Avant d’en venir aux détails, je remarquerai trois choses par lesquelles cette époque, qui embrasse une durée d’environ six cents ans, se distingue de la précédente.
1° Bien que nous n’ayons dans la partie historique des Écritures aucun détail sur une grande portion de cette époque, cependant les événements qui la signalèrent font plus que ceux d’aucune autre période l’objet de la prophétie. L’Écriture a deux méthodes de raconter les événements par lesquels l’œuvre de la rédemption se poursuit : l’une historique, l’autre prophétique. Nous avons d’une manière et de l’autre, dans les Écritures, un compte-rendu des événements, par lesquels l’œuvre de la rédemption est accomplie du commencement à la fin. Bien que les Écritures ne renferment pas précisément une histoire du tout, cependant on trouve, soit dans sa partie historique, soit dans sa partie prophétique, la chaîne des grands événements qui ont concouru au progrès de cette œuvre du commencement à la fin. Et il faut observer que ce qui manque dans l’une de ces parties, se retrouve dans l’autre. Où la partie historique fait défaut, nous avons la prophétie pour y suppléer ; de sorte que le récit se continue toujours, la chaîne n’est pas brisée, et nous venons à son dernier chaînon dans la consommation de toutes choses.
Aussi peut-on observer, au sujet de cette longue durée, que bien qu’elle soit moins le sujet de l’histoire biblique que la plupart des époques précédentes (il y a plus de quatre cents années sur lesquelles les Écritures ne donnent pas de détails historiques), les événements sont plus le sujet de la prophétie que celles de toutes les autres périodes précédentes ensemble. La plupart des remarquables prophéties du livre de Daniel, la plupart de celles d’Esaïe, de Jérémie et d’Ezéchiel, contre Babylone, Tyr, l’Egypte et plusieurs autres nations, eurent leur accomplissement à cette époque.
Ainsi, si l’Écriture ne nous donne pas de récit historique d’une si grande portion de ces temps-là, ce n’est pas que les événements fussent moins importants, ou moins dignes de remarque que ceux qui avaient précédé, car ils furent grands et remarquables. Mais on peut donner diverses raisons pour cela. Une de ces raisons est que Dieu voulait que l’esprit de prophétie cessât dans cette époque (pour des raisons que nous donnerons ci-après), de sorte qu’il n’y avait pas de prophète pour écrire l’histoire de ces jours-là ; c’est pourquoi Dieu, ayant cela en vue, prit soin qu’il fût fait quelque mention, dans sa Parole, des grands événements de cette époque. Il faut observer que les prophètes écrivains (qui écrivirent) en Israël, furent suscités à la fin de l’époque précédente et au commencement de celle-ci. En effet, le temps s’approchait où l’esprit de prophétie ayant disparu, il n’y aurait plus d’histoire inspirée, et par conséquent aucun autre récit scripturaire, sauf celui qui serait donné dans la partie prophétique.
On peut trouver une autre raison pour la suspension de l’histoire inspirée, dans le fait que Dieu avait providentiellement pris soin que les événements de cette époque fussent authentiquement et pleinement conservés dans l’histoire profane. Il est très digne de remarque, que pour ce qui est des événements des cinq époques précédentes, dont les Écritures donnent le récit, l’histoire profane garde le silence ou ne fournit que des données très imparfaites. Il y a plusieurs récits fabuleux et incertains des choses qui arrivèrent avant cela, mais on pense que l’histoire profane authentique commença environ cent ans avant Nébucadnetsar. Les savants grecs et romains avaient l’habitude d’appeler les siècles précédents, les temps fabuleux, et tous ceux qui survinrent après, les temps historiques. Et, à partir d’environ ce temps-là jusqu’à la venue de Christ, nous avons dans l’histoire profane des récits authentiques des principaux événements. Et ils sont dans un accord admirable avec les nombreuses prophéties qui se rapportent à ces jours-là.
Ainsi le Dieu tout-puissant, qui règle toutes choses, prit soin de donner un récit historique des choses à partir du commencement du monde, touchant ces âges éloignés au sujet desquels l’histoire profane garde le silence. Et il ne cessa de le faire que lorsqu’on en fut venu à ces temps dans lesquels l’histoire profane rapporte les faits avec quelque certitude. Et, pour ce qui est de ces derniers temps, il nous en donne d’abondants détails dans la partie prophétique, afin qu’en la comparant avec l’histoire profane nous puissions voir que les deux s’accordent.
2° Cette dernière période de l’Ancien Testament semble se distinguer d’une manière remarquable de toutes les autres, par de grandes révolutions chez les nations de la terre, pour préparer la voie au royaume de Christ. Comme le temps où Christ, le grand roi et le sauveur du monde allait venir, approchait, il se fit de grands changements en vue de ce grand événement. La voie avait été préparée depuis la chute de l’homme, durant toutes les époques précédentes ; mais maintenant, comme le temps s’approche, les événements se précipitent et la Providence divine agit d’une manière puissante. Les plus grandes révolutions dont l’histoire fasse mention eurent lieu à cette époque. Presque toutes les nations de loin et de près, dans le cercle de celles que les Juifs connaissaient, furent plusieurs fois bouleversées. Tous les pays furent tour-à-tour soumis, subjugués, en quelque sorte vidés et bouleversés, et la plupart d’entre eux, à plusieurs reprises pendant cette époque, conformément aux paroles de cette prophétie : « Voici, l’Éternel s’en va rendre le pays vide et l’épuiser, et il en renversera le dessus, et dispersera ses habitants (Ésaïe 24.1). »
Ces révolutions commencèrent par atteindre l’Église visible de Dieu qui fut emmenée en captivité par le roi de Babylone. Et ensuite la coupe passa aux autres nations autour d’elle, conformément à ce que Dieu révéla au prophète Jérémie 25.15-27. Ici il semble être surtout question des grandes révolutions du temps de l’empire de Babylone. Mais après cela il y eut trois grandes révolutions générales avant la venue de Christ, qui se succédèrent avec les trois grandes monarchies du monde, après l’empire de Babylone. Il est dit dans les Écritures que le roi de Babylone bouleversa le monde ; mais après cela la monarchie Babylonienne fut renversée par Cyrus, qui fonda à sa place celle des Perses. Et celle-ci fut beaucoup plus étendue que celle de Babylone au plus haut point de sa gloire. Ainsi le monde fut bouleversé une seconde fois. Après cela la grande monarchie
des Perses fut renversée par Alexandre, et celle des Grecs fondée. Celle-ci était encore beaucoup plus étendue que ne l’avaient été celle des Perses. Et ainsi il y eut pour la troisième fois un grand bouleversement du monde entier. La monarchie des Grecs fut plus tard renversée par les Romains, et l’empire romain établi. Celui-ci dépassa de beaucoup les deux précédentes en pouvoir et par l’étendue de sa domination. De sorte que le monde fut bouleversé pour la quatrième fois.
Il est beaucoup question dans les prophéties de Daniel de ces diverses monarchies et des grandes révolutions dont elles furent l’occasion. Elles sont représentées par la statue d’or, d’argent, d’airain et de fer de Nébucadnetsar, et par l’interprétation qui en est donnée (Daniel ch. 2) par la vision des quatre bêtes, et par l’interprétation que l’ange en donne (Daniel ch. 7). Il est particulièrement question de la transition de la monarchie des Perses à celles des Grecs, dans le ch. 8, dans la vision que Daniel eut du bélier et du bouc, et encore dans le ch. 11.
Outre ces quatre révolutions générales, le monde fut pour ainsi dire dans un état de convulsion permanente pendant toute cette époque. Jusqu’alors il avait été comparativement dans un état de repos ; bien qu’il y eût eu de très grandes guerres parmi les nations, toutefois il n’est pas question de convulsion universelle, ni de révolutions semblables à celles de cette époque. La plupart des nations du monde étaient restées longtemps sur leur lie, sans être transvasées d’un vase dans un autre, comme cela est dit de Moab (Jérémie 48.11). Ces grandes révolutions eurent lieu, parce que les jours du Messie approchaient. Il est évident, d’après les Écritures, qu’elles avaient pour but de préparer la venue de Christ, nous le voyons en particulier par (Ézéchiel 21.32) : « Je la mettrai à la renverse, à la renverse, à la renverse, et elle ne sera plus, jusqu’à ce que vienne celui auquel appartient le gouvernement, et je le lui donnerai. » En répétant trois fois « à la renverse, » le prophète a en vue les trois révolutions. C’est ainsi que la répétition par trois fois du mot « malheur (Apocalypse 8.13), » indique trois calamités distinctes, comme on le voit par ce qui suit : « Un malheur est passé (Apocalypse 9.12) ; » « le second malheur est passé ; et voici, le troisième malheur viendra bientôt (Apocalypse 11.14). »
Il faut remarquer qu’Ezéchiel prophétise du temps de la captivité de Babylone ; et par conséquent, d’après cette prophétie, il devait y avoir trois grandes révolutions générales avant la venue de Christ : la première serait faite par les Perses ; la seconde, par les Grecs ; la troisième, par les Romains, et alors viendrait Christ pour prendre le diadème qui lui était dû, et régner. Ici il est évidemment question de ces grandes révolutions comme préparant la venue de Christ et son royaume. Mais pour bien comprendre ces paroles, nous devons remarquer cette expression : « Je la mettrai à la renverse, à la renverse, à la renverse. » C’est-à-dire, la tiare et la couronne d’Israël, ou le pouvoir temporel suprême sur le peuple visible de Dieu. Dieu dit que ce pouvoir n’existerait plus, que la couronne serait enlevée, ainsi que le diadème, comme cela est dit dans le verset précédent. Le pouvoir suprême sur Israël ne devait plus résider dans la maison royale de David, à laquelle il appartenait proprement, mais il devait être enlevé et confié à d’autres mains, et passer ainsi des uns aux autres. D’abord le pouvoir suprême sur Israël devait passer aux Perses, pour être renversé et passer aux Grecs ; puis être renversé et passer aux Romains. Il devait cesser d’être dans la famille de David, jusqu’à la venue du fils de David, qui y avait droit et à qui Dieu le donnerait.
