L’utilité de l’apologétique théorique nous est enfin contestée à un dernier point de vue qui est celui de l’excellence concrète de la vie chrétienne elle-même. « Un bon arbre, a dit Jésus, produit naturellement de bons fruits » et « vous les reconnaîtrez à leurs fruits ». Ces fruits, ce sont « les bonnes œuvres par lesquelles nous glorifions Dieu ». En elles se condense et se résume toute l’apologétique chrétienne ; elles en sont la substance ; elles lui suffisent donc, et toutes les paroles qu’on y pourrait ajouter ne valent pas un fétu au prix d’une seule de ces œuvres.
A Dieu ne plaise que nous contredisions à cette pensée ! S’il est une chose certaine, c’est que l’apologétique de la vie vécue et des œuvres accomplies est non seulement la plus utile, mais la seule efficace, en dernier ressort. Je crois fermement que son absence rendrait vaine et superflue toute autre.espèce d’apologétique dans le monde. Mais s’ensuit-il que sa présence suffise absolument ? On évoque la vie. Mais la parole ne fait-elle pas partie de la vie ? La parole n’est-elle pas une action aussi ? La parole n’illustre-t-elle pas la vie en l’éclairant ? Et parmi tant d’hommes qui parlent, sèment leurs opinions, le chrétien seul sera-t-il muet ? Certes, les œuvres sont des faits, comme telles bien supérieures à toutes les idées ; soit. Mais les faits n’ont-ils pas besoin d’explications ? Se comprennent-ils toujours d’eux-mêmes ? L’Évangile aussi, dans son essence, est un fait. En est-il moins pour cela une parole ? Le christianisme n’est-il pas par excellence la religion de la parole, de la « Parole faite chair » et parlant un langage humain ? Ces considérations suffisent à ramener l’objection à ses justes proportions.