Qui sont ceux qui quoique vivant, ont déjà goûté la mort ? Question étrange, n’est-ce pas, mes cher » frères. Qui sont ces hommes surnaturels ? Ce sont tous ceux qui ont revêtu Christ. Car vous êtes morts, leur dit St.-Paul, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu. (Colossiens 3.3)
Regardez vers Golgotha. Quel est ce monstre qui fond sur le saint d’Israël ? Il est porté sur les ailes de la nuit. La colère du Tout-Puissant le dirige, l’enfer en triomphe marche à sa suite. Le crucifié est mis à sa merci. Quel est le nom de ce monstre ? Il s’appelle la Mort. Mais cette mort n’est point celle de Christ, c’est la vôtre, c’est la mienne. C’est à notre place qu’il en subit les coups. Nous sommes donc morts en Lui, si nous croyons. Oui, morts réellement et tellement morts que nous n’avons plus à recevoir ce salaire ; tellement morts, que la mort n’est plus pour nous le roi des épouvantements. La mort n’a plus d’aiguillon pour le chrétien. Puisse notre méditation d’aujourd’hui servir encore à nous en convaincre !
38 Après ces choses, Élisée revint à Guilgal. Or il y avait une famine au pays, et les fils des prophètes étaient assis devant lui ; et il dit à son serviteur : Mets la grande chaudière, et cuis du potage pour les fils des prophètes. 39 Mais quelqu’un étant sorti aux champs pour cueillir des herbes, trouva de la vigne sauvage, et cueillit des coloquintes sauvages plein sa robe, et, étant revenu, il les mit par pièces dans la chaudière où était le potage ; car on ne savait ce que c’était. 40 Et on dressa du potage à quelques-uns ; mais aussitôt qu’ils en eurent mangé ils s’écrièrent et dirent : « Homme de Dieu, la mort est dans la chaudière ; » et ils n’en purent manger. 41 Et il dit : apportez-moi de la farine ; et il la jeta dans la chaudière, puis il dit : Qu’on en dresse à ce peuple ; et il n’y avait plus rien de mauvais dans la chaudière.
Ce récit paraîtra peut-être moins intéressant, moins riche d’instructions que le dernier ; mais il ne confirme pas moins la déclaration de l’apôtre, que, Toute l’Ecriture, divinement inspirée, est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger et pour instruire selon la justice. Il nous indique des vérités très importantes en elles-mêmes, et qui reçoivent pour nous, des circonstances actuelles, un double intérêt. Il nous montre le Dieu vivant se laissant trouver par les siens dans les jours de l’épreuve, et me trompé-je, en croyant que ces instructions répondent surtout maintenant aux besoins de nos cœurs ? Considérons-en de plus près les détails. Le peuple de Dieu mis au creuset ; — la mort parmi les héritiers du ciel ; — la main de Dieu qui n’est point raccourcie ; — telles seront les images qui s’y présenteront successivement à nos pensées.
C’est sur le chemin de Guilgal que nous rencontrons aujourd’hui l’homme de Dieu. Vous connaissez déjà cette petite ville de Guilgal et son école prophétique. C’est de Guilgal que nous accompagnâmes Elie vers le lieu de son triomphe. Mais quel changement s’est passé dans les plaines d’Israël. On n’y voyait alors que moissons dorées ; on n’entendait sur les coteaux que les chants joyeux de la vendange. Maintenant il n’en est plus ainsi ! Une affreuse stérilité a frappé la terre ; les campagnes sont desséchées et comme vouées à la malédiction. Déjà la famine se fait sentir, et le peuple est d’autant plus contraint d’y reconnaître un châtiment de Dieu, qu’il est moins accoutumé à de pareilles détresses. Les fils des prophètes, qui ne sont pas riches, ont leur part de la commune affliction. — Élisée vient les consoler. Il eût pu demeurer à Sunem. Ses riches amis l’eussent volontiers retenu sous leur toit, où rien ne lui eût manqué ; mais il ne l’eût voulu pour aucun prix ! Son cœur, aussi bien que sa vocation, le liait aux fils des prophètes. Un bon berger ne se retire point lorsque son troupeau a besoin de secours ; il partagera tout avec lui, même la mort ! Il est vrai qu’il ne peut le faire avec sérieux et avec joie, que par l’amour de Celui qui seul a pu dire en toute vérité : Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Oh ! que cet amour consume aussi les racines de notre égoïsme !
