Le feu du réveil

VII. L’EXCITATION FANATIQUE

Puisque que je suis sur le sujet de l’excitation, je souhaite faire quelques remarques concernant le danger de voir des émotions surexcitées entraîner dans une mauvaise direction et aboutir au fanatisme. Chacun sait que lorsque des émotions sont fortement excitées, elles peuvent être orientées dans des directions variées et prendre diverses formes, selon les circonstances vécues par ceux qui sont ainsi excités. Presque tous ceux qui ont été témoins de réveils spirituels ont eu l’occasion de remarquer cette tendance de la nature humaine. Il est vrai que Satan utilise aussi cette tendance à son propre avantage, en mélangeant l’esprit de fanatisme à l’esprit d’un réveil spirituel.

Le fanatisme apparaît quand il y a ‘l’amour sans la lumière,’ comme l’a écrit un certain auteur. Chaque fois que l’intelligence est éclairée sur ce que les hommes devraient être, dire, ou faire, et chaque fois qu’elle n’est pas en même temps remplie d’amour, il est presque inévitable de voir apparaître un esprit de fanatisme, de critique, de reproche et de dénonciation.

Par fanatisme, je veux parler d’un état d’esprit où des émotions mauvaises prennent le contrôle de la volonté, et poussent l’individu à faire des efforts excessifs et vindicatifs pour défendre ce qu’il considère comme juste et vrai. Il lutte alors pour ce qu’il regarde comme juste et vrai, mais en étant animé d’un esprit mauvais.

Les temps de réveil spirituel sont très propices à l’éveil d’un fanatisme stimulé par les agents infernaux. C’est, à bien des égards, un moment particulièrement favorable à l’action de Satan. Celui-ci peut semer, dans un sol propice, ses semences d’erreur. Elles produiront à leur tour les formes de fanatisme les plus turbulentes et les plus violentes qui aient jamais affligé le monde.

Au milieu des foules qui écoutent les prédications de réveil, il y a presque toujours des gens qui ont de très fortes tendances au fanatisme. Ils sont fortement enclins à censurer, à mettre le doigt sur les défauts des autres, à vitupérer, à dénoncer et à critiquer. C’est une tendance de l’esprit que je qualifie d’ultra-démocratique et anti-conservatrice à l’extrême. Elle est une source puissante de confusion. Plus ces personnes sont éclairées sur les devoirs et les péchés des hommes, plus elles sont susceptibles de manifester un violent esprit de fanatisme.

Il est bien connu que toutes les réformes engagées à notre époque, comme à toute autre époque, ont été touchées par cet esprit de fanatisme. Qu’il s’agisse de la lutte contre l’alcoolisme, de la réforme morale, de la réforme des pratiques physiologiques et diététiques, ou de la lutte contre l’esclavage, toutes ont subi cette influence néfaste. Presque aucun domaine n’a été épargné. Quand des conférenciers ou d’autres orateurs empoignent ces sujets et les analysent, ils projettent une vive lumière aux yeux de l’opinion publique. Ils semblent alors donner un coup de pied dans une fourmilière. Les tendances profondes au fanatisme, qui étaient peut- être restées cachées jusque là, s’enflamment et explosent souvent comme un volcan en éruption. L’indignation grandit, les langues portées à la censure et à la violence se mettent librement en mouvement. Ces membres indomptables, qui enflamment le cours de la vie, étant eux-mêmes enflammés par la géhenne, semblent déverser un flot de lave brûlante, apportant la dévastation et la désolation dans toute la société. Les prières de ces gens, leurs exhortations, tout ce qu’ils disent ou font, ne sont qu’un flot continu de reproches, de critiques et de récriminations. Ils disent qu’ils ont "raison de se mettre en colère." Ils affirment que ce serait n’avoir aucun sens du sacré que de ne pas faire preuve de la plus grande indignation, seule attitude convenant au sujet ou à la situation.

