S’aimer

Épilogue

Les premières pages de ce livre ont placé le lecteur devant une réalité peu réjouissante. Pour être authentique et ne correspondre que trop souvent à l’aspect de la généralité des foyers, elle n’est pas moins incomplète. Car il y a des foyers heureux.

Leur histoire s’écrit rarement. C’est que le vrai bonheur s’effarouche d’être étalé aux yeux d’autrui. Il est le fruit d’une humble sagesse qui a su puiser à la source vive. Aussi bien dans sa qualité et sa sérénité, ce bonheur doit-il sa saveur non à ceux qui en bénéficient, mais à Celui qui la donne gratuitement à qui la recherche et consent à la recevoir.

Les époux heureux le savent ; d’où aussi leur discrétion. Tout aveu de bonheur leur ferait côtoyer la prétention, risquerait d’attirer sur eux une attention qui est à reporter sur Christ seul et la vérité de Sa sagesse.

La douloureuse histoire des foyers désagrégés par l’homme et sa méchanceté nous a accompagnés dans nos premières démarches à la découverte de la réalité. A l’heure de la conclusion, n’est-il pas juste de faire entendre une autre histoire, aussi vraie que la première : celle de foyers où les époux ont triomphé de tout obstacle dès le premier jour, parce qu’ils étaient ensemble fondés sur le roc de la Parole ; celle aussi de foyers où, semblablement et pour les mêmes raisons, l’un des époux, parfois jusque dans la plus noire des épreuves, a tenu bon ?

Les témoignages des premières pages devaient faire réfléchir, amener à la vérité. Ceux de ces dernières pages rempliront le même office, avec cette nuance heureuse : ils seront pour beaucoup une joie et un encouragement.

Le nombre de ces lettres est restreint. C’est intentionnellement qu’il a été limité. Elles ne sont pas là pour convaincre. Elles sont l’écho vivant d’un amour fidèle parce qu’animé du souffle de l’Esprit Saint.


♦   ♦

A l’automne, nous fêterons le vingtième anniversaire de notre rencontre et le dixième de notre mariage, ceci le même jour. Nous avons deux enfants.

Les soucis et les coups durs ne nous ont pas manqué, comme il se doit ; mais, jusqu’à maintenant, nous sommes toujours parvenus à sortir heureusement de toutes les situations, si difficiles soient-elles. Nous passons certainement pour des gens aisés ; ce n’est pas tout à fait exact ; nous ne manquons de rien et avons parfois un peu de superflu à condition de compter. Ceci dit, afin que vous puissiez un peu nous situer.

Souvent, il nous semble qu’il y a trop d’argent facilement gagné. Madame et les enfants ayant matériellement le nécessaire, Monsieur estime que le superflu lui revient de droit pour ses sorties égoïstes. Bien sûr, quand l’argent est difficile à gagner et qu’on a appris, par- fois durement, à administrer sagement son revenu, les restrictions aux tournées apéritives viennent sans autre !

Mais, ce qui manque dans bien des ménages, c’est tout simplement l’esprit d’équipe ou plus exactement le sens de l’équipe.

Avez-vous remarqué la façon de parler de beaucoup de personnes mariées ? Nous sommes très souvent frappés par le nombre de gens qui disent « je » là où manifestement il s’agit de « nous » dans un ménage. Que de fois nous entendons dire : « Mon appartement, ma voiture, mes meubles, mon fils, ma fille, mes projets, mon argent, j’ai décidé que mon fils ferait ceci, j’ai acheté un poste de radio… etc. ». Pourtant, en règle générale, ces enfants, ces objets, ces achats, ces décisions n’appartiennent pas à un seul ou ne sont pas le fait d’un seul des époux. Et même s’il y a séparation de biens ou si l’enfant n’est qu’à un seul, pourquoi ne pas dire « nous, notre » ? Personnellement, c’est une petite discipline que nous nous imposons sans peine depuis que nous nous connaissons ; Car « nous », prononcé souvent chaque jour, est un mot magique qui entretient précisément le sens de l’équipe, qui rappelle l’engagement pris solennellement à l’église et qui met au cœur un chaud sentiment de sécurité et de joie. « Nous », père, mère, enfants, œuvrant ensemble pour le bien commun, pour l’équipe, partageant bonheurs et peines, n’est-ce pas mieux qu’un « je » égoïste et solitaire tout au long de la vie ?


