Quand, il y a quatre ans, j’ai publié ce livre, j’ai pris un risque mesuré, mais non moins réel. On sait la popularité, plus encore, la considération dont les médias — soit aussi le grand public — entourent les médecines appelées « naturelles », « douces », « parallèles ». Or, dans cet ouvrage, j’ai dénoncé les illusions et les mécomptes de ces médecines. Par là même, leurs praticiens et leurs propagandistes étaient mis en cause. L’étaient aussi ceux qui les suivent. C’est-à-dire beaucoup de monde.
Une vue superficielle du problème pourrait faire croire à une opposition un peu mesquine entre deux « Ecoles » ou deux « Médecines ».
L’une se veut strictement scientifique. Il lui est souvent reproché de ne pas s’offusquer de l’intrusion parfois brutale de sa « chimie », de ses « rayons », de ses « vaccins ».
L’autre se veut, elle aussi, respectueuse de la science, sauf qu’elle accepte d’en transgresser les limites et d’entrer, à tâtons, sur le terrain de l’empirisme. Elle n’a nulle gêne devant le constat que ses découvertes reprennent en compte les allégations de médecines fort anciennes, en particulier celle des Chinois, des Tibétains et des Brahmanes. Elle y trouve même une raison de plus d’être assurée de la valeur de ses « pratiques », en attendant leur confirmation par la science constamment en évolution et en progrès !
S’agit-il d’une querelle de ce type ? Seuls peuvent le penser ou l’écrire ceux qui s’arrêtent à une vue superficielle des choses. De fait, cette apparence cache une réalité à laquelle tout chrétien doit porter une attention critique. En effet, les médecines « parallèles » ont un champ d’action qui intrigue et oblige à une sérieuse interrogation.
Il y a l’énigme de « l’Energie » à laquelle elles recourent, sans qu’elles en déterminent ni l’origine, ni la nature. L’appeler « cosmique », c’est l’habiller d’un mot. Ce n’est pas en cerner ou en éclairer la source et la nature réelles.
Il y a, parallèlement, les « expériences » dont elles s’accompagnent. Pour l’instant en tout cas, leur profil et les explications qu’on en donne restent entièrement de l’ordre de la spéculation.
Il y a enfin le champ d’action de ces médecines et la part qu’elles exercent sur l’inconscient du patient. Dans certaines conditions de passivité ou de disponibilité, la personne voit s’opérer en elle des transformations effectives de santé, de caractère, même de comportement. Il est connu qu’une fois acceptée la disjonction du moi personnel et responsable, on entre dans un champ de « Forces » opérantes. « J’ai eu l’impression d’être parcouru par le courant d’une Energie nouvelle et inconnue », dit un patient. Et il ajoute : « Je me suis livré à cette Force et j’en ai été transformé ».
Ces expériences « bénéfiques » abondent dans la littérature et les témoignages des « médecines douces ». Mais que découvrons-nous lorsque nous explorons après coup l’aspect caché de l’iceberg ?
Ses principes et ses processus de guérison situent l’homme dans un vaste champ opérationnel et macrocosmique, dont l’homme serait la réplique microcosmique. La « dominante » de ce système biologique auto-organisé rencontrerait, en l’homme en particulier, une force contraire, une sorte de pulsion négative, même « mortifère ». Or, si le patient se soumet à l’action positive, réparatrice, équilibrante, de cette dominante — la fameuse « Energie cosmique » — il se voit au bénéfice de deux étonnantes possibilités :
Par la médiation du médecin, ou par celle des médicaments « personnalisés », ou celle des mains du guérisseur, ou celle des aiguilles de l’acupuncteur, des pressions localisées du réflexologue, de la parole du sophrologue, etc., il retrouve l’équilibre d’une santé physique, psychique, voire spirituelle. Plus encore et à volonté, il prétend travailler à une métamorphose de lui-même. A la limite, en prolongeant telles des données de cette connaissance non plus scientifique mais déjà religieuse (ésotérique), il veut travailler à dépasser sa propre mort et atteindre — au besoin par réincarnation — sa stature d’homme éternel, d’homme dieu.
On le discerne sans peine, il s’agit bien d’une opposition entre deux « Ecoles ». Le refus que nous continuons d’opposer à l’une d’entre elles, n’a rien d’une obstination aveuglée, ni d’un parti pris d’Académie.
Il tient fondamentalement à notre notion de l’homme, de son être, de sa destinée, tels que nous les révèle Jésus-Christ, Parole et sagesse de Dieu.
Il tient aussi à la nécessité faite à tout chrétien, médecin ou patient, de savoir et de choisir quelle « dominante » a autorité sur toute sa vie.
Seules, à ma connaissance, deux « Revues chrétiennes » 1 ont porté quelque attention à ma contestation des médecines parallèles. La première s’en est tenue à quelques remarques sommaires :
1 La Revue Réformée. – Ichtus, Revue de réflexion chrétienne (a cessé de paraître).
« Le manque de sens critique de l’auteur conduit à une sorte de manichéisme… Il a une attitude presque religieuse devant le mot scientifique, comme s’il suffisait de dire ce mot pour avoir la garantie d’être dans la vérité… L’amalgame que fait l’auteur entre des pratiques aussi différentes que… le zen ou l’acupuncture tient ou de la naïveté ou de la mauvaise foi. En n’exerçant sa critique que sur une partie de la connaissance, il tombe dans un jugement qui n’a rien à voir avec la révélation ».