Que ces grandes révolutions des nations eussent pour but de préparer la venue de Christ et l’établissement de son royaume dans le monde, c’est ce qu’on voit encore clairement par Aggée 2.6-7 : « Car ainsi a dit l’Éternel des armées : Encore une fois, ce qui même sera dans peu de temps, j’ébranlerai les cieux et la terre, la mer et le sec ; — et j’ébranlerai toutes les nations, et le désiré de toutes les nations viendra ; et je remplirai de gloire cette maison, a dit l’Éternel des armées » (voyez aussi les versets 21, 23). Il est manifeste d’après cela que ces commotions qui renversaient les trônes, les royaumes et les armées, et qui faisaient que les hommes s’entre-détruisaient, avaient pour but de préparer la venue de Celui qui est le désiré des nations.
Les grands changements et les troubles qu’il y a eus quelquefois dans l’Église visible sont comparés à un travail d’enfantement de l’Église pour produire Christ (Apocalypse 12.2). On peut dire également que ces grands troubles et ces terribles révolutions furent en quelque sorte le travail d’enfantement du monde pour produire le Fils de Dieu. L’Apôtre, dans le huitième chapitre de l’épître aux Romains, représente la création entière comme soupirant et étant en travail pour produire la liberté et la manifestation des enfants de Dieu. Ainsi le monde fut en quelque sorte en travail et en proie à des convulsions continuelles pendant plusieurs centaines d’années pour enfanter l’Enfant premier-né, le Fils unique de Dieu. Ces grandes révolutions furent tout autant d’angoisses et de douleurs. La circonstance que le monde fut si longtemps dans un état de guerre et de carnage, prépara aussi la venue du Prince de paix, en faisant sentir le grand besoin qu’on avait d’un tel Prince pour délivrer le monde de ses misères.
Dieu jugea bon de faire par sa Providence que les pouvoirs terrestres s’élevassent au plus haut degré de leur puissance, et parussent dans toute leur gloire dans ces quatre grandes monarchies qui se succédèrent l’une à l’autre, et que chacune fut et plus grande et plus glorieuse que la précédente avant d’établir le royaume de son Fils. Cela fit voir combien son royaume spirituel est beaucoup plus glorieux que le plus glorieux des royaumes temporels. La force et la gloire de Satan apparurent dans tout leur éclat dans ces quatre monarchies ; car comme elles étaient les monarchies du monde païen, leur force était celle du royaume de Satan. Dieu permit que le royaume de Satan s’élevât à cette hauteur de pouvoir et de gloire avant la venue de son Fils, pour le renverser dans le but de rendre son triomphe plus glorieux. Il convient que Goliath soit revêtu de son armure magnifique lorsque le jeune David s’avance contre lui armé d’une fronde et d’une pierre pour rendre la victoire de David plus remarquable. Dieu permit qu’une de ces grandes monarchies en soumît une autre, et s’élevât sur ses ruines plus puissante encore, et que la dernière fût la plus forte et la plus puissante de toutes, afin que Christ, en la renversant, les renversât en quelque sorte toutes à la fois. Il est dit que la pierre coupée de la montagne, sans main, détruisit la statue tout entière, l’or, l’argent, l’airain, le fer, l’argile, de sorte que le tout devint comme la balle que le vent pousse au loin.
C’est ainsi qu’il fut permis à ces puissants empires de révolutionner le monde, et de se détruire les uns les autres. Et, bien que leur pouvoir fût si grand, ils furent pourtant hors d’état de se maintenir : ils tombèrent les uns après les autres, et furent réduits à rien. Ce fut même le cas du dernier d’entre eux qui était le plus fort, et qui avait envahi la terre entière. Dieu prit plaisir à montrer ainsi en eux l’instabilité, la vanité de tout pouvoir et de toute grandeur terrestre, pour mettre en évidence d’une manière frappante la gloire du royaume de son Fils, qui ne doit jamais être détruit. « Et au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais dissipé, et ce royaume ne sera point laissé à un autre peuple ; mais il brisera et consumera tous ces royaumes, et il sera établi éternellement (Daniel 2.44). » Tant est grande la différence entre ce royaume et les autres royaumes de la terre, ils disparaissent et passent à d’autres peuples, mais celui-là subsistera pour toujours. Dieu permit au diable de faire de son mieux et d’établir sa puissance, en fondant le royaume le plus grand, le plus fort, le plus magnifique qui fût jamais avant que Jésus, le méprisé des nations, le renversât lui et son empire. Dieu vint dans le monde pour renverser le royaume de Satan, afin que la main de l’Éternel fût contre tout ce qu’il y avait de hautain et d’orgueilleux, contre toute haute tour et toute montagne élevée (Ésaïe 2.12). Et c’est pourquoi il fut permis à toutes ces choses de s’élever très haut, afin que Christ parût d’autant plus glorieux en les dépassant. C’est ainsi que le grand et sage Gouverneur du monde prépara toutes choses pour la fondation du magnifique royaume de son Fils bien-aimé.
3° Cette dernière époque, avant la venue de Christ, fut remarquable aussi par l’admirable préservation de l’Église à travers toutes ces révolutions. Cette préservation fut à quelques égards plus remarquable à cette époque que pendant aucune des précédentes. Il est très surprenant de voir l’Église, si faible à cette époque et dans une si humble position, la plupart du temps soumise aux monarchies païennes, se maintenir pendant cinq ou six cents ans, tandis que le monde est si souvent révolutionné, la terre déchirée et réduite en désert, et que ses habitants s’entre-détruisent. La chose paraît d’autant plus remarquable quand on considère que la Judée, principal lieu de séjour de l’Église, était justement au milieu des parties belligérantes, qu’elle fut souvent le théâtre de la guerre, et que maintes fois elle fut ravagée et subjuguée. Elle fut au pouvoir, tantôt d’un peuple, tantôt d’un autre, et le grand objet d’envie et de haine de toutes les nations païennes. Elle fut souvent presque ruinée par elles, des multitudes de ses habitants furent détruits ; elle fut à peu près dépeuplée, et ceux qui l’eurent sous leur domination se proposèrent souvent son entière destruction. Et pourtant les Israélites se maintinrent toujours, ils furent préservés dans leur captivité à Babylone, au milieu de tous les dangers auxquels ils furent exposés sous les rois des Perses, dans les périls encore plus grands par lesquels ils passèrent sous l’empire des Grecs, et plus tard quand le monde fut opprimé par les Romains.
Leur préservation durant cette période est aussi particulièrement remarquable en ceci, c’est qu’il n’est nulle part dit que l’Église, dans aucune des époques précédentes, ait eu à souffrir autant de la persécution que sous Antiochus Epiphane, comme nous le verrons plus tard. Cette admirable préservation de l’Église, à travers tous ces bouleversements du monde, explique et confirme ce que nous lisons au Psaumes 46.1-2 : « Dieu est notre retraite, notre force et notre secours dans les détresses, et fort aisé à trouver. — C’est pourquoi nous ne craindrons point quand on remuerait la terre, et que les montagnes se renverseraient dans la mer. » Ainsi je viens de remarquer certains caractères généraux qui distinguent cette période de l’Ancien Testament. J’examinerai maintenant comment l’œuvre de la rédemption fut poursuivie dans ses détails.
La première chose qui se présente ici est la captivité des Juifs à Babylone. Ce fut là une grande dispensation de la Providence, et il n’y en avait jamais eu de semblable auparavant. Les enfants d’Israël, du temps des Juges, avaient souvent été subjugués par leurs ennemis, et plusieurs personnes avaient été emmenées en captivité à diverses époques. Mais jamais avant cela on n’avait vu le pays entier détruit avec le sanctuaire, la ville de Jérusalem, toutes les villes et villages de la contrée, le peuple entier transporté hors de son pays, à plusieurs centaines de lieues de distance, et la terre de Canaan complètement désertée par le peuple visible de Dieu. L’arche avait une fois quitté le tabernacle à Silo, et elle avait été emmenée captive dans le pays des Philistins. Mais il n’y avait jamais eu rien comme l’incendie du sanctuaire, l’enlèvement des vases sacrés et des ustensiles, la cessation du culte établi dans le pays, et la désolation du pays durant tant d’années. Comme toutes ces choses se trouvent rapportées d’une manière saisissante dans les Lamentations de Jérémie ! L’œuvre de la rédemption fut avancée par cette dispensation remarquable de la manière suivante :
1° Cela guérit définitivement cette nation de son idolâtrie. Le prophète Esaïe, parlant de l’établissement du règne de Christ, Ésaïe 2.18, mentionne l’abolition de l’idolâtrie comme une des choses qui devaient avoir lieu en vue de cet événement : « Et quant aux idoles, elle tomberont toutes. » Le temps approchait dans lequel Dieu allait détruire l’idolâtrie païenne, dans la plus grande partie du monde connu, comme il le fit par la prédication de l’Évangile ; il commença par l’abolir chez son peuple. C’est ce qu’il fit par la captivité de Babylone. Ce fut là comme un présage de cette abolition que Dieu était sur le point d’opérer par le moyen de Jésus-Christ dans une si grande partie du monde païen.