♦   ♦

J’ai trois enfants ; j’assume seule les soins du ménage. Je ne parviens pas toujours à éviter de m’impatienter avec mes chers petits parfois si insupportables. Mon mari nous permet une vie aisée au prix de beaucoup de peine. Et puis il a beaucoup d’activités en dehors de son travail professionnel.

Seulement, j’ai un privilège rare. Mon mari n’est pas un égoïste et ne pense pas à sa satisfaction personnelle. C’est uniquement par esprit de service chrétien qu’il s’occupe de tant d’activités extérieures. Il m’a amenée à partager sa foi. Car, loin de nous désunir, elle est le ciment nécessaire et combien solide qui, plus qu’un amour uniquement humain, crée entre nous des liens indissolubles.

On pourrait demander : Que deviennent les enfants dans un foyer semblable ? Eh ! bien, ils sont la raison première pour laquelle mon mari lutte au dehors et s’encourage en dedans. Il est vrai que la plupart des gens ne se rendent pas compte des difficultés matérielles mais surtout spirituelles que traverse notre pays et la peine que nous avons à faire respecter réellement des libertés primordiales que nous voulons à tout prix transmettre à nos enfants dans tous les domaines.

De ces difficultés, nous sommes tous deux conscients ; c’est pourquoi nous ne nous contentons pas d’un bonheur douillet et familial égocentrique.

J’ai écrit plus haut que j’en suis venue à partager la foi de mon mari. Je dois préciser que cela n’a pas été tout seul. Je me suis mariée pendant la guerre sans penser plus loin qu’à l’amour sincère que j’éprouvais pour mon mari (ce qui n’est pas si mal !). Quand la guerre terminée, je l’ai vu s’engager peu à peu dans beaucoup d’activités extérieures, j’ai beaucoup tempêté et rouspété, n’ayant pas beaucoup de patience et étant fort têtue. Mais voilà ce qui a permis le miracle : la patience est profondément ancrée en mon mari ; jamais il ne m’a butée ni heurtée de front ; il s’est simplement montré ferme. Un lent travail s’est fait en ma conscience et Dieu, toujours invoqué, ne m’a pas ménagé ses grâces magnifiques me montrant par-dessus tout que j’étais égoïste. J’ai compris, guidée par un directeur de conscience étonnant, qu’en entrant dans le jeu, je goûtais un bonheur que seule j’aurais détruit, me croyant délaissée, ce qui était faux ; je m’en suis rendue compte depuis. Il n’aurait jamais été, certes, question de séparation, ni même de chercher ailleurs.

Et je dois dire que peu à peu, difficilement, je me suis mise au courant de tout ce qui intéresse mon mari, et qu’à mon tour je l’encourage activement et lui donne même des idées. Nos enfants n’ont rien à y perdre, car notre vie de famille n’est en rien négligée : elle est au contraire préservée, car peu à peu ils s’intégreront, en grandissant, apprendront à faire face à bien des difficultés et à s’éviter bien des illusions notamment sur le mariage. Il est évident que lors- que nos enfants auront leur vie propre et que je serai entièrement libre, j’accompagnerai mon mari toutes les fois qu’il sera possible.

Je n’ai donc plus rien à reprocher à mon mari qui, en plus, est très bon père et époux et me rend des services à la maison (corvées) ; lui-même ne me reproche jamais mes impatiences de mère de famille dues à une existence comparable à une course contre la montre (par contre, je les regrette toujours).

