Voici maintenant quelques mots concernant La vie du berger. Dans la famille et dans l’œuvre de Dieu, il faut d’abord être, ensuite seulement faire.
La vie privée et personnelle de l’ouvrier est plus importante que son œuvre, parce que son œuvre dépend de cette vie. Pour être serviteur de Dieu, il faut être premièrement homme de Dieu dans tous les détails. La faculté divine de conduire les autres s’apprend à cette école où le souverain Berger établit Son contrôle et Son autorité sur notre propre vie. C’est pourquoi, avant tout, chargeons-nous de Son joug et apprenons de Celui qui est doux et humble de cœur. C’est seulement ainsi que nous trouverons le repos de nos âmes. Alors nous serons délivrés de l’esprit d’agitation et de fièvre qui rend notre service stérile et inutile devant Dieu (Matthieu 8.14, 15). Ce joug du souverain Berger est la condition même de notre travail de berger. Ce repos deviendra l’atmosphère où le Saint-Esprit pourra Se mouvoir et Se manifester avec la plénitude de puissance promise.
1. « Etant les modèles du troupeau » (1 Pierre 5.3). Je le répète, le ministère pastoral n’est pas une autorité, une fonction, un métier à exercer, c’est un exemple à donner, c’est une vie à vivre, une mort à mourir (2 Corinthiens 4.8-12) ; c’est suivre les traces du souverain Berger, de Celui dont il est écrit : « Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez Ses traces, Lui qui n’a point commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est point trouvé de fraude ; Lui qui, injurié, ne rendait point d’injures, maltraité, ne faisait point de menaces, mais S’en remettait à Celui qui juge justement ; Lui qui a porté Lui-même nos péchés en Son corps sur le bois, afin que morts aux péchés, nous vivions pour la justice ; Lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant, vous êtes retournés vers le Pasteur et le Gardien de vos âmes » (1 Pierre 1.21-25).
Le premier et le dernier mot de la définition du berger, c’est une vie de sainteté conséquente sur toute la ligne, consacrée jusqu’à la mort même ; c’est une séparation d’avec tout ce qui est incompatible avec la volonté de Dieu ; en un mot, c’est l’exemple et le reflet du souverain Berger en nous. Cette empreinte, cette ressemblance ne s’acquièrent que dans la solitude de Sa présence, par des relations personnelles et intimes avec Lui. Alors tout le reste suivra tout naturellement comme le fruit est l’effet visible de la présence de la sève.
Bergers, les brebis vous regardent, prêtes à remarquer le moindre faux-pas … pour l’imiter ensuite. Paul, ce grand berger d’âmes, put dire aux Ephésiens en les quittant : « Vous savez de quelle manière … je me suis sans cesse conduit avec vous, servant le Seigneur en toute humilité, avec larmes, et au milieu des épreuves » (Actes 20.18, 19). Humilité, larmes, épreuves : voilà les trois mots qui résument la conduite de celui ou de celle qui a reçu vocation de berger.
Ecoutons le solennel appel à la sainteté et à la séparation de l’Ancien Testament : « Partez, partez, sortez de là ! Ne touchez rien d’impur ! Sortez du milieu d’elle ! Purifiez-vous, vous qui portez les vases de l’Eternel … » ou, selon la version rabbinique, « Les armes de l’Eternel » (Esaie 52.11). C’est à ce texte que l’apôtre Paul se réfère dans le passage de 2 Corinthiens 6.14-7.1, où tout se résume à ceci : « Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu. » Comme pour le souverain sacrificateur, qui portait sur son front une lame d’or sur laquelle était gravé Sainteté à l’Eternel (Exode 28.36, 37), le Seigneur, notre Maître veut, par la puissance de Son Saint-Esprit, graver dans notre esprit, centre de tout notre être, les mots : Sainteté à l’Eternel. C’est, je le répète, la première condition qui fera de nous des bergers d’âmes : une vie sainte.
2. Un deuxième trait distinctif du berger, c’est son identification avec les brebis. Aussi longtemps que le berger, séparé des brebis, se tient sur un piédestal au-dessus d’elles, le ministère pastoral du Saint-Esprit ne peut s’exercer. Que nous soyons pêcheurs d’hommes ou bergers d’âmes, laissons-nous inspirer par cette parole concernant notre Seigneur : « Il a paru comme un simple Homme » (Philippiens 2.8). Quoi d’étonnant à ce que les péagers et les gens de mauvaise vie aient eu pleine confiance en Lui ! Lui, Jésus, Dieu manifesté en chair, S’abaissa jusqu’à paraître comme un simple Homme. Beaucoup d’entre nous ignorent cette simplicité. Jésus dit à Ses disciples : « Je vous envoie comme des brebis … » (Matthieu 10.16). Ce point est important. Que notre Dieu nous le fasse comprendre. Soyons un avec les brebis, identifiés à celles auprès desquelles nous avons un ministère, le péché à part.