Élisée arrive à Guilgal. Il trouve sa petite église éplorée. Les pauvres gens ont épuisé leurs chétives provisions ; ils sont dans la détresse et parmi leurs voisins, plusieurs, loin de les secourir, en prennent occasion de blasphémer la piété.– Les voilà donc, les chéris du Tout-Puissant, et qu’ont-ils de plus que les impies ? Ne sont-ils pas enveloppés du même nuage de colère ? — Hélas ! nous assistons souvent au même spectacle ! et l’on voit les enfants de Dieu plus fortement frappés que les enfants du monde, et le secours arriver à ces derniers avec plus de promptitude. N’en est-il pas plusieurs parmi vous qui pourraient confirmer ceci par leur expérience ? — C’est bien surprenant, dites-vous. Où est donc la différence entre ceux que Dieu aime et ceux contre lesquels il est irrité ? Cette différence disparaît au-dehors. Mais regardez-y de plus près. Le même arbuste sauvage produit dans ton champ, ô mon frère, des figues et des raisins, et dans celui de ton voisin impénitent, des fruits amers qui lui donnent la mort ! La même vague d’adversité qui te porte aux pieds de Jésus, le pousse, hélas, sur les écueils du murmure et du désespoir ! Et si je t’écoute pendant tes nuits d’angoisse, qu’entends-je ? « Ah, Jésus ! » t’écries-tu, « que ferais-je sans toi ? » Tu ne priais jamais ainsi aux jours de ton bonheur ! Non, ce n’est point un jugement que Dieu exerce, c’est un bienfait qu’Il t’envoie lorsqu’Il te frappe avec les impies ! Mais il exerce un jugement sur eux, lorsqu’au lieu de te distinguer par un miracle éclatant, il cache ta gloire, en te confondant avec eux sous ses coups, ou même en t’affligeant plus qu’eux. Car cela les confirme dans la persuasion que les croyants ne valent pas mieux que les impies, et par leur endurcissement ils mûrissent pour le jour de la colère.
Au moment où nous arrivons à Guilgal un doux et intéressant spectacle s’offre à notre vue : Nous trouvons les fils des prophètes assis les uns auprès des autres et le maître au milieu d’eux comme leur père. Élisée parle, exhorte, console ; ils dévorent les paroles qui sortent de ses lèvres comme un baume bienfaisant. Il leur semble ne l’avoir jamais vu si expansif. Oh ! comme ils sont heureux en sa présence ! L’homme de Dieu est apparu comme une étoile de bon augure dans la nuit de leur affliction. A ses accents les soucis disparaissent comme les brouillards devant un rayon de soleil. — Oui, mes amis, les jours d’épreuve ont aussi leurs douceurs et leurs joies. Seulement ils nous les apportent sous un voile de douleurs, tandis que d’autres jours apportent leurs dons dans des vases découverts et couronnés. Ces jours qui nous font sentir nos besoins ressemblent aux orages printaniers qui rouvrent les sources. C’est dans ces jours que le nard des promesses divines donne son parfum et qu’un souffle de résurrection parcourt les tombeaux des prophètes. Ces vénérables consolateurs viennent à nous, et que leurs pieds sont beaux sur les montagnes ! Une foule de passages, que dans nos temps heureux nous n’avions pas su comprendre, nous apparaissent maintenant comme des astres lumineux. Nous découvrons dans le temple des saints oracles des retraites et des sanctuaires dont nous ne soupçonnions pas même l’existence. L’Esprit y célèbre d’ineffables fêtes, tandis que l’âme est plongée dans le deuil ; et pendant que la chair souffre dans le creuset brûlant, l’Esprit se réjouit de ce que le purificateur est près.
