« Qui est pour l’Eternel? » Exode 32.26.
Vous vous souvenez que vendredi passé, en parlant sur ce texte, je mentionnai trois classes de chrétiens de profession : ceux qui aiment véritablement Dieu et les hommes, ceux qui ne sont mus que par l’égoïsme (ou par l’amour de soi) et ceux qui sont mus par la pensée du qu’en dira-t-on. J’ai mentionné plusieurs des traits qui caractérisent la première classe ; j’ai l’intention maintenant de vous en présenter plusieurs qui caractérisent la
II°
Ceux qui sont mus par l’amour de soi.
Je montrerai comment le motif principal de la religion de ceux-ci se manifeste dans leur conduite. La conduite d’un homme, en effet, révèle toujours le vrai but de sa vie ; et son caractère correspond invariablement à ce but. Si donc, par la conduite, vous pouvez découvrir quel est le but suprême de la vie, vous aurez aussi par là, et d’une manière certaine, le caractère de la personne. Et, je pense qu’en observant avec candeur et à fond la conduite de quelqu’un, vous pourrez généralement juger de son état d’âme avec une grande certitude.
Les trois classes que nous avons distinguées s’accordent en beaucoup de choses ; il va de soi que ce n’est pas par l’observation de ces choses-là que vous pourrez les distinguer. Mais il y a d’autres choses dans lesquelles elles diffèrent; et, pour un observateur attentif, ces différences se trahiront dans leur conduite et révéleront leur vrai caractère. Ces points sur lesquels elles diffèrent sont ceux qui touchent aux fondements mêmes de la religion.
Je vais donc indiquer quelques traits qui distinguent ceux qui sont mus par l’amour d’eux-mêmes, par l’égoïsme, et chez lesquels l’espérance et la crainte inspirent tout ce qu’ils font en fait de religion.
1. Ils font de la religion une affaire secondaire.
Ils montrent par leur conduite qu’ils ne regardent pas la religion comme l’affaire capitale de leur vie, mais comme une chose subordonnée à d’autres. Ils la regardent comme une chose qui doit venir à propos, et trouver sa place entre beaucoup d’autres; une affaire bonne pour le dimanche, ou qui ne doit pas sortir du cabinet ou du culte de. famille ; mais ils ne la regardent pas comme la grande affaire de la vie. Ils font une distinction entre les devoirs religieux et les affaires, et les considèrent comme étant d’ordre entièrement différent. Tandis que s’ils y voyaient clair, ils comprendraient que la religion est la seule affaire de la vie, et qu’aucune chose n’est légitime à moins qu’elle ne serve les intérêts de la religion. S’ils . avaient des sentiments chrétiens, tous leurs actes auraient un caractère religieux et seraient accomplis manifestement en vue d’obéir à Dieu.
2. Ils remplissent leurs devoirs religieux comme une tâche.
Il s’en faut que l’amour de Dieu brûle en eux et les presse de travailler pour Lui ; ils ne prennent pas leur plaisir dans les exercices religieux auxquels ils se sont assujettis ; et quant à la communion avec Dieu, ils n’en connaissent absolument rien ; la prière elle-même est une tâche pour eux. Ils font leurs devoirs religieux comme le malade prend ses remèdes, non parce qu’ils les aiment, mais parce qu’ils espèrent en retirer quelque profit.
Et vous qui êtes ici devant moi, trouvez-vous votre plaisir dans vos devoirs religieux ou les accomplissez-vous parce que vous espérez en retirer quelque avantage ? Soyez honnêtes, en cet instant, répondez à cette question en toute vérité et jugez quel est l’état de votre âme.
3. Il est manifeste qu’ils ont un esprit légal et non l’esprit de l’Evangile.
Ce qu’ils font en religion, ils le font parce qu’ils sont obligés de le faire, non parce qu’ils l’aiment. Ils ne perdent pas de vue les commandements de Dieu et y obéissent en accomplissant leurs devoirs religieux, mais ce n’est pas qu’ils y aient mis leur coeur. Ils se demandent toujours non pas « Comment pourrai-je faire du bien ? » Mais « comment pourrai-je être sauvé ? » Il y a entre eux et les vrais amis de Dieu et de l’homme la même différence qu’entre le pécheur convaincu de péché et le vrai converti ; le premier demande : «Que dois-je faire pour être sauvé? » et le second s’écrie : « Seigneur, que faut-il que je fasse ? » Ils sont constamment à demander.: « Que dois-je faire pour aller au ciel ? » Et non point : « Que puis-je faire pour y amener les autres ? » Leur grande affaire n’est pas de sauver le monde, ruais de se sauver eux-mêmes.
