Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 7
Assemblée, agitation et jeux comiques des patriotes

(1516 à 1517)

1.7

Quelques patriotes se réunissent – Assemblée du Molard – Le serment des patriotes – Le repas chez Mugnier et le Momon – Plaisanterie de Bonivard – Mort de la mule de messire Gros – Berthelier propose une farce – Publication pour la peau de la mule – Le duc se rend à Genève – Seyssel veut désunir les Genevois – Complot du duc et de l’évêque

Berthelier se mit sans tarder à l’œuvre à laquelle il avait juré de consacrer sa vie. Voulant la préparer avec soin, il invita les enfants de Genève les plus passionnés pour l’indépendance à conférer avec lui sur le salut de la patrie. Il ne choisit pas pour cette réunion quelque prairie isolée, au-dessus des bords du lac, comme le Grütli : c’était aux habitants d’une ville qu’il avait affaire, et non à des enfants des montagnes. Il prit donc une salle située dans la principale place de la ville, presque baignée alors par les eaux du fleuve, celle du Molard, et il fixa pour le rendez-vous une heure où les rues étaient peu fréquentées. Un soir donc, probablement en 1516 (il est difficile de déterminer exactement l’époque de cette importante assembléef), entre jour et nuit, Berthelier d’abord, puis quelques autres patriotes se rendirent au Molard : ils arrivaient du côté du Rhône, du côté de Rive ou de la Cité ; ceux qui venaient du haut de la ville, descendaient la rue du Perron. En marchant, ils s’entretenaient de la tyrannie de l’évêque et des complots des princes de Savoie. L’un de ceux qui paraissaient avoir le plus d’influence était Amédée de Joye, né de parents distingués, probes et louables, qui l’avaient vertueusement élevé. La voix publique, tout en disant qu’il était bon vivant, ajoutait qu’il était honnête, nullement trompeur, et qu’il fréquentait tous les hommes de bien de la ville ; il exerçait l’honorable profession de vendeur d’aromates et d’apothicaire, et il avait constamment joui, dans son état, d’une très bonne réputation. Non loin de lui, se trouvait André Navis ; un changement s’était accompli dans le fils du procureur fiscal ; la cause de la liberté s’était présentée à cette âme ardente dans toute sa beauté ; il avait cru trouver en elle le bien inconnu qu’il cherchait avec avidité ; son imagination s’était enflammée, son cœur avait été ému, et quittant le parti savoyard, dont son père était l’un des chefs, il s’était jeté avec sa fougue naturelle du côté de l’indépendance. Un de ses amis l’avait suivi, jeune homme d’environ vingt-quatre ans, Jean Biderman dit Blanchet. Plein d’esprit naturel, ennemi du travail, grand ami de la plaisanterie, Blanchet « trottait sans cesse çà et là, » ramassait tous les bruits, les répandait à tort et à travers, et se faisait des affaires avec tout le monde. Il avait pourtant au fond le cœur sensible, et la tyrannie de l’évêque l’indignait. Berthelier, arrivé l’un des premiers dans la salle, considérait attentivement ces jeunes gens et les hommes plus graves qui se joignaient à eux, et éprouvait à leur vue un sentiment de bonheur. Il y avait en lui un être supérieur aux folies des banquets. Le train journalier, les petites passions, la vulgarité des esprits, la vie telle qu’il l’avait connue jusqu’alors, le fatiguaient. Enfin il avait devant lui une assemblée réunie pour la noble cause de l’indépendance ; aussi serrait-il affectueusement la main à tous ceux qui arrivaient. La cloche de vêpres sonna dans ce moment à la vieille église de la Madeleine, et se fit distinctement entendre au Molard. Il y avait alors autour de Berthelier environ cinquante citoyens, petite assemblée et pourtant plus nombreuse que celle de Walther Fürst et de ses amis. D’ailleurs, tous les cœurs nobles qui battaient dans Genève n’étaient-ils pas d’accord avec ces cinquante patriotesg ?

f – Pécolat, dans son interrogatoire du 5 août 1517, dit : « Il y a environ un an. » (Galiffe, II, p. 41.) —Blanchet, dans son interrogatoire du 5 mai 1518, à Turin, dit : « il y a environ deux ans. » (Ibid., p. 99.) Puis le 21 mai : « Il y a environ un an. » (Ibid., p. 205.)

g – Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève, II, p. 199, 206, 210, passim.