Il est remarquable de voir à quel point cet esprit de fanatisme a été stimulé par les diverses réformes du moment, quelle qu’en soit la nature, et même par les réveils spirituels. S’il s’agit par exemple de défendre la paix, ceux qui sont animés par cet esprit fanatique vont lutter pour la paix en s’engageant dans une guerre à outrance. Par la langue, ils feront la guerre à tout ce qui s’oppose à eux. Ils déverseront des torrents d’injures sur tous ceux qui sont en désaccord avec eux. Ils refuseront le moindre compromis, la moindre communion, avec ceux qui ne se rangent pas immédiatement à leurs vues particulières. S’il s’agit de lutter contre l’esclavage, ils se battront pour l’abolir, mais avec l’esprit d’un esclavagiste. Tout en affirmant que tous les hommes sont libres, ils ne laisseront à personne la liberté de s’exprimer, si ce n’est à eux-mêmes. Ils sont prêts à mettre sous le joug de l’esclavage les opinions et les sentiments de ceux qui ne partagent pas leurs opinions, en les critiquant sévèrement pour les obliger à se ranger à leur avis.

Dans les réveils spirituels, cet esprit se manifeste en général, dans tous les milieux, par une manière de prier pleine de reproches et de critiques. Cet esprit gagne ensuite les exhortations, les prédications et les conversations. Il attaque tout particulièrement les serviteurs de Dieu et ceux qui exercent une influence prépondérante dans l’Eglise. Il se répand progressivement jusqu’à finir par accuser l’Eglise visible d’être une véritable Babylone, et tous les hommes qui n’en sortent pas et ne la dénoncent pas d’être engagés sur le chemin large qui mène à l’enfer.

Cet esprit se manifeste au cours des réveils d’une manière si subtile et insidieuse que l’on ne parvient pas à le déceler dès le départ. Il se peut qu’une église soit froide, que le pasteur et les conducteurs soient égarés. Il peut donc sembler juste, et même nécessaire, d’user d’une certaine sévérité envers ceux qui se sont tellement écartés du chemin. Quelqu’un peut alors ressentir ce besoin d’une manière tellement forte qu’il ne soupçonne pas être lui-même un fanatique. Il commence pourtant à faire de vifs reproches, dans lesquels se mêle une touche d’élément nocif. Il fait appel à l’exemple de Christ, des apôtres et des prophètes. Il peut citer de nombreux passages de la Bible, très proches des termes qu’il emploie, trouvant une justification à leur utilisation dans le fait qu’il les tire des Ecritures. Il croit pouvoir les appliquer à la situation qu’il observe, prenant bientôt la place de Dieu, et pensant être la bouche de Dieu pour dénoncer l’iniquité.

Lorsque cet esprit commence à se manifester, il écorche l’esprit délicat de ceux qui marchent dans l’amour. Tout d’abord, il provoque en eux de la détresse et de l’angoisse. Mais ceux-ci remarquent peu à peu qu’il y a beaucoup de vérité dans ce qu’ils entendent. Ils commencent à être excités par les prières et les exhortations des fanatiques. Leur attention est attirée sur les fautes qui sont dénoncées avec tant de sévérité, et ils commencent à boire à la même source. Puis ils adoptent le même zèle bruyant et ardent, qui était au départ si opposé à la douceur de leur esprit. Ils commencent à comprendre, du moins le supposent-ils, comment les reproches faits par les prophètes, par Christ et Ses apôtres, s’adressent aussi à ceux qui les entourent. Leur attention est tout entière préoccupée par les fautes de l’Eglise et des ministères, et ils ne voient plus rien de bon. Ils se demandent si toute l’Eglise visible n’est pas uniquement composée d’hypocrites. Ils commencent par craindre, puis finissent par croire que presque tous les serviteurs de Dieu sont séduits, attirés par l’argent, conservateurs, ambitieux et agents du diable. Ils considèrent les organisations chrétiennes tout d’abord avec suspicion, puis avec mépris et horreur. L’ordre du jour devient: "Sortez du milieu de Babylone!"

