’auteur, qui naissent parce qu’il le veut, qui ne naîtraient pas s’il ne voulait pas, qui seraient autres s’il voulait les produire autrement. Écartez tout souvenir de la délibération intellectuelle, des motifs connus et appréciés ; concentrez votre pensée et celle de l’homme qui prend une résolution sur le moment où il dit : « Je veux, ainsi je ferai ; » et demandez-vous, demandez-lui à lui-même s’il ne pourrait pas vouloir et faire autrement. A coup sûr, vous répondrez, il vous répondra : « Oui. » Ici se révèle le fait de la liberté ; il réside tout entier dans la résolution que prend l’homme à la suite de la délibération ; c’est la résolution qui est l’acte propre de l’homme, qui subsiste par lui et par lui seul : acte simple, indépendant de tous les faits qui le précèdent ou l’entourent, identique dans les circonstances les plus diverses, toujours le même quels que soient ses motifs ou ses résultats.
« En même temps que l’homme se sent libre, qu’il se reconnaît la faculté de commencer, par sa volonté seule, une série de faits, en même temps il reconnaît que sa volonté est placée sous l’empire d’une certaine loi qui prend, selon les occasions auxquelles elle s’applique, des noms différents, loi morale, raison, bon sens, etc. L’homme est libre, mais, dans sa propre pensée, sa volonté n’est point arbitraire ; il en peut user d’une façon absurde, insensée, injuste, coupable, et chaque fois qu’il en use, une certaine règle y doit présider. L’observation de cette règle est son devoir, la tâche de sa liberté. »
C’est l’acte de la volonté intime et libre, ainsi strictement ramenée à son centre, qui, dans le cas de désobéissance à la loi du devoir, constitue pour l’homme le péché et lui en impose la responsabilité. Cette responsabilité est-elle exclusivement personnelle et limitée à l’auteur de l’acte, ou contagieuse et transmise dans une certaine mesure à ses descendants ? Je continue à ne considérer que les faits actuels et saisissables par l’observation, tels qu’ils se produisent et se manifestent dans la vie morale du genre humain.
On rencontre, dans la poésie et la mythologie de presque tous les peuples, l’idée d’une utopie rétrospective et primitive que, sous des noms divers, âge d’or, âge des dieux, ils se représentent comme une époque où le mal moral et matériel n’existait pas dans le monde, époque d’innocence, de paix et de bonheur. Cette utopie est d’autant plus remarquable qu’elle n’a aucun fondement, aucun prétexte dans les traditions des plus anciens temps historiques ; dès que l’histoire commence, dès qu’on aperçoit la trace de faits un peu précis et avérés, ce n’est point l’âge d’or, c’est au contraire l’âge de fer qui apparaît, une époque de barbarie violente, ignorante, où règne la guerre, où prévaut la force, et qui n’a, avec les beaux rêves de l’ancienne poésie, pas la moindre ressemblance. Je n’établis, quant à présent, entre ces rêves mythologiques et les traditions bibliques, aucun rapprochement ; je ne tire de l’âge d’or aucune conséquence à l’appui du jardin d’Éden ; je signale seulement un grand fait, un instinct général de l’imagination humaine. Quel en est le sens ? D’où vient cette utopie d’innocence et de bonheur dans le berceau du genre humain ? A quoi répond cette idée d’un premier temps sans lutte, sans péché et sans douleur ?
Je laisse là le berceau de l’homme et la poésie primitive ; je reviens au temps présent, à la vie réelle, au berceau de l’enfant. Pourquoi, même à part toute affection personnelle, nous empressons-nous d’appeler l’enfance l’âge de l’innocence ? Pourquoi trouvons-nous tant de charme à lui donner ce nom et à la contempler à ce titre ? Le mal physique est déjà là ; il se manifeste dès l’entrée dans la vie ; mais le mal moral n’a pas encore paru ; la vie n’a pas encore apporté à l’âme ses épreuves ni suscité ses fautes ; et l’idée de l’âme sans tache a, pour nous, un inexprimable attrait ; nous éprouvons une joie profonde à voir, dans l’enfant, l’innocence, ou du moins son image, quand autour de nous et en nous-mêmes nous ne la retrouvons plus.