Le cercle se forma autour de Berthelier, on fit silence ; l’héroïque citoyen rappela que dès les temps les plus antiques Genève avait été libre ; mais que depuis un ou deux siècles les princes de Savoie voulaient l’asservir, et que le duc n’attendait que le moment favorable pour imposer à leur patrie sa souveraineté usurpée. Puis fixant sur ses auditeurs son noble regard, il leur demanda s’ils voulaient transmettre à leurs enfants au lieu de la liberté… la servitude ? Les citoyens répondirent non, et s’enquirent avec anxiété comment les libertés de la ville pouvaient être sauvées ? « Comment ? dit Berthelier. En étant unis, en oubliant nos querelles particulières, en nous opposant d’une âme unanime à ce que nos droits soient violés. Nous avons tous les mêmes franchises, ayons tous le même cœur. Si les officiers de l’évêque mettent la main sur l’un de nous, que tous les autres le défendent avec leurs armes, avec leurs ongles, avec leurs dentsh ! » Puis il s’écria : « Qui touche l'un touche l'autre ! » A ces mots, tous levèrent la main et dirent : « Oui ! oui ! un même cœur ! un commun accord ! Qui touche l’un touche l’autre ! — Eh bien, reprit Berthelier, que ce mot soit le nom de notre alliance, mais soyons fidèles à cette noble devise. Si les sergents de l’évêque conduisent l’un de nous en prison, arrachons-le de leurs mains. S’ils se livrent à des exactions coupables, allons chercher jusque dans leurs maisons leurs abominables rapines. » Et il répéta de sa grande voix : « Qui touche l’un touche l'autre ! » Pourtant, au milieu de l’enthousiasme, on remarquait sur quelques visages des signes de crainte. Un citoyen demanda, avec quelque angoisse, ce que l’on ferait si Monseigneur de Genève, aidé de Son Altesse, attaquait la ville avec une forte armée. « N’ayons peur de rien, répondit vivement Berthelier, nous avons de bons amis. » Peu après il ajouta : « J’irai vers les Suisses, j’en amènerai une bande, et alors… je solderai le compte de nos adversairesi … »

h – « Armis, unguibus et rostris. » (Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève. Interrogatoire de Joye. II, p. 215.)

i – Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève. Interrogatoire de Pécolat. II, p. 42. — Ibid. Interrogatoire de Blanchet. II, p. 206.

Dès lors les consultations et les débats devinrent de plus en plus fréquents ; on discutait dans les familles, à Saint-Victor, chez les principaux citoyens, quelquefois même sur la place publique ; on se rappelait mutuellement les us et franchises de Genève, et l’on se promettait de leur être fidèle.

Un jour Berthelier, Blanchet et plusieurs autres citoyens se réunissant chez Mugnier, pour deviser autour de la table des intérêts communs, y amenèrent malheureusement un homme vil et corrompu, créature de l’évêque, nommé Carmentrant. On s’assit ; on prit gaiement le verre en main, et bientôt les têtes s’échauffèrent : « L’évêque, s’écria l’un des convives, a vendu Genève au duc ! — S’il trahit ses serments, dit un autre, sa trahison ne nous dégage pas des nôtres. Quand les princes foulent la loi sous leurs pieds, les citoyens doivent à tout prix la maintenir. — Il faut faire connaître à l’évêque, dit Berthelier, la résolution où nous sommes de défendre notre indépendance. — Cela n’est pas facile, répondit-on ; comment aborder Monseigneur, et oser lui dire toute la vérité ? — Prenons des masques, reprit-il ; on peut dire sous le masque de dures paroles… Faisons un momon à l’évêché. » On appelait alors momon un défi au jeu de dés porté par des masques. Pécolat ne paraissait pas convaincu. « Laisse-moi faire, dit Berthelier, je saurai bien parler au prélat. » Carmentrant, rentré en lui-même, écoutait silencieusement ; il gravait dans sa mémoire toutes les paroles du grand patriote, prêt à y ajouter ses interprétations particulières. Il prétendit plus tard que Berthelier avait eu l’intention d’attenter aux jours de l’évêque ; mais le contraire fut prouvé, et même la farce du momon ne fut jamais jouée. N’importe, la moindre plaisanterie était changée alors en crime de lèse-majestéj.

j – Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève. Interrogatoires de Pécolat et de Blanchet. — Chroniq. des comtes de Genève, II, p. 141.

Berthelier n’était pas le seul que l’évêque faisait épier ; Bonivard, toujours plein de saillies, donnait prise aux délateurs. Il avait alors un différend avec l’évêque, concernant la pêche du Rhône. Un jour, en se promenant, il en parlait avec Berthelier et d’autres amis, se plaignait de l’avarice du prélat ; puis il se livrait à la plaisanterie. « Si je le rencontre près de ma pêche, dit-il en riant, lui ou moi nous prendrons un mauvais poisson. » On fit de cela un gros chef d’accusation : il voulait noyer l’évêque. On se trompait ; Bonivard n’était pas d’un caractère violent ; mais il avait de l’ambition, et sans faire du mal à l’évêque, il en voulait secrètement à l’évêché. « J’irai à Rome, dit-il un jour à l’un de ses intimes amis, et je ne me ferai pas raser la barbe que je ne sois évêque de Genève. » Cependant la cour de Turin n’oubliait pas la fameuse décision des cardinaux. Quelques paroles plaisantes ne suffisaient pas pour démontrer au sacré collège que le peuple de Genève était en révolte ; une émeute (comme l’appelèrent les Savoyards) vint fournir à ce parti les armes qu’il cherchait.

Le 5 juin 1517, on ne parlait dans toute la ville que de la mule de Messire Gros, laquelle était morte. Cette mule était célèbre, car le juge la montait quand il faisait ses poursuites judiciaires. On discutait gravement dans les rues et les banquets, les causes de la mort de cette bête illustre. « C’est Adrien de Malvenda, disaient les uns, cet Espagnol dont le père est venu de Valence la Grande, qui ayant eu noise avec le juge dans un festin, a coupé les jarrets à sa bête. — Non, disaient d’autres, quelques enfants de Genève, ayant rencontré le juge sur sa mule, ont voulu l’effrayer, ils ont crié, tiré l’épée ; ses serviteurs ont fait de même, et l’un d’eux a maladroitement blessé sa mule, qui en est mortek. »

k – Bonivard, Chroniq., II, 265. — Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève, II, p. 50, 174.