Lorsqu’il voit ses amis plus joyeux, Élisée dit gaiement à son serviteur : « Mets la grande chaudière et cuis du potage pour les fils des prophètes. » Mais il n’y avait plus de légumes et l’on ne voyait pas même une feuille verte au jardin. Un des disciples s’en va donc aux champs pour chercher quelques herbes bonnes à manger. Le Seigneur, dites-vous, conduisit sans doute les pas de cet homme à l’endroit convenable. — Quoi de plus naturel que de le penser ? — Le disciple aperçoit une belle plante semblable à de la vigne, toute chargée de fruits appétissants. Plein de joie, il en remplit les pans de sa robe. Le pauvre homme se serait-il trompé ? Ce Dieu dont il est l’enfant a-t-il pu le permettre ? Il emporte sa trouvaille en toute hâte ; rentré au logis, il coupe les fruits en tranches et les jette dans la chaudière avec d’autres herbes, sans se douter qu’il y jette du poison. — Du poison ? — Oui vraiment. Il avait cueilli des coloquintes sauvages. — Et Dieu ne l’a point empêché ! n’était-ce pas cruel ? — Silence ! Son nom est l’Admirable, ne jugez point avant de connaître la fin de ses voies. Il laisse d’étranges nœuds se former dans la vie de ses enfants, mais c’est pour mieux révéler sa gloire. Il conduit les misérables par le droit chemin. Ses voies ne sont que gratuité et vérité. — Le potage est préparé. Les frères, ne soupçonnant rien se mettent à table. Ils vont commencer leur repas. — Quoi ! direz-vous, le Seigneur ne les avertit point ? — Il les laisse faire. Mais à peine ont-ils goûté ce mets fatal qu’ils éprouvent une grande angoisse. Ils se lamentent et se tordent sur leurs sièges en s’écriant : Homme de Dieu ! la mort est dans la chaudière ! Quelle triste scène ! Ils s’étaient assis pleins de reconnaissance, et les voilà plongés de nouveau dans la détresse ! Quel son discordant dans la douce harmonie de leur foi renouvelée ! Mais quand le Seigneur place son peuple dans de pareilles situations, c’est afin de tirer de son cœur l’exclamation de Job : Quand même il me tuerait, je ne cesserais point d’espérer en Lui ! C’est pour préparer un nouveau triomphe à sa grâce ; c’est enfin pour amener ces larmes vivifiantes qui, après les heures de murmures et de mécontentement, accélèrent si bien la croissance des nobles plantes qu’il a semées dans notre cœur.
Mais que dirons-nous en voyant ces fidèles si effrayés de la pensée de la mort ? Aussitôt qu’ils pressentent l’arrivée de cet hôte, on les voit trembler comme s’ils allaient être engloutis par l’abîme. Qu’ont-ils donc aperçu ? N’est-ce pas le messager des noces de l’agneau ? N’est-ce pas le batelier qui conduit de Mésec, en Sion, (Psaumes 120.5). N’est-ce pas le précurseur des consolations éternelles ? — Oui, mais cet ami leur apparaît encore comme un spectre, comme un dragon aux yeux flamboyants, comme un monstre effroyable dont le seul aspect fait dresser les cheveux. Que fût-il donc arrivé si la mort eût été réellement dans la chaudière ? En un moment ils se fussent assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, ou reposés le long des fleuves d’eau vive, et toutes larmes eussent été essuyées de leurs yeux. Mais ces choses leur étaient encore cachées. Leur foi était faible, et d’ailleurs la vie et l’immortalité n’avaient point encore été manifestées par l’Evangile. C’est une honte que les enfants de Dieu puissent encore trembler devant la mort. Si nos frères de l’ancienne alliance triomphaient difficilement de cet effroi, il faut le leur pardonner ! Leur espérance était obscurcie de nuages. Mais si nous, sous le ciel azuré de