4. Ils sont mus par la crainte beaucoup plus que par l’espérance.
Ils accomplissent leurs devoirs religieux surtout parce qu’ils n’osent pas les négliger. Ils prennent la communion non parce qu’ils aiment à rencontrer Christ ou à communier avec leurs frères, mais parce qu’ils n’osent pas rester à l’écart. Ils ont peur en négligeant la cène d’encourir la discipline ecclésiastique ou d’être damnés. Ils prient dans leur cabinet, non parce qu’ils jouissent d’être en rapport direct avec Dieu, mais parce qu’ils n’osent pas négliger la prière. Ils ont l’esprit servile et sont au service de Dieu comme des esclaves au service de leur maître, avec le sentiment qu’il faut faire tant, sous peine d’être battu. Ils ont toujours la pensée qu’il faut avoir tant de religion, accomplir tant de devoirs religieux, sous peine d’être châtié par sa conscience ou de perdre ses espérances. de vie à venir. Ils cheminent, en conséquence, péniblement, laborieusement, remplissant tant de devoirs religieux, année commune; et ils appellent, cela de la religion !
5. Leur religion porte un caractère négatif des plus prononcés.
Ils sont satisfaits surtout de ce qu’ils ne font rien de très mal. N’étant pas spirituels, ils regardent la loi de Dieu surtout comme un recueil de défenses destiné à préserver l’homme de certains péchés ; ils n’y voient, point une dispensation de la bienveillance divine, une règle qui ne peut être accomplie que par l’amour. Ainsi, pourvu que leur conduite soit morale, leur manière d’être sérieuse et décente et qu’ils accomplissent la somme exigée des devoirs religieux, les voilà contents. Leur conscience les tracasse moins au sujet des péchés d’omission qu’au sujet des péchés de commission. Ils font une différence entre négliger de faire ce que Dieu demande positivement et faire ce qu’il défend expressément. Ce qu’on peut dire de mieux sur leur compte, c’est qu’ils ne sont pas très mauvais. Ils ne semblent guère se soucier d’être utiles à la cause de Christ. Aussi. longtemps qu’on ne peut les convaincre de quelque transgression positive, ils sont satisfaits.
6. Leur piété est plus ou moins stricte, suivant leurs lumières et la délicatesse de leur conscience.
Quand leur intelligence est éclairée et leur conscience, délicate, ils sont souvent les chrétiens les plus rigides qu’on puisse trouver. Ils paient la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin. » (Mat XXIII.23) Ils sont raides jusqu’à la morosité. En fait de rigorisme, personne n’ira plus loin qu’eux. Ce sont de parfaits pharisiens.
7. Plus leur conscience est délicate, plus ils sont misérables.
En dépit de leur rigorisme, ils ne peuvent ignorer qu’ils. sont de grands pécheurs, ce qui les rend très malheureux, vu qu’ils ne se font pas une idée juste de la justification ; et plus leur conscience est éclairée et délicate, plus ils sont malheureux. Malgré la rigueur de leur piété, ils se sentent toujours au-dessous de leur devoir, et n’ayant pas la foi que demande l’Evangile, ni l’onction du Saint-Esprit qui apporte la paix à l’âme, ils sont toujours mécontents, inquiets, misérables.
Beaucoup d’entre vous peut-être connaissent de telles personnes. Il y en a sûrement ici. Ces personnes-là n’ont, jamais su ce que c’est que de se sentir justifié devant Dieu par le sang de Jésus-Christ ; elles n’ont jamais su ce que c’est que de se sentir accepté et, adopté comme sien par Jésus-Christ. Elles n’ont jamais possédé la réalité contenue dans ces paroles : « Il n’y a maintenant plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l’Esprit. »
Pouvez-vous dire que ces paroles réchauffent vôtre coeur parce que vous avez fait, en votre âme, l’expérience de la réalité qu’elles contiennent? Ou vous sentez-vous encore condamnés et coupables, n’ayant pas conscience du pardon de vos péchés, ne jouissant point de la paix avec Dieu et ne sachant ce que c’est que de se confier en Jésus-Christ ?