En conclusion, parce que l’un des deux était profondément chrétien, il est parvenu, à force de patience et d’amour, non seulement à éviter le pire, mais à entraîner à la poursuite du même idéal l’épouse qui vous écrit. Pas de vrai bonheur sans Dieu, dont la miséricorde est infinie à l’égard des petits humains que nous sommes.


♦   ♦

Quand nous nous sommes mariés, ma tante m’a donné ces conseils, que j’ai toujours suivis, sans jamais m’en écarter :

« Ne laisse jamais venir une première chicane… Attends ton mari, même s’il rentre très tard ; quand il rentre, sois toujours aimable et ne lui fais jamais part de tes ennuis de ménage. »

Je n’ai jamais oublié, ai toujours suivi ces conseils. Bien souvent j’en souffris, mais le résultat était bon, j’en ai été récompensée. C’est entendu que l’homme est égoïste et veut se sentir le seigneur et maître. Cependant, je peux vous assurer que notre union et l’entente toujours meilleure. Suivant ce que mon mari disait ou voulait que je fasse, j’étais assurée qu’il avait tort ; mais je n’insistais jamais. Sans vouloir l’avouer, il voyait quelque temps après que j’avais eu raison. Maïs jamais je ne laissais voir que j’en étais fière. Oh ! non, la femme doit avoir beaucoup de tact, de délicatesse et ne pas dire « je », mais « nous ». Naturellement, pour la femme ce n’est pas facile, mais cela rentre dans sa vocation.

Encore un détail qui a son importance: jamais je n’ai négligé ni la propreté de ma personne, ni mon habillement. Quand mon mari rentrait, je le recevais toujours avec le sourire et bonne humeur. Quand il sortait, je l’accompagnais jusqu’aux escaliers avec le plus de gentillesse possible. Je crois que tout homme finit par s’attendrir, par être content de tant d’égards.

J’ai élevé mes enfants en développant surtout les qualités du cœur, la bonté, le dévouement. Je me suis efforcée de leur montrer le bon côté, le bien chez les gens, à avoir des égards, de la politesse, mais de la vraie, celle qui consiste surtout à faire du bien à autrui. J’ai heureusement réussi avec leur éducation et leur ménage va le mieux possible.

Il faut bâtir son bonheur et pour cela la femme doit toujours faire le bonheur de son mari, sans penser à faire le sien. Voilà ce qui a toujours été ma conviction. Et vous savez où elle se puise…


♦   ♦

Je suis aussi une femme seule, avec un mari qui ne partage ni ses soirées, ni ses pensées ; cela est souvent dur, j’en conviens ; aussi, voilà ma « philosophie », toute gratuite.

Qu’est-ce que l’amour ? C’est un don de soi. Aimer assez pour accepter la joie de l’autre. Si lui est heureux, être heureuse de sa joie. Ce n’est pas facile ! S’accepter différents comme la main gauche est différente de la droite. Pourtant ces deux mains différentes peuvent faire du bon travail ensemble. Un homme qui, par sa vie au dehors est en relation directe avec le monde, ne sent pas comme une ménagère le besoin de compagnie. C’est la vie qui veut ça. Mais il ne faut pas trop penser à soi et encore moins aller chercher la solution ailleurs.

J’ai fait partie de sociétés féminines, sociétés chrétiennes. Un soir par mois, nous nous retrouvons entre dames. On s’enrichit moralement, cela distrait, on y trouve de bonnes amitiés ; on se sent surtout moins seule. Ici, où je suis depuis deux ans, je ne me le permets plus ; ces dames se réunissent le vendredi soir et, en principe, je ne sors pas ce soir-là. C’est le soir où le papa, ayant oublié de rentrer à l’heure, arrive entre huit et dix heures et a besoin d’une oreille complaisante pour écouter l’histoire ou la discussion qu’on vient d’avoir devant trois décis. Pour lui, c’est le commencement du repos de fin de semaine, et j’essaie d’être alors au moins autant épouse que mère ; ce n’est pourtant pas toujours si intéressant ; il faut croire que ce moment passé entre camarades, avant le retour, compense bien des fatigues de la quinzaine.