Le fanatisme prend une multitude de formes. Ses variantes sont presque innombrables. C’était l’esprit des Croisades, lorsque des hommes partaient avec bottes et éperons convertir leurs semblables au christianisme par le feu et l’épée. C’est aussi l’esprit de l’obscur converti qui murmure dans son coin ses réprimandes et ses critiques, à propos de tout et de tous. On peut trouver toute la panoplie des différents types de fanatisme. Depuis le prédicateur itinérant animé d’un zèle brûlant qui crie, vocifère et dénonce l’Eglise et l’Etat, jusqu’au solitaire exprimant son fanatisme dans ses manières sinon dans ses paroles, vous pourrez trouver dans tous les milieux chrétiens ce type de personnage, occupé à attiser et à alimenter les flammes du fanatisme.

Il s’agit là, sans aucun doute, de l’esprit de Satan. Il est parvenu à l’introduire dans l’Eglise et dans le monde tout au long des siècles passés.

Nous connaissons un bon livre sur le thème du fanatisme. Mais nous en avons besoin d’un autre, qui expose et tienne compte de ses développements les plus récents, et qui décrira, comme sur une page de lumière, les oeuvres de cet esprit ténébreux, dont l’influence maligne, tel le levain, fera vite lever toute la pâte, et rendra notre terre aussi méchante que l’enfer.

Je supplie mes frères de veiller au danger de voir les prédicateurs de réveil manifester eux-mêmes l’esprit de fanatisme. Lorsqu’ils subissent une forte opposition de la part de l’Eglise, du monde, ou des serviteurs de Dieu, ils se laissent quelquefois aller à faire des remarques fortement teintées d’amertume, ou qui paraissent tout au moins teintées d’amertume et de critique. On trouve parfois des indices et des traits de cet esprit dans les prédications et l’esprit d’hommes de bien. Satan semble profiter de certaines circonstances de leur vie pour injecter imperceptiblement dans leur esprit une touche d’amertume et de critique. Cela finit par colorer leurs prédications, leurs prières et leurs discours. Cela tend ensuite fortement à produire un état d’esprit fanatique chez ceux qui les admirent.

Des prédicateurs de réveil ont parfois subi une forte opposition de la part de serviteurs de Dieu, à tel point qu’ils ont été blessés et sont devenus quelque peu irritables. Dans cet état d’esprit, ils sont quelquefois allés jusqu’à prêcher et parler de ces serviteurs de Dieu d’une manière très critique.

Cela cause inévitablement de grands dommages aux réveils dans lesquels ils sont engagés. Cela se répand comme un feu parmi les chrétiens, en particulier parmi ceux qui sont sous leur influence directe. Cela tend à ôter du réveil l’esprit d’amour, pour y introduire un esprit de récrimination et d’amertume. Un esprit blessé et amer se manifeste alors chez ceux qui sont engagés dans l’oeuvre du Seigneur. Cela fait presque complètement disparaître la douceur, la bienveillance, l’amour fraternel et la sympathie profonde et compatissante que l’on doit éprouver pour Christ et Son Eglise.

Si je ne m’abuse, les prédicateurs de réveil ont souvent commis de graves erreurs dans ce domaine. Cela a été parfois le cas de Whitefield, comme il le confesse lui-même. La conséquence fut celle que j’ai décrite. Tous ceux qui ont lu l’histoire des réveils conduits par son ministère le savent. Il n’y a pas un seul prédicateur de réveil contemporain qui n’ait plus ou moins commis d’erreurs dans ce domaine. Je suis certain que j’en ai aussi parfois commis. Et je ne connais pas un seul prédicateur de réveil, parmi ceux qui me viennent à l’esprit, auquel ne puisse pas s’appliquer cette remarque, dans une certaine mesure.

