La discussion est donc engagée sur ce terrain : Le Christ dont l’avènement était annoncé, est-il venu ? ou bien attendons-nous encore le Christ qui doit venir ? Pour le démontrer, nous avons besoin d’examiner les temps que les prophètes avaient marqués pour l’avènement de Jésus-Christ, afin que, si nous reconnaissons qu’il a paru aux temps marqués par eux, nous soyons fermement convaincus qu’il est ce même Christ annoncé par les prophètes, et auquel les nations devaient croire. Puis, quand il sera certain qu’il est venu, force nous sera de croire invinciblement qu’il a donné la loi nouvelle, et que le Testament nouveau s’est accompli pour nous en lui et par lui. Nous le savons, en effet, les Juifs ne nient pas que Jésus-Christ doive descendre parmi nous, puisqu’ils mettent toute leur espérance dans son avènement. Nous n’avons pas besoin de nous étendre davantage sur ce point. N’avons-nous pas le témoignage de tous les prophètes, et particulièrement d’Isaïe, lorsqu’il dit : « Voici ce que dit le Seigneur Dieu au Christ mon Seigneur : Je t’ai pris par la main pour t’assujettir les nations ; je briserai pour toi les forces des rois ; les portes des villes s’ouvriront en ta présence, et aucune d’elles ne te sera fermée ? » Nous avons vu cette merveille s’accomplir. Qui Dieu le Père prend-il par la main, si ce n’est Jésus-Christ, son Fils, que toutes les nations ont écouté, c’est-à-dire, dans lequel ont cru toutes les nations, et dont le Psalmiste nous désigne ainsi les Apôtres chargés de prêcher son nom : « Leur parole s’est répandue dans tout l’univers ; elle a retenti jusqu’aux extrémités de la terre ? » Je le demande, en quel autre les nations ont-elles cru, sinon en Jésus-Christ, qui est déjà venu ? En quel autre ont cru les nations, « Parthes, Mèdes, Elamites, et ceux qui habitent la Mésopotamie, l’Arménie, la Phrygie, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Pamphylie, l’Égypte, cette partie de Libye qui est près de Cyrène, et les étrangers venus de Rome ? » En qui ont cru les Juifs qui habitaient Jérusalem et les autres nations, telles que les différentes races des Gétules, les frontières multipliées des Maures, les dernières limites des Espagnes, les nations des Gaules, les retraites des Bretons, inaccessibles aux Romains, mais subjuguées par le Christ ; les Sarmates, les Dacés, les Germains, les Scythes, tant de nations cachées, tant de provinces, tant d’îles qui nous sont inconnues » et que par conséquent il nous serait impossible d’énumérer ?
Dans tous ces lieux retentit le nom de Jésus-Christ, qui est déjà venu et qui règne, comme le Dieu « en présence de qui se sont ouvertes les portes des cités, et pour qui nulle n’a été fermée ; – devant qui toutes les portes de fer ont été brisées, et toutes les portes d’airain ouvertes. » Quoiqu’il faille entendre ces paroles dans un sens spirituel, qui signifie que les cœurs de chacun de nous, assiégés de diverses manières par le démon, ont été ouverts par la foi de Jésus-Christ, il n’en est pas moins vrai qu’elles se sont accomplies à la lettre, puisque le peuple de Jésus-Christ est déjà répandu dans tous les lieux. Qui donc aurait pu régner en tous lieux, sinon Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui nous était annoncé comme devant régner éternellement sur toutes les nations ? Salomon régna, il est vrai, mais seulement dans les limites de Juda, et les frontières de son empire ne s’étendirent que de Bersabée à Dan. Darius régna, il est vrai, sur les Babyloniens et les Parthes, mais il n’a point assujetti toutes les nations Pharaon, et après lui tous les souverains de ce nom, régnèrent sur l’Égypte, mais sur l’Égypte seule. Ainsi, Nabuchodonosor, aidé de ses lieutenants, poussa ses conquêtes de l’Inde à l’Ethiopie ; là expirait sa puissance. Ainsi Alexandre le Macédonien, maître un moment de l’Asie entière et des contrées qu’il avait vaincues, ne légua point son empire à ses héritiers. Ainsi le Germain n’a pas encore permis à l’étranger de franchir ses barrières. Le Breton est retranché derrière l’Océan qui l’environne. L’impatience du Maure, et la barbarie du Gétule est tenue en échec par les Romains, pour la contenir dans ses limites. Que dirai-je des Romains eux-mêmes qui n’ont pas trop de leurs légions pour garder les frontières de leur empire, et qui n’ont jamais pu les transporter au-delà de ces nations ? Il n’en est pas de même de Jésus-Christ : son nom et sa puissance ont pénétré dans tous les lieux du monde. Partout on croit à lui ; il est honoré par toutes les nations que nous venons de nommer ; partout il règne, partout il est adoré ; partout on lui paie un tribut égal ; point de roi qui trouve auprès de lui plus de faveur ; point de Barbare qui soit accueilli avec moins de joie ; point de privilège de rang ou de naissance qui détermine les mérites. Le même pour tous, il commande également à tous, seul roi, seul juge, seul Seigneur et seul Dieu de l’univers. Comment hésiteras-tu de croire ce que nous affirmons, quand tout cela s’accomplit sous nos yeux ?