Ce peuple qui s’était adonné à l’idolâtrie pendant tant de siècles, malgré tous les reproches, les avertissements, les châtiments, les jugements de Dieu, en fut alors guéri pour toujours. De sorte que, quoique quelques-uns soient tombés dans ce péché plus tard, comme ce fut le cas du temps de la persécution d’Antiochus, cependant la nation, comme nation, ne se montra jamais plus, à partir de cette époque, disposée à retomber dans ce péché. Ce fut là un changement remarquable et surprenant chez ce peuple, et il avança directement l’œuvre de la rédemption, ce qui fut un grand progrès dans les choses religieuses.
2° Un fait qui prépara la voie pour la venue de Christ et l’établissement glorieux de l’économie évangélique, ce fut la cessation de plusieurs de ces choses qui constituaient la gloire de la dispensation mosaïque. Il était nécessaire, pour introduire la glorieuse dispensation évangélique, que la gloire extérieure de l’Église juive fût diminuée. Ce fut là à plusieurs égards ce que fit la captivité de Babylone.
Premièrement, elle fit cesser la domination temporelle de la maison de David ; elle enleva au peuple son indépendance et le gouvernement de ses propres affaires. Elle enleva au peuple la couronne et le diadème. Comme le temps approchait où Christ, le Roi tout-puissant de son Église, allait régner, il convenait que les rois typiques disparussent. Comme Dieu dit Ézéchiel 21.26 : « Qu’on ôte cette tiare, et qu’on enlève cette couronne : ce ne sera plus celle-ci ; j’élèverai ce qui est bas, et j’abaisserai ce qui est haut. » A partir de cette époque, les Juifs furent toujours gouvernés par des nations étrangères jusqu’à la venue de Christ, pendant près de six cents ans. Par exception, ils maintinrent leur indépendance durant environ quatre-vingt-dix ans, au moyen de guerres continuelles sous les Machabées et leurs descendants. La captivité mit aussi un terme à la gloire et à la magnificence du temple, et celui qui fut bâti plus tard n’était rien en comparaison du premier. Ainsi il arriva que comme le temps de l’apparition du magnifique antitype du temple approchait, le type perdit son éclat.
La captivité leur fit perdre aussi les deux tables du témoignage données à Moïse, et sur lesquelles Dieu avait écrit de son doigt les dix commandements au mont Sinaï. Il paraît qu’elles furent conservées dans l’arche jusqu’à la captivité. Elles s’y trouvaient quand Salomon plaça l’arche dans le temple. « Il n’y avait rien dans l’arche que les deux tables de pierre que Moïse y avait mises en Horeb (1 Rois 8.9). » Et nous sommes en droit de supposer qu’elles restèrent là aussi longtemps que le temple fut debout. Les Juifs disent qu’elles furent définitivement perdues vers cette époque ; mais les anciens commandements furent préservés dans le livre de la loi. Ces tables aussi disparurent à l’approche de leur antitype.
L’Urim et le Thummim furent aussi du nombre des choses perdues. « Et Attirsatha leur dit qu’ils ne mangeassent point des choses très saintes, tandis que le sacrificateur assisterait avec l’Urim et le Thummim (Esdras 2.63). » Nous n’avons pas de preuves qu’ils aient jamais été retrouvés, bien que les anciens écrits des Juifs disent le contraire. Je n’examinerai pas, pour le moment, ce qu’étaient l’Urim et le Thummim, j’observerai seulement que le grand-prêtre s’en servait pour consulter Dieu et pour recevoir de Lui des réponses immédiates, et que Dieu, par leur moyen, délivrait des oracles immédiats dans des occasions particulières. Ils disparurent, car le temps de la venue de Christ, l’antitype de l’Urim et du Thummim, la grande parole et l’oracle de Dieu approchait.
Les anciens Juifs disent qu’il manqua aussi dans le second temple la nuée de gloire qui se tenait sur le propitiatoire. Il était promis qu’elle serait dans le tabernacle. « Car je me montrerai dans une nuée sur le propitiatoire (Lévitique 16.2). » Il est parlé de la nuée de gloire descendant sur le tabernacle (Exode 40.35) ; il en est également question au sujet du temple de Salomon. Mais il n’est pas dit que cette nuée glorieuse se soit trouvée dans le second temple. Et les anciens récits des Juifs disent qu’il n’y avait rien de semblable. Il n’était pas nécessaire qu’elle se trouvât dans le second temple, vu que Dieu avait promis de l’illustrer d’une autre manière, par Christ qui y ferait son entrée ; ce qui eut plus tard son accomplissement. « Et j’ébranlerai toutes les nations et le désiré d’entre toutes les nations viendra, et je remplirai de gloire cette maison, a dit l’Éternel des armées (Aggée 2.7). »
Quand Moïse construisit le tabernacle et l’autel dans le désert, sur lesquels les premiers sacrifices furent offerts, le feu vint du ciel et consuma l’holocauste, (Lévitique 9.24). Il en fut de même quand Salomon construisit le temple et offrit les premiers sacrifices (2 Chroniques 7.1). Et ce feu ne devait jamais s’éteindre ; on devait l’entretenir avec le plus grand soin d’après le commandement de Dieu. « On tiendra le feu continuellement allumé sur l’autel, et on ne le laissera point éteindre (Lévitique 6.13). » Et il n’y a pas de raison de supposer que le feu allumé du temps de Salomon se soit éteint jusqu’à la destruction du temple par les Babyloniens. Mais alors il fut éteint pour n’être jamais plus rallumé. Il n’est pas dit qu’il ait été redonné à la construction du second temple, comme ce fut le cas à la construction du premier et du tabernacle. Mais les Juifs, après leur retour, furent obligés de se servir de feu ordinaire, comme le rapporte une ancienne tradition. C’est ainsi que les lumières de l’Ancien Testament s’éteignent à l’approche du soleil de justice.
3° La captivité de Babylone occasionna la dispersion des Juifs dans presque toutes les parties du monde connu, avant la venue de Christ. La nation ayant été transportée en captivité dans un pays très éloigné, et cet état de choses ayant duré si longtemps, ils acquirent des possessions, bâtirent des maisons, et s’établirent dans le pays de leur captivité, conformément aux directions de Jérémie dans la lettre qu’il leur écrivit (Jérémie ch. 29). C’est pourquoi, quand Cyrus leur permit de rentrer dans leur pays, plusieurs d’entre eux ne le firent pas. Ils n’étaient pas disposés à quitter leurs établissements et leurs possessions pour aller dans un pays dévasté, à plusieurs lieues de distance, que les vieillards parmi eux avaient seuls vu. Aussi, il n’y en eut que peu qui retournèrent, comme nous le voyons par les livres d’Esdras et de Néhémie. Beaucoup d’entre eux restèrent en arrière, tout en conservant la même religion que ceux qui rentrèrent, autant du moins qu’elle pouvait être observée dans un pays étranger. Les messagers (Zacharie ch. 7) qui vinrent interroger les prêtres et les prophètes à Jérusalem, Scaretzer et Réguem-Mélec avaient, à ce qu’on suppose, été envoyés par les Juifs restés à Babylone.
Les Juifs qui restèrent dans ce pays, par suite des grands changements qui survinrent dans le monde, furent bientôt dispersés dans les contrées avoisinantes. Aussi voyons-nous que du temps d’Esther, après le retour de la captivité, les Juifs étaient dispersés dans tous les coins du vaste empire des Perses, qui s’étendait de l’Inde à l’Ethiopie « Et Haman dit au roi Assuérus : Il y a un certain peuple dispersé entre les peuples, par toutes les provinces de ton royaume (Esther 3.8). » Et ils continuèrent d’être dispersés, jusqu’à la venue de Christ, jusqu’à ce que les Apôtres allèrent leur prêcher l’Évangile. Et pourtant ces Juifs dispersés conservèrent leur religion. Leur captivité, comme nous l’avons déjà remarqué, les guérit complètement de l’idolâtrie, et l’habitude était que tous ceux qui le pouvaient allassent à Jérusalem aux grandes fêtes. Aussi lisons-nous (Actes, ch. 2) qu’à la grande fête de la Pentecôte, il y avait à Jérusalem des Juifs de toutes les nations sous les cieux. Ils étaient venus, pour adorer à cette fête, de tous les pays dans lesquels ils étaient dispersés. C’est pourquoi nous voyons que partout où les apôtres allèrent pour prêcher l’Évangile, ils trouvèrent des Juifs. Ils passèrent de ville en ville et visitèrent les synagogues des Juifs.
