Dans les pages qui vont suivre, nous aurons souvent à commenter la juste méthode d’un ministère de délivrance. Dans l’esprit des gens, le mot ‘“exorciste” a une connotation équivoque, chargée d’erreurs 1. L’allemand use d’un terme qui n’a pas d’équivalent français : Seelsorger (qui prend soin des âmes) ; ce mot ne s’applique pas spécifiquement à un exorciste. Nous convenons donc du mot “praticien”, par lequel nous désignerons dorénavant le chrétien pratiquant le ministère de délivrance, celui de “patient”, déjà souvent utilisé, caractérisant la personne à aider.
1 Le film L’exorciste, et certaine littérature à sensation, y ont largement contribué.
— “Encore”, penseront peut-être certains lecteurs… “Quand donc arriverons-nous aux faits ? Lorsque Jésus conférera à ses disciples le pouvoir de chasser les démons, il n’accompagna pas son mandat de commentaires et de conseils, appelant à la prudence, à l’examen circonstancié des cas et des situations, et ensuite seulement à l’action ! C’était simple et direct : ‘Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons…’”
Certes, la libération en soi est une action facile. Mais l’homme est un être compliqué. Et quand je dis homme, je ne pense pas seulement au patient. Je pense aussi au disciple engagé dans ce ministère. S’il suffisait de se saisir par la foi du mandat du Christ pour être assuré d’avoir les démons à notre merci, je n’aurais jamais écrit ces pages. Mais la foi audacieuse et confiante, surtout lorsqu’elle est pratiquée, nous révèle d’abord nos insuffisances et nos faiblesses, ensuite l’ignorance des patients quant à eux-mêmes, enfin l’habileté de l’Ennemi à fourvoyer les uns et les autres par ce naïf et prétentieux “il n’y a qu’à…”
Personne ne m’a enseigné à opérer des délivrances. Il y a trente ans, c’est à l’école du Seigneur que j’ai découvert ce ministère et, dans l’obéissance, m’y suis exercé. J’ai commis des erreurs nombreuses et instructives. J’en commets encore. Aujourd’hui, par la grâce de Dieu, beaucoup de disciples du Seigneur ont saisi l’importance de ce service. Je ne peux que m’en réjouir. Mais ce qui me réjouit moins, c’est que des hommes ou des femmes, par imitation de ce qu’ils ont vu faire, de ce qu’ils ont lu ou entendu raconter, discernent des démons justement là où il n’y en a pas et, avec sérieux, se mettent à les chasser.
Suivant la résistance nerveuse ou l’équilibre psychique de “leur patient”, cela peut n’avoir aucune suite fâcheuse. Deux séquelles sont pourtant à redouter :
Et il faudrait parler de tous ceux qui s’imaginent être habités par des démons. Ils quêtent la libération et vont jusqu’à se tourmenter de ce que la prière de leurs “frères” et leurs interventions en bonne et due forme ne les libèrent pas…
N’en déplaise donc aux impatients, il est encore des avertissements nécessaires. L’histoire de Madame X nous aidera à les faire entendre.
Je l’ai rencontrée parce que ceux qui s’étaient occupés d’elle, après deux ans de prière et de tentatives infructueuses de libération, demandèrent mon intervention.
Première nécessité que connaissent bien les psychothérapeutes et qu’à plus forte raison 2 doivent connaître les chrétiens exerçant ce ministère, je l’écoutai. Elle parla de sa vie, de sa foi, de ses difficultés.
2 Un mot connu du Père Loew dit que “le pauvre de ce siècle, c’est celui que personne n’écoute”. Nous pouvons donc conclure que le chrétien est le riche d’aujourd’hui, parce qu’il a la certitude d’être entendu de Dieu, avec une compassion faite de compréhension et de volonté de secourir, Par reconnaissance, et de la même manière, tout disciple devrait donc savoir écouter !
Je l’écoutai avec la préoccupation de discerner les raisons possibles de son état manifestement souffrant, mais aussi et surtout dans la pensée de la réhabiliter à ses propres yeux.
La démarche de Dieu en Jésus-Christ n’est-elle pas de nous dire la valeur incomparable que nous représentons à ses yeux ? Et pourtant, même les chrétiens qui le savent sont nombreux à ne pas le croire. C’est que les circonstances de leur vie ont contribué à les déprécier à leurs propres yeux, à les culpabiliser devant Dieu. Souvent aussi, ils ont retenu de l’Evangile un certain nombre de vérités que l’enseignement catéchétique contribue à ériger en système. A chaque fois que la vie ne s’accorde plus avec le système, leur foi — mais on dirait plus volontiers leur mauvaise foi — choisit d’honorer le système et de déprécier leur propre personne.
C’est ce qui était arrivé à cette femme. C’est d’abord de cela qu’il fallait la libérer. Il fallait travailler à rétablir en elle la certitude qu’elle était aimée de Dieu et non pas condamnée. Cela prit beaucoup de temps.
Si étonnant que cela puisse paraître, la thérapeutique utilisée à cette occasion (à quelques reprises aussi, dans d’autres cas) fut de lui interdire pour un temps de lire sa Bible et de participer au culte. En raison de son état dépressif, elle n’y lisait ou n’y entendait que les paroles de condamnation… et jamais celles de la grâce.
Elle souffrait aussi de certains troubles organiques. Il est connu que la peur, le souci, l’angoisse, se traduisent par des dérangements du système digestif. Le médecin consulté (j’avais préalablement pris contact avec lui) put assurer qu’il ne s’agissait que de troubles fonctionnels.
Le ministère bien intentionné de ceux qui s’étaient occupés d’elle avait contribué à l’aggravation de ses complexes d’infériorité. Leurs interventions inefficaces lui avaient même laissé croire qu’elle était “possédée”. De plus, la libération vainement pratiquée l’avait amenée à penser qu’elle était rejetée par Dieu.
Il faut savoir que de telles pensées conduisent très rapidement à des désordres psychiques et, finalement, à des désordres de santé physique. Il faut savoir aussi qu’une telle condition d’existence est un terrain de prédilection pour l’Ennemi. A l’écoute des propos de Madame X, il sautait aux yeux qu’elle était marquée par une grave culpabilité, aggravée par la vaine intervention de ses frères en la foi. Encore fallait-il en trouver l’origine. Et dans cette recherche, il y avait trois pièges à éviter :
Je pense ici à une remarque importante du Dr Tournier 3 : La vraie culpabilité des hommes, c’est ce que Dieu leur reproche dans le secret de leur cœur. Eux seuls peuvent le découvrir. C’est généralement tout autre chose que ce que leur reprochent les hommes.
3 Vraie ou fausse culpabilité, éd. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel et Paris, 1958, pp. 69 et 70.
On pourrait ajouter : c’est généralement tout autre chose que ce qu’eux-mêmes croient devoir se reprocher.
En effet, entre la vraie culpabilité résultant d’un jugement divin et celle qui nous tourmente, il peut y avoir une profonde différence. C’est relativement facile de rassurer quelqu’un au nom de la grâce divine ; mais celle-ci n’est opérante que là où le mal a été véritablement découvert. Un authentique ministère de délivrance conduit à cette découverte. Faut-il dire, avec sévérité à notre égard, qu’elle est aussi rare que le ministère qui aiderait à la mettre en lumière ?
Les chrétiens réformés souffrent d’un mal séculaire. Leur juste refus d’une confession “obligatoire”, telle qu’elle était (je n’ose plus dire : telle qu’elle est) pratiquée dans l’Eglise romaine, les a laissés généralement porteurs de très lourds fardeaux : leurs fautes non confessées. Ce fardeau se trouve aggravé par leur connaissance de la loi accusatrice. Et l’erreur cent fois vérifiée, c’est de croire que la confession publique au culte du dimanche les libère. Certes, elle comporterait cette possibilité. Encore faudrait-il qu’ils soient au culte pour l’entendre ! Et quand ils y seraient — cette femme y était tous les dimanches — encore faudrait-il que les paroles prononcées par l’officiant soient saisies comme l’aveu personnel de la faute consciemment ou involontairement commise. Or, nonante-neuf fois sur cent, cela n’est pas vécu comme une confession personnelle libératrice. Ce qui explique tant de comportements bizarres dont les gens eux-mêmes ignorent la raison.
C’était le cas de cette femme culpabilisée, angoissée, complexée, avec des sentiments hostiles envers ceux qu’elle voulait aimer, avec des pensées d’autodestruction qui ajoutaient à son anxiété et à sa culpabilité. Toute relation avec autrui était devenue source de conflit. Aussi avait-elle fini par s’enfermer dans sa propre maison. Même les contacts avec les membres de sa famille lui étaient pénibles. Elle passait beaucoup d’heures à pleurer, seule dans sa chambre. Osons le dire : c’était un miracle qu’elle ne se fût pas encore ôté la vie.
Je sais bien qu’à me lire, certains s’étonneront, s’ils ne s’indignent pas !
— Et vous dites que cette femme avait été suivie par des chrétiens ? Qu’ils avaient prié pour elle ? Qu’ils étaient même intervenus pour chasser le ou les démons qui l’opprimaient ?
— Je comprends votre malaise. Mais avant de jeter la pierre à qui que ce soit, prenez le temps de vous interroger. Dans votre paroisse ou votre communauté, que faites-vous des dépressifs, des complexés, des agressifs, des inabordables, des bizarres, des marginaux ? Et j’en passe…
A la décharge de ceux que nous serions tentés d’incriminer, ils n’avaient pas pris le parti — généralement adopté par les églises — de laisser “ça” aux spécialistes dont la qualification commence par “psy…”. Avec bonne volonté, voire compassion et sens de la solidarité, ils étaient intervenus, sans résultat il est vrai. Mais au lieu de leur en faire grief, prenons conscience que dans leur démarche louable, ils avaient méconnu un second piège.
En effet, les miracles et guérisons au nom de Jésus-Christ retrouvent aujourd’hui publiquement du crédit. Or, nous sommes tous gens suroccupés. Les malades aussi sont naturellement pressés de retrouver leur santé. Le piège, c’est de chercher la solution rapide, c’est de faire passer l’urgent avant l’important !
Etes-vous dans des difficultés qui semblent avoir un arrière-plan psychologique ou spirituel ? Avez-vous une maladie provenant d’une action de l’Ennemi ? Les symptômes le laissent-ils croire ? Sans plus attendre, on se met au travail :
— Puisque Dieu est le tout-puissant, puisqu’il nous aime et veut notre guérison, puisqu’il suffit de demander pour recevoir, puisque l’acte de foi est requis : au nom du Christ, nous prions pour toi, nous t’imposons les mains, nous affirmons ta libération, et joignant le geste à la déclaration, nous chassons le démon qui te tient !
Sans chasser des démons, et, bien sûr, sans se réclamer du Seigneur, ainsi procèdent souvent les guérisseurs.
En chassant les démons, et en se réclamant du Seigneur, ainsi procèdent souvent des chrétiens, dont la foi et la compassion réelle ne sauraient être suspectées.