Je rejoins chaque fois que je le peux une équipe de « foyers chrétiens », y puise courage et lumière ; c’est du soleil pour tout un mois. Chaque fois que je me suis trouvée devant de sérieuses difficultés, j’ai demandé conseil au berger de la paroisse ; c’est un grand ami, et je lui dois le nonante pour cent du bonheur de notre foyer…

J’ai pris le principe de ne jamais m’énerver avant le retour du mari ; il peut avoir une raison sérieuse de n’être pas rentré ; si je me fais trop de bile, je vais me coucher en pensant qu’à mon réveil il sera là… et l’explication aussi. Souvent, alors qu’on avait le droit de gronder, on est si content que le souci soit fini qu’on oublie de gronder. J’aurais plutôt tendance à taquiner, cela fait autant d’effet, mais pas n’importe quand…

Chez nous, le papa me donne ce qu’ensemble nous avons estimé nécessaire au ménage, quelquefois un peu plus, selon ses possibilités. Il choisit lui-même son argent de poche ; souvent l’envie me prend d’en discuter. Et pourtant, je me souviens que, jeune fille, mon argent de poche filait rapidement. En principe, je me défends de juger sa manière de dépenser l’argent. Tant pis si ses dépenses de début de quinzaine l’obligent à tirer le diable par la queue en attendant la paie.

Je suis heureuse que nos possibilités financières l’obligent à un minimum de sagesse.

Je tâche de relier autant que possible sa vie à celle des enfants. Et surtout, j’essaie tant que je peux d’oublier le « je » et « moi » qui, quand on les ressasse, ne nous apportent qu’amertume et insatisfactions. J’essaie de penser à cela en éduquant mes enfants qui seront « le monde de demain ». Ouvrir leur cœur, leur apprendre à penser aux autres et à se supporter gentiment…


♦   ♦

Bien des personnes étant au courant de ma situation, me disent qu’elles n’auraient jamais enduré si longtemps une vie pareille, mais seraient depuis longtemps parties.

Je veux vous dire pourquoi je suis encore là, bien que mon mari — ayant ce qu’il lui faut ailleurs, vous l’aurez sans doute deviné — aurait depuis longtemps aimé me voir partir. J’ai la foi en Dieu qui ne trompe jamais, en qui seul nous pouvons avoir confiance, qui nous aide à porter notre croix. J’ai trois enfants qui ont besoin de moi et pour qui, avec l’aide de Dieu, je veux tenir jusqu’au bout.

Pour ma part, j’ai la conviction que si je n’avais pas fait un mariage malheureux, je n’aurais pas trouvé Dieu. Par contre, je peux me dire chaque jour à mon lever : Mon Seigneur demeure tout près de moi…


♦   ♦

J’ai été moi aussi placée devant ce terrible problème de l’avortement, et cela à un moment des plus difficiles de ma vie.

Nous avons mal commencé. Mon fiancé, issu d’une famille alcoolique — ce qui entraîne indiscutablement une triste vie de famille — venait d’être mis hors de sa place pour abus de confiance. Et je me trouvais enceinte. On m’a proposé un avortement ; ainsi, tout serait simplifié.

Pourtant, je n’ai jamais pensé que cela fût une solution. Si l’on commence mal et continue par un crime, que sera la suite ?…

Donc, malgré tout, nous nous sommes mariés, avec ce que nous avions ; et c’était le strict nécessaire.

J’ai encouragé mon mari, lui ai fait une vie de famille. Notre petit est né en mars. Vous dire notre joie est impossible. Cela se vit et ne peut s’expliquer. Mon mari a compris beaucoup de choses. Il est devenu un autre homme, un époux dans le vrai sens du mot. Nous sommes aujourd’hui heureux.