Messire Claude Gros ou Grossi, juge des trois châteaux (Peney, Thiez et Jussy), était de ces magistrats impitoyables qui se font détester de tout un peuple. On l’accolait, à cet égard, au procureur fiscal Pierre Navis ; et souvent Berthelier, de Lunes, de la Thoy les avaient menacés l’un et l’autre de la vengeance des patriotes. Leur haine pour ces deux magistrats était telle qu’André Navis lui-même en souffrait. En vain s’était-il donné de tout son cœur au parti de la liberté, on le regardait avec défiance ; et chacun se demandait s’il pouvait venir quelque chose de bon de la maison du procureur fiscal. André avait eu récemment, à ce sujet, un différend avec Jean Conod. Les deux jeunes gens s’étaient pourtant réconciliés, et le soir même du jour où la mule était morte, Conod payait un banquet à Navis et à trente enfants de Genève. On appelait ainsi les jeunes gens en état de porter les armes. Ce soir-là pourtant quelques citoyens plus âgés s’étaient réunis à eux. On voyait à table Berthelier, J. de Lunes, E. de La Mare, J. de La Porte, J. de La Thoy, J. Pécolat. « Messieurs, dit Berthelier après le souper, il y a bien longtemps que l’on n’a vu une si belle compagnie faire quelque drôlerie. » Tous furent d’accord. Berthelier aimait à narguer ses adversaires sans se soucier des conséquences. « La mule de respectable Messire Claude Grossi est morte, reprit-il ; ce juge est un méchant qui ne cesse de traquer nous et nos amis. Faisons une farce ; vendons, au son du tambour, la peau de sa mule au plus offrant et dernier enchérisseur. » La proposition fut adoptée par acclamation. Deux ou trois pourtant faisant mine de se retirer : « Que tous suivent le tambour sous peine d’un écu d’or, » dit Berthelier. — « Oui ! » s’écrièrent les plus étourdis. On sait que dans toutes les cours, et même chez beaucoup de grands seigneurs, se trouvaient alors des fous qui avaient le privilège de dire impunément les plus grandes vérités. L’abbé de Bonmont en avait un appelé maître Petit-Jean au petit pied ; Berthelier voulant que cette action gardât jusqu’à la fin le caractère d’une bouffonnerie, fit venir Petit-Jean. « Tiens, lui dit-il, voici une proclamation que tu crieras dans les rues, marche ! » Tous sortirent avec leurs rapières, et tambour en tête, ils se mirent à parcourir les rues, s’arrêtant sur chacune des places où se faisaient les publications ordinaires. Après le roulement du tambour, maître Petit-Jean au petit pied cornait avec un cornet, et criait de sa voix grêle : « Oyez, oyez, oyez ! on vous fait savoir que s’il y a un qui veuille acheter la peau d’une bête, de l’âne le plus gros de Genève, il s’en vienne entre la maison des sceaux et la maison de ville. A plus offrant on l’expédiera. — N’est-ce pas là que demeure le juge Gros ? disait un homme de la foule. — Eh oui ! répondait un autre, c’est lui qui est le gros âne ! » Un éclat de rire universel suivait chaque proclamation. André Navis surtout se livrait aux plus bruyantes démonstrations ; il tenait à montrer qu’il était aussi bon patriote que les autres.

Les plus âgés des patriotes étaient pourtant inquiets ; le vieux Lévrier trouvait qu’on allait trop vite en besogne. « Ah ! dit-il, ces jeunes gens nous « en feront voir de belles ! — Certes, ajoutaient d’autres avec dépit, ce Berthelier a un talent admirable pour susciter beaucoup de querellesl. » La promenade dura une partie de la nuit.

l – « Ingenuosus suscitando quam plurima debata. » (Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève, II, p. 50, 61, 171, 174.) — Savyon, Annales, p. 64.

Le lendemain, le juge des trois châteaux se hâta de déposer sa plainte devant le vidame et le conseil épiscopal. Le vidame demanda l’arrestation des coupables, qui disparurent. Sommés à son de trompe de comparaître au château de l’Ile, sous peine de cent livres d’amende, ils sortirent alors de leurs cachettes, et le fier Berthelier intenta un procès au vidame pour avoir menacé lui et ses amis d’une amende qui n’était pas justifiée par la loi. Les partisans de Savoie furent encore plus exaspérés. « Il y a conspiration contre Monseigneur l’évêque, prince de Genève, s’écriaient-ils ; c’est à lui seul qu’il appartient de faire des proclamations. » Ils écrivaient lettre sur lettre à Turin, et transformaient la farce du fou en crime de lèse-majestém.

m – Reg. du Conseil ad annum. — Bonivard, Chroniq., II, p. 267,268. — Savyon, Annales, p. 55.