Dans sa grâce, Dieu honore leur foi compatissante et accomplit souvent ce qu’ils demandent au nom du Seigneur. Cependant, la grâce évidente de Dieu ne saurait devenir un encouragement à l’acte magique. Ce que sont finalement ces interventions précipitées, apparemment recommandables parce qu’elles paraissent donner toute puissance et toute gloire à Dieu seul.
Or, ici apparaît un troisième piège.
Que le Seigneur soit l’auteur de toute vraie guérison et libération, personne ne le conteste. Mais, en nous affranchissant et en nous appelant à un service à sa gloire, Jésus ne fait pas de nous des robots. Son mandat nous rend responsables de nos paroles et de nos actes au nom du Seigneur 4.
4 Autre scandale connu : devant l’échec de leurs interventions, des chrétiens ont l’audace d’accuser leur patient de manquer de foi. A supposer que cela soit le cas, eux qui n’en manquent pas (?) auraient donc à discerner : ou bien que leur patient n’est pas prêt à l’action entreprise, ou bien que leur foi, à défaut de celle du patient, sera exaucée selon Marc 2.5.
Le piège, c’est donc de se décharger sur le Seigneur d’une responsabilité qu’il nous demandait précisément d’assumer. Ou bien nous en prenons la charge, ou bien, devant notre manque de foi, devant notre incompétence ou notre ignorance, nous demandons à d’autres d’exercer leur ministère. Ce que nous enseigne, dans 1 Corinthiens 12, la parabole des membres du corps auxquels sont donnés des dons différents.
A noter que les chrétiens engagés dans cette action — et c’est à leur honneur — ont eu l’humilité de reconnaître leur échec sans en accabler cette femme.
Revenons à son cas. La thérapeutique observée eut des effets réjouissants. Madame X n’était pas guérie. Elle souffrait encore de troubles inexpliqués, mais elle ne doutait plus de l’amour de Dieu envers elle. Elle avait aussi appris qu’elle était aimable, qu’elle n’avait pas à se déconsidérer, voire à se juger, du fait des réactions incontrôlables qui l’amenaient encore à ne pas supporter tel membre de son église, ou tel climat spirituel évocateur d’une situation qu’elle avait traversée difficilement.
Sur le chemin de sa libération, elle connut alors une nouvelle phase difficile. Si je m’attarde à la décrire, c’est que beaucoup de chrétiens dits bien portants souffrent de ce même mal ; ils connaîtraient une vraie délivrance suivie d’une croissance spirituelle si, comme cette femme, ils acceptaient de se laisser soigner.
En effet, nous sommes tous conditionnés par la famille dans laquelle nous avons grandi, la société à laquelle nous appartenons, l’église à laquelle nous nous rattachons. Quatre personnages au moins constituent notre personne :
Il y a celui que nous sommes en réalité… Il y a celui que nous voudrions être… Il y a celui que les autres voudraient que nous soyons… Enfin, il y a celui auquel, selon notre idée, Dieu voudrait que nous ressemblions !
A l’intérieur de nous-mêmes, ces quatre personnes ne font pas toujours bon ménage. Et il est significatif qu’en demandant laquelle de ces quatre personnes est, en vérité, aimée de Dieu, beaucoup répondent, en se trompant, que c’est la quatrième…
La libération commence à l’instant où ils comprennent, puis admettent, qu’en vérité Dieu n’aime qu’une seule de ces quatre personnes : celle que nous sommes présentement, serait-elle à nos propres yeux celle que nous ne voudrions pas être.
Madame X, comme tout un chacun, avait bagarré avec les différents personnages qu’elle aurait voulu être. Et cela, dès son enfance. La difficulté, c’était maintenant de l’entraîner à la recherche de sa véritable identité.
Dans le dialogue longuement mené avec elle, trois choses m’étaient clairement apparues, qui ne pouvaient lui être aussitôt révélées ; elle ne les aurait pas supportées.
Premièrement, elle avait de profonds griefs envers certains membres de son église. A tort ou à raison, elle s’était sentie jugée, classée, étiquetée par eux.
Deuxièmement — ce n’était pas l’heure de le lui révéler — il y avait manifestement en elle un démon. Il sabotait partiellement l’œuvre de reconstruction que je tentais. Mais il m’importait moins de le chasser que de découvrir dans quel autre terrain que celui de la rancune, il avait élu domicile. En effet, les griefs envers l’église avaient surgi postérieurement à l’habitation démoniaque. Ils n’étaient donc pas la principale porte ouverte à l’action de l’Ennemi.
Il fallait que Madame X en arrive à ôter le masque qu’elle avait façonné pour cacher sa véritable identité, et découvrir quel événement culpabilisant la tourmentait.
N’allons surtout pas imaginer que ce déguisement soit exceptionnel. Crions plutôt qu’il est des plus commun. Au point que, dans ce jeu de cache-cache avec nos personnages intérieurs, nous en viendrions à confesser certaines fautes réelles pour éviter d’avoir à dire d’autres fautes, beaucoup moins graves d’apparence, mais qui seraient justement celles qui perturbent notre être véritable. Vérité connue en théorie, mais négligée en pratique : toute faute est pardonnable. Et il n’en est aucune qui, confessée, ne reçoive aussitôt du Seigneur son plein pardon. Mais il y a des fautes que nous ne nous pardonnons pas à nous-mêmes. Inconsciemment bien sûr, mais pour notre malheur, nous usons de toutes les feintes, nous empruntons mille détours et autant d’impasses 5 pour éviter l’aveu de cette seule faute-là.
5 Ces détours ont des aspects divers : “Je ne veux pas vous ennuyer avec mes histoires. — Je ne veux pas continuer à abuser de votre patience. — On ne peut pas continuellement réfléchir à soi-même. — Ce que vous me demandez de vous dire n’a rien d’intéressant. — Ou alors, plus subtilement, la personne confesse ce qui, dans son idée, lui évitera d’être désapprouvée des autres. Comme elle a un besoin démesuré de sécurité, elle écarte toute pensée ou sentiment qui, mis en lumière, risquerait de briser ce qui, à ses yeux, la relie encore aux autres ou à elle-même.
J’avais la certitude qu’à l’heure où cette faute serait mise en lumière et avouée par Madame X, nous nous engagerions sur le chemin de sa délivrance définitive.
En effet, la culpabilité étant le terrain de prédilection de l’Ennemi, c’est par elle qu’il établit en nous ses quartiers. Le chasser sans connaître le lieu de son implantation, c’est lui offrir à coup sûr la possibilité de se réinstaller. C’est l’erreur qu’avaient commise pasteur et anciens. Il fallait se garder de la renouveler.
Le Saint-Esprit conduit dans la vérité, convainc de péché. Lui seul pouvait ramener à la lumière ce qui se cachait dans le subconscient de Madame X. Il s’agissait aussi de la réconcilier avec certains membres de son église. Et, finalement, il y avait l’Ennemi à démasquer et à déloger.
Vint l’heure où les trois choses furent accomplies en même temps.
Madame X, sécurisée par ma présence, accepta que quelques-uns des anciens de son église se rassemblent à nouveau en une communauté de combat et de prière.
Le Seigneur nous conduisit d’abord dans l’humiliation qui accompagna l’aveu de nos insuffisances lors des interventions passées. Il mit aussi dans le cœur de chacun une profonde compassion. Sa présence était manifeste, et bientôt insoutenable pour le démon. Ce dernier angoissa Madame X, il l’agita, il finit par la jeter à terre, en même temps qu’il s’opposait violemment à nous.
Démasqué, interpellé par son nom, sa défaite était assurée. Mais il ne lâchait pas prise aussi longtemps que n’était pas mis en lumière le péché ou la faute jusqu’ici resté inavoués.
Au nom de Jésus, je liai le démon. Puis, avec la même autorité, je m’adressai à Madame X, en l’appelant à l’aveu de ce qui lui était révélé par l’Esprit. Prostrée, à terre, elle demanda de parler seul à seul avec moi. Les autres se retirèrent un instant. Elle raconta puis confessa ce qui s’était passé dans son enfance. Elle n’avait jamais pu s’en ouvrir à qui que ce soit. Je déclarai à Madame X le pardon du Seigneur ; puis m’adressant au démon, par une simple parole d’autorité, au nom du Christ je le fis lâcher prise.
Madame X était délivrée, enfin heureuse et apaisée. La louange nous rassembla tous à nouveau avec elle. Nul besoin d’insister sur la reconnaissance qui montait de nos cœurs et de nos esprits.
Etablir un juste diagnostic est, sans nul doute, l’aspect primordial de notre responsabilité envers tout patient. Le récit de la délivrance de Madame X nous permet de souligner maintenant quelques règles élémentaires à observer généralement si l’on veut être un praticien sérieux. Indépendamment du don de discernement des esprits, cela comporte trois exigences :
1. Une connaissance de l’homme. Elle doit avoir des bases solides, être largement informée et s’enrichir par l’expérience. Quelques exemples élémentaires : un mauvais fonctionnement organique peut avoir pour cause une peur, un souci, un tourment de conscience, une tension affective ou circonstancielle. Mais il peut être aussi d’ordre physiologique. C’est pourquoi, en certains cas, l’avis d’un médecin est une précaution recommandable.
Dans le même ordre d’idées, il est nécessaire de savoir que des peurs ou tensions imaginaires peuvent produire des effets semblables à ceux résultant d’une peur réelle.
Une commotion cérébrale peut laisser des séquelles épileptiformes. L’épilepsie peut être aussi l’action d’un démon. Pour mémoire, le récit rapporté dans Marc 9.14-27. Il serait grave de mettre au compte du démon un traumatisme crânien !
La frigidité ou l’impuissance sexuelle peuvent résulter d’une autopunition chez un patient qui confond le péché avec la sexualité. Cette même confusion et le blocage qui en résultait peuvent conduire à des réactions de perversité, à ne pas tenir pour l’œuvre d’un esprit d’impureté. Cependant, cet esprit pourrait aussi avoir une part dans cette perversion.
Des sentiments dépressifs peuvent être liés à un échec. Mais ils peuvent être tout simplement la conséquence d’une trop basse pression accentuée par un séjour au bord de la mer, ou encore un signe de faiblesse momentanée après une grossesse et un accouchement difficiles.
Une tendance au diabète peut manifester un désordre organique. Ce peut être aussi la conséquence d’une violente réaction émotionnelle significative.
Entendre des voix, obéir à des ordres, avoir des idées fixes, cela peut être une manifestation démoniaque résultant de pratiques spirites. Mais une maladie mentale, ou encore l’artériosclérose, peuvent aussi affecter nos centres nerveux. et produire semblables dérèglements.
Il serait donc grave que le patient voie s’ajouter à sa souffrance celle d’un faux diagnostic avec toutes ses conséquences.
2. Une écoute intelligente de la personne dont nous nous occupons. Cela se traduit par du temps à lui donner, par des entretiens aussi souvent renouvelés que nécessaires à l’établissement d’un diagnostic assuré (ce long cheminement permet aussi une fidèle intercession et une recherche de la pensée du Seigneur).
Il n’est pas interdit, à l’écoute du patient, de prendre des notes qui faciliteront notre réflexion et notre prière.