Antiochus-le-Grand, environ deux cents ans avant Christ, dans une certaine occasion, transporta deux mille familles juives des environs de Babylone dans l’Asie Mineure. Et plusieurs de leurs descendants s’établirent dans le Pont, la Galatie, la Phrygie, la Pamphylie et à Ephèse, et de là ils allèrent se fixer à Athènes, à Corinthe et à Rome. Ainsi furent fondées dans ces villes les synagogues dans lesquelles l’apôtre Paul prêcha.
La dispersion des Juifs dans le monde entier, avant la venue de Christ, prépara, sous plusieurs rapports, sa venue et l’établissement de son royaume.
Ce fut un moyen d’exciter une attente générale du Messie dans le monde, justement au moment de sa venue. Car les Juifs, partout où ils allèrent, portèrent avec eux les saintes Écritures, et par conséquent les prophéties touchant le Messie. Et, se trouvant en rapport avec les nations au milieu desquelles ils vivaient, celles-ci prirent connaissance de ces prophéties, et furent informées des espérances des Juifs au sujet de leur Messie glorieux. C’est pourquoi, vers ce temps-là, toutes les nations commencèrent à attendre la naissance d’un grand personnage en Judée, comme on le voit par les écrits des auteurs païens qui sont parvenus jusqu’à nous. Ainsi le fameux poète Virgile, qui vivait en Italie un peu avant Jésus Christ, a un poème sur l’attente d’un prince qui devait naître, et sur les temps de justice et de paix qui devaient suivre ; son langage, à quelques égards, rappelle celui du prophète Esaïe.
L’Etat de dispersion dans lequel se trouvaient les Juifs prépara aussi la voie pour Christ, en ce qu’il montra la nécessité d’abolir la dispensation juive et d’établir l’alliance de grâce. Il fit sentir la nécessité d’abolir la loi cérémonielle et l’ancien culte des Juifs ; car les Juifs eux-mêmes, par suite de cet état de choses, se trouvèrent dans l’impossibilité de l’observer. La loi cérémonielle était faite pour un peuple vivant ensemble dans un même pays, où se trouvait la ville choisie par Dieu, le temple, seul lieu dans lequel on pût offrir des sacrifices, et dans lequel il fût permis aux prêtres et aux lévites d’officier, où il fallait porter les prémices des fruits, et faire diverses choses semblables. Mais par suite de cette dispersion, au moment de la venue de Christ, des Juifs se trouvèrent vivre à plus de mille milles de distance ; ce qui rendait la loi des sacrifices tout-à-fait impraticable. Et si leurs pères avaient pu être blâmés pour ne pas être montés en Judée, quand Cyrus l’eut permis, la chose n’était maintenant plus praticable, du moins pour plusieurs d’entre eux. Tout cela montrait la nécessité d’une nouvelle dispensation, adaptée, non seulement aux circonstances d’un seul pays, mais aux circonstances générales et à l’usage de toutes les nations du monde.
Ensuite, cette dispersion universelle des Juifs contribua à faire connaître dans le monde les événements concernant Jésus-Christ. Car, comme cela a été remarqué précédemment, les Juifs qui vivaient dans d’autres pays avaient l’habitude d’aller souvent à Jérusalem aux trois grandes fêtes, d’année en année. De sorte qu’ils ne pouvaient manquer d’avoir connaissance des choses admirables que Christ faisait dans ce pays. Nous voyons que le grand miracle de la résurrection de Lazare excita chez des Juifs étrangers, qui vinrent à la fête de Pâques, la curiosité de voir Jésus (Jean 12.19-21). Ces Grecs étaient des Juifs étrangers et prosélytes, comme on le voit par la circonstance qu’ils viennent pour adorer à la fête de Pâques. Les Juifs qui vivaient dans la dispersion parmi les Grecs et parlaient leur langage, portaient le nom de Grecs (Actes 6.1). Ils n’étaient pas des chrétiens d’entre les Gentils, car cela arriva avant la vocation des Gentils.
Ce fut de la même manière que les Juifs qui vinrent d’autres pays eurent connaissance de la crucifixion de Jésus-Christ. Ainsi les Juifs qui se rendent à Emmaüs disent à Jésus-Christ qu’ils ne connaissent pas : « Es-tu seul étranger dans Jérusalem, qui ne saches point les choses qui y sont arrivées ces jours-ci (Luc 24.18) ? » Donnant clairement à entendre que tout ce qui concernait Christ était si bien connu de tous qu’il était surprenant de trouver un homme qui n’en eût pas entendu parler. De même, plus tard ils eurent connaissance de sa résurrection, et quand ils retournèrent dans leur pays, ils portèrent ces nouvelles avec eux et publièrent ces faits dans tout le monde, comme ils avaient déjà fait connaître les prophéties qui les annonçaient.
Après cela, ces Juifs étrangers qui vinrent à Jérusalem furent très frappés de l’envoi du Saint-Esprit à la Pentecôte, et des effets merveilleux qui suivirent ; et plusieurs d’entre eux furent convertis. Il y avait des Parthes, des Mèdes, des Elamites, des habitants de la Mésopotamie, d’Egypte, de ces quartiers de la Lybie qui sont près de Cyrène ; d’autres étaient venus de Rome ; il y avait encore des Juifs prosélytes, des Crétois et des Arabes. Ainsi ils rapportèrent avec eux dans leur pays, non seulement la nouvelle de ces événements, mais le christianisme lui-même ; ce qui contribua beaucoup à sa propagation dans le monde.
De plus, la dispersion des Juifs ouvrit une porte aux apôtres partout où ils allèrent pour prêcher l’Évangile. Car presque partout ils trouvèrent des synagogues des Juifs, où on lisait les saintes Écritures et où on adorait le vrai Dieu. Cela servit beaucoup aux apôtres pour la propagation de l’Évangile ; car leur méthode était, dans quelque ville qu’ils allassent, de se rendre d’abord dans la synagogue des Juifs (vu qu’ils étaient de la même nation), et de leur prêcher l’Évangile. De sorte que les Gentils remarquèrent leur nouvelle doctrine, et furent curieux d’entendre ce qu’ils avaient à dire ; ce qui offrit aux apôtres une belle occasion de leur prêcher l’Évangile. C’est ainsi que la chose est racontée dans le livre des Actes des apôtres. Et plusieurs d’entre ces Gentils avaient été préparés, dans une certaine mesure, par la connaissance qu’ils avaient de la religion juive, de leur adoration d’un seul Dieu, de leurs prophéties et de leur attente d’un Messie. Cette connaissance leur venait des Juifs qui avaient longtemps vécu au milieu d’eux, et cela contribua à préparer la voie pour la prédication de l’Évangile. Et il est hors de doute que l’œuvre des apôtres fut par là rendue beaucoup plus facile que s’ils n’eussent jamais entendu parler de celui qu’ils prêchaient, ni de l’adoration d’un seul Dieu. A tous ces égards la captivité de Babylone contribua puissamment à préparer la voie pour la venue de Christ.
Je remarquerai ensuite l’addition qui fut faite au canon des Écritures du temps de la captivité, de ces deux parties remarquables : les prophéties d’Ezéchiel et de Daniel. Christ apparut à chacun de ces deux prophètes sous cette forme qu’il devait prendre plus tard. Le prophète Ezéchiel raconte qu’il lui apparut à diverses reprises, de cette manière : « Et au-dessus de cette étendue, qui était sur leurs têtes, il y avait la ressemblance d’un trône, qui était, à le voir, comme une pierre de saphir ; et sur la ressemblance du trône, il y avait une ressemblance, qui, à la voir, était comme un homme assis sur le trône (Ézéchiel 1.26). » Christ apparut aussi sous cette forme au prophète Daniel : « Voici, comme la ressemblance d’un homme se tint devant moi. — Et j’entendis la voix d’un homme au milieu du fleuve Ulaï, qui cria, et dit : Gabriel, fais entendre la vision à cet homme-là (Daniel 8.15-16). » Il y a plusieurs choses qui montrent clairement que c’était Christ qui apparut ainsi ; mais je ne puis entrer maintenant dans les détails. Christ apparut encore à ce prophète sous la forme humaine : « Et j’élevai mes yeux, et regardai ; et voilà un homme vêtu de lin, et duquel les reins étaient ceints d’une ceinture de fin or d’Uphas ; — et son corps était comme de chrysolithe, et son visage comme la splendeur d’un éclair, ses yeux étaient comme des lampes de feu, et ses bras et ses pieds comme l’éclat d’un airain poli, et le bruit de ses paroles était comme le bruit d’une multitude de gens (Daniel 10.5-6). » Quand on compare cette vision avec celle de l’apôtre Jean (Apocalypse 1.13), on voit clairement que ce personnage était Christ. Et le prophète Daniel, dans la partie historique de son livre, donne le récit d’une apparition de Christ très remarquable, dans la fournaise de Nébucadnetzar, à Sadrac, Mesac et Habed-Négo : « Voici, je vois quatre hommes déliés… et la forme du quatrième est semblable à un fils de Dieu (Daniel 3.25). »
Non seulement Christ apparaît ici sous sa forme humaine, mais encore dans une fournaise, et il en sauve ceux qui croient en Lui. Cela nous montre comment Christ, en venant dans la fournaise de la colère de Dieu, sauve ceux qui croient en Lui. Et la colère de Dieu ne les touche ni ne les atteint jamais assez pour brûler légèrement les cheveux de leur tête.