8. Ils sont encouragés et réjouis quand ils lisent l’histoire des saints de l’ancien temps qui sont tombés dans de grands péchés.
Ils se sentent, en effet, admirablement instruits et édifiés quand les péchés du peuple de Dieu sont remis en lumière. Ils sont alors tout réconfortés et leurs espérances se ravivent merveilleusement. Ils ne sont point humiliés et désolés ; considérant combien une pareille vie de péché est contraire à toute religion, ils ne se disent point qu’il leur serait bien de tenir de tels hommes pour des saints, si la Bible ne les considérait pas comme tels ; encore moins pensent-ils que si ces gens avaient vécu dans la lumière de l’économie actuelle, ils ne pourraient absolument pas porter le titre de saints ; — ils se sentent au contraire tout réjouis, tout fortifiés, tout remplis de nouvelles espérances. J’ai connu un homme, un ancien, qui fut cité à comparaître. devant son église pour crime d’adultère et qui s’excusa en alléguant qu’on n’aurait pas dû s’attendre à ce qu’il fût meilleur que David, l’homme selon le coeur de Dieu.
9. Moins le prédicateur est exigeant en fait de piété, plus ils sont contents.
S’il est disposé à espérer charitablement que presque tout le monde est chrétien, les voilà satisfaits et ils le complimentent sur sa grande charité ; ils le louent comme un homme excellent, charitable, etc. Il est aisé de comprendre pourquoi ces chrétiens sont contents de cette façon d’entendre le christianisme; c’est qu’elle concourt à les affermir dans leurs plus chères espérances ; elle les aide, en effet, à entretenir ce qu’ils appellent leur « consolante espérance, » et cela, bien qu’ils fassent si peu pour Dieu. Ah! qu’elle est différente la conduite de l’homme dont le but suprême est d’arracher le monde au PÉCHÉ! Il a besoin de voir tous les hommes devenir saints; il veut en conséquence que l’étendard de la sainteté soit maintenu haut et ferme. Il désire que tous les hommes soient sauvés, mais il sait qu’ils ne peuvent pas l’être à moins qu’ils ne soient véritablement saints. Faire aller un homme au ciel en rabaissant « charitablement ». l’idéal de sainteté que nous présente. la Bible lui paraîtrait aussi impossible que d’admettre Satan lui même- dans le Paradis.
10. Ils veulent qu’on leur prêche des doctrines « consolantes. »
Ils aiment qu’on leur prêche les doctrines de la persévérance des saints et de l’élection, qu’on s’y arrête, qu’on s’y étende et qu’on y insiste. Souvent même ils ne veulent autre chose que ce qu’ils appellent la doctrine de la grâce; et s’ils peuvent obtenir une prédication abstraite qui leur apporte jouissance et consolation sans remuer leur conscience, les voilà « nourris ».
11. Ils aiment, en effet, que leur pasteur leur prêche des sermons pour « nourrir les chrétiens. »
Comme leur grande affaire n’est pas de sauver les pécheurs, mais d’être sauvés eux-mêmes, ils choisiront toujours non pas un pasteur capable de prêcher convenablement la conversion aux pécheurs, mais un pasteur qui ait le talent de nourrir l’église avec de pures abstractions.
12. Ils mettent une grande importance à posséder ce ils appellent une « bonne espérance. »
Vous les entendrez, en effet, parler avec une grande solennité de l’importance qu’il y a à posséder cette espérance. Et, qu’ils puissent la nourrir, dissipant leurs craintes, se réjouissant en leurs coeurs, savourant leurs privilèges : cela leur suffit. Que ceux qui les entourent soient sauvés ou non, ils s’en inquiètent peu. (Ah ! que nous sommes loin des vrais amis de Dieu et de l’homme, oublieux d’eux-mêmes et tout occupés à arracher du feu les pécheurs !)
Dans leurs prières de même, ils demandent que leur assurance soit affermie, qu’ils puissent sentir qu’ils vont au ciel, qu’ils sont acceptés de Dieu, etc., au lieu de demander que leur foi devienne puissante et qu’ils soient remplis du Saint-Esprit afin de délivrer beaucoup d’âmes de la mort.