l’Evangile, nous frissonnons encore comme des êtres débiles à l’approche de ce héraut de liberté, nous offensons le Seigneur Jésus et nous apposons sur nos fronts une marque ignominieuse. Mon Dieu ! ne sommes-nous pas assez armés contre l’homme fort ? ne sommes-nous pas revêtus de la cuirasse de la justice, n’avons-nous pas dans nos mains l’épée de l’esprit qui est la Parole de Dieu, sur nos têtes le casque de notre salut, pour chaussure la préparation de l’Evangile de paix (Éphésiens 6.13-17). Il a fallu que des sépulcres s’ouvrissent pour nous prouver que la tombe n’est qu’un lieu de repos ; que des morts se relevassent de la poussière pour nous ôter la crainte de l’anéantissement ; des bienheureux ont dû reparaître sur la terre et des légions d’anges faire entendre leur voix, pour nous montrer que les choses invisibles sont une réalité plus réelle que les choses d’ici-bas. Mais, que disais-je d’un combat contre la mort, comme si la mort était encore l’ennemi du justea ? Une mère attaque-t-elle son enfant lorsqu’elle le place doucement au berceau ? Est-ce un ennemi qui vient ôter les verrous de ma prison ? Faut-il que je sonne l’alarme, quand on vient me relever de ma couche d’épines, pour me porter dans le sein d’Abraham ? Dois-je saisir mon épée, lorsqu’on vient solennellement poser une couronne sur mon front ? Oui, c’est ainsi que la mort est maintenant transformée par Celui, qui, pour donner à notre espérance une base inébranlable, monta aux cieux avec un corps semblable au nôtre, nous laissant cette promesse : « Je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin qu’où je serai vous y soyez aussi. » Ce n’est donc point contre la mort que je dois m’armer, mais contre le diable, qui me déguise le véritable aspect de la mort ; contre mon imagination, pour qu’elle ne me tourmente pas par des visions mensongères ; contre ma chair pécheresse, pour que sa stupide lâcheté n’ait pas le dessus ; contre mon incrédulité qui me fait sentir, comme à Marthe, une odeur de pourriture au lieu des riches parfums de la résurrection. Que le chrétien soit ému à l’arrivée de sa dernière heure, c’est dans l’ordre. Passer d’un monde dans un autre, quel pas immense ! De sa demeure terrestre être transporté en un clin-d’œil devant le Très-Haut et dans le cercle des saints anges, quelle transition ! Comment le cœur ne lui battrait-il pas dans un pareil moment ! Mais s’il éprouve autre chose qu’un saint et solennel pressentiment, qu’une attente mystérieuse, il méconnaît sa position, il a abandonné son poste. — Un chrétien qui craint de mourir manque à sa parole. Que se passa-t-il en effet, lors de notre conversion, entre nous et Christ ? Nous lui dîmes : fais de moi ce que tu voudras ; nous lui livrâmes notre corps et notre âme pour en disposer à son gré. Et s’il veut maintenant user complètement de ce droit, est-ce bien à nous de résister et de reprendre notre offrande ?
a – Saint Paul dit pourtant : Le dernier ennemi qui sera détruit c’est la mort. (1 Corinthiens 15.26). (Trad)
Quand nous mourons, c’est Dieu qui nous rappelle. Personne ne meurt accidentellement ; mais on meurt au moment où l’on doit mourir, ni plus tôt, ni plus tard. « Tu as posé une limite, dit Job, que l’homme ne passera point. » Qu’il sied donc mal aux chrétiens de se faire de la mort un sujet d’inquiétude. Ni flèche, ni chute, ni contagion ne pourra les atteindre, tant que l’heure fixée n’est point venue. Est-elle venue, qu’arrive-t-il ? C’est une voix d’amour qui leur crie : « Retournez, fils des hommes ! » et qui n’obéirait volontiers ?