A condition qu’elles soient dépouillées de fausse curiosité, des questions précises peuvent aider à la compréhension de la personne et de son épreuve.
Le praticien doit apprendre à se taire, à laisser parler son patient. Il est des délivrances retardées, voire bloquées, par des interventions intempestives, par des propos qui se voulaient rassurants.
Il ne faudrait pas oublier non plus que l’Ennemi va s’employer à entraver notre ministère. Au besoin, il nous suggérera même des paroles bibliques, s’il perçoit que, par leur moyen, il peut fausser le dialogue.
Au vestiaire, les bavards, et les gens pressés…
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ayons à traîner les choses en longueur. Par la grâce de Dieu, par un don de connaissance, par le discernement des esprits, la situation peut devenir rapidement claire, les liens être manifestes, le démon être dévoilé, si démon il y a. En ce cas, n’hésitons pas. Hésitons même d’autant moins que ce ministère nous met en contact avec des personnes perturbées, peut-être habitées par un démon. Mais à leur trouble peut s’en ajouter un qu’elles ignorent et qu’il nous appartient aussi de diagnostiquer. Il est des hommes ou des femmes frustrés d’affection, de considération, de dialogue. Ils en souffrent, même davantage que des maux pour lesquels ils sollicitent notre intervention. L’intérêt que nous leur manifestons, l’attention que nous leur donnons, sont un baume supplémentaire. La délivrance que nous leur offrons les priverait du plaisir de nous rencontrer. Ils éviteront donc la libération… !
3. Sortir les meubles, ouvrir les tiroirs. Nous le savons par l’Ecriture déjà — et la pratique le confirme : Satan est la plus rusée des créatures 6. Les démons, ses acolytes, ne le sont pas moins. Il n’est pire situation pour eux que d’être expulsés 7. C’est pourquoi, tout cheminement vers la délivrance comporte un certain nombre de précautions.
6 Genèse 3.1.
7 Cette constante angoisse d’être délogé est explicable peut-être par le fait que leur condidition de créatures déchues serait en rapport avec cette privation d’un corps personnel. En outre, ils sont alors dépouillés de leur moyen d’action, puisqu’ils agissent par personne interposée…
Dans son enfance, Madame X avait connu des circonstances difficiles — à ses yeux dramatiques. Elle en sortait traumatisée. Là était la racine de son mal. L’infection — si l’on ose employer ce terme — était aggravée en elle par des sentiments de culpabilité inconsciemment utilisés à étouffer ces souvenirs angoissants.
Nous avons relevé combien Jésus eut à lutter — et combien après lui nous avons à le faire aussi — contre ‘‘une observation névrotique de la loi”. Quoi qu’on en dise, rares sont les gens qui connaissent l’Evangile de l’amour de Dieu. La Bible est le livre le plus répandu, mais il n’est pas le livre le plus lu, et surtout le mieux compris. Beaucoup de chrétiens — du reste comme les païens — vivent avec des idées toutes faites, et souvent toutes fausses.
Si l’on ne prend pas soin de les dévoiler, l’Ennemi s’en servira comme d’une barricade derrière laquelle il se réfugiera à l’heure de son expulsion.
Le temps passé à réhabiliter Madame X à ses propres yeux, à lui apprendre à se respecter, à s’aimer elle-même comme Dieu nous le dit dans son commandement 8, était du temps gagné. Si, finalement, le démon qui l’habitait fut rapidement délogé, c’est qu’à l’heure de son expulsion, il ne trouva rien à quoi se raccrocher.
8 Matthieu 19.19 ; Marc 12.31 ; Luc 10.27.
C’est donc pour débusquer l’Ennemi que toute délivrance doit être précédée, pour le moins accompagnée d’une confession des péchés. Et sur ce point précis, il faut dire avec force que si le ministère de délivrance ne néglige pas la psychologie, il vient un moment où il faut cesser d’en faire. Après un dialogue plus ou moins prolongé, il y a l’instant où il faut appeler le patient à la repentance, à l’aveu de fautes précises pour lesquelles il demande pardon et qu’il refusera dorénavant. C’est peut-être à ce moment-là que le ou les démons réagiront. Raison de plus de ne jamais envisager de délivrance sans s’être assuré que le patient a rompu avec telle ou telle faute, perçue à l’écoute de son récit, ou directement avouée par lui. Car à défaut de cette mise en ordre — appelée ici “sortir les meubles” — l’Ennemi se dissimulera. Ou bien, même avant que vous le lui commandiez, il quittera la place, laissant une porte ouverte derrière lui. Il est alors assuré d’avoir libre accès à celui que vous avez cru délivrer.
Il y a les fautes commises ; il y a celles qui sont imputables aux autres. Madame X, malmenée par son église, l’avait été bien davantage par la famille de son enfance. Il est intéressant de relever que dans la prière du Notre Père, Jésus nous apprend à tout attendre de Dieu. Il veut qu’aussitôt nous offrions au prochain cette grâce essentielle que nous avons reçue : “Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.” La rancune, le refus du pardon, les racines d’amertume, la colère refroidie mais conservée, la volonté de revanche ou de vengeance, c’est de la bijouterie dont le diable aime à se parer. En garder dans les tiroirs de notre esprit ou de notre cœur, c’est à nouveau laisser à l’’Ennemi un accès, une cachette où, à l’heure de son expulsion, il se dissimulera jusqu’à nous faire croire qu’il a quitté les lieux.
Le praticien qui laisserait son patient avec de tels désordres intérieurs ne s’étonnera pas si son ministère se révèle, après coup, sans effet. C’est pourquoi, lors de la délivrance de Madame X, j’insistai pour que ceux-là mêmes qui avaient contribué, même involontairement, à la tourmenter, devant elle s’humilient, ainsi lui facilitent le pardon qu’elle avait à leur donner.
Il y aurait ici des pages à écrire sur l’aspect du ministère de délivrance qui s’appelle :
L’affranchissement offert par le Christ vise précisément tout ce qui pourrait nous aliéner. A chaque fois qu’il en a la possibilité, le praticien, conjointement à son ministère de délivrance, veillera à exercer ce ministère d’une guérison du passé.
A l’écoute de la personne, à l’évocation de ses souvenirs d’enfance, ou de jeunesse, à l’aveu de relations difficiles avec le prochain, il aura à discerner les traumatismes dont elle reste marquée. Il aura aussi à découvrir les traits de caractère, le comportement particulier que ces traumatismes ont développé en elle. La confession de cette souffrance passée, la volonté de s’en séparer et de pardonner à ceux qui en ont été la cause, auront pour effet une transformation de la personne, de son caractère, de son comportement, et de ses relations avec le prochain. En voici un exemple :
Monsieur Y est un chrétien manifestement béni de Dieu. On aurait volontiers dit de lui ce que Paul écrivait aux Corinthiens 9.
Il était “comblé de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, le témoignage du Christ ayant été solidement établi en lui, de sorte qu’il ne lui manquait aucun don”. Et pourtant ceux qui l’approchaient pouvaient unanimement faire une constatation : était-ce dans son regard, dans son attitude, dans le ton de sa voix, dans sa manière d’agir ou de réagir — par moment il y avait en lui une certaine dureté. C’était comme si une certaine sensibilité lui manquait, alors que la vie de l’Esprit Saint, manifeste en lui, habituellement nous la communique. Cette rudesse était désagréablement ressentie jusque dans sa manière de travailler. Son stoïcisme était éprouvant pour ses collaborateurs, sans qu’ils aient liberté de s’en plaindre. On ne peut reprocher à quelqu’un d’être infatigable à l’ouvrage…
Il ne s’en serait jamais rendu compte lui-même (il n’en avait même pas conscience) si des chrétiens, qui avaient perçu ces choses, ne lui en avaient fait la remarque. Le dialogue engagé amena cet homme, pour la première fois de sa vie, à réfléchir à lui-même, à évoquer son enfance, son éducation, ses circonstances.
Il avait eu des parents exemplaires, sauf qu’au foyer des tensions entre époux ne facilitaient pas toujours les rapports parents-enfants. Père et mère, dès leur plus jeune âge, avaient dû gagner le pain de nombreux frères et sœurs. Le travail avait été leur lot quotidien. Tous deux exerçaient un métier afin d’assurer l’avenir de la famille. On était là non pour jouir de la vie mais pour remplir honorablement la multiplicité de ses devoirs envers autrui.
Dès son enfance, Monsieur Y fut formé à cette discipline d’un travail contrôlé par une mère exigeante. Si, à son retour, elle ne trouvait pas le labeur exécuté comme elle l’entendait, il y avait punition.
Evoquant cette période de sa vie, Monsieur Y avait une profonde reconnaissance envers ses parents, mêlée pourtant à des regrets significatifs. Il n’avait jamais su ce qu’était le mot vacances et il n’avait jamais imaginé avoir à se plaindre de cette éducation centrée sur le travail et la peur de déplaire à celle qui l’ordonnait. Il se souvenait que, comme enfant, il avait non seulement craint sa mère, mais par moment l’avait détestée. Elle était rancunière, au point de rester des jours sans ouvrir la bouche face à son mari et à ses enfants. Elle ne savait que contrôler si le travail était bien fait, mais n’exprimait jamais qu’elle était satisfaite.
Autre détail important : il se souvenait de la valeur que l’on attachait à l’argent. S’il gagnait quelques sous, il avait appris à les mettre dans une tirelire. Or, à l’un des anniversaires de sa mère, il eut l’idée d’utiliser l’argent économisé. Il acheta une tasse et une sous-tasse, fleuries en rose et bleu, avec une belle inscription en lettres dorées : à ma chère maman.
Résultat : une seule remarque sans un sourire de contentement : “Qu’avais-tu besoin d’acheter ça !”
Il saute aux yeux qu’entre Monsieur Y enfant et Monsieur Y adulte même devenu enfant de Dieu — la dureté, l’âpreté au labeur, sans considération pour sa fatigue ou celle des autres, l’absence d’une certaine sensibilité, une expression parfois d’acier envers toute femme trop sentimentale — la relation n’est pas difficile à trouver. Ceci explique cela. Mais pour autant, ceci ne justifie pas cela, Cela doit être l’objet d’une confession qui permettra au Christ d’apporter sa guérison, de réformer le caractère, de modifier l’expression, de sanctifier le témoignage de Monsieur Y.
A moins que nous ayons à faire avec un malade à ce point “démonisé” que nous nous trouvions non plus en dialogue avec une personne, mais, comme à Gadara, uniquement avec ses “occupants”, il est juste, il est même nécessaire de chercher la collaboration du patient.
Jésus l’a dit : Lorsque deux s’accordent à demander quelque chose selon sa volonté, ils seront exaucés 10. Ne serait-ce qu’à cause de cette promesse, l’accord du patient est désirable.
10 Matthieu 18.19.
Nous avons aussi à nous souvenir que la délivrance n’est qu’un aspect de notre relation d’aide. Outre la rupture de certains liens ou l’expulsion du ou des démons, le salut comporte une connaissance, donc une communication du dessein de Dieu envers tout homme. On reproche souvent aux médecins un mutisme laissant la pénible impression qu’ils ne s’intéressent pas à nous mais à nos maladies, comme si nous étions non des personnes, mais les objets de leur science. Gardons-nous donc d’un mutisme faussement impressionnant pour ne pas dire sottement impérieux.