Mais si nous en sommes là, c’est à Dieu que nous le devons. En effet, c’est Lui qui nous a aidés, parce que chaque jour nous le lui avons demandé…

Il faut dire aussi que ma maman nous a encouragés dans cette bonne voie.

Je me permets encore de vous dire que pour se marier dans ces conditions, il ne faut pas se laisser tenter par l’achat d’un mobilier à crédit. On se dit qu’en payant chaque mois ça ira. Mais quand il faut payer toutes ces mensualités, que reste-t-il pour vivre ? Et puis, s’il faut toujours tirer le diable par la queue, le mari se décourage. Ceci est le mal de beaucoup de ménages…


♦   ♦

J’ai un mari toujours absent, Depuis des années, il rentre le samedi après-midi et repart le dimanche soir. Ces absences régulières ont procuré des occasions de fréquentations. Il se trouve toujours une femme qui cherche l’aventure et la solitude fait le reste. Nous avons été heureux près de vingt-cinq ans. Les enfants sont bien élevés, je suis une bonne travailleuse et mon ménage est bien tenu. Alors que faire, sinon se taire et être encore heureuse du peu que nous recevons de sa présence. J’ai liquidé en une seule explication ce qu’il y avait à mettre à jour. Ensuite, le silence. J’attends qu’il revienne à de bons sentiments ; et cela reviendra puisqu’il n’a rien à me reprocher. Remarquez qu’entre nous il y a une entente cordiale et personne autour de nous ne se doute de la fêlure. Il n’est pas question de séparation ni divorce. J’ai tant prié que Dieu m’exaucera, J’en suis sûre, Il est ma consolation et mon confident quand j’ai trop de mal à l’âme.

Bien des personnes penseront qu’on s’habitue. Eh ! bien, non ! On ne s’habitue jamais à être bafouée, même de loin ; mais je suis heureuse encore d’avoir pu garder un foyer à mes enfants. Je me réjouis quand je vois qu’il revient à de meilleurs sentiments et se plaît à la maison.


♦   ♦

… J’ai tenu ferme malgré ma souffrance morale durant depuis dix ans. Mes enfants sont maintenant à leur ménage. Je suis d’accord, il ne faut pas chercher la porte de sortie du mariage qu’est le divorce, mais tenir. Quand mon mari rentrait à la maison, les enfants, ignorant sa vie, étaient heureux de son retour et moi je faisais comme eux. Vous dire mon désespoir après son départ, sachant sa vie extra-conjugale, je ne saurais vous le dépeindre. Mais vint le jour où l’infidèle regretta sa vie gâchée. Pour ce jour, je suis heureuse d’être restée fidèle au foyer.

Et maintenant, nous finissons notre vie terrestre dans ce foyer vide de nos oisillons ; une tendresse sans borne a remplacé l’amour de notre jeunesse. Pardonner, toujours pardonner est notre lot à nous, humains, en nous appuyant sur notre modèle : Jésus-Christ. Je suis récompensée, car ainsi mes enfants n’ont pas eu l’occasion de mépriser leur père. A ma confirmation, j’avais reçu le verset : Tiens ferme ce que tu as…


♦   ♦

Je ne suis pas mômière, ni bigote. J’ai quatre enfants que j’ai élevés avec l’assentiment de mon mari, dans ma religion. Nous sommes mariés depuis près de trente ans, ce qui veut dire que nous ne sommes plus des jouvenceaux. Cela n’empêche pas que nous soyons aussi unis qu’aux premiers jours, peut-être plus encore ; nos enfants nous font honneur et plaisir ; mais je dois vous dire que ce qui a fait notre force, ce qui nous a aidés et nous a toujours soutenus, c’est la confiance en Dieu, une croyance ferme, solide.