On ne peut être plus péremptoire. Ce censeur a ignoré délibérément (c’est son droit) la requête formulée dans mon « Avant-propos » ; (elle y figure encore). Faisant état de ma faillibilité, je demandais à mes contradicteurs le bienfondé scientifique et biblique de leurs remarques critiques. Apparemment, les médecines parallèles ont la faveur de ce censeur. A ses yeux, j’ai donc tort ! Et son propos n’est pas une critique, mais un plaidoyer en faveur de ce qu’il pense ! Devant une « recension-verdict » de ce type, on ne peut que rester silencieux…
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Par contre, des objections sévères me sont venues de la part de quelques membres de la communauté « adventiste », connus pour le soutien qu’ils apportent à l’une ou à l’autre des « Médecines parallèles » dans les Publications de cette communauté.
A mon étonnement, ces objections portaient d’abord sur la disposition des chapitres de mon livre. Cela me donne l’occasion de préciser qu’elle était motivée.
En effet, une description sommaire des thérapies contestées m’est apparue nécessaire. En la plaçant sans commentaires au chapitre 2, j’ai voulu faciliter la connaissance et la compréhension de lecteurs qui auraient ignoré la teneur et la portée de ces médecines. Le chapitre 3 conduit ensuite à l’importante interrogation : Quelle est la nature de l’Energie cosmique dont se réclament ces médecines, chacune à leur manière ? C’est la question de fond, puisque cette Energie est constamment présentée par les thérapeutes comme la clef « naturelle », voire « providentielle », de leurs interventions.
Ma réponse conduit alors à une réflexion critique et fondée portant sur chaque « médecine » en cause. C’est ainsi que chacune d’elles, sommairement décrite au chapitre 2, est examinée au chapitre 4, cette fois en profondeur et en détails.
Les remarques qui m’ont été faites portaient encore sur un autre aspect. En réfutation à mes observations, elles soulignaient que tout ce qui n’est pas explicable à l’état actuel des connaissances n’est pas forcément « magique » et ne saurait donc être tenu pour suspect.
Disons d’abord que c’est l’évidence même ! Disons ensuite mon étonnement de voir mon livre être caractérisé comme l’expression d’un raisonnement aussi simpliste. Ainsi après en avoir contesté la forme, on en limitait le contenu à une confusion de ce type ! Passons.
A l’heure d’envisager cette deuxième édition, deux publications importantes sont venues à ma connaissance :
● La première (une trentaine de pages dactylographiées) a pour auteur M. Michel Ballais, journaliste français, responsable d’une rubrique dans la Revue adventiste « Signe des temps ». Ce qu’il écrit au sujet des « médecines parallèles » a alerté ses frères. Au point qu’une commission franco-belge de cette Assemblée s’est réunie, puis a présenté un rapport suivi de recommandations significatives, ô combien !
Constatation : l’alerte de Monsieur Ballais a été mieux entendue que la mienne. Je m’en réjouis beaucoup puisque, de la part de membres de ces communautés, m’était venue l’opposition la plus véhémente.
Je ne transcris ici qu’une seule phrase de ce rapport. Elle dit beaucoup en peu de mots : « La plus grande prudence est de rigueur… Si donc certains esprits peu assurés, craignant la juxtaposition de certaines techniques médicales avec des philosophies opposées au christianisme, préfèrent ne pas avoir recours à ces techniques, cela fait partie de leur libre choix. » Dont acte !
● La deuxième est une thèse de doctorat en médecine, soutenue publiquement le 11.12.1986, à l’Université Claude Bernard de Lyon, par M. André Cros. Elle est intitulée : « Etude critique des médecines naturelles, médecines empiriques de terrain, médecines ésotériques. »
Cette thèse propose un « mode de jugement des médecines parallèles ou naturelles, à partir de leurs doctrines. » Elle met en évidence « leur philosophie commune basée sur la globalité de l’homme et sur la puissance thérapeutique analogique de la Nature » 2.
2 Cette philosophie est connue sous le nom de « monisme ». Elle considère l’ensemble des choses comme réductible à l’unité. Elle dit : « Tout est un et l’un est dans Tout ».
La première partie de cette thèse est consacrée à une présentation de la médecine en général. Elle permet à l’auteur de faire des comparaisons riches d’enseignement. Car il oppose à la médecine dite officielle, les médecines empiriques de terrain. Il montre que ces dernières, en dépit de leur présentation « scientifique » ont un fond philosophique commun, l’ésotérisme ; elles sont donc de nature religieuse. Une dernière partie concerne les jugements théologiques qu’il est possible de porter sur ces médecines à partir de la Bible.
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Ces deux publications — la première, sans s’embarrasser de nuances ; la seconde en soulignant, mieux que je ne pouvais le faire, la vérité scientifique contestable des médecines parallèles et leur totale divergence par rapport à la vision biblique de l’homme et du monde — viennent à l’appui de mon opposition aux médecines parallèles. Je n’en demandais pas tant et je n’en tire nulle gloire. J’en ai ce simple contentement de l'esprit, réjoui de lire sous la plume d'hommes, chrétiens certes, mais venus d’autres horizons que le mien, un enseignement de la vérité selon l’Ecriture.
Elle est en partage à l’homme qui se veut strictement et fidèlement homme de science en même temps qu’homme de foi. J’avais à cœur de le souligner à l’heure où paraît cette deuxième édition.
M. R.