Jésus est le Seigneur ; cela se reconnaissait à son humilité et à son amour. Compagnons de ceux qui demandent notre aide, sa compassion nous incitera non à leur dire ce que nous voyons, mais à le leur faire découvrir ; non à affirmer ce que nous savons, mais à le leur expliquer ; non à leur imposer nos cheminements, mais à les découvrir avec leur consentement.
Dans cette marche commune, il est deux choses importantes à retenir.
A supposer que d’emblée vous ayez la pensée que la personne abrite un démon, ce n’est pas cela qu’il convient de lui dire aussitôt. C’est même ce que vous avez à taire le plus longtemps possible. D’abord parce que vous êtes faillible et pourriez faire erreur. Ensuite parce que le choc que cette affirmation pourrait produire chez votre patient n’était pas nécessaire ni souhaitable. Et je ne connais rien de plus scandaleux que cette insolence des chrétiens disant à autrui : “Tu as certainement un démon”, alors que rien ne les autorise à le dire ! Et quand ce serait vrai, est-il admissible qu’ils le disent s’ils sont incapables de faire quoi que ce soit pour délivrer leur compagnon ? Cependant, peut venir le moment où la délivrance est l’action à entreprendre sans tarder. Si vous en avez le temps et la possibilité, il faut alors expliquer à la personne ce que vous alliez faire, pourquoi et comment vous le faites, afin qu’elle devienne votre meilleure aide dans l’acte d’expulsion. Mais il arrive que nous n’ayons pu l’y préparer.
Madame T était connue pour une femme adultère, et pour cela redoutée de beaucoup d’autres femmes. Suite à une récente conquête qui laissait meurtrie une de ses voisines, celle-ci me demanda d’intervenir. Je rendis visite à Madame T. Le dialogue engagé avec elle évita les chemins de l’enquêteur, du juge ou du procureur, permit au contraire un échange où apparut bien vite la souffrance de Madame T d’être liée constamment à cette quête de nouvelles aventures, puis livrée au mépris et à la vindicte des épouses victimes de ses agissements. Manifestement, elle était culpabilisée et malheureuse. Sans le savoir, elle cherchait une délivrance.
Il n’y avait nulle raison de la retarder. Mais devant l’offre qui lui en était faite, très vite apparut dans son regard, se dessina même sur son visage, et bientôt se fit entendre dans sa voix, la présence d’un “autre”. Brusquement la conversation changea de longueur d’ondes. Je n’avais plus à faire avec Madame T seulement, mais au démon qui l’habitait. Ses propos devenaient moqueurs, violents, voire insolents à mon endroit. Madame T ne se contrôlait plus. Elle s’était levée, me faisait face avec colère. Je me levai à mon tour et m’adressai à elle :
— Madame T, ce n’est pas à vous que j’en ai. Ce n’est du reste plus vous qui me parlez. Soyez sans crainte. Ce qui se passe ici est dans la volonté du Seigneur qui vous aime et veut vous libérer.
Tandis que je disais cela, Madame T, toujours debout et agitée, grimaçait. Son visage se déformait, avait tour à tour des aspects de vulgarité, de panique, d’angoisse. Tout son corps se convulsait, animé par une respiration haletante.
Je dis alors au démon en L’interpellant par son nom :
— Tu es démasqué. Tu n’as plus aucun droit sur cette femme que tu avais asservie. Jésus t’a vaincu à la croix. En son nom, je t’ordonne de lâcher prise et de sortir…
Toujours debout, Madame T faisait entendre des gémissements houleux. Soudain, elle dit, d’une toute petite voix lointaine et affolée :
— Monsieur Ray, ayez pitié de moi !
Le Saint-Esprit me fit lui répondre :
— Monsieur Ray n’a rien à voir ici ! Dites : Jésus, aie pitié de moi.
A peine l’avait-elle dit que tel un grand paquet, elle s’effondra à même le sol. L’instant d’après, elle revenait à elle, délivrée, avec un visage apaisé, détendu, que je ne lui avais jamais vu.
La prière nous unit dans la louange. Je puis ajouter qu’elle est devenue une chrétienne, fidèle à son mari.
A sa manière, cette libération souligne l’importance d’un accord à chercher avec le patient, fût-ce à la dernière minute. On pourrait même dire que dès l’instant où il en appelle lui-même à la miséricorde, donc à l’intervention du Seigneur, la défaite de l’Ennemi est consommée. Certes, celui-ci peut résister un temps, chercher la possibilité d’échapper à l’épée de la Parole qui le boute dehors. L’autorité qu’au nom du Seigneur nous manifestons à son égard, tôt ou tard aura le dernier mot.
C’est l’occasion de souligner aussi l’attention que nous devons porter, dans ce ministère en général mais à l’instant de la délivrance en particulier, à l’attitude du patient. L’obstacle majeur que nous pourrions rencontrer en lui — et l’Ennemi travaille toujours à l’y établir et à nous le dissimuler — c’est la passivité 11.
11 Dans le chapitre 9, au paragraphe 3, sous-titré : “Il est manipulateur”, l’importance du refus de cette passivité est soulignée.
Lors de la délivrance de Madame T,, la victoire fut acquise dès qu’elle en appela elle-même à l’aide du Seigneur. Dans le combat que je livrais contre le démon, ce recours de la patiente à l’intervention du Christ était pour moi significatif. Il indiquait que l’Ennemi n’avait pu investir sa victime jusqu’à la priver de sa volonté propre et la réduire à l’état de ‘‘possédée”.
Ce test d’une volonté encore capable de vouloir ce que Dieu veut a une grande importance. L’expérience m’a appris, en effet, que là où la volonté elle-même est passée sous l’autorité de l’Ennemi, le combat sera difficile et exigera un équipement accru. La prière personnelle et communautaire, mais aussi le jeûne, nous le donnent.
De toute façon, bien sûr, cet équipement est nécessaire. Mais si l’on se souvient que la délivrance n’est qu’un aspect de l’affranchissement, que Dieu veut notre salut et notre sanctification, il est capital d’engager tout patient à entrer librement, c’est-à-dire aussi de sa propre volonté, dans le chemin où le Seigneur l’entraîne et où l’attendent beaucoup d’autres bénédictions.
Je n’ai jamais oublié la double expérience faite indépendamment l’une de l’autre avec Monsieur F et Mademoiselle H.
Le premier, pour mille et une raisons, avait sombré dans l’alcoolisme. Il s’en était tellement imbibé qu’il était de ceux devant lesquels on aurait redouté de frotter une allumette par crainte de le voir transformer en torche vivante ! Cependant, il était profondément humilié de son état ; il avait gardé assez de lucidité pour que le dialogue engagé avec lui me permette de lui assurer que, s’il le voulait sincèrement, Christ le libérerait de son esclavage.
Devant son accord, dans une prière à laquelle je joignis mon amen résolu, il dit au Seigneur sa repentance, sa décision de rupture avec le mal. Au nom du Christ, je liai et chassai le démon qui l’asservissait. Le miracle se produisit. Dès cet instant, jamais Monsieur F ne retoucha à un verre d’alcool, alors que sa profession lui aurait donné tous les jours des occasions de boire. Par souci de vérité, il faut préciser que plus tard, il eut une rechute momentanée, justement imputable à un moment de passivité liée à du découragement.
Mademoiselle H est venue me voir, elle aussi profondément attristée de ce qui lui arrivait. Elle avait rencontré le Christ, passé par une conversion suivie d’une marche dans la foi. Dans son église, elle avait vécu diverses expériences spirituelles réjouissantes. Mais jamais elle n’avait pu arrêter de fumer. Elle disait en souffrir. Des camarades et des aînés dans la foi avaient prié pour elle. A x reprises, elle avait déclaré qu’elle ne fumerait plus. En témoignage de sa décision, devant témoins elle détruisait les cigarettes qu’elle avait avec elle. Mais vingt-quatre heures ou trois jours après, elle rachetait un paquet, et tout était à recommencer. Ceux de sa communauté, en réponse à sa demande, lui avaient même imposé les mains à plusieurs reprises, dans la pensée qu’ainsi elle serait aidée. Mais toujours, sa passion reprenait le dessus.
Notre premier entretien nous amena très vite à une évidence : Mademoiselle H connaissait l’Evangile, avait un sincère désir de servir le Christ. Mais dans tout l’enseignement qu’elle avait reçu, jamais il ne lui avait été révélé que notre marche avec le Seigneur était liée à notre libre décision de le suivre. Au lieu de cela, passivement, telle une infirme privée de toute capacité de faire un geste, Mademoiselle H attendait du Seigneur qu’il intervienne. Elle s’engageait à ne plus fumer, mais le lendemain, au premier désir d’une cigarette, fierté et mauvaise conscience aidant, elle luttait quelques heures puis, encouragée par la pensée que le Seigneur ne l’aidait pas, elle réclamait une cigarette au premier venu, en attendant de pouvoir en racheter un paquet. Cette expérience s’était renouvelée une dizaine de fois au moins !
Le combat engagé avec elle s’avéra d’emblée difficile. J’eus la tristesse de constater qu’après une première étape où la victoire semblait acquise, l’Ennemi reprenait entièrement ses droits sur elle.
Cela devint clair à mon esprit : d’autres liens que ceux du tabac asservissaient la volonté de Mademoiselle H. Des circonstances contraires m’empêchèrent de la suivre. Dieu a eu certainement d’autres serviteurs pour s’occuper d’elle.
Par comparaison avec la délivrance de Monsieur F, cet échec souligne une fois encore qu’il est facile de chasser les démons. La difficulté, c’est de connaître dans quelle partie de l’être ils sont établis, comment ils s’y sont introduits, puis barricadés. Comme le dit Corrie Ten Boom : “Le diable a près de six mille ans d’expérience pour tendre des pièges aux saints.” La difficulté, c’est de déjouer ses ruses et d’amener le patient à discerner quelles portes en lui sont ouvertes à l’action de l’Ennemi, alors qu’il désire en être délivré.
Faut-il le rappeler ? Devant un échec, Jésus n’a fait aucun reproche au patient. C’est aux disciples qu’il s’en est pris avec ‘‘colère”, les qualifiant de “race incrédule, perverse, insupportable” 12.
12 Matthieu 17.17 ; Marc 9.19 ; Luc 9.41.
Le mandat que le Christ a donné à ses disciples comportait l’indication de la multiplicité des esprits méchants 13. Des récits de l’An- cien Testament déjà mentionnaient l’esprit de jalousie, l’esprit de méchanceté, l’esprit de mensonge, l’esprit d’abattement, l’esprit de perversion, traduit aussi esprit de vertige ou d’angoisse, l’esprit de torpeur ou d’assoupissement, l’esprit de prostitution ou de débauche 14. Dans le Nouveau Testament, c’est sous le terme général d’esprits impurs qu’ils sont désignés. Mais certains sont caractérisés : esprit muet, esprit d’infirmité, esprit de divination, esprit de séduction, esprit de timidité 15. Et les évangiles confirment qu’une personne peut être habitée par plusieurs démons 16.