13. Ils vivent sur leurs sentiments.
Ils ajoutent beaucoup d’importance aux émotions qu’ils éprouvent de temps à autre. S’il leur arrive d’avoir, à l’occasion, des élans de ferveur religieuse, ils y arrêtent complaisamment leur pensée et s’appuient longtemps sur cette preuve de leur piété. Ces temps d’émotions religieuses entretiendront leurs espérances aussi longtemps qu’ils en conserveront un souvenir distinct. Peu importe qu’actuellement ils ne fassent rien pour Dieu et n’éprouvent aucun sentiment d’amour pour lui : ils se rappellent avoir eu tels sentiments à telle époque; cela leur suffit. S’ils ont été mêlés à des scènes de réveil et que leur imagination ait été excitée au point de faire couler leurs larmes et de les pousser à prier et à exhorter leurs frères, ce souvenir va nourrir leurs espérances pendant des années. Quoique, le réveil passé, ils ne fassent rien pour l’avancement du règne de Christ et que leurs cœurs soient aussi durs que le roc, ils sont pleins d’assurance, et attendent patiemment qu’un nouveau réveil vienne les pousser derechef en avant.
14. Ils prient presque exclusivement pour eux-mêmes.
Si vous pouviez entendre les prières qu’ils font dans le secret du cabinet vous verriez que les huit dixièmes de leurs demandes sont pour eux-mêmes. Cela montre à quel taux ils mettent leur propre salut en regard de celui des autres. C’est le quatre cents pour cent, huit contre deux. Et s’ils prient dans les assemblées, il en sera très souvent de même; à les entendre prier, vous ne supposeriez pas qu’il y ait sur la terre un seul pécheur allant en enfer; ils prient là comme dans leur cabinet, à cela près qu’ils s’associent le reste de l’église en disant « nous » au lieu de « je »
15. Dans leurs prières ils demandent bien plutôt d’être préparés pour la mort que d’être rendus capables de mener une vie utile.
Ils s’inquiètent bien plus d’être préparés à mourir que d’être préparés à sauver les pécheurs autour d’eux. S’ils demandent l’Esprit de Dieu, c’est bien plus pour qu’il les prépare à mourir que pour pouvoir « enseigner les voies de Dieu à ceux qui les transgressent, de sorte que les pécheurs reviennent à Lui » ainsi que le demandait le Psalmiste (Ps 51:14,15).
Plusieurs d’entre vous, mes frères, ne se reconnaissent-ils pas à ce trait? Leurs prières ne sont-elles pas exactement telles que je viens de les décrire?
Un homme tout occupé de faire du bien et de sauver les. pécheurs ne songe pas tant à se demander quand, où et comment il mourra; il se demande plutôt comment il pourra faire le plus de bien possible pendant sa vie. Et quant à la mort, il s’en remet pleinement à Dieu et sans aucune crainte. Il y a longtemps qu’il a remis son âme à Dieu, et il ne s’occupe plus que de vivre à la gloire de Christ.
16. Ils ont plus peur du châtiment que du péché.
C’est précisément le contraire de ce que vous remarquerez chez les vrais amis de Dieu et de l’homme qui ont plus peur du péché que du châtiment.
Quant à ceux qui nous occupent maintenant, ils se livrent au péché lorsqu’ils parviennent à se persuader que Dieu leur pardonnera, ou quand ils pensent qu’ils pourront se repentir. Ils raisonnent souvent ainsi : « Le pasteur un tel fait telle. chose, pourquoi ne la ferais-je pas ? » Un membre de cette Eglise était moniteur dans l’école du dimanche, mais voyant que d’autres membres qui auraient pu l’être, ne l’étaient pas, il se dit : « Pourquoi ferais-je ce travail plutôt qu’eux ?» et il abandonna, son groupe. Oui, c’est ici l’esprit qui anime toute cette classe de chrétiens de nom « Les autres ne font pas ceci, ils ne font pas cela, pourquoi me tourmenterais-je pour être meilleur qu’eux ?» Je le répète, ce n’est pas du péché qu’ils ont peur, c’est du châtiment... Ils pêchent et ILS LE SAVENT; mais ils se flattent d’échapper au châtiment! Qui ne voit combien cet esprit est contraire à celui des vrais amis de Dieu dont la préoccupation dominante est d’ôter le péché du monde? Quant à ceux-ci, l’enfer ne les effraie pas la moitié autant que la pensée de commettre le péché.
17. Les chrétiens qui nous occupent manifestent plus d’inquiétude au sujet de leur propre salut qu’ils n’en ressentiraient si le monde entier allait en enfer.