Ces deux prophètes, à plusieurs égards, furent plus précis au sujet de la venue de Christ et de son royaume que ceux qui les avaient précédés. Tous les deux mentionnent ces trois grandes révolutions qui doivent avoir lieu dans le monde avant son avènement. Ezéchiel est précis dans divers passages au sujet de la venue de Christ. Le prophète Daniel, chapitre 9, annonça qu’il s’écoulerait soixante-dix semaines d’années ou soixante-dix fois sept ans, savoir, quatre cent quatre-vingt-dix ans, entre la publication du décret pour le rétablissement des Juifs et la crucifixion du Messie. Il faut prendre pour point de départ l’ordre qu’Esdras reçut d’Artaxerxès ; par ce moyen, la date même de la crucifixion de Christ fut indiquée, ce qui n’avait jamais été fait jusque-là (Esdras ch. 7).
Le prophète Ezéchiel est très précis dans sa description mystique de l’Église évangélique, dans sa vision du temple et de la ville, dans la dernière partie de sa prophétie. Le prophète Daniel annonce la suite des événements qui auraient lieu concernant l’Église chrétienne, après l’avènement de Christ : ainsi, l’avènement de l’Antéchrist, la durée de son règne, sa chute et la gloire qui doit le suivre. C’est ainsi que la lumière évangélique augmente à mesure que nous nous approchons du temps de la naissance de Christ.
Je dirai quelques mots maintenant de la destruction de Babylone et du renversement de l’empire des Chaldéens par Cyrus. La destruction de Babylone eut lieu cette nuit pendant laquelle le roi Belsatsar et la ville avec lui étaient plongés dans la débauche d’une fête en l’honneur de leurs dieux, alors que Daniel fut invité à lire l’inscription sur la muraille (Daniel 5.30) ; et elle eut lieu de façon à laisser voir la main de Dieu d’une manière éclatante et à accomplir admirablement ce qu’il avait dit par ses prophéties. Mais je ne puis à présent entrer dans les détails. Alors fut détruite cette grande ville qui avait été longtemps hostile à la cité de Dieu, et qui avait duré depuis la construction de Babel, c’est-à-dire dix-sept cents ans. Si l’obstacle qui fut apporté à la construction de cette ville au commencement, et qui empêcha les hommes de la faire aussi grande et aussi magnifique qu’ils se le proposaient, contribua à l’avancement de l’œuvre de la Rédemption, sa destruction y contribua beaucoup plus encore.
Ce fut là un exemple remarquable de la vengeance que Dieu tire des ennemis de son Église ; car Dieu détruisit Babylone à cause du mal qu’elle fit à ses enfants, comme cela est souvent rapporté dans les Prophètes. Cet évènement contribua aussi à l’avancement de l’œuvre de la rédemption, en donnant au peuple de Dieu, retenu captif, la liberté de rentrer dans son pays, de rebâtir Jérusalem. Aussi Cyrus, qui mit le peuple en liberté, est-il appelé le berger de l’Éternel (Ésaïe 44.28 ; 45.1). Voilà comment l’établissement et la destruction de ces quatre monarchies contribuèrent à avancer l’œuvre de la rédemption.
Après cela eut lieu le retour des Juifs dans leur pays et la reconstruction de Jérusalem et du temple. Cyrus, aussitôt après avoir renversé l’empire des Babyloniens et élevé sur ses ruines celui des Perses, fit un décret en faveur des Juifs, leur permettant de revenir dans leur pays et de rebâtir leur ville et leur temple. Ce retour de la captivité de Babylone est, après la sortie d’Egypte, la plus remarquable de toutes les délivrances de l’Ancien Testament, et dans les Écritures on y revient souvent comme à un type de la grande rédemption par Jésus-Christ. Il s’opéra sous la conduite d’un ancêtre de Christ, Zorobabel, fils de Salathiel, dont le nom babylonien était Sesbatzar. Il fut le gouverneur des Juifs et leur conducteur dans le premier retour de la captivité, et, de concert avec le grand-prêtre Jésuah, fils de Jotsadak, il fut très actif dans la reconstruction du temple. Cette délivrance s’accomplit sous la direction de Zorobabel et de Josué le sacrificateur, comme la délivrance d’Egypte avait été accomplie par Moïse et Aaron.
Le retour de la captivité fut une dispensation remarquable de la Providence. Il est très remarquable que Cyrus, prince païen, ait été si disposé à favoriser ce projet. Il ne se contenta pas de donner au peuple la permission de retourner et de reconstruire la ville et le temple, mais il ordonna qu’on leur donnât de l’argent et de l’or, des provisions et des bêtes de somme (Esdras 1.4). Plus tard, Dieu inclina admirablement le cœur de Darius à favoriser de son propre argent la reconstruction de la maison de Dieu, et à ordonner aux Samaritains, les ennemis acharnés des Juifs, qui avaient cherché à arrêter leur progrès, de les aider, en leur fournissant journellement tout ce dont ils avaient besoin. Il décréta que de la maison de quiconque négligerait de le faire, on arrachât un bois pour pendre le propriétaire, et que sa demeure devînt une voirie (Esdras ch. 6). Après cela, Dieu inclina le cœur d’Artaxerxès, un autre roi de Perse, à favoriser les Juifs par les ordres qu’il donna à Esdras (Esdras ch. 7). Il leur fournit abondamment de l’argent et de l’or, et leur offrit encore plus, de son propre trésor, dans le cas où ils en auraient besoin. Il ordonna à ses trésoriers au-delà de l’Euphrate d’en donner encore plus au besoin, jusqu’à cent talents d’argent, et jusqu’à cent cores de froment, et jusqu’à cent bats de vin, et jusqu’à cent bats d’huile et du sel sans nombre. Il permit d’établir des magistrats dans le pays, dispensa les prêtres de toute taille, gabelle et péage. De sorte que ce décret d’Artaxerxès fut le plus complet touchant la restauration de Jérusalem. Aussi, dans la prophétie de Daniel, est-il appelé le décret pour la restauration et la reconstruction de Jérusalem, et c’est de là que datent les soixante-dix semaines.
Ensuite une autre commission remarquable fut donnée à Néhémie par le roi de Perse (Néhémie, ch. 2). C’est une chose intéressante de voir que le cœur des princes païens ait été incliné de la sorte. C’était l’effet du pouvoir de Celui qui tient le cœur des rois dans sa main et qui les tourne comme il veut ; ce fut une preuve remarquable de son amour pour son peuple.
Une autre circonstance très remarquable qui signala ce rétablissement des Juifs dans leur pays, c’est qu’il s’accomplit en dépit de l’opposition des Samaritains, leurs ennemis acharnés et infatigables, qui, pendant longtemps, s’opposèrent aux Juifs de toutes leurs forces, et cherchèrent à les détruire. Pendant un temps, Bislam, Mithrédat, Tabéel, Réhum et Simsaï s’opposèrent à eux (Esdras ch. 4) ; puis Tattenaï, Scétharbotznaï et leurs compagnons (chap. 5), et ensuite Samballat et Tobija, comme nous le voyons par le livre de Néhémie.
Nous avons déjà fait voir combien l’établissement du peuple dans ce pays, du temps de Josué, contribua à l’avancement de l’œuvre de la rédemption. Le rétablissement est dans le même rapport avec cette œuvre. Le rétablissement des Juifs dans le pays de Canaan se rattache à cette œuvre, en ce qu’il fut le moyen de préserver l’Église et la dispensation juive jusqu’à la venue de Christ. Sans cette restauration de l’Église juive, du temple et du culte, le peuple serait resté sans temple, sans patrie, pour lui servir en quelque sorte de quartier-général, de lieu d’habitation et de point de ralliement. La constitution entière, pour l’établissement de laquelle Dieu n’avait rien négligé, aurait été en danger d’être abolie longtemps avant la fin des six cents ans, compris à peu près entre la captivité et la venue de Christ. Ainsi tous les préparatifs que Dieu avait faits depuis Abraham pour la venue de Christ auraient été inutiles. Dieu fit construire ce temple pour l’honorer par la venue de Christ, comme les prophètes Aggée et Zacharie le dirent aux Juifs dans le but de les encourager dans la construction.
J’observerai encore que bientôt après la captivité, une addition fut faite au canon des Écritures par les prophètes Aggée et Zacharie, qui furent envoyés pour encourager le peuple dans la construction de la ville et du temple. Et ils firent surtout valoir la considération, que la venue de Christ approchait. Aggée annonça que Christ serait de la postérité de Zorobabel. Il semble que ce fut là la dernière et la plus complète des révélations de la venue de Christ jusqu’à ce que l’ange Gabriel vint l’annoncer à Marie, sa mère.