Nous avons eu souvent des jours pénibles. Mon mari n’avait pas la grosse paie, les enfants étaient petits, ils usaient. Mais nous n’avons jamais désespéré, nous avons toujours eu confiance. Maintenant, notre situation s’est améliorée. Dieu nous bénit et je vous assure que, malgré quelques nuages par-ci par-là (où il n’y à rien, nul ne se tient), si tous les ménages étaient comme le nôtre, les avocats pourraient fermer leurs études, tout au moins ceux qui vivent des divorces. Oui, je crois que ce qui manque aux foyers, c’est la vraie foi : apporter à Dieu le bon comme le mauvais, Lui offrir nos joies tout comme nos épreuves, après cela, tout est facile et la vice paraît moins dure.


♦   ♦

J’ai aussi eu un écart de conduite qui fut d’assez courte durée, mais que j’ai payé à prix d’or. J’ai été prête à en finir avec la vie. J’ai souffert moralement d’agir mal, car je m’étais attachée à un voisin qui m’était cher et que j’ai profondément aimé, alors que je n’en avais pas le droit. Il était veuf, moi j’étais épouse et mère, et il fut un temps où je fis taire ma conscience pour l’aventure.

Je n’y ai pas trouvé de joie véritable, mais j’ai souffert quand même lorsqu’il me fallut prendre la décision de cesser mes relations honteuses. Et bien plus encore, quand les remords et la honte de mon infidélité m’ont assaillie. Je ne savais plus prier, parce que l’on ne peut servir deux maîtres.

Je ne peux réaliser que j’aie pu vivre cette double vie. Le jour est venu où je fus à bout, et j’ai ouvert mon cœur à mon mari. Quelle croix ai-je dressée sur son chemin ce jour-là ! Mais mon cher mari a pris la solution la meilleure. Il a pensé au temps où il m’avait connue toujours fidèle, confiante et heureuse et, par amour pour nos trois enfants, il m’a pardonné et m’a tendu la main pour m aider à revenir moi-même.

J’ai été un certain temps sans pouvoir malgré tout m’ouvrir à Dieu et m’humilier pour avoir son pardon. J’étais si faible que j’ai fait une dépression. Maintenant je suis heureuse. A nouveau, j’ai la paix dans mon cœur. Je suis sûre que Dieu a eu aussi pitié de moi et m’a pardonné. Et je veux rendre heureux mon mari comme il le mérite et lui faire oublier les mauvais jours. D’ailleurs, la souffrance m’a affermi le caractère. Que de larmes j’ai versées ! Que serait-il arrivé si mon mari m’avait chassée ? Mais c’est un chrétien véritable et il a su choisir la meilleure solution, et c’est un foyer de sauvé et un foyer qui s’est rebâti sur le roc et le sera jusqu’à la fin.


♦   ♦

Vous m’avez dit tant de choses que vous vous demandez peut- être ce qui a germé et ce que j’ai laissé perdre. Sans doute beau- coup de choses précieuses m’ont-elles échappé, Mais quand vous m’avez dit : « Les hommes sont déjà sauvés, et tous, mais il faut le leur faire connaître », j’ai compris que je n’avais rien compris à rien jusqu’alors.

Je m’explique : « Qui veut sauver son âme la perdra » s’adressait bien à moi (d’ailleurs il y a longtemps que ce verset me trottait par la tête). Tout ce que je faisais, tout ce que j’avais, toute chose agréable qui m’arrivait, tout me poussait à faire des comparaisons avec d’autres gens qui avaient ou pouvaient moins. Cela tournait nettement à l’obsession. Et comme je me sentais incapable de renoncer à tout pour mon prochain, je me débattais avec les commandements de Dieu, sans voir d’issue.

Je vous avouerai que je m’étais même mis dans la tête que le salut de l’âme de mon mari dépendait de moi (heureusement, étant perplexe quant aux moyens à employer, je n’avais encore rien entrepris de positif ! !). Autrement dit, je croyais qu’il me fallait gagner le ciel par mes propres moyens.