Un tel homme, si son espérance vient à faiblir, voudrait que chacun se mît en prières pour lui; il fait grand bruit de sa personne et en préoccupe toute l’église ; lui qui ne pense jamais à faire quelque chose pour les pécheurs qui l’entourent et qui sont certainement dans la voie large qui mène à la perdition ! Il montre que toute son attention est concentrée sur lui-même et que sa pensée dominante n’est point .lu tout de chercher quelle est la plus grande somme de bien qu’il pourra accomplir.
18. Ils aiment mieux recevoir du bien que d’en faire.
Ici encore vous pouvez reconnaître que de telles personnes n’ont pas l’esprit de l’Evangile ; elles ne sont jamais entrées dans l’esprit de Jésus-Christ qui disait qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Celui qui est mu par le vrai amour de Dieu et de l’homme jouit du bien qu’il fait au autres plus que les autres ne jouissent en recevant ce bien. Il est réellement bienveillant, et, pour lui, c’est une grâce que de pouvoir montrer de la bonté, son cœur ne bat que pour cela, et lorsqu’il peut le faire, une sainte et délicieuse joie remplit, son âme. Mais quant à l’autre classe de chrétiens, c’est tout autre chose : ils sont plus empressés à recevoir qu’à donner. Ils désirent recevoir de l’instruction plus qu’ils ne désirent en répandre. Ils désirent recevoir des consolations, mais ils ne sont jamais prêts à se sacrifier eux-mêmes pour apporter aux autres les consolations de I’Evangile. Chacun voit d’emblée combien une telle disposition est contraire à l’esprit de l’Evangile qui trouve son suprême bonheur à communiquer le bonheur aux autres.
Qui ne connaît ces deux classes de chrétiens ? Les uns cherchant toujours à faire du bien, les autres cherchant toujours à en recevoir. Les uns toujours possédés du désir de donner, les autres toujours possédés du désir de recevoir. Ces deux caractères sont aussi opposés que la lumière et les ténèbres.
19. Quand on parvient à les faire prier pour la conversion des autres, ils le font en présentant les mêmes motifs qu’ils ont eus en priant pour eux-mêmes.
Lorsque leur égoïsme permet chez eux l’éveil d’une certaine sympathie, comme ils ont surtout peur de l’enfer pour eux-mêmes, ils en ont peur aussi pour autrui. Le bonheur étant ce qu’ils cherchent principalement,c’est aussi ce qu’ils demandent pour les autres. Ils prient pour les pécheurs, poussés non par un vif sentiment de l’horreur du péché, mais par l’horrible idée qu’ils se font des tourments de l’enfer. Ce n’est donc pas parce que les pécheurs déshonorent, Dieu qu’ils désirent les voir convertis, mais parce qu’ils sont en danger. Comme la raison d’être de leur religion est d’assurer leur propre sécurité, c’est aussi la sécurité du pécheur qui les pousse à prier pour lui. S’il n’y avait point de danger, ils ne prieraient jamais, ni pour eux-mêmes, ni pour les autres.
Certes ! les vrais amis de Dieu et de l’homme ressentent de la compassion pour les pécheurs, mais ils s’émeuvent bien plus encore à la pensée de l’honneur de Dieu compromis. Oui, ils sont plus désolés de voir Dieu outragé et déshonoré que de voir les pécheurs aller en enfer. S’il fallait ou que Dieu fût déshonoré à jamais ou que les pécheurs lussent jetés dans les tourments sans fin, ils choisiraient, cette dernière alternative; cela est aussi certain qu’il est certain qu’ils aiment Dieu par dessus tout. Les vrais sentiments de chacun se manifestent dans ses prières. Vous les verrez donc, les vrais amis de Dieu, considérer dans leurs prières les pécheurs comme des rebelles envers Dieu, comme des criminels méritant la colère éternelle, comme des ennemis de Dieu et de tout l’univers ; et tandis qu’ils sont remplis de compassion pour eux, le feu d’une sainte indignation les embrase à la pensée de leur conduite à l’égard du Dieu béni éternellement.