Les princes de Savoie pensèrent, en effet, que c’était là un désordre dont il fallait tirer avantage. Charles passait, dans ses États héréditaires, pour être perplexe à résoudre, et mou à exécuter ; mais dès qu’il s’agissait de Genève, il se lançait dans les entreprises hasardées. Il donna à sa cour l’ordre du départ ; prit avec lui l’un des plus savants diplomates de l’époque, Claude de Seyssel, dont il pensait avoir besoin pour les grandes affaires qui allaient se traiter, et arriva à Genève. Aussitôt le vidame, tout échauffé de l’histoire de la mule, vint présenter son hommage au duc, et lui dépeignit la situation sous les plus sombres couleurs. « Vous le voyez, dit Charles à ses conseillers, les citoyens de Genève se révoltent, il faut pour les ranger à leur devoir plus fort berger qu'un évêque. » Mais Seyssel était un homme de grand jugement ; il n’était novice ni en gouvernement ni en histoire ; il avait étudié et même traduit en français Thucydide, Appien, Diodore, Xénophon. Il s’informa plus exactement de l’affaire, apprit que la proclamation avait été faite par le fou de l’abbé de Bonmont, et que c’était ce même personnage qui chantait habituellement dans les rues toutes les chansons comiques que la verve satirique des Genevois faisait éclore. Le grand diplomate sourit : « Cette affaire de la mule est une plaisanterie, dit-il au duc ; les fous, vous le savez, ont le droit de tout dire et de tout faire ; et quant à la troupe de plaisants qui entourait ce bouffon, ne transformons pas ces jeunes étourdis en Céthégus et en Catilinas. Jamais les cardinaux ne consentiront à nous donner, pour une telle sottise, la souveraineté temporelle de Genève. Ce serait trop, Monseigneur, pour le premier coup ; il faut monter au souverain faîte par les moindres degrés. Toutefois cette histoire ne nous sera pas inutile ; nous nous en servirons pour mettre la désunion parmi nos ennemis. » En effet, l’habile Seyssel s’étant entendu avec l’évêque, celui-ci fit appeler en sa présence ceux de « la bande, » c’est-à-dire des enfants de Genève, qu’il croyait « de plus légère desserre » (plus faciles à séduire). « Vous ne gagnerez rien à suivre un tas de mutins et de séditieux, leur dit Claude de Seyssel. En faisant cette publication, vous avez commis un vilain acte, et vous pourriez, à bon droit, être punis corporellement ; mais l’évêque est bon prince, enclin à miséricorde ; il vous pardonnera à tous, sauf à Berthelier et à ses complices. Il vous donnera même office, états et pension… Seulement « ne vous mêlez plus avec les séditieux. » Plusieurs, joyeux d’être sortis de cette peine, remercièrent cordialement Seyssel, et lui promirent qu’on ne les verrait plus avec les turbulentsn. Le bâtard se montra plus difficile pour le fils du procureur fiscal ; les bravades d’André Navis, lors de la proclamation de la mule, avaient excité toute la colère du prélat. Il paraît que le pauvre père n’osa intervenir pour son enfant prodigue ; un de ses amis obtint sa grâce, mais seulement après que Navis eut promis de s’amender. Il rentra dans le bureau de son père, et on l’y voyait courbé sans cesse sur les lois et les actes du fisc.

Cette manœuvre ayant réussi, et le parti des hommes libres se trouvant ainsi affaibli, l’évêque, le duc et leurs gens, pensèrent qu’il fallait lui couper la tête ; cette tête était Berthelier. Toutefois, il n’était pas facile de se défaire de lui ; il était membre du conseil, fort considéré dans Genève, d’une habileté et d’une énergie qui déjouait tous les efforts. « Pour avoir cette grosse perdrix, dit l’évêque, il nous faut attraper auparavant une petite chanterelle. » L’avis parut excellent. Les princes résolurent donc de saisir quelque ami de Berthelier, moins redouté que lui, qui, par ses dépositions (la question ne lui serait pas épargnée), compromettrait les meilleurs citoyens de Genève. La chanterelle, par ses cris, attirerait les gros oiseaux dans les filets tendus pour les prendreo.

n – Bonivard, Chroniq., II, p. 285. — Savyon, Annales, p. 51. — Mémoire de M. Mignet sur la Réformation de Genève, p. 28.

o – Bonivard, Chroniq., p. 285.

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