Le servir dans sa présence

Deuxième partie : L’OUVRIER

CONSACRE À TON SERVICE

Consacre à ton service
Mon cœur et mon esprit
En vivant sacrifice,
O Seigneur Jésus-Christ.

Accepte mon offrande,
O Jésus, Fils de Dieu,
Et que sur moi descende
La flamme du saint lieu !

J’abandonne ma vie,
Sans regrets ni frayeur.
A ta grâce infinie,
O mon Libérateur.

Qu’un feu nouveau s’allume,
Par ton amour en moi,
Et dans mon coeur consume
Ce qui n’est pas à toi.

Viens Jésus, sois mon Maître ;
Par ton sang racheté,
A toi seul je veux être,
Et pour l’éternité !

Théodore Monod (1874)

L’OUVRIER EST PLUS QUE L’ŒUVRE

Je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.

1 Corinthiens 2.2

Note : Le titre de ce chapitre et son contenu nous ont été inspirés par un message donné à la Convention de Keswick durant les années quarante.

C’était à l’occasion d’une retraite. Pour étoffer le programme de l’après-midi, les responsables m’avaient invité à donner un bref aperçu de ma vie d’évangéliste itinérant, ce que j’acceptai volontiers. On n’a pas roulé de paroisse en paroisse sans avoir des choses intéressantes à raconter.

A la fin de mon exposé, je reçus un choc salutaire en considérant mon auditoire. Il me regardait avec admiration, apparemment émerveillé par tout ce qu’il venait d’entendre. En peu de temps j’étais devenu à ses yeux un chrétien d’élite, un travailleur infatigable hautement spirituel. Certes, mon exposé était véridique. Je n’avais rien inventé ou déformé et pourtant, j’étais mal à l’aise car l’ensemble de mes propos ne sonnait pas très juste. Je sortais de ma prestation un peu trop auréolé pour ne pas être troublé intérieurement. Repris par Dieu, je dus avouer publiquement que ma vie n’avait pas été aussi dense ni aussi belle que j’avais pu le laisser croire.

Pensez donc ! J’avais rappelé en moins d’une demi-heure des faits qui s’étalaient sur quelque trente-cinq ans de vie itinérante. Surtout, j’avais mentionné de belles choses, uniquement les faits exceptionnels qui avaient ponctué, trop rarement sans doute, mon ministère, laissant naturellement dans l’ombre ce qui était moins glorieux.

Pour rétablir la vérité, force me fut d’évoquer mes périodes de sécheresse ou de découragement, telle dispute avec des frères en la foi, ma lâcheté dans nombre de circonstances… Ah ! Comme j’étais loin de ressembler à l’apôtre dont le souci constant était que personne n’ait à son sujet une opinion supérieure à ce qu’il voyait en lui où entendait de lui (2 Corinthiens 12.6).

De nos jours, trop de chrétiens ont la fringale de biographies ou de récits sensationnels, du moins si j’en crois le succès d’une certaine littérature riche de faits merveilleux : des prodiges et des visions à toutes les pages ! Sans nier ces faits étonnants, cette littérature me laisse perplexe justement parce qu’elle passe sous silence une partie importante de la vérité. Elle ne dit pas tout.

Quiconque à la boulimie de tels écrits est candidat au découragement s’il considère le côté banal, plus prosaïque que merveilleux, de sa vie de tous les jours. Poussé par le désir de devenir un Chrétien exceptionnel qui force l’admiration des autres, il tombera sans le savoir dans l’épuisante recherche de soi.

En général, les serviteurs de Dieu invités à donner un aperçu de leur activité se montrent plutôt contents de leur travail pour le Seigneur. Ils en énumèrent les fruits avec une certaine satisfaction et c’est avec emphase qu’ils évoquent la vision de la belle tâche qui les attend dans l’avenir. Rares sont ceux qui paraissent déçus de leur action. Je me garderai de les critiquer puisque j’en ai fait tout autant. En fait, que de lacunes dans mon ministère ! Si je m’attardais à considérer mon activité passée, je serais confus et cesserais d’agir. Pour tenir bon et persévérer avec joie, plutôt que de me prendre au sérieux ou de me laisser abattre, je veux fixer les regards sur Jésus et attendre tout de lui. L’essentiel n’est pas ce que je fais mais ce que je suis ; et l’ouvrier n’a de valeur que s’il vit dans l’intimité de son Maître.

Oui, l’ouvrier est plus que son œuvre.