Ne l’oubliez pas, les brebis savent ce que vous êtes et « elles ne suivront point un étranger, mais elles fuiront loin de lui » (Jean 10.5). Supprimez tout ce qui vous sépare d’elles ; soyez naturels. Apprenez à rire comme elles, à pleurer avec elles, comprenez leur vie, et quand il le faut, « descendez dans la fosse » avec elles. L’esprit clérical se place au-dessus des gens, le véritable esprit pastoral au-dessous : voilà toute la différence.
Notre Seigneur et Sauveur est venu pour nous servir jusqu’au sacrifice (Marc 10.45), et actuellement, dans la gloire, Il nous sert encore en Souverain Sacrificateur. Ainsi, Il peut secourir ceux qui sont tentés, compatir à nos faiblesses (Hébreux 2.18 ; 4.15 ; 5.2). N’est-ce pas l’exemple à suivre : comprendre, secourir, être touché de compassion, savoir sympathiser, en un mot, s’identifier aux brebis ?
3. Tout naturellement, il s’ensuit que la troisième caractéristique du berger est la compassion. « Voyant la foule, Il fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue comme des brebis qui n’ont point de berger » (Matthieu 9.36).
La compassion, c’est discerner les souffrances visibles ou cachées des autres, en être atteint jusqu’au fond de son cœur, et contraint de prier et d’agir ; c’est un don de Dieu. C’est voir ce que les yeux de la chair ne voient pas, ce qui est caché au profane, c’est entendre ces gémissements secrets et s’y associer. « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent », dit l’apôtre à ceux qui ont consacré leur corps en sacrifice vivant et qui ont compris ce qu’est le service raisonnable (Romains 12.1, 2, 15). Le monde, les âmes des hommes ont infiniment besoin de compassion.
Le privilège du berger, c’est de montrer aux brebis au moins quelque chose de cette grande et merveilleuse compassion de Jésus. Evitez la dureté, ne soyez pas autoritaire, soyez rempli de compassion. Que les brebis fassent de votre cœur un chemin battu où elles pourront déverser leurs confessions, leurs soucis, leurs tristesses. Le Psaume 84 est riche en instructions à ce sujet : Il faut savoir transformer les vallées de Baca des âmes en fontaines de bénédiction. Que Dieu nous donne des cœurs qui sentent, qui souffrent, qui vibrent et résonnent comme des harpes éoliennes aux vents et aux soupirs des souffrances des autres.
4. L’immolation du berger. Revenons à cette phrase du Psaume 84, à ces chemins battus, à ces cœurs dont les autres se servent et que les âmes foulent afin d’y déverser leurs confessions, leurs lourds fardeaux.
Quel en est le secret ? Il est dans le titre du Psaume : Guitthith, qui signifie pressoir. « J’ai été seul à fouler au pressoir », dit Esaïe, parlant du Messie qui devait venir. C’est la clé de ce psaume et en même temps la clé du ministère du pasteur et du berger ; c’est la communion de Ses souffrances, la conformité à Sa mort (Philippiens 3.10).
Il y a encore un autre passage qui montre l’exemple que le souverain Berger nous a laissé : « Je suis le bon Berger ; le bon Berger donne Sa vie pour Ses brebis » (Jean 10.11). L’expiation est achevée ; Lui seul nous a acquis le salut ; mais l’acceptation, la jouissance et la proclamation de ce salut n’exigent-elles pas de notre part ce même esprit de sacrifice ? Donner nos vies pour Ses brebis, cela n’a-t-il pas un sens très réel pour nous ? L’esprit de sacrifice, voilà l’esprit pastoral. « La vie est dans le sang », nous dit la Parole. Oui, passez en revue une à une dans la présence de votre Dieu ces brebis, ces âmes, ces jeunes convertis, ces bébés en Christ, ces agneaux du troupeau. Comment Christ sera-t-Il formé en eux ? La réponse à votre question viendra par le Saint-Esprit qui vous dira doucement : « Le bon Berger donne Sa vie pour Ses brebis ».
Et quand Sa main vous aura touché, quand votre cœur aura cédé devant le prix demandé, vous comprendrez mieux, sans l’aide de commentaires, cette parole de l’apôtre Paul : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l’achève en ma chair, pour Son corps qui est l’Eglise » (Colossiens 1.24). Ces souffrances ne sont pas celles de l’expiation accomplie une fois pour toutes à Golgotha, c’est le privilège de suivre Ses traces dans les souffrances qu’Il a endurées, et les apôtres après Lui. Le baptême dont Il a été baptisé représente pour nous les souffrances pour l’amour de Son Nom, de Sa Parole, de Son honneur, pour l’amour des âmes des hommes. Les circonstances, les hommes, ennemis ou amis, l’apostasie, les chrétiens charnels, les puissances des ténèbres, tout cela vous apprendra à connaître ces souffrances (Marc 10.38, 39).