13 Matthieu 10.1 ; Marc 6.7.
14 Dans l’ordre : Nombres 5.14 ; 1 Samuel 16.14 ; 1 Rois 22.23 ; Psaumes 34.19 ; Esaïe 19.14 ; 29.10 ; Osée 4.12 ; 5.4.
15 Dans l’ordre : Matthieu 10.1 ; 12.43 ; Luc 11.14 ; 13.11 ; Actes 16.16 ; 1 Timothée 4.1 ; 2 Timothée 1.7.
16 Luc 8.2, 30.
Je n’ai pas vécu personnellement le récit qui va suivre. Je le tiens d’un frère dans la foi qui l’a rédigé à mon intention. A noter qu’une vingtaine de personnes ont été les témoins et les compagnons du combat qui amena la totale délivrance de Mademoiselle Durand (c’est un nom d’emprunt).
Cette sorte de délivrance n’est pas de celles qu’on aime raconter. Par son aspect inhabituel elle peut susciter ou le scepticisme, ou la curiosité malsaine. Elle peut avoir l’effet que provoque chez un bien portant la lecture d’un dictionnaire médical illustré. Bientôt le lecteur découvre en lui des symptômes de maladies inquiétantes… Que cette remarque introductive aide le lecteur émotif à maîtriser son imagination !
Baptisée à 18 ans, Mademoiselle Durand s’est engagée dans une communauté. A l’instant de ce récit, elle a 34 ans. Depuis de nombreuses années, elle est atteinte dans sa santé. Sa mère a trempé dans l’occultisme, mais pour l’instant le nie. Précisons que dans son église, un certain nombre de fidèles collaborent au ministère de délivrance qu’exerce le pasteur.
Le couple A et Mademoiselle Durand se sont retrouvés avec le pasteur et sa femme. C’est un jeudi. Déjà le soir précédent, lors d’un bref moment de prière entre ces mêmes personnes, la conviction était donnée que l’Ennemi tenait Mademoiselle Durand sous sa coupe. D’où la rencontre projetée. En voici le récit :
“Nous échangeons quelques mots. Mademoiselle D dit n’avoir aucune connaissance de son hérédité. Nous lui posons la question : ‘Voulez-vous que Jésus vous délivre ?’ Elle répond : ‘Oui, je veux être délivrée par Jésus.’ ‘Eh bien ! dites-le-lui dans la prière.’
A peine a-t-elle dit : ‘Seigneur Jésus, délivre-moi’ qu’une crise est déclenchée. Mademoiselle Durand se raidit sur sa chaise, puis perd conscience ; son être entier est aux mains de l’Ennemi ; de sa bouche sortent des cris horribles. Nous disons à l’Ennemi : ‘Tais-toi, tu es vaincu par Jésus, nous te lions au nom de Jésus !’
Nous posons la question : ‘Combien êtes-vous ?’ — Réponse de l’esprit malin : ‘20… 20… 20…’
— Au nom de Jésus, quels sont vos noms ?
Les noms sont répétés, pour la plupart trois fois de suite, et nous réclamons, au nom de Jésus la liste de tous les noms. Nous en prenons note. Dix-sept sont donnés : 1. tourment — 2. incrédulité — 3. impureté — 4. adultère spirituel — 5. abomination — 6. frayeur — 7. maladie — 8. oppression — 9. dépression — 10. suicide — 11. passivité — 12. franc-maçonnerie — 13. magie — 14. spiritisme — 15. superstition — 16. persécution — 17. puissance de malédiction…
En réponse à la question : ‘Qui vous dirige ?’ il nous est répondu trois fois : ‘Puissance de malédiction.’ En réponse à la question : ‘Depuis combien de temps ?’ il nous est répondu : ‘Depuis trois générations.’
Dans le dialogue qui se poursuit, l’esprit révèle qu’une femme du quartier, d’entente avec trois autres (il les désigne par leur nom), par sorcellerie, cherche à agir contre Mademoiselle Durand. Il dit aussi que malédiction a des droits accrus sur la famille de Mademoiselle Durand depuis que sa mère, lors de la visite d’une gitane, s’est fait lire les lignes de la main. Il rappelle qu’il lui avait annoncé que son mari mourrait quarante jours plus tard (ce qui est arrivé). L’esprit malin ajoute : ‘Cela a fait beaucoup de peine à Mademoiselle Durand.’
Dans le bureau suit un moment d’accalmie. Et notre sœur revient à elle. Nous lui posons un certain nombre de questions, puis nous décidons de reprendre le combat. Mademoiselle Durand prie Jésus d’être délivrée, et c’est une nouvelle crise. Nous prions en citant les textes de l’Ecriture qui affirment la victoire de Jésus-Christ et la déchéance de Satan. Nous nous plaçons, nous et les membres de nos familles, sous la protection du sang de Jésus-Christ, afin que l’Ennemi ne puisse pas nous nuire. Au nom de Jésus, nous lions chacun des esprits nom par nom. Ensuite nous disons : ‘Nous vous chassons tous, au nom de Jésus, sous les pieds de Jésus et dans les abimes.’ Nous luttons dans la prière, en citant les textes de l’Ecriture sur la victoire de Jésus et la défaite de Satan.
A un moment donné, l’esprit malin dit : ‘Je veux m’en aller.’ Notre sœur, inconsciente, se lève. Alors nous disons à l’esprit malin : ‘Au nom de Jésus, tu es lié. Reste là. Si tu veux partir, va dans l’abime !’
Il se rassoit en disant : ‘Je suis lié, je ne peux rien faire.’ Madame A se lève alors et vient se mettre devant la porte pour barrer la sortie. Elle prie en fermant les yeux. Je vois alors Mademoiselle Durand, grimaçant, avec les doigts en forme de crochet, s’approcher de Madame A comme pour la griffer. Je me lève et fais reculer Madame A. L’esprit malin dit à ce moment-là : ‘Je ne peux rien faire, elle est protégée par Jésus.’
L’esprit continuait à répéter qu’il ne voulait pas partir, qu’il avait le temps. Quand nous demandions, au nom de Jésus, lequel parlait, c’était souvent maladie qui répondait. L’esprit de maladie secouait la tête de Mademoiselle Durand et lui pressait les mains sur le ventre en disant : ‘Elle a mal, ça lui fait mal.’ Nous avons alors demandé à Jésus de mettre sa main sur notre sœur afin que l’Ennemi ne lui fasse plus de mal, mais surtout quitte son corps.
Nous avons continué à lutter, citant la Parole de Dieu qui atteste la victoire du Christ sur Satan. A chaque fois, l’Ennemi répondait en disant : ‘Aïe, ouille ! Je n’aime pas ça ! On n’est pas amis avec Jésus.” Il pointait aussi son doigt sur nous et roulait des yeux furibards. Il disait : ‘Es-tu sûr d’être sauvé ? As-tu l’autorité du Saint-Esprit ?’ Nous lui répondions oui, en lui disant qu’il était vaincu par le sang de l’Agneau. Il répondait alors : ‘Aïe, aïe, je n’aime pas ça!’
Il a dit aussi : ‘Quel dommage que Mademoiselle Durand ait demandé à Jésus d’être délivrée. Autrement, je lui aurais fait faire le pacte du sang, j’en aurais fait un médium.’
A la fin de l’après-midi, nous avions la conviction que nous devions demander l’aide d’autres chrétiens.
Dans la soirée, nous étions une quinzaine réunis. L’esprit malin a dit plusieurs fois : ‘Hou ! Mais c’est qu’ils sont nombreux, ça s’est renforcé.’
Quand il disait : ‘Où suis-je?’, nous répondions: ‘Dans l’Eglise de Jésus-Christ, tu es vaincu, va-t’en !’ À ce moment-là, il y avait des cris et des contorsions.
L’esprit malin a dit plusieurs fois que nous avions de la chance d’être à Jésus-Christ, et il reconnaissait qu’il ne pouvait rien faire contre nous.
A la fin de la soirée, il y eut une crise ultime et Mademoiselle Durand a repris conscience. Elle a remercié Jésus de l’avoir délivrée et nous lui avons imposé les mains pour sa guérison et nous avons loué le Seigneur. Nous pensions que le problème était réglé et que notre sœur était délivrée.
Vendredi, Mademoiselle Durand alla travailler (le docteur lui avait prescrit un travail à mi-temps à cause de sa mauvaise santé). Ce fut une journée normale. J’ai vu Mademoiselle Durand le soir, avant le souper, chez la famille D où elle devait passer la nuit. Elle avait eu des pensées de doute, elle avait encore mal au ventre. J’ai pensé que tout allait redevenir normal dans sa santé et je le lui ai dit. Mais la suite des événements montra qu’elle n’était pas complètement délivrée. En effet, ce même soir vers 23 h., elle a connu une nouvelle crise. Par téléphone, nous avons été alertés et, avec le couple A, nous nous sommes retrouvés à son chevet.
Monsieur A s’est alors adressé à l’esprit malin et a demandé : ‘Au nom de Jésus qui es-tu? Combien êtes-vous?’ Réponse : ‘Deux… sortilège et esprit de mort.’
Monsieur A : ‘Pourquoi n’avez-vous pas dit vos noms hier ?’
L’esprit malin de répondre : ‘Mais moi je suis d’aujourd’hui, venu à distance.’
Au nom de Jésus, Monsieur A les a liés et chassés. Il y eut un grand cri, puis une voix très forte a dit : ‘Je pars.’ Il y a eu des contorsions, le corps de Mademoiselle Durand était secoué ; puis ce fut le calme. Mademoiselle Durand revint à elle, puis s’endormit.
Nous avons prié là, un bon moment, ensemble et avons convenu de nous retrouver le lendemain après-midi.
Ce samedi, à 14 h., nous étions 18 au rendez-vous. Nous avons commencé par la prière et l’adoration du Seigneur. Le Saint-Esprit nous a donné la conviction que Mademoiselle Durand devait dire : ‘Seigneur Jésus, délivre-moi de mon hérédité.’
Elle essaya de le faire, mais ne put pas dire ‘hérédité’, et ce fut de nouveau la crise. C’est à ce moment-là du reste qu’‘hérédité’ donna son nom. Interpellé, l’esprit donna encore trois autres noms : ‘sortilège, maladie, malédiction.’
Après combat et prière, ‘sortilège’ s’en alla. Puis, ‘maladie’ s’en alla aussi, non sans que Mademoiselle Durand ait de violents vomissements. Enfin, sur notre injonction, ‘hérédité’ s’en alla après qu’il y eut crise et contorsions.
Restait donc puissance de malédiction, qui a ‘craché tout le morceau’. Il nous rapporta, en effet, que celles dont il avait déjà cité les noms, dames G et H, l’une médium spirite et l’autre envoûteuse, cherchaient à nuire à Mademoiselle Durand, mais qu’à cause des prières des chrétiens, cela était resté sans effet, que cela se retournerait contre ces deux personnes. Il précisa que dans ce même après-midi, dames G et H, avec boule de cristal, cartes, et le ‘grand Albert’, essayaient de faire le pacte du sang pour être plus fortes.