La mort même, vous le savez, est dans l’inventaire des propriétés des enfants de Dieu, « soit la vie, soit la mort, dit St.-Paul, toutes choses sont à vous. » La mort est à nous et non pas nous à la mort. La mort est pour le chrétien un ami rude, mais bien intentionné. C’est comme le bâton devant lequel Moïse trembla sans cause, mais qui lui servit à fendre la mer pour passer en Canaan. La mort ne peut me nuire plus que David au roi Saül lorsqu’il coupa le pan de son manteau. C’est pour moi le lion de Samson dont il est écrit : la nourriture est sortie du dévorateur et la douceur du fort. « La mort, dit un sage, est un grand docteur ; si elle atteint le soleil devant mes yeux de chair qui ne peuvent apprécier une autre lumière, c’est pour que je contemple une lumière éternelle dont les ombres auraient ébloui ma nature, et devant laquelle les lumières terrestres ne sont que des ombres. »
La mort porte une glorieuse bannière ! Elle nous ôte le plus grand des maux, le péchéb. Tant que nous sommes sur la terre nous traînons après nous un cadavre. Nous ne saurions empêcher que des pensées maudites ne jaillissent incessamment de notre cœur comme les étincelles de l’atelier d’un forgeron. Le péché, quoique pardonné, demeure et nous obsède encore. Nous voudrions prier, mais notre cœur n’est qu’un luth discordant. Nous voudrions pleurer, mais nos yeux sont des nuages sans eau. La chair convoite encore contre l’esprit. Et même sans le vent de la tentation le courant de notre cœur est assez rapide pour nous précipiter vers des chutes nouvelles. Voici donc que la mort se présente comme le dernier et le meilleur médecin qui guérit la tête malade, le cœur languissant. Le péché enfanta la mort : la mort est le sépulcre du péché. La mort du corps détruit le corps de mort. Elle nous ôte nos vêtements sales pour nous parer des vêtements de l’immortalité.
b – Pour ce paragraphe, nous invitons le lecteur à rappeler ses souvenirs bibliques. Ils pourront quelque peu contraster avec les expressions de l’auteur. (Trad.)
Lorsque le vieux Jacob vit les chariots de Joseph son fils, l’esprit lui revint. C’est ce que devrait éprouver le chrétien à l’approche de sa dernière heure. Sa mort n’est en effet qu’un char de fête que son Joseph lui envoie pour l’amener en Goscen, un esquif aux banderoles azurées que le vent de la grâce pousse aux fortunés rivages ; « le jour de la mort, dit Salomon, vaut mieux que le jour de la naissance. » C’est le jour de l’ascension du chrétien, son vrai jour de naissance. Mourir lui est un gain, c’est son dernier avancement, c’est le phénix qui brûle sa grossière enveloppe, pour se lancer vers l’éternelle clarté.
La mort est un héraut qui le conduit aux noces, vers le plus beau diamant de l’écrin des délices, vers Celui qu’il n’a plus besoin de redouter, mais qui comme Assuérus lui tendra son sceptre d’or. Et tous ses désirs seront satisfaits ; tous ses sens réjouis ; ses yeux de l’aspect du plus beau des fils des hommes ; ses oreilles d’une harmonie qui rend tous les concerts discordes ; son odorat d’un parfum dont nous n’avons aucune idée ; son palais de la manne de l’approbation paternelle ; son intelligence de la lumière de l’infinie sagesse ; son cœur du pouvoir d’aimer comme il désira si longtemps en vain ; sa volonté d’une énergie sans limites ; et son âme entière de l’assurance délicieuse que toutes ces joies ne finiront jamais ! car elles sont enlacées de la couronne impérissable de l’éternité !
Qu’il était donc malséant aux fidèles de Guilgal de jeter les hauts cris à l’aspect de la mort ! Il est d’autres occasions où les cris d’angoisse seraient mieux à leur place. Ainsi, lorsqu’on nous vante une sagesse non aspergée du sang de l’expiation, une voie de salut qui ne mène point à Golgotha, une théologie sans Christ, sans sacerdoce ni sacrifice, que ce soit dans les livres ou du haut de la chaire, à visière découverte ou sous un masque évangélique ; c’est le moment de s’écrier avec horreur : la mort dans la chaudière ! Car on nous a servi des coloquintes sauvages, cueillies dans le jardin du grand séducteur des âmes. Aucune table, de nos jours, n’est plus attrayante que celle de la librairie. Mais, hélas, il y a des bibliothèques entières sur lesquelles il faudrait écrire : la mort dans la chaudière ; et combien d’édifices consacrés au culte ou aux études devraient être désignés par la même inscription !