D’ailleurs, si l’œuvre était primordiale, pourquoi Jésus n’aurait-il consacré qu’une partie minime de sa vie à annoncer la Bonne Nouvelle alors qu’il est resté quelque trente ans dans l’anonymat à seconder Joseph, son père adoptif, charpentier de son état ? Pourquoi le Père aurait-il jugé bon de retrancher son Fils de la terre à l’âge où il était le plus apte à accomplir sa mission ? Pourquoi Etienne, cet homme puissant en œuvres, aurait-il été enlevé si tôt alors que l’évangélisation du monde était à ses débuts ? Pourquoi, au travers des siècles, des ouvriers d’élite ont-ils été fauchés prématurément ? Oui, pourquoi ?

Après tout, les chrétiens les plus féconds ont fait bien peu de choses pour démanteler les forteresses de Satan et faire avancer le règne de Dieu.

Demanderait-il, à la minorité que nous sommes, d’extirper le mal de la planète, de rétablir la justice parmi les hommes, de stopper les guerres qui ensanglantent l’humanité… de porter secours à toutes les détresses du globe ?

Ici, ne nous illusionnons pas. Si nous avons eu quelques succès ou quelque satisfaction dans notre service pour le Seigneur, c’est à lui que nous le devons et c’est lui seul qui doit en être glorifié. Le champ est à lui et les résultats lui appartiennent. La récolte est au divin Vigneron, pas à nous. Acceptons une fois pour toutes ces vérités, remémorons-les et nous serons gardés du découragement qui gagne tant d’hommes de Dieu.

Il est vrai que la tâche est immense. Faut-il se laisser écraser par cette pensée ou se laisser entraîner dans un activisme stérile ? John Wesley avait raison de dire : « Je n’entreprends jamais plus d’ouvrage que je ne puis en faire afin de conserver mon être intérieur en bonne santé ». Notez le motif qui le poussait à mesurer son activité : la bonne santé de son être intérieur. Nous pouvons perdre un temps précieux en nous attelant à n’importe quelle tâche, en chargeant indûment notre programme sous prétexte que l’heure est avancée et que le monde va à la dérive.

Il me semble utile ici de relever le message d’un évangéliste de l’Ouganda, un gagneur d’âme bouillant pour son Maître qu’il m’a été accordé la joie de connaître. Voici ce qu’il disait, rapporté dans la petite brochure éditée par la Ligue en 1960 : « Nous voudrions voir Jésus » :

« Notre service, disait-il, ne doit pas occuper la première place dans notre vie sinon il est malédiction. Il fut un temps où j’étais écrasé à la vue des multitudes qui périssent. Le diable alors me disait : ‘Regarde ces foules en route pour l’enfer. Tu n’y peux rien !’ L’adversaire cherchait à me détourner de Christ et à me faire oublier son œuvre sur le Calvaire.

Alors, angoissé, je portais chaque jour le lourd fardeau de ces âmes. Très tôt le matin, je priais pour leur salut. Je n’avais pas tort de les porter ainsi devant Dieu car, plus que jamais, je crois qu’il faut intercéder sans relâche pour les perdus. Toutefois, je commençais à penser que mon succès d’évangéliste ainsi que le salut des pécheurs dépendait de l’intensité et de la longueur de mes supplications. Je m’aperçus bien vite que mes prières n’étaient pas à la bonne place ; en vérité, je comptais sur mes prières — c’est-à-dire sur moi-même — plutôt que de me confier en Celui qui répond à la prière.

Je pleurais beaucoup ! Souvent, le soir, j’étais fatigué après une journée de lutte harassante. Résultat : le lendemain je me levais plus tard. Au lieu d’être debout à cinq heures du matin comme à l’ordinaire c’était, hélas, plus de six heures. Alors, navré, je me disais : ‘c’est raté ! Toute la journée ça ira mal’. Fébrile, j’ouvrais ma Bible espérant rattraper le temps. En vain. Mon cœur était agité. J’avais perdu ma paix. Souvent, ma femme, juste à ce moment-là, m’appelait pour l’aider. Je me fâchais contre elle. Les enfants criaient, tout allait de travers. Le diable, qui ne désarmait décidément pas, me susurrait constamment : ‘c’est raté ! c’est raté !’

La prière est une chose excellente pourvu qu’elle soit à la bonne place dans ma vie. Je n’ai jamais cessé de prier mais je reste persuadé que les personnes ne seront pas sauvées à cause de mes prières, mais à cause de Jésus qui exauce mes prières, des prières tellement imparfaites. Je prie parce que j’aime Jésus. »

QUESTIONS

  1. Etes-vous vraiment satisfait de votre activité pour le Seigneur et conscient que l’ouvrier est plus que son œuvre ?
  2. Croyez-vous que Dieu veut vous employer dans ce vaste champ qu’est le monde ? Etes-vous un ouvrier actif dans sa moisson ?
  3. Avez-vous demandé avec insistance à Dieu, d’envoyer des ouvriers dans sa moisson ? Pourquoi ne le feriez-vous pas aujourd’hui ?

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