Ensuite l’effusion du Saint-Esprit de Dieu, qui accompagna le ministère du sacrificateur Esdras après la captivité. Plusieurs détails des livres d’Esdras et de Néhémie montrent qu’une telle effusion eut lieu. D’abord, après être arrivé de Babylone avec le décret d’Artaxerxès (duquel Daniel fait dater les soixante-dix semaines), Esdras se mit à réformer les vices et la corruption qu’il trouva parmi les Juifs ; le ch. 10 d’Esdras renferme le récit de son grand succès. De sorte qu’il y eut un grand deuil général en Israël pour les péchés commis ; le peuple entra solennellement en alliance avec Dieu, et il s’ensuivit une grande réformation qui fut générale. Vers le même temps, le peuple, avec beaucoup de zèle, de sérieux et de respect, se réunit pour entendre Esdras faire la lecture de la Parole de Dieu. Ils écoutèrent avec beaucoup d’attention la prédication d’Esdras et des autres prêtres qui lisaient et expliquaient la loi, et ils furent très touchés en entendant ces choses. Ils versèrent des larmes en entendant la Parole de la loi, et se mirent à l’observer ; ils célébrèrent la fête du tabernacle d’après les prescriptions de l’Écriture, comme elle n’avait pas été célébrée depuis les jours de Josué, fils de Nun (Néhémie ch. 8). Après cela, s’étant séparés de tous les étrangers, ils célébrèrent un jeûne solennel en écoutant la Parole, confessant leurs péchés, et renouvelant l’alliance avec Dieu. Et ils montrèrent leur sincérité en cette affaire en réformant immédiatement plusieurs abus en religion et en morale (Néhémie ch. 9).
On peut observer que Dieu a toujours fait suivre chaque progrès dans son Église visible d’une remarquable effusion de son Esprit. Il en fut ainsi quand l’Église des Juifs fut établie pour la première fois à son entrée dans Canaan sous Josué ; il en fut de même à l’occasion de ce second établissement de l’Église du temps d’Esdras, et la chose se passa ainsi quand l’Église chrétienne fut fondée après la résurrection de Christ. Dieu, dans sa sagesse, posa le fondement de ces établissements sur une œuvre du Saint-Esprit ; car les privilèges permanents de son Église devaient être accordés par la suite à ces établissements. Et cette effusion du Saint-Esprit fut un moyen de guérir définitivement la nation d’un péché jusqu’alors prévalant dans son sein, celui de se marier avec des païens, quoiqu’ils y eussent été très portés auparavant ; depuis lors, ils manifestèrent toujours une grande aversion pour ces unions.
Esdras augmenta le canon des Écritures. Il écrivit le livre qui porte son nom, et on suppose qu’il écrivit les deux livres des Chroniques, ou du moins qu’il les compila, s’il ne fut pas l’auteur de tous les détails, ou de toutes les portions de ces écrits. Le contenu de ces livres prouve clairement qu’ils furent écrits, ou compilés et complétés, après la captivité, car les généalogies sont données jusqu’à cette époque (1 Chroniques 3.17). Nous avons là des renseignements sur la postérité de Jéhojakin pendant plusieurs générations successives. Il est question de la captivité de Babylone comme d’une chose passée, et des choses qui furent faites au retour des Juifs après la captivité (1 Chroniques ch. 9). Ce chapitre, est en grande partie rempli par le récit d’événements qui eurent lieu après la captivité de Babylone, comme on le voit en le comparant à ce qui est dit dans les livres d’Esdras et de Néhémie. La circonstance, qu’ils se terminent par des paroles que nous savons être d’Esdras, rend assez probable la supposition qu’il en fut le compositeur ; les deux derniers versets des Chroniques sont les mêmes que les deux premiers du livre d’Esdras.
On suppose qu’Esdras fit la collection de tous les livres qui constituaient alors les saintes Écritures, et qu’il les mit en ordre. Il est souvent parlé de lui comme d’un scribe éminent et distingué de la loi de Dieu, et le canon des Écritures fut évidemment de ce temps-là confié à ses soins. Les Juifs ont cru de tout temps, aussi loin que les récits remontent, que tout ce qui existait alors du canon des Écritures fut recueilli, mis en ordre et arrêté par Esdras. Depuis lui jusqu’au temps de Christ, il fut transmis suivant l’ordre dans lequel il l’avait arrangé. L’Église chrétienne le reçut alors des Juifs, et nous l’a transmis. On admet la vérité de ce fait comme au-dessus de tout doute.
La multiplication des copies de la loi et l’ordre d’en faire régulièrement la lecture dans toutes les synagogues des villes d’Israël concoururent à avancer l’œuvre de la rédemption. Il est évident qu’avant la captivité, il n’y avait que fort peu de copies de la loi. L’original était déposé à côté de l’arche, les rois devaient en faire une copie pour leur propre usage, et il était ordonné que la loi fût lue devant toute l’assemblée d’Israël une fois tous les sept ans. Et il n’est pas dit qu’elle ait jamais été lue régulièrement dans aucune autre circonstance avant la captivité. On voit clairement, d’après plusieurs circonstances qu’il serait facile de rappeler, que les copies de la loi étaient alors excessivement rares. Mais, à partir de la captivité, l’habitude s’établit de lire régulièrement la loi dans chaque synagogue du pays. On commença d’abord par lire la loi, et puis on en vint à lire régulièrement les autres livres de l’Ancien Testament. On composa des espèces de leçons de l’Ancien Testament, comprenant des portions de la loi et des morceaux des autres parties de l’Écriture, et on en fit la lecture dans toutes les synagogues établies dans chaque ville où il y avait un certain nombre de Juifs. Nous voyons que la chose se pratiquait ainsi du temps de Christ et des apôtres : « Car, quant à Moïse, il y a de toute ancienneté dans chaque ville des gens qui le prêchent, vu qu’il est lu dans les synagogues chaque jour de sabbat (Actes 15.21). » Les Juifs et les chrétiens s’accordent à supposer que cette coutume remonte à Esdras ; il est hors de doute qu’il y avait des assemblées publiques avant la captivité. Ils avaient l’habitude de s’assembler dans le temple à l’occasion de leurs grandes fêtes ; et quand ils n’étaient pas au clair sur quelque point de la loi, ils avaient à s’adresser aux prêtres pour obtenir instruction. Ils s’adressaient aussi aux prophètes, et il est question de synagogues dans le pays avant ce temps-là (Psaumes 74.8). Mais on suppose que ce ne fut qu’après la captivité qu’ils eurent des copies de la loi pour être lues régulièrement, et expliquées dans les diverses parties du pays. Ce fut là un puissant bouclier contre l’idolâtrie.
Je ferai ensuite remarquer la délivrance remarquable que Dieu accorda à l’Église et à la nation des Juifs, en grand danger d’être entièrement détruites par Haman, ainsi qu’on le voit dans le livre d’Esther. Cette suite de dispensations providentielles pour prévenir cette destruction fut très remarquable. Il est hors de doute qu’Esther était née dans ce but, et pour servir d’instrument dans cette délivrance remarquable.
Après cela, le canon des Écritures s’augmenta des livres de Néhémie (celui-ci fut écrit par le prophète de ce nom) et d’Esther. Peu importe de savoir si ce dernier fut écrit par Néhémie, Mardochée ou Malachie ; il nous suffit de savoir qu’il est du nombre des livres que les Juifs ont toujours admis dans leur canon, qu’ils le regardaient comme faisant partie des Écritures du temps de Christ, et qu’il fut reçu par Lui comme tel. Car souvent, comme on pourrait facilement le montrer, Christ, dans ses discours aux Juifs, approuve et confirme évidemment ces livres que parmi eux on appelait les Écritures.
Après cela le canon de l’Ancien Testament fut complété et fermé par Malachie. La manière dont il termine sa prophétie semble impliquer qu’il n’y aura plus de prophétie ni de révélation à attendre jusqu’à la venue de Christ. Car dans le dernier chapitre il prophétise la venue de Christ. « Mais pour vous, qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice, et la santé sera dans ses rayons ; vous sortirez et vous acquerrez de l’embonpoint comme de jeunes bœufs que l’on engraisse. — Et vous foulerez les méchants ; car ils seront comme de la cendre sous les plantes de vos pieds, au jour que je ferai mon œuvre, a dit l’Éternel des armées (Malachie 2.3). » Ensuite nous lisons au verset 4 : « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, à qui je donnai en Horeb, pour tout Israël, des statuts et des jugements. » Ce qui signifie : N’oubliez pas ce que vous avez fait et profitez-en ; tenez-vous à votre règle écrite, n’attendant pas qu’il y soit fait aucune addition jusqu’à ce que la nuit de l’Ancien Testament prenne fin, et que le soleil de justice se soit enfin levé.
Bientôt après cela l’esprit de prophétie disparut jusqu’aux temps du Nouveau Testament. C’est ainsi que les lumières de l’Ancien Testament, les étoiles de cette longue nuit, se hâtèrent de s’éclipser à l’approche du soleil de justice qui allait bientôt se lever. Nous avons déjà fait remarquer comment les rois de la maison de David prirent fin avant la venue du vrai roi et chef de l’Église, et comment les nuages de gloire se dissipèrent avant l’approche de Christ, la gloire éclatante du Père. Maintenant l’esprit de prophétie cesse. Les jours du grand prophète de Dieu étaient si rapprochés, qu’il était temps, pour ceux qui en étaient le type, de garder le silence.
Nous avons ainsi parcouru les siècles dont les écrits de l’Ancien Testament donnent un récit historique ; la dernière chose qu’ils mentionnent comme ayant avancé l’œuvre de la rédemption, c’est la cessation de l’esprit de prophétie.