Lorsqu’une petite mesure de cet esprit se trouve présent chez un prédicateur de réveil, elle agira comme du levain, qui fera lever toute la pâte. Si l’on n’y remédie pas, elle parviendra tôt ou tard à modifier totalement la nature de l’excitation produite, jusqu’à ce qu’un pur réveil spirituel se transforme en parfait réveil du fanatisme. Cela peut se produire sans même que le prédicateur soupçonne la présence de cette tendance dans son esprit, sa prédication, ou son comportement. Lorsqu’il s’en rend compte, le mal est déjà trop avancé pour que l’on puisse y remédier.

Il me semble que les prédicateurs de réveil devraient être d’une parfaite honnêteté vis-à-vis d’eux-mêmes à ce propos. Ils doivent rester soigneusement sur leurs gardes, être indulgents, doux et conciliants dans leur façon de parler et de prêcher, surtout quand ils parlent de ceux qui s’opposent à leurs vues et à leurs décisions. Il vaut parfois mieux ne faire aucune remarque publique, quelle que soit l’opposition subie, et surtout ne faire jamais allusion à ceux qui nous combattent. Il ne faut jamais évoquer ou prier pour des pasteurs ou des chrétiens d’une manière propre à faire exploser les étincelles de fanatisme qui couvent dans de si nombreux coeurs.

Quand je pense à ce sujet, quand je contemple l’état de l’Eglise, ou quand je lis l’histoire des réveils passés, je suis frappé et profondément peiné de voir à quel point ceux qui travaillaient pour ces réveils ont si souvent commis les erreurs que j’ai décrites. Sans s’en rendre compte, ils se sont eux-mêmes plus ou moins imbibés d’un esprit de fanatisme. Celui-ci s’est ensuite abondamment manifesté dans leurs interventions publiques, au point de gâcher l’oeuvre du Seigneur. Bien entendu, ils ont attristé l’Esprit de Dieu. En vérité, certains prédicateurs de réveil me semblent avoir abandonné le droit chemin sans même en être conscients. Ils sont devenus tout-à-fait fanatiques dans leur esprit, leur prédication, et leur comportement général. Dieu a manifestement été obligé de les châtier en leur retirant Son Esprit, et en leur fermant les portes de l’Eglise. Si l’on veut préserver du fanatisme les véritables réveils spirituels, il ne faut ménager aucun effort pour préserver les conducteurs spirituels de cet esprit. L’une des grandes stratégies du diable est d’infiltrer sournoisement cet esprit dans les responsables de l’Eglise, injectant ainsi un poison mortel dans les réveils.

Dans ce que je viens de dire, je ne voudrais aucunement suggérer que seuls les prédicateurs de réveil ont pu commettre cette erreur. Je suis tout-à-fait certain qu’ils ne l’ont pas aussi souvent commise que ceux qui n’ont jamais cherché à travailler pour un réveil. Ceux- ci sont plus coupables. Leur prédication est tout imprégnée de controverse, de critique, de reproche et d’amertume, à l’égard de ceux qui ne partagent pas leur avis. L’Esprit de Dieu ne rafraîchit donc que bien rarement, sinon jamais, ceux dont ils s’occupent. J’ai connu plusieurs de ces serviteurs de Dieu, qui étaient loin d’être des prédicateurs de réveil, et dont la prédication ne tendait qu’à raviver et à perpétuer l’esprit de fanatisme et de critique. J’ai simplement voulu dire dans ma lettre que les prédicateurs de réveil eux-mêmes ont parfois commis cette erreur, si communément pratiquée par les autres prédicateurs.

En réalité, l’esprit sectaire, sous toutes ses formes, n’est qu’une variante du fanatisme. On peut aisément le démontrer. Les prédicateurs de réveil qui ont associé des mouvements sectaires à leurs tentatives de produire un réveil ont probablement tous constaté qu’ils n’ont réussi qu’à développer l’esprit de fanatisme.

Mes frères, veillons soigneusement à ce que notre propre esprit demeure céleste, semblable à celui de Christ. Veillons à posséder la sagesse qui vient d’en haut, qui est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits’. {Jas 3.17} Que notre travail soit animé par cet esprit. Nos oeuvres démontreront alors que nous sommes des ouvriers qui n’ont pas à rougir.

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