Chrétien à plein temps à pleine part

Chapitre 1
Le sacerdoce du témoignage

1. a) « Le rôle du laïc », a dit un pasteur français, « c’est de cesser de l’être ». En effet, il faut cesser une fois pour toutes d’opposer laïcs à clergé. Autrement dit encore : enrôlés au service du Christ, nous sommes « tous » soldats, « tous » témoins.

Une affirmation aussi catégorique contraste avec une réalité plus décevante. Il y a dans nos sociétés locales, une tradition solidement établie : lors d’une journée ou soirée annuelle, on remet aux anciens sociétaires un diplôme de membre passif. Nous avons entendu de nos oreilles cette formule étonnante : « Nous remettons à notre cher camarade X un certificat d’honneur pour quinze ans d’activité comme membre passif ». Une telle récompense pourrait assurément sanctionner les « mérites » de bien des gens de nos paroisses et communautés, dont l’activité essentielle, au long des années d’éloignement, est effectivement celle de membres passifs ! Quant à ceux qui, sous le prétexte d’une appartenance idéaliste à l’Eglise universelle, n’ont jamais jugé bon de s’intégrer activement à une communauté locale, il suffirait de leur demander à quelle heure est le culte de cette « Eglise universelle » et, accessoirement, quel est son numéro de compte de chèque postal pour leurs éventuelles offrandes…

En résumé, disons que le Seigneur ne connaît pas l’Eglise des membres invisibles, ni l’Eglise des membres passifs.

b) Le premier témoignage du chrétien, c’est d’abord la « manifestation » de son choix. Si, par son comportement, la prise au sérieux de ses responsabilités, les ordres qu’il donne, les lieux où il se rend, les charges qu’il assume, un maire de commune démontre qu’il a pris au sérieux son élection, de même le premier témoignage d’un chrétien s’exprime dans son comportement, ses choix, ses engagements, sa manière personnelle d’assumer son élection en Christ.

En d’autres termes, quand même notre vocation fait de nous tous des témoins, seul l’est en vérité celui qui a décidé de l’être.

Lire : Matthieu 7.21-29 ; 21.28-32.

2. Ce choix librement consenti s’accompagne nécessairement de sacrifices. Nous ne pouvons prendre position pour Jésus-Christ sans rompre en même temps et par là même avec une certaine manière de penser et d’agir d’un monde soumis à Satan.

a) Notre témoignage suscitera critiques, moqueries, peut-être même pertes matérielles, mépris des autres, persécutions. Encore faudrait-il être certains que l’opposition suscitée s’adresse à l’Esprit saint et non à nos maladresses, notre manque de sagesse, de tact, de discernement, pis encore, à notre orgueil spirituel. D’où la nécessité, à l’heure où nous croirions être martyrs, d’un contrôle fraternel ! Cependant, cette souffrance réelle est prévue au programme, et il faut l’avoir admise si l’on ne veut pas risquer de trahir à l’heure où elle se présenterait.

Lire : Matthieu 13.20-21 ; 1 Pierre 4.3-6.

Une telle trahison est fréquente. Ceux qui en sont les héros décevants pensent parfois camoufler leur abandon par cette affirmation : « J’ai perdu la foi ». Ce n’est pas la foi qu’ils ont perdue : le plus souvent c’est simplement le « courage » de la foi. Les temps que nous vivons requièrent de la part des chrétiens une dose quotidiennement renouvelée de ce courage. Mais le Seigneur l’a promis à ceux qui le lui demanderaient (« Vous aurez des tribulations dans le monde, MAIS PRENEZ COURAGE, j’ai vaincu le monde »). Il ne suffit plus de prier « augmente-nous la foi », encore faut-il accepter ce renouvellement du courage, cet entraînement au courage.

b) A cause de notre témoignage, peut-être nos amis, même nos plus proches — les membres de la famille — s’éloigneront de nous, se dresseront contre nous. Ce sacrifice-là peut aussi s’inscrire au programme du témoin. Mais en ce cas aussi, il sera bon de soumettre ce « martyre » à l’appréciation de frères aînés.

Lire : Matthieu 10.28-31.

Inutile de préciser qu’un tel sacrifice est parmi les plus douloureux. Une chose nous aidera pourtant : la certitude que ce n’est pas pour « des idées » que nous luttons, encore moins pour « nos idées », mais pour le compte du Christ, par fidélité, par attachement inconditionnel à notre Seigneur. C’est entre deux noms, entre deux candidats que la foule de Jérusalem a « voté » : Barabbas ou Jésus ? Ce « ou Jésus » demeure actuel pour nous, tandis que le nom de Barabbas est remplacé par d’autres noms, parfois le nom de tel de nos proches. Lorsque nous avons la conviction que nous sommes arrivés à l’heure de tels choix, la consigne de notre Maître doit prendre toute son importance : « Celui qui aime son père ou sa mère, son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi » (Matthieu 10.37). On nous taxera d’étroitesse ou d’intolérance. Nous savons que c’est affaire de fidélité.

c) Notre choix de chrétien nous oblige aussi à un tri. Il est des activités auxquelles nous devons renoncer aux profits d’autres ; des intérêts même légitimes que nous devons sacrifier si nous voulons disposer du temps, des forces, des moyens nécessaires pour plaire à Celui qui nous a enrôlés.