J’en viens maintenant à montrer comment l’œuvre de la rédemption se poursuivit pendant le reste du temps avant la venue de Christ. Ici nous n’avons plus le fil de l’histoire biblique pour nous guider, comme dans ce qui a précédé, mais trois choses nous restent : les prophéties de l’Ancien Testament, l’histoire profane, et dans le Nouveau Testament, occasionnellement, des renseignements sur des événements qui arrivèrent dans ce temps-là.
Je mentionnerai encore dans cette époque la destruction de l’empire des Perses et la fondation de celui des Grecs par Alexandre. Cela eut lieu environ soixante ou quatre-vingt-dix ans après les jours dans lesquels Malachie doit avoir prophétisé, et environ trois cent trente avant Christ. Ce fut la troisième révolution dans cette période, plus grande et plus remarquable que celles qui avaient précédé. Elle fut très remarquable quand on pense à la rapidité des conquêtes d’Alexandre, et à la grandeur de l’empire qu’il fonda, et qui surpassa de beaucoup en étendue tous les précédents.
Il est beaucoup question de cet événement dans les prophéties de Daniel. Cet empire est représenté par le troisième royaume d’airain, dans l’interprétation que Daniel donne du songe de Nébucadnetzar (Daniel ch. 2). Et dans la vision que Daniel eut des quatre animaux, il est représenté par la troisième bête, semblable à un léopard qui avait sur son dos quatre ailes d’oiseau, pour représenter la rapidité de la conquête (chap. 7). Il est représenté, dans le chap. 8, par le bouc venant de l’Occident sur le dessus de toute la terre, et ne touchant point à terre, pour représenter avec quelle rapidité Alexandre parcourut le monde. L’ange lui-même déclare expressément que ce bouc signifie le roi de Grèce. « Et le bouc velu, c’est le roi de Javan ; et la grande corne qui était entre ses yeux, c’est le premier roi (Verset 21). » C’est-à-dire Alexandre lui-même.
Alexandre mourut bientôt après avoir fait la conquête du monde ; son empire ne passa pas à sa postérité, mais quatre de ses principaux capitaines se le partagèrent. Cet empire étant brisé et ayant cédé la place à quatre autres, la nation est divisée en quatre, mais n’est plus sous son pouvoir, comme on le voit chap. 11. L’ange, après avoir annoncé l’empire des Perses, annonce celui d’Alexandre. « Et un roi puissant se lèvera et dominera avec une grande puissance, et fera selon sa volonté (Verset 3). » Ensuite il annonce le partage de son royaume entre ses quatre capitaines. « Et sitôt qu’il sera en état, son royaume sera brisé et partagé vers les quatre vents des cieux, et ne sera point pour sa race, ni selon la domination avec laquelle il aura dominé ; car son royaume sera extirpé, et sera donné à d’autres, outre ceux-là (Verset 4). » L’un de ces quatre capitaines eut en partage l’Egypte et les pays voisins du midi de la Judée, un autre la Syrie et les pays du nord ; ils sont appelés les rois du nord et du sud (Daniel ch. 11).
Or, cette fondation de l’empire des Grecs contribua puissamment à préparer la voie à la venue de Christ et à l’établissement de son royaume, surtout en ce qu’il fit du grec la langue universelle. Cette circonstance fut très avantageuse pour la propagation de l’Évangile parmi les nations ; elle se fit beaucoup plus aisément que si chacun avait eu sa langue distincte ; car, bien que quelques-uns des premiers prédicateurs de l’Évangile eussent le don des langues, de sorte qu’ils pouvaient parler dans une langue quelconque, tous n’avaient pas ce don particulier. De plus, ceux qui le possédaient ne pouvaient pas l’exercer à leur volonté, mais seulement dans certaines circonstances, quand l’Esprit de Dieu jugeait bon de les inspirer de cette manière. Et les Églises dans les différentes parties du monde, comme Jérusalem, Antioche, la Galatie, Corinthe, n’auraient pas pu avoir ces communications conservées dans le livre des Actes sans une langue universelle. Après l’établissement de l’empire des Grecs, beaucoup de personnes, dans tous ces pays-là, apprirent très bien le grec, et il devint un admirable moyen de communication entre ces diverses églises si éloignées les unes des autres. Ensuite, la circonstance que le grec devint la langue commune d’une si grande partie du monde, prépara admirablement la voie pour le royaume de Christ, vu que c’était la langue dans laquelle le Nouveau Testament allait d’abord être écrit. Les apôtres prêchèrent l’Évangile à un grand nombre de nations, et si elles n’avaient pu comprendre la Bible que dans des traductions en ces diverses langues, la propagation de l’Évangile aurait été rendue beaucoup plus difficile. Mais le grec étant devenu la langue générale, ils comprirent tous le Nouveau Testament de Jésus-Christ dans la langue dans laquelle les apôtres et les évangélistes l’écrivirent primitivement. Et aussitôt qu’il fut écrit par ses auteurs, il fut immédiatement à la portée de tous dans une langue généralement comprise.
Je remarquerai de plus qu’on fit la traduction de l’Ancien Testament en grec, ce qu’on appela les septante, ou la traduction des septante. On suppose qu’elle fut faite cinquante ou soixante ans après la conquête d’Alexandre. C’est là la première traduction des Écritures dont il soit fait mention d’une manière authentique. Le canon de l’Ancien Testament avait été complété par le prophète Malachie dans l’original, environ cent vingt ans avant cette époque. Jusque-là les Écritures étaient restées parmi les Juifs, parce qu’elles étaient écrites en hébreu, et qu’aucune autre nation ne les comprenait. Mais alors elles furent traduites en grec, langue généralement comprise par toutes les nations du monde.
Cette traduction de l’Ancien Testament existe encore et est très utile. Les Juifs racontent beaucoup de fables sur l’occasion qui y donna lieu et sur la manière dont elle fut faite. Ce qui semble le plus vraisemblable, c’est que le grec était devenu la langue d’une multitude de Juifs vivant en dehors de la Judée, qui étaient nés et avaient été élevés parmi les Grecs. Comme ils ne comprenaient pas l’original hébreu, ils firent traduire les Écritures en grec pour leur usage. A partir de ce temps, les Juifs, dans tous les pays, excepté la Judée, s’habituèrent à se servir de cette traduction au lieu de l’hébreu.
Cette traduction des Écritures, dans une langue si généralement connue dans tout le monde, contribua beaucoup à préparer la voie au royaume de Christ. Car les apôtres chargés de prêcher par tout le monde, faisaient grand usage des Écritures de l’Ancien Testament, et surtout des prophéties concernant Jésus-Christ. Grâce à cette traduction et à la grande dispersion des Juifs, ils avaient sous la main les Écritures dans une langue comprise par les Gentils. Aussi se servirent-ils principalement de cette traduction dans leurs prédications et dans leurs écrits partout où ils allèrent ; comme on le voit par le fait que presque toutes les nombreuses citations de l’Ancien Testament, dans leurs écrits, sont faites dans les paroles même des septante. Le sens est le même que dans l’original hébreu, bien que les mots soient différents. On se servit principalement de cette traduction dans les Églises chrétiennes de la plupart des nations du monde, pendant plusieurs siècles après Jésus-Christ.
Remarquons encore la préservation miraculeuse de l’Église, quand elle fut menacée et persécutée sous l’empire des Grecs. Ils furent menacés, pour la première fois, par Alexandre lui-même. Alors qu’il assiégeait la ville de Tyr, il fit demander aux Juifs de l’assistance et des provisions pour son armée. Par respect pour le serment qu’ils avaient prêté au roi de Perse, ils refusèrent, et comme il était un homme très colère, conformément à la description de l’Écriture qui le représente sous l’image d’une bête sauvage, il marcha contre eux bien décidé à les détruire. Mais lorsqu’il rencontra les prêtres venant à sa rencontre dans leurs ornements sacerdotaux, Dieu changea son cœur d’une manière surprenante, comme il tourna celui d’Esaü marchant à la rencontre de Jacob, et il les épargna et leur accorda même sa faveur.
Après cela, un des rois d’Egypte, successeur d’un des quatre généraux d’Alexandre, forma le dessein de détruire la nation juive ; mais il fut merveilleusement empêché de l’exécuter, par suite de l’interposition de Dieu en leur faveur.
Mais leur délivrance la plus remarquable dans cette époque fut celle de la cruelle persécution d’Antiochus Epiphane, roi de Syrie et successeur d’un autre des quatre généraux d’Alexandre. Les Juifs étaient alors soumis au pouvoir d’Antiochus : il était irrité contre eux, et pendant longtemps il fit tous les efforts imaginables pour en finir avec eux et les détruire, du moins ceux d’entre eux qui ne voulaient pas abandonner leur religion et adorer ses idoles. Il ravagea le pays et dépeupla la ville de Jérusalem ; il profana le temple, en établissant les idoles dans quelques-uns de ses compartiments ; il persécuta le peuple avec une cruauté qui semblait ne devoir jamais être satisfaite ; de sorte qu’on n’avait jamais vu auparavant de persécution semblable. Plusieurs détails de cette cruelle persécution sont très touchants. Elle commença environ cent soixante-dix ans avant Jésus-Christ. Il en est beaucoup question dans les prophéties de Daniel (Daniel 8.9,25 ; 11.31-38) ; et dans le Nouveau Testament (Hébreux 11.36-38).