Nous avons prié que Jésus intervienne dans cette maison et brise tout cela. Par la suite, l’esprit malin a dit que Madame G, devant l’échec de ses pratiques, s’en allait chez un guérisseur en face du temple. Alors nous nous sommes levés, nous avons pointé notre doigt vers la maison du guérisseur de l’autre côté de la rue, et nous avons dit : ‘Seigneur Jésus, en ton nom, nous brisons tout ce que l’Ennemi veut faire dans cette maison. Amen, Amen !’ L’esprit malin nous a dit que Madame G allait mourir, qu’en arrivant à X elle aurait un accident. Nous avons alors prié Jésus que cela n’arrive pas, car Jésus est mort aussi pour Madame G.
Nous avions tous le sentiment que l’esprit de malédiction se moquait de nous et que nous tournions en rond. Nous avons prié pour demander à Dieu de nous éclairer. Le Saint-Esprit, en réponse à la prière, nous a donné le texte : ‘La malédiction sans cause n’a point d’effet’ 17. Donc, malédiction refusait de s’en aller parce que la cause n’était pas détruite. Nous avons alors obligé l’esprit, au nom de Jésus, de nous dire quelle était la cause. Après réticence, il a été obligé de parler et de dire qu’il s’agissait d’une bague de fiançailles que le père de Mademoiselle Durand avait donné à sa mère, que cette bague n’avait pas une grande valeur marchande, mais que la pierre était magnétisée. Nous avons dit à l’esprit de malédiction : ‘Alors, si on brûle cette bague, tu seras obligé de partir.’ Il a répondu oui.
17 Proverbes 26.2.
Madame et Monsieur A se sont alors rendus au domicile de Mademoiselle Durand et ont détruit par le feu la bague en question, puis l’ont jetée dans la rivière.
A leur retour, j’ai dit à haute voix : ‘Alléluia, tout est brûlé, Jésus est vainqueur !’ L’esprit malin a dit alors qu’il n’avait plus de puissance : il pleurait, se lamentait d’être obligé de retourner dans l’abîme. Déjà au cours du combat, il avait dit : ‘Je vais être obligé de partir, parce que Jésus intercède auprès du Père pour qu’elle soit délivrée.’ Ce à quoi nous avons répondu : ‘Alléluia. Merci Jésus. Amen ! Amen !’
Nous avons alors prié que le Saint-Esprit remplisse Mademoiselle Durand, libère sa langue, son esprit ; alors elle a commencé à revenir à elle, a dit péniblement : ‘Jésus, délivre-moi de la ma- lé- dic- …’ Un cri, des contorsions, et notre sœur est revenue à elle. Malédiction était parti dans l’abîme.
Inspirée par le Saint-Esprit, Madame A a dit : ‘Il faut maintenant qu’elle rende grâces pour chacun des démons dont elle a été libérée.’ J’ai donc lu la liste, et Mademoiselle D répétait après moi : ‘Merci Jésus de m’avoir délivrée de l’esprit de …’ Au moment de prononcer : ‘esprit de frayeur’, un incident ! Mademoiselle Durand est restée bloquée. L’esprit de frayeur : ‘Je la tiens par la frayeur.’ Nous lui avons dit : ‘Tais-toi ! Que fais-tu encore là ? Ton chef est parti, tu es lié, au nom de Jésus va-t’en dans l’abime !’ Un cri de frayeur, et c’était fini. Mademoiselle D a rendu grâces à Jésus-Christ de l’avoir délivrée de chacun des esprits encore sur la liste. Puis elle a dit finalement : ‘Merci, Seigneur Jésus, de m’avoir délivrée de tous les esprits mauvais. Amen !’ Notre prière s’est jointe à la sienne par de nombreux alléluia, amen, Jésus est vainqueur ! Notre joie était à son comble. Nous avons alors imposé les mains à notre sœur pour qu’elle soit remplie du Saint-Esprit, guérie, et renouvelée au nom de Jésus. Nous avons tous prié et adoré le Seigneur, comme jamais auparavant…
Détails importants : avant que nous trouvions la cause donnant droit à ‘malédiction’ de rester, celui-ci a proféré à l’égard de Dieu les plus horribles blasphèmes et jurons.
Esprit de malédiction a dit que le pacte du sang avait été fait, il y a trois générations, dans la famille du père de Mademoiselle Durand qui était franc-maçon…
Il a également révélé que certains objets et meubles appartenant à sa famille avait été utilisés comme supports de pratiques occultes. Nous les avons tous détruits…”
Ce récit nous donne l’occasion de mettre en lumière, mais aussi de commenter quelques aspects de la pratique du ministère de libération.
Nous ne choisissons pas toujours le moment de la libération. Il m’est arrivé souvent d’être seul, face à l’Adversaire. L’important, c’est l’autorité que nous donne le Christ présent à nos côtés. L’important, c’est aussi l’épée de l’Esprit, la Parole maniée avec foi.
Prévoyant qu’il allait affronter un ou des démons, ce pasteur a eu la sagesse de convier à la première rencontre, outre sa femme, un autre couple. Sans en faire une loi, cette règle — si possible être au moins deux — est recommandable. Il est écrit : La où deux s’accordent à demander quelque chose, Dieu le fait. Il envoya ses disciples deux à deux… Si quelqu’un est plus fort qu’un seul, deux peuvent lui résister ; et la corde à trois fils ne se rompt pas facilement 18.
18 Matthieu 18.19 ; Marc 6.7 ; Ecclésiaste 4.12.
Bien sûr, le fait de convier d’autres membres de la communauté est recommandable dans la mesure où ils ne sont pas des spectateurs mais des combattants dans la prière. La résistance qu’oppose l’Ennemi peut justifier de tels renforts.
Seuls ceux qui n’ont jamais pratiqué un tel ministère s’étonneront de la durée du combat 19. On peut à ce sujet faire deux remarques, vérifiées et confirmées lors de combats semblables :
19 Pour mémoire, Jean-Christophe Blumhardt eut à lutter durant des mois jusqu’à ce que le démon “Légion” soit expulsé de la famille et de la maison de Gottliebin Dittus.
L’arrogance des démons et leur résistance tiennent aux droits que leur ont cédés les personnes. Comme l’indique le deuxième commandement 20, ces droits peuvent s’étendre sur la famille jusqu’à trois générations. Ame, esprit, corps, mais aussi objets, meubles, peuvent devenir propriété de l’Ennemi dès l’instant où l’on a recours à ses pouvoirs. Ce recours est celui de n’importe quelle pratique occulte. La résistance de ‘‘malédiction” céda lorsque furent soustraits par destruction les bijoux, les objets, les meubles qui avaient servi de support à l’action occulte et démoniaque.
20 Exode 20.4-6.
C’est au cours du combat que furent révélés ces détails. Dans l’entretien précédant une délivrance, ils pourraient déjà être mis en en lumière et confessés, ce qui affaiblirait d’autant la résistance des démons.
L’autorité du ou des praticiens est aussi conséquente à leur sanctification. Paul disait : Nous sommes faibles, mais nous vivons avec Christ pour agir par la puissance de Dieu. Et il ajoutait : Examinez-vous vous-mêmes pour savoir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes 21. Il est essentiel que l’Ennemi ne trouve aucune faille en nous et entre nous. Une brève “révision” sur le plan de notre unité personnelle et communautaire avec Christ, suivie, au besoin, d’une confession mutuelle de nos péchés, voilà des garanties pour un combat victorieux. Par le bénéfice spirituel qu’ils apportent, le jeûne et la prière nous rendent plus efficaces, peuvent donc accélérer la délivrance.
Ce dont Mademoiselle Durand était d’abord et surtout consciente, c’est de ses souffrances morales, spirituelles, mais aussi physiques. Elle ne pouvait donc que se réjouir à la pensée de sa délivrance. Mais il faut dire aussitôt qu’à son idée — on le comprend bien — elle ne pouvait concevoir que son épreuve était liée à la présence en elle d’un ou de plusieurs démons. C’est dans son âme et dans son corps qu’elle connaissait des douleurs. Et nous savons bien que l’âme ou le corps peuvent être éprouvés physiquement ou psychiquement sans que Satan y soit pour quelque chose. Son jeu — il y est très habile — serait même, dans certaines épreuves physiques ou morales ou spirituelles, de nous faire croire que nous sommes à sa merci. La seule chose importante, c’est que le patient exprime clairement sa volonté de laisser le Seigneur le libérer, en s’interdisant de s’imaginer le chemin de cette libération.
D’autres remarques peuvent être faites au sujet de la patiente.
Même si l’Ecriture ne qualifie jamais le démoniaque de ‘‘possédé””, il est évident que ce terme convient à la description de l’état d’une personne telle Mademoiselle Durand. Encore faut-il souligner ici la différence à faire entre une personne liée et une personne possédée. La première garde le contrôle d’elle-même alors que telle partie de son âme ou de son esprit, tel organe ou tel membre de son corps serait plus ou moins entravé ou paralysé dans sa liberté d’action. De plus, l’esprit méchant n’a pas véritablement sa demeure en elle. On pourrait dire qu’il va et vient. Par contre, la personne “possédée” est habitée en permanence. Elle est entièrement à la merci de l’Ennemi.
Il faut admettre qu’il n’est pas toujours facile d’établir cette différence entre la personne liée et la personne possédée. Les trois étapes étiquetées “suggestion — obsession — possession” simplifient cette difficile délimitation, mais n’en rendent pas toujours compte avec exactitude.
Remarquons-le aussi : à moins que la possession ait pour conséquence des dérèglements psychiques ou mentaux, la personne ainsi “occupée” aura une vie normale, certes perturbée par des impulsions affectives et caractérielles, par des pensées et des désirs qu’elle ne domine plus. Mais là aussi, ce sera sporadique. Cependant, à la longue, cet état d’asservissement s’aggravera et conduira à des crises ou, suivant le nombre et le genre des occupants, la colère, la haine, le meurtre, le vice, le comportement désordonné, ou alors la maladie, la dépression, l’idée obsédante, le suicide, peuvent l’emporter. C’était l’état d’une Gottliebin Dittus à l’heure où le pasteur Jean-Christophe Blumhardt engageait le combat qui l’amena à la délivrance. Dans son cas, l’intervention du serviteur de Dieu provoqua des réactions semblables à celles décrites dans la délivrance de Mademoiselle Durand.
Dès qu’intervient la Parole de Dieu, ou le nom du Seigneur, ou la foi agissante de ceux qui l’invoquent et se réclament de son autorité, les démons se déchaînent. La “possédée” est alors totalement sous leur dépendance. Elle perd conscience. En tant que personne, elle est éliminée de la scène. Tout son être, tous ses membres, mais particulièrement sa voix, son regard, son ouïe, deviennent instruments de l’Ennemi.