20. La classe de chrétiens qui nous occupe est fort sujette aux angoisses du doute.
Ils sont gens à parler beaucoup de leurs doutes. Et le détail de ces doutes forme un chapitre considérable de leur histoire. Leur grande affaire étant la jouissance d’une consolante espérance, dès que le doute s’empare d’eux, les voilà par terre ; ils font alors grand vacarme de leurs doutes ; et n’allez pas à ce moment leur demander de faire quoi que ce soit pour l’avancement du règne de Dieu : il va sans dire qu’ils « n’y sont pas préparés. » Ah ! qu’ils sont différents ces vrais amis de Dieu et de l’homme dont la seule pensée est de faire le bien ! Si parfois le diable cherche à leur dire qu’ils vont en enfer, la première réponse qui leur vient à l’esprit est celle-ci : « Eh bien ! s’il le faut !... quoi qu’il en soit, il faut, que je tire du feu les pécheurs. » J’admets que de vrais chrétiens puissent avoir des doutes, mais ils y seront d’autant moins sujets qu’ils seront plus complètement consacrés à l’oeuvre du salut des pécheurs. Il serait en effet bien difficile à Satan de troubler par des doutes une église qui serait entièrement engagée dans cette oeuvre ; l’attention des chrétiens y serait tout entière et les suggestions de l’adversaire n’auraient pas de prise sur eux.
21. Leur horreur du sacrifice va croissant avec les demandes qui leur sont adressées.
Un homme disait : « Où veut-on en venir avec cette oeuvre de la tempérance ? Il ne s’agissait d’abord que d’abandonner les liqueurs ; je l’ai fait et je m’en suis bien trouvé. Ensuite on en est venu à demander l’abandon du vin ; maintenant c’est le tabac ; où s’arrêtera-t-on ? La pensée d’avoir à sacrifier d’abord ceci, puis cela jette cette sorte de chrétiens dans une véritable détresse. Le bien qui en résultera ne leur vient pas à la pensée, parce qu’ils ne songent qu’aux privations à endurer.
Ces entreprises incessantes contre le royaume des ténèbres les jettent dans la détresse parce que leur but n’a jamais été de rechercher et d’ôter de ce monde tout ce qui déshonore Dieu et fait du tort à l’homme. Ils sont entrés dans l’église, il se sont revêtus du manteau de la religion, mais ils ne l’ont pas fait avec la détermination de poursuivre ce but ; jamais ils n’ont été décidés à détruire le péché partout et toujours, aussitôt qu’ils en auraient connaissance et autant qu’il serait en leur pouvoir.
Ces chrétiens sont ennuyés des demandes incessantes des collecteurs pour les missions, pour le colportage, etc. Autrefois quand un homme riche donnait cent vingt-cinq francs par année pour ces oeuvres, il trouvait que c’était beaucoup; mais les demandes se sont tellement multipliées, les contributions ont tellement augmenté, que les chrétiens dont nous parlons sont dans une anxiété continuelle « Je n’aime pas ces collectes, » disent-ils, « je suis opposé à ce qu’on en fasse dans l’église, cela ne fait que du mal.» Et leur bile se décharge surtout contre les agents des sociétés religieuses.
Ils sont obligés de donner comme les autres, afin de maintenir leur réputation, ou de ne pas perdre leur « consolante espérance. » Et, le niveau spirituel s’étant élevé depuis quelques années, je ne doute pas qu’ils n’aient à donner le quadruple de ce qu’ils donnaient, il y a vingt ans, pour soutenir leur profession. Que deviendront-ils si l’on prend tous les jours de nouvelles mesures, si l’on entreprend tous les jours de nouvelles oeuvres?
22. Quand ils sont appelés à renoncer à eux-mêmes pour faire du bien, au lieu d’en être contents, ils n’en éprouvent que de la peine.
Ils ne connaissent rien de la joie qu’il y à renoncer à soi-même. Il ne leur entre pas dans l’esprit que le renoncement à soi-même puisse être agréable ; que l’on puisse trouver son plaisir et sa joie à s’oublier pour faire du bien aux autres. Ils pensent que ce sont là, dans la religion, des hauteurs telles que personne ne les a atteintes. Cependant le vrai ami de Dieu et de l’homme, qui ne pense qu’à faire du bien, ne jouit jamais autant de son argent que lorsqu’il peut le dépenser pour l’avancement du règne de Christ ; il comprend que c’est le meilleur placement qu’il puisse trouver et c’est même avec peine qu’il se voit obligé d’employer son argent pour autre chose, alors surtout qu’il voit se multiplier les occasions de l’employer à faire le bien.