Lire : 2 Timothée 2.2-7 ; 2 Pierre 1.5-8 ; Philippiens 1.9-11.

d) Ce tri sera d’autant plus nécessaire que notre ministère de témoins requiert une formation. Tout travail humain la prévoit : apprentissage, stages, cours de perfectionnement, maîtrises, etc. Le Christ veut aussi des ouvriers qualifiés à son service. L’étude biblique communautaire mensuelle ou hebdomadaire, telle retraite spirituelle, tel cours de formation (véritable recyclage), l’intérêt donné à la lecture de revues, de livres de culture biblique ou d’édification spirituelle, voilà ce que doit comporter l’outillage normal d’un ouvrier un tant soit peu qualifié.

3. Que faites-vous d’extraordinaire ? Il va de soi que notre témoignage sera conforme pour le moins à la morale courante. Il n’y a rien d’extraordinaire à être honnête, droit, loyal, véridique, courageux, etc. Les païens le sont aussi. Notre témoignage n’est pas seulement une conformité à la morale, mais une exigence de la grâce, laquelle nous fait serviteurs du Christ, et du Christ crucifié. C’est pourquoi aussi ce témoignage comporte des exigences d’un ordre surnaturel, c’est-à-dire contraires à notre nature, à notre raison, et, cela va de soi, à notre intérêt « bien compris ».

Exemples :

« Ne te mets pas à la première place. » (Luc 14.8).

« Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous persécutent… » (Matthieu 5.44).

« Rendez le bien pour le mal » (Romains 12.21).

« Recherchez non votre intérêt, mais celui d’autrui » (Philippiens 2.4).

« Pardonnez non pas sept fois, mais septante fois sept fois » (Matthieu 18.21-22).

Il y en aurait beaucoup d’autres à citer. L’important : discerner concrètement à quoi cela nous oblige : le refus de l’esprit de puissance qui est dans ce monde, un consentement à être joyeusement du côté de la croix et, aux yeux des autres, à passer pour le « dindon » ou la « poire ». Ce témoignage est le vrai jalonnement du chemin qui mène au royaume.

Lire : Philippiens 2.3 et suivants.

4. Un témoin, c’est évidemment quelqu’un qui a vu, qui a participé à un événement, qui en est marqué, qui a donc quelque chose à dire, à raconter. Encore faut-il préciser que le témoin évangélique est, en ce monde, porteur d’une bonne nouvelle. Il serait donc assez contradictoire que pour la transmettre, il soit tenu de ne pas l’exprimer, mais de se contenter de la vivre. Nous avons donc à la faire connaître en actes et en paroles, à veiller que celles-là ne démentent pas ceux-ci ; à veiller aussi qu’elles soient assaisonnées du sel de l’amour. Si cela n’était pas, notre témoignage n’en serait plus un. Le diable s’en réjouirait et l’Esprit en serait attristé.

On notera, à ce sujet, cette remarque cinglante d’un jeune auteur français, le regretté Jean-René Huguenin 1 :

1 « Une autre Jeunesse » p. 117-118, Ed. du Seuil.

« L’Eglise ou en tout cas une partie de l’Eglise, intimidée par les progrès de la science et les conquêtes du libre esprit, n’ose plus parler de foi ni d’âme. Alors qu’elle aurait gagné la partie d’avance si, en ces temps de lassitude et de dégoût, elle osait dénoncer les obsessions du monde moderne, le culte de l’argent, de la technique, du confort, elle s’imagine flatter la jeunesse en dépêchant auprès d’elle des prêtres dans le goût du jour, mi-savants, mi-laïcs et généralement grands amateurs de psychiatrie. Oiseleurs sans filets ni cages, oiseleurs sans illusions, ils s’approchent timidement de ces enfants pour les féliciter de leur mœurs et tout particulièrement de leur liberté sexuelle, ILS SE GARDENT BIEN DE PRONONCER LE NOM DE DIEU, DE CRAINTE DE LES EFFAROUCHER, ET JE REDOUTE QU’À FORCE D’ÉTEINDRE CE NOM SUR LEURS LÈVRES, ILS NE FINISSENT PAR LE LAISSER S’ÉTEINDRE DANS LEUR CŒUR. »

Là encore, là une fois de plus, il importe de savoir à qui nous voulons plaire : au Seigneur ou à ceux qui craindraient que l’on parle trop de lui ?