Que veut dire cet instinct universel qui, soit dans les rêves de l’imagination, soit dans les scènes intimes de la vie, soit que notre pensée se porte sur le berceau du genre humain ou sur celui de l’enfant, nous fait regarder l’innocence comme l’état primitif et normal de l’homme, et nous fait placer, la où se trouve l’innocence, ce que les uns appellent le Paradis, les autres l’âge d’or ?
Evidemment, c’est qu’il y a, entre l’âme sans tache et l’âme entachée de mal, entre la créature qui n’est que faillible et la créature qui a failli, une distance immense, un profond changement d’état, un abîme. Nous avons un secret sentiment de ce changement déplorable, de la chute dans cet abîme ; et sans préméditation, par la seule impulsion de notre nature, notre pensée se porte et s’arrête avec ravissement hors de l’abîme, sur l’état antérieur à la chute. De là naissent et ainsi s’expliquent la puissance et le charme qu’a pour nous l’idée de l’innocence : nous n’avons jamais vu l’innocence, mais il nous est donné de la concevoir ; elle nous apparaît dans le berceau du monde et dans celui de l’enfant, et nous prenons à cette pure apparition un plaisir infini.
Est-ce un plaisir étranger à tout sentiment personnel, à tout secret retour sur nous-mêmes, un plaisir de simple spectateur ? Non : ces impressions que suscite en nous l’image de l’innocence se rattachent et nous ramènent à nous-mêmes ; ce changement d’état, ce mystérieux passé qui a jeté l’homme si loin de l’innocence en lui en laissant l’idée et le culte, ce n’est pas seulement le premier homme qui l’a subi ; c’est le genre humain tout entier qui en a été et en demeure atteint. Notre mal actuel ne provient pas uniquement de nous-mêmes ; nous l’avons reçu en héritage avant de nous l’attirer par notre faute ; nous ne sommes pas seulement des êtres faillibles, nous sommes les enfants d’un être qui a failli.
Comment nous étonnerions-nous de cette triste transmission ? N’en avons-nous pas tous les jours, sous les yeux, l’exemple et le spectacle ? C’est un fait incontestable et incontesté que deux éléments entrent dans la vie morale de l’homme : d’une part, ses dispositions innées, ses penchants naturels et involontaires, de l’autre, son intime et personnelle volonté. Les penchants naturels de l’individu ne détruisent point sa liberté morale, n’asservissent point sa volonté, mais ils lui en rendent l’exercice plus laborieux et plus difficile ; ce n’est pas une chaîne qu’il subit, c’est un poids qu’il porte. C’est également un fait incontestable et incontesté que les dispositions naturelles sont diverses et inégalement distribuées entre les hommes ; nul n’est exempt de toute mauvaise pente ; tout homme est non seulement faillible, mais enclin à faillir, et enclin non seulement à faillir, mais à faillir de tel ou tel côté. C’est enfin un autre fait incontestable, bien que plus difficilement appréciable, que les dispositions naturelles et spéciales de l’individu lui viennent, dans une certaine mesure, de son origine, et que les parents transmettent à leurs enfants tels ou tels penchants moraux comme tel ou tel tempérament physique, comme tels ou tels traits de leur visage. L’hérédité prend place dans l’ordre moral aussi bien que dans l’ordre matériel.
Elle a dû y prendre, elle y a pris place dès les premiers jours de l’existence de l’homme sur la terre, car l’homme a été créé complet et dans toute sa nature. Et comme, en même temps que complet, il a été créé faillible, je demande qui mesurera la distance entre l’homme faillible, mais encore sans faute, et la première faute active de l’homme ? Qui sondera la profondeur de la chute et du changement qu’elle a apporté dans l’état moral de son auteur ? Qui pèsera les conséquences de ce changement pour l’état et les dispositions morales de ses descendants ? Pour apprécier l’étendue et la gravité de ce fait redoutable, de cette première apparition et de cette première hérédité du mal moral, nous n’avons qu’un indice : c’est l’instinct que nous conservons de l’état d’innocence, et l’immense espace que cet instinct nous porte invinciblement à établir entre l’innocence native et la première faute ; mais cet indice est irrécusable ; il nous fait entrevoir, dans cette funeste transformation, toute l’infirmité et toute la responsabilité du genre humain.