Je désire que vous tous qui m’entendez soyez bien attentifs à ceci : si un homme a mis tout son coeur à quelque chose, il lui sera fort agréable de pouvoir y consacrer son argent; et plus il pourra retrancher d’argent aux autres choses pour le mettre à cette chose-là, plus il sera content. Si donc quelqu’un trouve dur de donner son argent pour l’avancement du règne de Dieu, c’est qu’il n’a point mis son coeur à cette œuvre ; s’il l’avait fait, il donnerait avec joie. Que penseriez-vous de celui qui, refusant de donner de son argent, se mettrait à remuer l’église en faveur de l’oeuvre des missions, sollicitant les dons des autres quand il n’aurait lui-même jamais donné un dollar? Il serait absolument démontré qu’il n’a pas donné son coeur à la cause de Christ ; car s’il l’avait fait, il donnerait pour elle son argent aussi volontiers qu’un verre d’eau fraîche ; et plus il pourrait économiser en faveur de cette cause, plus il serait content.
23. Ils ne sont pas de ceux qui font avancer l’oeuvre des réveils.
Ce n’est pas leur affaire. Ils faut toujours les traîner à l’ouvrage ; et ce n’est que lorsque le réveil est bien établi et que les émotions deviennent vives, qu’ils paraissent s’y intéresser. Mais vous ne les verrez jamais prendre la direction de l’oeuvre, jamais devancer les autres ; vous ne les entendrez jamais dire à leurs frères : « Allons ! et faisons quelque chose pour le Seigneur. »
24. C’est un fait qu’ils ne convertissent pas les pécheurs à Dieu.
Dieu peut se servir d’eux de différentes façons pour faire du bien ; il se sert de Satan aussi ; mais, en général, ils n’arrachent pas les pécheurs du feu ; et la raison en est que ce n’est pas là le but de leur vie. Qu’en est-il de vous ? Avez-vous du succès dans l’oeuvre de la conversion des pécheurs ? Y a-t-il quelqu’un qui puisse vous regarder comme l’instrument de sa conversion ? Si vous vous étiez véritablement donnés pour cette oeuvre, vous ne pourriez. vivre sans la faire ; vous vous y mettriez avec un tel sérieux, avec une telle « agonie de prières » que l’oeuvre se ferait.
25. Ils ne manifestent pas une grande détresse à la vue du péché.
Ils ne le reprennent pas: Ils aiment à être mêlés aux scènes dans lesquelles le péché est commis. Ils aiment à se trouver où ils peuvent entendre des conversations vaines ; ils aiment même à s’y joindre. Ils aiment la société mondaine, les livres mondains. Leur esprit est mondain. Au lieu de « haïr jusqu’au vêtement souillé par la chair (Jude 1.23), » ils aiment à se tenir sur les confins du péché, comme trouvaient en lui leur plaisir.
26. Ils ne prennent que fort peu d’intérêt aux récits de réveils, de missions, etc.
Si quelque mission est sévèrement éprouvée, ils ne s’en mettent pas en peine, ils ne le savent même pas ; si les missions prospèrent, ils ne le savent pas non plus ; cela ne les intéresse pas. Il en est de même pour les journaux religieux, ils n’en lisent aucun. Ou s’ils en lisent un et qu’ils en viennent au récit d’un réveil, ils le laissent de côté, pour courir aux nouvelles du jour, à la polémique ou à quelque autre chose. C’est tout l’opposé des vrais amis de Dieu et de l’homme qui aiment à suivre les progrès des réveils et qui cherchent tout d’abord, dans les journaux religieux, si quelque réveil se montre ; et qui se réjouissent lorsqu’il en est ainsi, et on rendent grâce et gloire à Dieu de toute leur âme. De même. pour les missions, ces vrais amis de Dieu et de l’homme sont de coeur avec les missionnaires et quand ils apprennent que le Seigneur a répandu son Esprit sur une mission, le feu d’une sainte joie remplit toute leur âme.
27. Les chrétiens que nous considérons aujourd’hui ne connaissent qu’une religion toute négative, légale, triste .et laborieuse, et ils ne visent pas plus haut.
L’amour de Christ ne les contraint pas à une guerre constante contre le péché, ni une vigilance continuelle pour faire tout le bien qui est en leur pouvoir. Ce qu’ils font est fait uniquement parce qu’ils croient être obligés de le faire ; c’est ainsi qu’ils se font une piété de forme, une piété où le coeur n’est pour rien, piété sans valeur.