Sagesse, discernement sont certes nécessaires. Il y a le ton ; il y a la manière. Mais si nous désirons que le Seigneur étende sa main pour qu’il fasse des guérisons, des miracles et des prodiges par le nom de son saint serviteur, Jésus, il importe que de notre côté, nous annoncions sa Parole avec une pleine assurance.

Lire : Actes 4.29-30.

Précisons peut-être encore ceci : pas plus qu’on ne devient un nageur par le seul fait de se jeter à l’eau, on ne passe du mutisme au témoignage oral, de la timidité coite au courage osant s’exprimer. Il y faut un apprentissage et un entraînement, Par des groupes constitués à divers degrés de développement, les communautés et paroisses ne visent pas seulement à « instruire » mais aussi à former. L’école du dimanche, le groupe de jeunes, les cercles d’études bibliques, le club des jeunes ménages, etc. ne doivent pas être considérés comme des lieux où l’on n’apprendrait qu’à « écouter » ; mais comme des lieux où l’on s’entraîne à parler, à exprimer ses convictions (dont le tort, bien souvent, est d’être seulement « des convictions profondes… ») !

Et que dire de la famille ? Lieu d’un trop fréquent mutisme religieux. C’est en nous entendant parler que nos enfants apprennent à s’exprimer ; si nous étions aussi muets pour les choses de la vie courante que nous le sommes à propos des réalités spirituelles, il ne faudrait pas s’étonner de l’incapacité de nos enfants à prononcer un seul mot. Dans l’ordre de la foi, il y a peut-être des « muets de naissance », mais il y a surtout des « muets d’éducation ». Les familles chrétiennes sont, à n’en pas douter, une des premières, une des meilleures « écoles du témoignage ». L’Eglise a besoin de réapprendre cette vérité fondamentale.

Lire : Ezéchiel 33.1-11.

La foi au Christ est — entre bien d’autres choses — un « mot de passe ». Mais si nous négligeons de le transmettre, de le « passer », si nous oublions que nous l’avons reçu grâce à une chaîne « ininterrompue » de témoins fidèles, qu’en sera-t-il de la suite ? Que penserait-on d’un athlète qui, ayant reçu des mains de son prédécesseur la fameuse « flamme olympique », se contenterait de l’utiliser pour se cuire son repas, négligeant de porter au sportif suivant le flambeau qu’il attend ?

PRATIQUEMENT

a) Vous êtes-vous jamais demandé quelles sont les cinq personnes représentant les derniers « maillons » grâce auxquelles vous fut transmise la « bonne nouvelle » ?

b) Dresser la liste des personnes

c) Refaire le chemin de Jérusalem à Jéricho. Nous demander combien de fois, au cours de ces quatre dernières semaines, sur cette route souvent empruntée semaine et dimanche, et à quelles occasions mémorables et vérifiables, nous avons été samaritains (et non lévites ou pharisiens).

d) A l’occasion d’une lettre ou d’une carte écrites à telle de vos connaissances pour la joie d’une naissance ou le chagrin d’un deuil, voyez-vous comment rendre compte et témoigner de votre foi ?

Evoquez-vous simplement vos « vœux les meilleurs » ou vous risquez-vous à évoquer la bénédiction de Dieu ? Parlez-vous simplement de votre « profonde sympathie », ou allez-vous jusqu’à évoquer l’espérance et la consolation que Dieu nous a données par le Christ ?

Quand l’une de vos connaissances se prépare à affronter un examen ou une opération, promettez-vous seulement de vous « tenir les pouces » ou allez-vous jusqu’à prendre l’engagement de prier pour l’heureuse issue de ce passage difficile ?

e) Constituer la liste des personnes que Dieu nous donne à aimer particulièrement, peut-être à rejoindre, à soutenir matériellement, moralement, spirituellement, à gagner à l’Evangile, durant ces six prochains mois.

f) Jésus les envoya deux à deux. Avec qui faites-vous ou êtes-vous disposés à faire « équipe » ? Conjoint ? Frère ou sœur ?

g) Connaissez-vous un chrétien dans votre profession, dans votre bureau ou votre atelier ? Partagez-vous avec lui vos problèmes professionnels, ceux relatifs à votre témoignage dans votre entreprise ?

h) A part vous, qui est chrétien dans votre maison, dans votre Immeuble locatif ? Vous êtes-vous déjà rencontrés pour parler de votre responsabilité commune dans votre immeuble, dans votre quartier ?

Citation :

Il y a des paroissiens qui attendent tout de leur paroisse, qu’elle les visite, qu’elle prie pour eux, qu’elle les prenne en charge, bref, qu’elle soit à leur disposition.

D’autre part, il y a un pasteur qui a relu son Nouveau Testament, et qui y a découvert des paroissiens qui, eux, se mettent à visiter leurs frères, à prier pour le monde, à assumer des charges, bref, qui sont disponibles. La tâche des conducteurs spirituels : aider les paroissiens à remplir leur mission de chrétiens et non pas les en dispenser.

Claude Jaques.

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