On crie à l’injustice ; on se demande comment chaque homme peut être responsable d’une faute qu’il n’a pas commise lui-même, de la faute d’un autre homme séparé de lui par tant de siècles. Je trouve la plainte trop petite et trop faible. Qu’on se plaigne donc de toutes les inégalités qui existent entre les hommes, de l’inégalité des destinées comme de celle des natures, de l’inégalité des dispositions morales comme de celle des forces physiques. Qu’on se plaigne de la solidarité des générations successives et de l’empire qu’exercent les idées, les actes, le sort de chacune d’elles sur les idées, les actes, le sort de celles qui la suivent. Qu’on se plaigne des liens qui unissent l’enfant à ses parents, et qui le font tantôt hériter de leurs mauvaises dispositions, tantôt souffrir de leurs fautes. C’est le fait général du monde qu’il faut accuser ; c’est de l’existence même du mal et de son inégale distribution indépendamment du mérite des personnes, qu’il faut se plaindre comme d’une monstrueuse iniquité. Et quand on en vient là, quand on se refuse à voir la source du mal dans la faute et la responsabilité de l’homme placé ici-bas dans un lieu et un temps de passage et d’épreuve, voici dans quelle alternative on se trouve placé : ou bien il faut accepter le mal comme naturel, éternel, nécessaire, dans l’avenir aussi bien que dans le passé, comme l’état normal de l’homme et du monde ; c’est-à-dire qu’il faut nier Dieu, la création, la Providence divine, la moralité, la liberté, la responsabilité et l’espérance humaines ; ou bien c’est à Dieu lui-même qu’il faut imputer le mal et en demander raison.
Le dogme du péché originel affranchit seul la pensée humaine de cette odieuse et inacceptable alternative : loin d’être en contradiction, soit avec l’histoire de l’humanité, soit avec les faits et les instincts qui constituent la nature morale de l’homme, ce dogme les admet, les éclaire et les explique. Le fait du péché originel n’a rien d’étrange ni d’obscur ; il réside essentiellement dans la désobéissance à la volonté de Dieu qui est la loi morale de l’homme. Cette désobéissance, le péché d’Adam, est un acte qui se commet partout et tous les jours, par les mêmes causes, avec les mêmes caractères et les mêmes conséquences que lui assigne le dogme chrétien. Aujourd’hui, comme dans le jardin d’Éden, cet acte a pour cause la soif de l’absolue indépendance, l’ambition de la curiosité et de l’orgueil, la faiblesse devant la tentation. Aujourd’hui comme dans le jardin d’Éden, il apporte, dans l’état intime de l’homme, un changement immense, un changement dont la seule idée saisit et trouble jusqu’au fond l’âme humaine ; il fait passer l’homme de l’état d’innocence à l’état de péché. Aujourd’hui comme dans le jardin d’Éden, l’acte qui produit ce changement engage et entraîne la responsabilité, non seulement de son auteur, mais aussi de ses descendants ; le péché est contagieux dans le temps comme dans l’espace, il se transmet comme il se répand. Le dogme chrétien montre le premier homme créé faillible, mais né innocent ; innocent à l’âge d’homme, dans la plénitude de ses facultés, étranger à tout mauvais et fatal héritage. Tout à coup, pour la première fois, par sa propre volonté, l’homme désobéit à Dieu. Là est le péché originel, le même, en nature, que le péché actuel, car ils consistent l’un et l’autre dans la désobéissance à la loi de Dieu, mais le premier, en date, dans l’histoire de la liberté humaine, et la source humaine du mal dont la religion chrétienne, en même temps qu’elle le signale, offre à l’homme le remède et la guérison.