En lisant la Bible de la Genèse à l’Apocalypse, je constate que devant le péché et la révolte des hommes, Dieu agit et souffre en Berger. L’essence de l’esprit pastoral, c’est le sacrifice ; le secret du ministère de berger, c’est la souffrance … dans la joie. « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous. » Et tandis que ce feu de souffrance brûle lentement en nous, tout en vivant pour les autres, nous apprenons à comprendre par expérience ces paroles : « La mort agit en nous et la vie agit en vous », tandis que « toujours nous portons dans nos corps les meurtrissures du Seigneur Jésus … » (2 Corinthiens 4.12). Vie, vie abondante et divine, se manifestant et jaillissant sur les brebis du troupeau. Quelle récompense ! Quelle compensation ! Voilà ce que le souverain Berger nous propose. Entrons dans Son merveilleux plan. Il nous y appelle. Alors il n’y aura plus de bêlements de brebis ; alors le loup sera tenu à distance ; il n’y aura plus qu’un seul troupeau où brebis et bergers ne font qu’un et où le divin Berger devient tout en tous.
Et si tel n’est pas le cas, la faute n’en est pas aux brebis, mais aux bergers. A cause de nous, les brebis souffrent, le loup les ravit. Qu’il n’en soit plus ainsi ! Dès ce jour, immolons-nous, soyons baptisés dans l’esprit de sacrifice de Jésus.
5. Voici encore une qualité du berger, fruit de celle dont je viens de parler et qui, sans elle, est impossible : le don de savoir s’effacer. Cette grâce, car c’est une grâce, accompagne tous les autres dons du Saint-Esprit, celui de prophète, d’évangéliste, de pasteur et de docteur. Si grands que soient ces ministères, si important qu’en soit l’exercice, leur efficacité et leur mordant spirituel dépendent de l’humilité de l’instrument. Notre Seigneur disait de Son précurseur que « parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand » (Matthieu 11.11). Et voici la principale cause de cette grandeur : « Il faut qu’Il croisse et que je diminue » (Jean 3.30). Et encore : « Je ne suis pas digne de délier la courroie de Ses souliers » (Jean 1.27).
C’est seulement dans la mesure où nous réussirons à nous effacer que Christ sera glorifié. Oui, le berger d’âmes, surtout, doit diminuer afin que Christ croisse et prenne toute la place. Je le répète, n’amenez pas les brebis à vous, mais à Lui. Pères et mères en Christ, Dieu vous donne des enfants spirituels, afin que par votre ministère dévoué, paternel, maternel, Christ soit formé en eux. Les liens qui vous unissent à vos enfants dans la foi sont les plus sacrés qui existent sur cette terre ; les privilèges et les responsabilités qui s’y rattachent sont grands et glorieux. Comme le disait l’apôtre aux Corinthiens : « Quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Evangile » (1 Corinthiens 4.15).
Mais il y a un danger dans lequel tombent beaucoup de pères et de mères : au lieu de rendre les âmes dépendantes de Dieu, ils les rendent dépendantes d’eux-mêmes. Souvent ces bergers font un plan ou un programme de vie pour les brebis et le souverain Berger est obligé de l’anéantir, de le déchirer. Pères et mères, la continuité des douleurs d’enfantement est une partie de votre sainte vocation. Apprenez de la mère de Moïse, à qui la fille de Pharaon dit : « Emporte cet enfant et allaite-le-moi ; je te donnerai ton salaire. La femme prit l’enfant et l’allaita », jusqu’à ce qu’il soit « devenu grand » … (Exode 2.9). Et aussi de la mère de Samuel : « Et la femme resta et allaita son fils jusqu’à ce qu’elle le sevrât. Quand elle l’eût sevré, …, elle le mena dans la maison de l’Eternel à Silo » … (1 Samuel 1.23, 24). Et encore du psalmiste : « J’ai l’âme comme un enfant sevré » (Psaume 131.2). … « Jusqu’à ce que Christ soit formé en vous … » (Galates 4.19) ajoute l’apôtre.
Notre Dieu nous remet ces brebis, ces enfants spirituels, pour leur donner des soins maternels et paternels, pour veiller sur eux nuit et jour, jusqu’à ce que Christ soit formé en eux, jusqu’à ce qu’ils soient devenus grands. Pour cela, il faut que nous diminuions et qu’il croisse. Tout autre objectif est faux et en dehors du ministère pastoral. Il est navrant de voir comme on traite les âmes de nos jours. On les amène à telle église, à telle assemblée, à telle œuvre, mais souvent, on ne les amène pas à Christ. On leur enseigne des théories, une doctrine sur tel système, sur telle activité, on les « église », on les rend orthodoxes même, mais on ne les sèvre pas. On les amène dans tel rassemblement, mais souvent, pas dans la Maison de l’Eternel, Christ ne peut Se former en eux … Tout cela n’est pas selon le ministère de Dieu, la vocation de berger. Cette vocation consiste à faire diminuer l’homme, ses systèmes et ses milieux, et à en détacher les brebis pour que Christ soit tout en elles, qu’Il leur suffise pleinement et soit seul formé en elles.
Demandons à Dieu que la nuée resplendissante nous enveloppe, nous faisant perdre de vue nos « Moïse », nos « Elie » et surtout nos « tentes », pour ne voir que Jésus seul. Que tout notre travail de bergers d’âmes en soit empreint (Matthieu 17.3, 4, 8).