Le degré de possession est variable, et les démoniaques, à l’heure de leur délivrance, ne perdent pas tous conscience. Ils peuvent devenir momentanément muets, sourds à ce que nous leur disons, aveugles à ce que nous leur montrons. Pour cette raison aussi, il est difficile et sinon impossible à un démoniaque de se mettre à prier, parfois même de supporter la prière des personnes présentes. J’ai vu un patient désireux de prier rester soudain les mains crispées et dans l’impossibilité de les joindre. Je n’ai jamais oublié non plus cette jeune fille rencontrée lors d’une “mission” faite en collaboration avec un frère exerçant lui aussi le ministère de délivrance. Elle nous confessa que dans sa révolte contre son milieu familial et ecclésial, elle avait invoqué le diable et fait un pacte avec lui. Aux premiers mots de notre intervention au nom du Christ, la jeune fille fut projetée à terre, saisie de convulsions, et dans la pièce vide où nous nous trouvions, elle s’étira par terre, avança en rampant et en ondulant telle un serpent.
Dans le cas de Mademoiselle Durand, on retrouve là manifestation habituelle d’une agressivité envers les personnes présentes. Pour cette raison aussi, il est préférable de ne pas être seul. Au début de mon ministère, Dieu me l’a appris lors de délivrances où je fus littéralement agressé par le patient. Dans l’un des cas où je ne pouvais rien faire pour me protéger, je dois sans doute à un ange protecteur d’avoir été épargné 22. Dans l’autre aussi, puisqu’au nom du Seigneur, les mains de l’homme déchaîné qui voulait m’étrangler furent soudain paralysées.
22 Hébreux 1.14.
A noter aussi que se voyant perdus, les démons peuvent s’en prendre au patient lui-même et retourner contre lui leurs intentions meurtrières. Le pasteur de Mademoiselle Durand avait donc pleinement raison de se placer, lui et tous les membres de sa communauté, à l’abri du sang de Jésus et, plus tard, au nom du Seigneur, de lier les esprits méchants et de leur interdire de porter une main meurtrière sur la patiente.
Un dernier détail : il ne faut pas confondre la maladie naturelle avec le mal que peut éprouver le patient sous l’action des démons. Certes, physiquement, la sensation est la même. Cependant, avec l’expulsion, le mal cesse. Le fait que Mademoiselle Durand souffrait encore après la délivrance partielle aurait dû éveiller l’attention du praticien puisque le démon “maladie” avait dit qu’il était l’auteur de son mal.
Quand la maladie est l’œuvre du démon, l’acuité du mal annonce la crise, l’accompagne et disparaît quand cesse le combat.
Un démoniaque alcoolique sombrera dans l’alcool durant les jours où les chrétiens s’unissent pour prier et combattre en sa faveur. Au début de mon ministère, je l’ignorais. Je m’étais engagé auprès de l’épouse d’un buveur en l’assurant que je prierais pour son mari. Après quelques jours, elle me supplia de ne plus intercéder. Il n’avait jamais bu autant. Etonné, j’arrêtai le combat.
Le mari, bien entendu, continua de boïre, mais plus modérément. Tout le monde était content ! Le démon surtout.
A l’évidence, ils ne sauraient être confondus avec la personne qu’ils ont investie, même s’ils s’identifient à elle totalement. Cependant, des différences notoires sont discernables : la voix a un autre timbre, le regard n’est plus le même, le vocabulaire est inhabituel, les traits du visage se modifient avec une mobilité étonnante. Les démoniaques des peintures de Bosch, par exemple, ont des expressions tout à fait correspondantes à celles qu’on peut voir apparaître sur le visage d’un patient en état de crise.
Je l’ai aussi éprouvé à quelques occasions : ils ont une odeur caractéristique. Enfin, ils sont capables, par dérision, d’abaisser leur victime jusqu’à en faire un chien qui aboie ou un porc qui grogne.
Il est pour le moins significatif qu’ils aient les réactions les plus violentes quand l’Evangile de Jésus-Christ leur est rappelé. Soit dit en passant, il est également significatif que les faits et les doctrines d’une autre religion, ou encore que les noms de Bouddha ou de Marx non seulement ne les troublent pas mais suscitent leur accord. On connaît même des démons religieux ! Par contre, l’annonce de leur défaite à la croix, le rappel du rachat de tout homme par le sang de Jésus-Christ, la proclamation de la vérité biblique, les rendent tour à tour furieux, geignant, ironiques, angoissés. On comprend mieux que dans l’armure du chrétien, Paul ait mentionné “l’épée de l’Esprit qui est la Parole de Dieu” 23. Maniée avec l’autorité du Seigneur, elle est littéralement acérée et blessante pour l’Ennemi. Elle le fait reculer, elle l’oblige à céder à ce qu’elle lui ordonne. Cela explique leurs blasphèmes à l’adresse du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, leurs insultes envers les chrétiens qui s’opposent à eux.
23 Ephésiens 6.17.
Dans le cas de Mademoiselle Durand, le dialogue avec les démons confirmait ce que nous savons par l’Ecriture. Ils sont organisés hiérarchiquement, avec des pouvoirs plus ou moins étendus et des forces de résistance différentes. Il y avait donc intérêt à connaître qui était leur chef. La pratique montre, en effet, qu’à l’instant où le chef est expulsé, les autres acolytes abandonnent facilement la place.
La vérité biblique nous oblige à une constatation qui, en soi, n’est pas troublante mais, pour le moins, nous oblige aux réflexions suivantes :
Aucun des récits de délivrance rapportés par l’Evangile ne laisse entendre que Jésus ait dialogué avec les démons. Tout au contraire, il leur demandait leur nom, et après cela, non seulement il refusait de les entendre, mais il leur ordonnait de se taire. C’est sans doute qu’il lui déplaisait d’entendre les démons confesser sa Messianité. Le peuple avait à la reconnaître à la lumière de la Parole et du témoignage des œuvres qui la confirmaient. Il n’avait pas à être instruit par les démons.
Cependant, cette explication peut être ici complétée par les renseignements d’une autre délivrance rapportée par le pasteur de Mademoiselle Durand.
“Alors qu’en équipe, nous procédions à une expulsion, les démons interpellés refusaient de dire leur nom. Finalement, ils furent contraints de le faire. Un certain nombre l’ont donné. Ils ont commencé par dire qu’ils étaient des milliers. Mais nous n’avons pas cru ce mensonge.
Le démon ‘Mensonge’ a dit qu’il était le chef et qu’ils étaient trois. Mais nous avons repéré qu’il mentait. En fait, ils étaient 16 et leur vrai chef s’appelait ‘tourment’. Tous furent dévoilés au cours du combat. Quand nous avons demandé aux démons s’ils avaient un droit de rester dans la vie du patient — un homme de 25 ans — ils ont répondu non, mais en ajoutant qu’ils allaient en avoir un. En effet, il était dans les projets de cet homme de gagner de l’argent en s’intéressant à une pratique occulte. Nous leur avons aussi demandé pour quelle raison ils étaient présents en cet homme. Réponse : ‘Parce que sa famille et lui-même ont eu des contacts avec nous.’ Effectivement, dans cette famille, on consultait une femme devin et le patient, comme enfant, avait participé à ces consultations.
A notre propre surprise, le combat s’est terminé rapidement. Etant donné que les démons n’avaient encore aucun droit sur cet homme, ils devaient sortir, ce qu’ils refusaient en nous disant que nous n’avions pas de pitié pour eux.”
Le diable est “menteur et père du mensonge”, nous a dit Jésus 24. Engager le dialogue avec les démons, c’est parler à des menteurs. Les écouter, c’est courir le risque de nous laisser berner par leurs dires. Nous ne sommes pas le Christ. Lui n’avait pas besoin qu’on lui rendit témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qui était dans l’homme 2. C’est pourquoi leurs informations lui étaient inutiles.
24 Jean 8.44.
25 Jean 2.25 ; cf. aussi Matthieu 9.4 ; Marc 2.8.
Conscient du risque envisagé, tout praticien aura à mettre un point d’interrogation devant les informations des démons et, autant que faire se peut, limitera de tels dialogues.
Une de leurs assertions peut être refusée absolument : lorsqu’ils se présentent comme s’ils étaient un défunt revenu nous parler (c’est ce que faisait l’un des démons qui s’exprimait par la bouche de Gottliebin Dittus). Donneraient-ils des détails convaincants, prendraient-ils même des intonations de la voix de la personne défunte, ils mentent lorsqu’ils se présentent sous son nom. En effet, aucun passage de l’Ecriture ne permet de croire aux revenants. Communiquer avec un mort s’exprimant par la bouche d’un patient est une abomination condamnée par l’Ecriture sous le nom de spiritisme 26.
Le diable est menteur, et il ne nous faut jamais l’oublier. J’ai en mains le récit détaillé de séances de délivrance au cours desquelles un praticien, accompagné de quelques aides, poursuivent avec la même personne “possédée” un combat qui dure des heures, et cela depuis plusieurs semaines, mais n’aboutit jamais. La patiente perd conscience, puis a des visions qu’elle raconte (contrefaçon de visions bibliques). A partir de ces images, par association de mots ou de faits, les esprits sont chassés. Exemple : en lisant le récit biblique correspondant à la vision, si la patiente tombe en syncope au mot “sainteté”, on chasse l’esprit d’impureté ; si c’est au mot “sacrifice” on chasse l’esprit de mort, etc. ! A la fin de la séance, alors que la patiente a connu convulsions et hurlements, elle paraît libérée et souriante. Mais quelques jours après, tout est à recommencer. Et d’une semaine à l’autre, on chasse les mêmes démons… !
Se fier aux rêves et visions d’une patiente pour pratiquer l’exorcisme, rechasser d’une semaine à l’autre les mêmes démons, c’est du théâtre dont le diable est lui-même le metteur en scène. Ces praticiens sont manifestement mystifiés par l’Ennemi.
A propos du dialogue avec les démons, trois dernières remarques me paraissent nécessaires :
1. Si l’on interroge les démons pour savoir leur nom et leur nombre, c’est afin que, dans le combat, cette connaissance oriente notre action. En nous souvenant qu’ils sont menteurs et peuvent nous tromper, il est utile de noter soigneusement ces noms et ce nombre. Cela nous permettra de nous assurer que, dans la délivrance, aucun n’échappe à notre autorité et à notre ordre d’expulsion. Cela nous donnera la possibilité d’établir une relation entre tel trait de caractère ou de comportement observé chez le patient et le nom du démon qui l’animait. Cela nous permettra enfin de ne pas tenir pour action démoniaque telle déficience psychique que nous avions crue d’abord d’origine satanique.
2. Il ne faudrait pas que mes lecteurs se laissent influencer par les deux récits de ‘‘possession” et en viennent à penser qu’un tel dialogue est à engager lors de la prochaine délivrance à laquelle ils prendraient part ou qu’ils assumeraient ! Beaucoup de gens liés par des esprits restent tout à fait libres de s’exprimer. Il est aussi beaucoup de gens privés par les démons de leur volonté propre et, cependant, restés parfaitement lucides. Ceux-ci et ceux-là seraient les premiers surpris que vous vous adressiez à eux… comme à des démons. Ils pourraient avec raison vous demander si l’un d’eux ne vous a pas, vous le premier, circonvenu !