28. C’est à contre coeur qu’ils prennent part à toute mesure extraordinaire que prend l’église pour avancer le règne de Dieu.
Si l’on propose quelque réunion prolongée, vous verrez généralement cette sorte de chrétiens battre en retraite, faire des objections et élever toutes les difficultés qu’ils pourront. De même pour tout effort extraordinaire que l’on proposera de faire. Ils préfèrent toujours la « bonne vieille méthode. » Et ils sont fort ennuyés d’avoir chaque année tant de choses à ajouter à leur religion sous peine de voir leur espérance plus ou moins ébranlée.
29. Ils ne jouissent pas de la prière secrète.
Ce n’est pas parce qu’ils aiment à prier, qu’ils prient dans le secret du cabinet, muais parce qu’ils pensent que c’est leur devoir, et qu’ils n’osent pas le négliger.
30. Ils ne jouissent pas de la Bible.
Ce n’est pas parce qu’elle est douce à leur âme « plus douce que le miel », qu’ils la lisent; ils ne « jouissent » pas de cette lecture comme on jouit de ce qu’il y a de plus exquis au monde; ils la font parce que c’est leur devoir et que l’on ne peut pas faire profession d’être chrétien sans lire la Bible. Mais, en réalité, ils trouvent que c’est une lecture bien aride.
31. Ils ne jouissent pas des réunions de prières.
La moindre excuse les dispense d’y aller. Ils n’y vont qu’autant que cela est nécessaire pour maintenir leur réputation de piété ou pour maintenir leur « consolante espérance.» Vous pourrez les y voir alors, non pas enflammés d’amour, mais froids, distraits, tristes, joyeux seulement quand la réunion est terminée.
32. Ils ne parviennent pas à s’expliquer ce que pourrait bien signifier le mot de désintéressement.
Servir Dieu parce qu’on l’aime et non en vue d’une récompense, voilà ce qu’ils ne peuvent comprendre.
33. Leur pensée n’est pas anxieusement rivée à cette question : « Quand donc le monde sera-t-il converti à Dieu? »
Leurs coeurs ne sont pas angoissés par des questions comme celles-ci : Combien de temps encore la méchanceté prévaudra-t-elle? Quand verrons-nous ce monde méchant arraché au péché et à la mort? Oh ! quand les hommes cesseront-ils de pécher contre Dieu ? Ils s’occupent beaucoup plus de ces questions : Quand mourrai-je ? Quand irai-je au ciel ? Quand serai-je délivré de tous mes soucis et de toutes mes afflictions?
REMARQUES
1. Je crois que vous ne m’accuserez pas d’exagération si je dis que la religion que j’ai décrite parait être celle d’un très grand nombre de membres de l’église. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a grandement à craindre qu’elle ne soit la religion de la majorité de ceux qui font profession d’être chrétiens; et il n’y a ni méchanceté ni manque de charité à dire cela.
2. Cette religion est radicalement fausse.
Il n’y a aucun vrai christianisme en elle. Elle diffère du christianisme autant que le légalisme diffère de l’Evangile, autant que les pharisiens différaient de Jésus-Christ.
Maintenant, laissez-moi vous demander quelle est, entre les deux classes de chrétiens décrites dans ce discours et dans le précédent, celle à laquelle vous appartenez.
Ou est-ce que peut-être vous n’appartiendriez ni à l’une ni à l’autre?
Il se peut qu’ayant conscience de ne pas appartenir à la seconde, vous vous disiez que vous appartenez à la première, quand il n’en est rien, et que vous aurez à vous reconnaître dans le tableau que je ferai de la troisième.
Oh ! qu’il est important que vous sachiez avec une entière certitude quel est votre vrai caractère ! que vous sachiez si vous êtes mus en religion par le vrai amour de Dieu et de l’homme, ou si vous n’êtes religieux qu’en vue de vous-mêmes! Oh ! quelle solennelle pensée ! ces âmes dont j’ai été le pasteur, ne seraient-elles jamais arrivées à juger intelligemment de cette question : sommes-nous de vrais amis de Dieu et de l’homme, ou n’en serions-nous pas? Hâtez-vous de résoudre cette question, mes bien-aimés ! C’est maintenant le moment de le faire!
Mettez-vous au clair sur ce point, puis allez travailler à l’oeuvre de Dieu.