Antiochus se proposait de renverser, non seulement la religion juive, mais, autant qu’il était en lui, d’extirper la nation même ; il fit en particulier tous ses efforts pour détruire tous les exemplaires de la loi. Quand on pense combien ils étaient faibles pour résister à un roi si puissant, on voit clairement l’intervention de la providence de Dieu dans la non-réalisation de ses desseins. Plusieurs fois les Juifs semblèrent être sur le penchant de leur ruine, on aurait dit qu’ils allaient être détruits, et maintes fois leurs ennemis se crurent sûrs du succès. Ils vinrent une fois contre le peuple avec une puissante armée, dans l’intention de les tuer tous, excepté les femmes et les enfants qu’ils se proposaient de vendre comme esclaves. Ils étaient si sûrs du succès, et les autres comptaient si bien faire les achats, que plus de mille marchands vinrent avec l’armée, portant l’argent nécessaire pour acheter les esclaves qui seraient vendus. Mais Dieu suscita et assista Juda, et ses successeurs les Machabées, qui avec une poignée d’hommes, comparativement, vainquirent les ennemis à plusieurs reprises et délivrèrent le peuple. Cela aussi avait été prédit par Daniel. Parlant de la persécution d’Antiochus, il dit : « Et il fera pécher par flatteries ceux qui se porteront méchamment dans l’alliance ; mais le peuple de ceux qui connaîtront leur Dieu se fortifiera et fera de grands exploits (Daniel 11.32). »
Ensuite Dieu fit périr cet Antiochus d’une manière effrayante, par suite d’une affreuse maladie, au milieu de terribles tourments corporels et d’angoisses d’esprit. Cela avait été annoncé par Daniel, en ces mots : « Mais il viendra à sa fin, et personne ne lui donnera du secours (Daniel 11.45). » Après sa mort, il y eut de nouveaux efforts tentés pour détruire l’Église, mais Dieu les réduisit tous à néant.
Ensuite vint la destruction de l’empire des Grecs et l’établissement de celui des Romains. Et, bien qu’il s’établit graduellement et avec plus de lenteur que celui des Grecs, il le dépassa pourtant de beaucoup, ce fut l’empire le plus grand et le plus étendu qu’il y eût jamais. Aussi le désignait-on, en général, par ces mots, « le monde entier : » « Or il arriva, en ces jours-là, qu’un édit fut publié de la part de César-Auguste, portant que tout le monde fût enregistré (Luc 2.1), c’est-à-dire tout l’empire romain.
Il est parlé de cet empire comme étant le plus puissant et le plus grand des quatre : « Puis il y aura un quatrième royaume, fort comme du fer, parce que le fer brise, et met en pièces toutes choses ; car, comme le fer met en pièces toutes ces choses, ainsi il brisera et mettra tout en pièces (Daniel 2.40 ; 7.7, 19, 23). » Ce fut entre l’an 60 et 70 avant Jésus-Christ que les Romains firent pour la première fois la conquête de la Judée et s’en emparèrent. Bientôt après, l’empire romain acquit son plus grand développement, et le monde continua de lui être soumis jusqu’à la venue de Christ, et pendant plusieurs siècles après.
Le fait que les nations étaient unies sous une seule monarchie quand Christ vint et que les apôtres partirent pour prêcher, prépara singulièrement la voie pour la propagation de l’Évangile et l’établissement du royaume rie Christ dans le monde. Comme le monde entier était soumis à un seul gouvernement, les communications devinrent générales, et la propagation de l’Évangile put avoir lieu promptement. On rencontre des difficultés sans nombre quand on voyage dans des pays soumis à des gouvernements différents, tandis que ce n’est pas le cas quand on parcourt les diverses parties du même royaume, les diverses provinces appartenant au même prince. Ainsi, la circonstance que le monde entier était sous un seul gouvernement, celui de Rome, facilita les voyages des apôtres et la propagation de l’Évangile.
A peu près vers ce temps-là, la science et la philosophie atteignirent à leur plus haut degré de développement dans le monde païen. Presque tous les grands philosophes païens vécurent après la captivité de Babylone ; presque tous les sages de la Grèce et de Rome florissaient à cette époque. Ces philosophes, en général, se donnaient comme occupés à rechercher en quoi consiste le souverain bien de l’homme et comment on peut l’obtenir. Ils semblaient s’occuper très sérieusement de cette recherche, ils écrivirent à ce sujet des multitudes de livres, dont plusieurs nous sont parvenus, mais ils étaient très divisés entre eux ; car on a compté plusieurs centaines d’opinions différentes qu’ils professaient à ce sujet. C’est ainsi qu’ils se donnèrent inutilement de la peine, marchant dans l’obscurité, faute d’avoir l’Évangile pour les guider. Dieu se plut à permettre aux hommes de faire tout leur possible au moyen de la sagesse humaine et d’essayer toutes les ressources de leur intelligence pour trouver le bonheur, avant la venue de la vraie lumière pour éclairer le monde. Dieu permit, pendant six cents ans, à ces grands philosophes, d’essayer ce qu’ils pourraient faire, et les faits prouvèrent que tout ce dont ils étaient capables était en vain : le monde ne devint ni plus sage, ni meilleur, ni plus heureux sous leur direction ; mais, au contraire, sa folie, sa méchanceté et sa misère allèrent en augmentant. Il permit cela pour qu’on vît ce que la raison et la philosophie pouvaient faire dans leurs plus beaux jours, et qu’on sentît mieux le besoin d’un maître divin. Dieu se plut à rendre folle la sagesse de ce monde, à montrer aux hommes la folie de leur sagesse, par les doctrines de son Évangile, que toute leur philosophie n’avait pas pu découvrir (1 Corinthiens 1.19-21).
Après avoir montré la vanité de la science humaine sans l’Évangile, Dieu jugea bon de l’utiliser dans l’intérêt du royaume de Christ comme une servante de la révélation. Nous avons une preuve de ce fait dans l’apôtre Paul qui était renommé pour son grand savoir (Actes 26.24). Il était instruit, non seulement dans la science des Juifs, mais aussi dans celle des philosophes. Il s’en servit dans l’intérêt de l’Évangile ; par exemple, quand il disputa avec les philosophes à Athènes (Actes 17.22). Grâce à ses connaissances, il sait dans ses discours comment s’adresser aux hommes instruits, car il a lu leurs écrits, et il cite leurs poètes. Denis, un des philosophes, fut converti et devint un instrument très efficace pour la propagation de l’Évangile ; et il y en eut beaucoup dans ce temps-là et plus tard qui, par l’usage qu’ils firent de leur science dans l’intérêt du royaume de Christ, furent très utiles.
Peu de temps avant la naissance de Christ, l’empire romain parvint au faîte de sa gloire, et proclama une paix générale. César-Auguste, le premier empereur romain, commença à régner, comme empereur du monde, environ vingt-quatre ans avant Christ. Jusque là, l’empire romain avait été pendant très longtemps une république sous le gouvernement du Sénat, mais alors il devint une monarchie absolue. Ce personnage fut le premier et le plus grand des empereurs romains ; il régna au milieu de la plus grande gloire. C’est ainsi que la puissance du monde païen, qui était le royaume visible de Satan, parvint à son plus haut point, après s’être toujours fortifiée de plus en plus depuis les jours de Salomon, environ mille ans avant. Alors le monde païen atteignit le plus haut point de sa gloire sous le rapport de la force, de la richesse et de la science.
Dieu fit, pour préparer la voie à la venue de Christ, deux choses dans lesquelles il choisit une méthode contraire à celle que la sagesse humaine aurait préférée. Il abaissa et affaiblit son peuple visible, et éleva extrêmement les païens, ses ennemis, afin de rendre le triomphe de la croix de Christ d’autant plus éclatant. Avec quelques hommes extrêmement faibles, il défit ses ennemis au plus fort de leur gloire. Voilà comment Christ, par sa croix, triompha des principautés et des puissances.
César-Auguste avait été plusieurs années à établir son empire et à soumettre ses ennemis jusqu’à l’année de la naissance de Christ. Alors tous ses ennemis étant soumis, sa domination sur le monde entier semblait être entourée de la plus grande gloire possible. La paix régnait partout ; aussi en signe de ce fait, les Romains fermèrent le temple de Janus, qui était un symbole pour indiquer que l’empire entier était en paix. Et cette paix universelle, qui commença l’année même de la naissance de Christ, dura douze ans, jusqu’à l’année où Jésus disputa avec les docteurs dans le temple.
Voilà comment le monde, après avoir été en quelque sorte dans un état continuel de convulsion pendant tant de siècles, — on aurait dit les quatre vents des cieux déchaînés sur l’Océan furieux, ce qui produisit ces quatre grandes monarchies, — était parvenu au plus haut point de gloire sous la quatrième, et jouissait de la paix. Tout était prêt à présent pour la naissance de Christ. Cette paix universelle, si remarquable après tant de siècles de troubles et de guerres, était une préparation convenable pour introduire dans le monde le Prince de la paix.
J’ai donc parcouru la première grande période de toute cette grande époque, comprise entre la chute de l’homme et la fin du monde, et j’ai montré la vérité de cette première proposition : Depuis la chute de l’homme jusqu’à l’incarnation de Christ, Dieu fit les choses qui préparèrent et annoncèrent sa venue.