Ou, pour reprendre la comparaison que vous faites avec Dieu le Père et nous Ses enfants, je faisais exactement ce que fait ma cadette qui dit toujours : « Moi fais tout seul ! » et aboutit à des catastrophes spectaculaires !

Alors, maintenant que j’ai compris que j’étais déjà sauvée moi aussi, je sais que c’est Dieu qui me donnera la force de faire ce qu’il veut que je fasse dans ce monde.

« Dieu est Amour » ; j’ai lu, relu et entendu ça d’innombrables fois. Figurez-vous que je n’y avais rien compris, que je ne m’étais jamais arrêtée à cette idée. Quand j’ai entrevu qu’il y avait là un chemin neuf, si je vous disais que je riais toute seule et que je me sentais, moi aussi née de nouveau, vous n’allez pas me prendre pour une follette exaltée ?

Nul doute que je n’aie encore bien des étapes à parcourir. Pour le moment, il me semble que je fais une petite halte-horaire, très bienfaisante.


♦   ♦

Quand j’ai quitté votre bureau, j’étais encore fort perplexe et incertain sur mon proche avenir ; ivrogne invétéré, je me faisais une tout autre idée de l’abstinence et de la volonté de tenir mes engagements. Mais le Tout-Puissant me suivit pas à pas et, comme vous me l’aviez si bien représenté, quand on demande Son aide et qu’on accepte Son appui pour porter la charge, Il nous donne une maîtrise et une confiance en soi merveilleuse.

L’ange gardien que vous m’aviez décrit, je le sens à tout instant auprès de moi et, grâce à lui, dans les pires tentations, je n’ai jamais faibli. Je suis devenu un homme nouveau : la confiance en l’avenir et l’espoir d’arriver à un but précis dans la vie me font voir maintenant les belles années de ma jeunesse ainsi que tout l’argent gaspillés bêtement pour l’alcool. Tous les soirs, je remercie Dieu à genoux car, chaque jour est une victoire sur moi-même ; je Lui demande avec ferveur la force et la volonté de continuer dans cette voie. Il faut y avoir passé pour apprécier la joie d’être débarrassé du joug et de l’esclavage dégradant de l’alcoolisme. J’ai fait la connaissance de M. X ; toute sa vie, il l’a consacrée à la lutte contre l’alcool. Il est pour moi un bon appui et un grand réconfort. moral, car la maison où je travaille est le temple de la débauche et de la boisson. D’autre part, je suis continuellement en butte aux railleries du personnel et des clients au sujet de mon abstinence, mais plus l’on me persécute, plus je me sens fort et résolu.

Dieu m’a fait remonter la pente fatale et m’a redonné une chose que je croyais perdue à tout jamais : la confiance en l’avenir.


♦   ♦

… A peine aviez-vous commencé à parler que je compris que j’allais entendre mes quatre vérités, comme on dit, c’est-à-dire que ma conscience a été immédiatement mise en éveil. m’a semblé que c’était à moi seul que vos paroles s’adressaient. Ainsi, dès que vous nous avez lu la lettre qu’une dame vous écrivait, j’ai cru que c’était ma femme qui vous l’avait adressée, alors que j étais sûr que ce n’était pas le cas. Autrement dit, cette lettre me concernait per- sonnellement et je m’y suis identifié d’un seul coup.

Moi aussi, j’ai promis à ma femme ce que l’on promet au mariage ; moi aussi j’ai ouvert la belle grosse Bible au début du mariage (pour la fermer peu de temps après, n’y ayant rien compris) ; moi aussi (excusez la répétition de cet horrible Moi), j’en suis arrivé à maltraiter ma femme ; moi aussi j’ai flirté jusqu’à être possédé du démon et ne penser presque plus qu’à ça, trompant ainsi odieusement la confiance que ma femme avait mise en moi. Je vous fais grâce de tous les détails de cette vie d’enfer dans laquelle mon cœur — et aussi celui de ma femme — se débattait.