Mais retournons à Guilgal. La situation des fils des prophètes était sans doute fort triste. Ils avaient cru recevoir un bienfait de Celui qui nourrit les petits des corbeaux, mais lorsqu’ils se disposent à en jouir, il se trouve que c’est du poison ! La mort dans la chaudière !… Quelle rude épreuve pour leur foi en Dieu et pour leur confiance au prophète ! L’Etoile de l’éternelle fidélité s’obscurcit et leur angoisse spirituelle est peut-être la principale cause de leur cri de détresse. Cependant les desseins de Jéhovah sur eux n’étaient que miséricorde. Le prophète a déjà reçu ses instructions. Non, les frères ne doivent pas mourir ! Combien il eût été fâcheux que les seuls dépôts de la foi dans ce pays eussent été enlevés ! Quel triomphe pour Satan et pour ses adhérents idolâtres ! Déjà, sans doute, ce cri d’angoisse : La mort dans la chaudière ! fut accueilli en enfer avec des chants de victoire. Mais c’est le propre des puissances des ténèbres, qu’au moment où elles se croient victorieuses, la cymbale de leur triomphe se brise entre leurs mains, car en un clin d’œil tout change de face, et leur prétendue victoire n’est plus qu’une totale défaite. Élisée demande un peu de farine. Qui aurait cru que cette substance insignifiante surmonterait la mort et ravirait à l’enfer son triomphe ! Mais le prophète donne cet ordre au nom du Seigneur. Que ne peuvent accomplir les moindres choses, lorsqu’il s’y joint une parole de Dieu ?Une poignée de sel suffira pour délivrer une contrée de sa stérilité séculaire ; un morceau de bois dissipera l’amertume des eaux de Mara. Un peu de boue ouvrira les yeux de l’aveugle ; une goutte d’huile rendra, la santé aux mourants. Un remède quelconque peut-il être efficace sans cette même bénédiction ? Sans elle l’ordonnance la mieux conçue est écrite en vain. Mais avec elle un verre d’eau froide est plus efficace que la potion la plus énergique. La simplicité du moyen choisi par Élisée n’étonna point les fils des prophètes. Ils n’ignoraient pas que Dieu aime à voiler sa puissance sous une apparence de faiblesse. Et nous, pouvons-nous l’ignorer et nous prendre encore à l’apparence ? Ne savons-nous pas quel est l’esprit qui convient au royaume du crucifié ? Ils apportent donc la farine, Élisée la jette dans la chaudière, puis il commande à son serviteur de servir le potage. Et les disciples en mangent sans hésiter ! La foi n’est jamais confuse ! Ils mangèrent et, dit l’Ecriture, il n’y avait plus rien de mauvais dans la chaudière. Le potage était devenu salutaire et même le poison déjà pris avait perdu ses qualités pernicieuses. Les fidèles de Guilgal reçurent donc la grâce que Jésus promet plus tard à ses disciples en disant : S’ils boivent quelque breuvage mortel, ils n’en recevront point de mal. Que de fois ces paroles n’ont-elles pas dû s’accomplir dans le monde ! Spirituellement, elles s’accomplissent pour tous les chrétiens, car il n’existe plus rien qui leur soit pernicieux. Toutes choses, au contraire, doivent concourir à leur bien. O douce sécurité des enfants de Dieu, pour qui tous les dards, tous les glaives sont émoussés, qui jouent sans danger près du trou de la vipère et mettent leurs mains au repaire du basilic. Tout ce qui pourrait leur nuire tourne à leur salut. La méchanceté du monde sert à les purifier. Tout, ici-bas, a reçu l’ordre de servir ces petits. Tout concourt à former le réseau merveilleux qui les enlace et les rapproche de la source des bénédictions. Quoi donc ! les objets de tant de soins marcheraient encore dans l’inquiétude ; ils permettraient à un chagrin quelconque de les oppresser ! Oh ! qu’ils rougissent d’une telle conduite ! En haut les cœurs bien-aimés de Dieu ! Congédiez toutes vos craintes ! Il n’y a plus de mort dans vos chaudières. « La grâce se mêle à tout ce qui vous concerne et le rend salutaire. »