Plus vous approchiez de la Fin de votre exposé, plus mes oreilles devenaient rouges et plus je me sentais mal à l’aise. Alors, j’ai compris que c’était Dieu Lui-même qui me parlait ce soir-là, me disant : Voilà à quoi tu en es ; alors maintenant choisis : Moi ? ou Satan ? J’ai choisi Dieu. Gloire à Lui pour la patience et l’amour qu’il a manifestés envers ma femme et moi, après dix ans de mariage ! Comment pouvions-nous vivre si éloignés de Lui ? Je ne pouvais plus faire autrement que demander pardon à ma femme…

Toutefois, je vous assure que cette semaine n’a pas été toute rose, bien au contraire; car, après avoir demandé pardon à ma femme en lui disant tout le mal que j’avais fait, il lui a fallu, à elle, me par- donner, et cela n’est pas venu le premier jour, vous le pensez bien. Pourtant, grâce à Dieu, ma femme n’a pardonné. Nous marchons maintenant la main dans la main sous la conduite de notre Maître, le seul qui compte désormais, Jésus-Christ. Maintenant, nous savons ce que les mot « conversion » et « nouvelle naissance » veulent dire…


♦   ♦

Moi aussi, j’ai eu de terribles difficultés comme jeune femme, j’ai dû supporter des scènes fort pénibles. A la suite de l’une d’elles, j’ai été terrassée par un arrêt du cœur, étant à bout de résistance.

Pour que je retrouve mon équilibre, le docteur m’a obligée à m’éloigner plusieurs semaines. A mon retour, mon mari m’a déclaré que c’était bien dommage que je ne sois pas morte. Vous dire que je n’ai pas eu la tentation de m’en aller serait faux. Mais j’avais trois enfants et une famille et une belle-famille que j’aimais beaucoup et à qui j’aurais causé bien du chagrin en abandonnant ma tâche. Et surtout, j’avais promis devant Dieu d’accepter cette tâche, de la remplir au mieux quoi qu’il arrive. Et je suis restée, jouant souvent la comédie de la femme heureuse, car bien peu de personmes ont été au courant de mes peines.

Et maintenant, lorsque je me retourne vers ce lointain passé, je suis infiniment reconnaissante à Dieu qui peut changer les cœurs, qui peut chaque jour vous donner les forces nécessaires pour faire face aux événements. Mon mari a complètement changé et est devenu le meilleur des maris. Mes trois enfants sont mariés et ont chacun un foyer heureux. C’est chaque jour un sujet de gratitude.

Sans foi, sans patience, sans persévérance, sans confiance, on réussit peu de choses.

« Sans foi, sans patience, sans persévérance, sans confiance, on réussit peu de choses !… »

Le Christ dit davantage, et avec quelle fermeté : Hors de moi, vous ne pouvez rien faire !

Ce livre, à sa manière, une fois de plus a commenté cette parole.

Heureux qui comprendra.

Il y a des siècles, quelqu’un disait déjà :

Nombreux sont ceux qui disent :
Qui nous fera voir le bonheur ?
Fais lever sur nous la lumière de ta face, ô Eternel.

(Psaumes 4.7.)

La réponse est venue, claire, décisive, incomparable. En venant au monde, Christ a éclairé toute créature. Le soleil levant nous a visités d’En-haut. Depuis lors, tout ce que les hommes connaissent et accomplissent, loin de ternir l’éclat de cette lumière, ne fait qu’en souligner la glorieuse présence. Même à l’heure où ils haïssent ! Combien plus encore à l’heure où ils s’aiment… Et c’est là leur vraie destinée :

L’aimer, Lui, et à cause de l’amour qu’il a pour nous, maris, femmes, célibataires, parents, enfants, s’aimer.

Car Dieu est amour.

chapitre précédent retour à la page d'index