Enfin, à certains signes extérieurs — au ton de la voix, aux pensées ou aux sentiments exprimés — le praticien peut reconnaitre qu’un patient est l’instrument de l’Ennemi sans avoir nécessairement à l’interpeller aussitôt. En effet, le démon ne répondrait que dans la mesure où le patient serait entièrement à sa merci. Cependant, dans l’acte de délivrance, le praticien peut opérer la distinction entre la personne et le démon qui la lie ou l’asservit, s’adresser au démon par le nom qu’il croit pouvoir lui donner, puis le chasser. En effet, le nom du démon en soi n’est pas un élément capital à connaître. Dans la liste donnée plus haut, ce nom n’est qu’un aspect de ce qui caractérise l’action du Malin. Contrairement aux démons dont le nom est lié à un état (maladie, passivité, dépression), le démon franc-maçonnerie est lié à une pratique qui, dans l’esprit des membres de cette société, ne doit rien à l’occultisme.
3. Quant à l’origine de la “possession”, elle sera mise en lumière par les pages qui suivent. Mais je rappelle à mes lecteurs :
A noter aussi que lors d’une délivrance, il apparut clairement qu’une malédiction prononcée par des parents contre leur enfant avait été à l’origine de son asservissement démoniaque. Cela explique sans doute les sévères avertissements de l’Ecriture à ce sujet 27.
27 Genèse 12.3 ; 27.29 ; Nombres 24.9, etc. et surtout Matthieu 5.44 ; Romains 12.14.
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Les propos tenus par les démons lors des deux délivrances opérées par le pasteur de Mademoiselle Durand soulèvent la question des droits qu’ils ont ou qu’ils n’ont pas, suivant que le patient s’est adonné ou non à des pratiques occultes. Il y a également la déclaration que ces pratiques leur ont donné accès à la personne, et même à son domicile.
En étudiant dans le livre des Actes l’affrontement des apôtres avec l’occultisme, nous avions déjà relevé qu’à l’arrière-plan de chacune des personnes en cause, il y avait les forces mauvaises de la magie et de la divination.
La pratique du ministère m’a appris que l’occultisme était la raison première de l’asservissement de tant d’hommes et de femmes d’aujourd’hui aux pouvoirs des démons.
Par souci de clarté, je rappelle d’abord quelques-unes des pratiques occultes :
La magie blanche, à ne pas confondre avec la prestidigitation, fait appel à des Puissances divines ou angéliques “bonnes” pour combattre les mauvaises. Les guérisseurs, les yogi, les gourous sont en fait des magiciens.
La magie noire mobilise les forces “mauvaises” à des fins nuisibles aux hommes et aux bêtes.
Le spiritisme, par un médium, une table à trépied, une planchette (actuellement très en vogue), veut nous mettre en contact avec les défunts.
La divination, sous mille formes (astrologie, cartomancie, chiromancie, radiesthésie), prétend révéler l’avenir, conjurer le mauvais sort, trouver la cause et le remède des maladies, pénétrer dans les sphères de l’univers intérieur et extérieur à l’homme et inatteignable à la science.
L’idolâtrie (sous des formes philosophiques, artistiques, religieuses, morales, mystiques) rend un culte à Dieu confondu :
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Pour ma part, je reste toujours stupéfait qu’en dépit des sévères avertissements de l’Ecriture au sujet de l’occultisme, même les chrétiens restent sur ce point parfois aveugles et sourds. Ne trouve-t-on pas encore aujourd’hui des responsables et enseignants d’églises qui, non seulement minimisent les effets possibles des pratiques occultes, mais encouragent les fidèles à exercer leur piété en y joignant le yoga, la Méditation Transcendantale, la sophrologie, le P.R.H. (Personnalité Relations Humaines) et autres “drogues” aux effets dits “bénéfiques” pour l’âme et l’esprit ? Pour eux, s’élever contre ce dangereux syncrétisme, c’est de l’étroitesse ou de la crédulité simpliste…
Que n’en disent-ils autant du médecin et de sa persévérance à observer les lois de l’asepsie ! Cette comparaison n’est du reste pas fortuite. Par la peau et par des muqueuses protectrices, par les leucocytes du sang, le Créateur nous a prémunis efficacement Contre toute infection venant de l’extérieur.
Connaissant l’agressivité du Malin, Dieu a mis aussi en nous une protection efficace : notre volonté. Nous appelant à nous soumettre d’abord à Dieu, l’apôtre Jacques précise : Résistez au diable, et il fuira loin de vous 28. Or, quand Papus, le Docteur ès sciences occultes, enseigne que “la véritable voie de la spiritualité est celle d’un abandon total à la direction de l’Invisible” et donne ainsi la première place, non à l’intelligence réfléchie, mais à l’intuition irraisonnée, il me rappelle cette jeune fille qui, dans un accès de dérèglement mental, griffait son corps jusqu’au sang et s’exposait quasi nue, sous prétexte d’être mieux oxygénée par l’air ambiant ! L’Invisible n’est pas plus pur que l’air de nos cités. C’est pourquoi, la passivité conjointe à toute pratique occulte est une porte d’entrée ouverte à l’Ennemi. Et quand, par surcroît, il trouve des gens qui se réclament de son pouvoir, et, volontairement se soumettent à son action, son emprise est aussi immédiate que celle de microbes pénétrant dans une blessure non désinfectée et non pansée. C’est le sort de tous ceux qui invoquent les esprits, ont recours à l’occultisme doctrinal et pratique, qu’il soit de source philosophique, athée ou religieuse : ils ont ouvert la porte aux démons.
28 Jacques 4.7.
Une autre image encore peut nous le faire comprendre. On pourrait considérer que, dans l’espace que nous occupons, notre peau marque la frontière du territoire de notre personne. Dans un monde tout entier soumis au Malin 29, on pourrait dire que notre situation est celle des habitants d’une zone occupée. Deux seules possibilités s’offrent à nous : ou bien nous sommes résistants, ou bien nous sommes collaborateurs (la neutralité n’est qu’un leurre ; elle ne change rien à notre état de captivité). Dans la guerre que l’occupant mène contre nous, notre frontière personnelle reste inviolable, dans la mesure où nous opposons un refus à toutes les suggestions que l’Ennemi nous propose et par lesquelles il veut nous asservir davantage encore. De même, la moindre des ouvertures que nous ferions à son jeu est pour lui un investissement assuré. En cas de guerre, n’aurions-nous qu’une main de l’autre côté de la frontière, l’Ennemi s’en saisira.
29 1 Jean 5.19.
Outre l’avertissement qu’apporte cette parabole, elle nous permet d’expliquer pourquoi, dans les cas de délivrance d’un patient infecté par l’occultisme, il est nécessaire d’être deux, pour le moins d’avoir le consentement, donc aussi la collaboration du patient. La Parole de Dieu est la seule épée devant laquelle cède l’Ennemi. Elle dit : Maudit soit celui qui déplace les bornes de son prochain… Un seul témoin ne suffira pas contre un homme pour constater un crime ou un péché quel qu’il soit. Un fait ne pourra s’établir que sur la déposition de deux ou trois témoins 30. Certes, cela s’entend d’abord au sens territorial d’un bien foncier. Mais cette vérité est applicable à notre “propre frontière”. Laisser au Prince de ce monde la liberté de déplacer nos bornes — ce qu’il fait dès l’instant où nous consentons à ses interventions par le fluide du guérisseur, par le pouvoir de l’hypnotiseur, par les indications du devin ou de son alter ego le radiesthésiste, par notre soumission aux forces à l’œuvre derrière les pratiques du yoga et de la Méditation Transcendantale — c’est se laisser investir par l’Ennemi, c’est connaître la malédiction.
30 Deutéronome 27.17 ; 19.14-15 ; cf. Proverbes 22.28.
Pour en sortir, il faut d’abord que le patient confesse son recours aux forces occultes ou son propre engagement au service de l’une ou de l’autre des sciences et des pratiques de l’occultisme.
Il sera important aussi qu’il établisse de mémoire — peut-être aussi après avoir prié et demandé au Seigneur de remettre en lumière ce qu’il aurait oublié — la liste de tous les occultistes consultés. Car chacun d’eux peut l’avoir “infecté” à sa manière. Le praticien prendra note et aura soin, dans l’acte de confession et de délivrance, de vérifier que l’opération de nettoyage ne laisse pas, à l’intérieur du patient, “un corps étranger” !
Ce n’est pas parce que le patient a ignoré l’origine des pouvoirs occultes qu’il en est moins contaminé. Ce n’est pas non plus parce qu’en se rendant chez guérisseur ou devin, il doutait de leurs pouvoirs qu’il est ressorti indemne de ses visites. Que répondrait le médecin à un patient si celui-ci lui disait : Docteur, ce n’est pas possible que je sois atteint… Certes, on m’avait laissé entendre que le copain était soupçonné de tuberculose bacillaire. Mais je n’y ai pas cru. Du reste, c’est au cours d’une seule soirée chez lui que nous avons bu au même verre…
Il faut enfin que le patient déclare — en le confessant de ses propres lèvres — qu’il rompt absolument avec l’occultisme et refuse dorénavant tout recours à ces moyens, toute compromission, même en pensée, avec cette fausse spiritualité et ses techniques.
L’acte de repentance ne conduira à la délivrance que si le patient se tourne vers le Seigneur et s’engage à le suivre. Il faudra également qu’il se sépare, c’est-à-dire consente à la destruction de ce qui constituerait un moyen d’oppression aux mains de l’Ennemi.
Colette est arrivée chez moi avec un psychisme détérioré suite à une enfance difficile, suite aussi à une jeunesse délabrée par l’inconduite. L’idée de suicide la hantait. Manifestement, elle cherchait une délivrance. Elle avait trempé dans toutes sortes de pratiques d’évasion et de compensation. Elle confessa beaucoup de choses, entre autres ses essais réussis de divination au moyen d’un pendule.
Quelques visites rapprochées amenèrent rapidement une transformation visible de son état d’esprit, de son caractère, de sa conduite, de ses goûts, même de sa manière de se coiffer et de s’habiller. Elle fit acte de conversion. Mais, à mon propre étonnement, son cheminement spirituel était constamment contrarié. Elle s’épuisait à résister à la pensée du suicide qui, régulièrement, la hantait. Dans la prière, j’avais pourtant lié cet esprit de mort et, au nom du Christ, l’avais chassé. Colette repartait soulagée. mais non délivrée.
Un jour, en accord avec elle, je criai au Seigneur pour discerner ce qui m’était voilé et qui entravait la délivrance de Colette. C’est alors que surgit dans mon esprit une question que je ne lui avais jamais posée :
— Qu’as-tu fait du pendule avec lequel tu cherchais à pratiquer la divination ?
— Je l’ai toujours.
— Mais ne t’avais-je pas dit de le détruire ?
— Oui, mais c’est un bijou que je tenais de ma mère. Et j’avais scrupule de m’en débarrasser. Du reste, tenez, je l’ai avec moi dans mon sac !
Elle sortit, pendue à une très belle chaînette, une boule sur laquelle il y avait, même finement ciselées, une croix et une couronne.
Je pouvais comprendre le scrupule de Colette. J’ouvris alors ma Bible et je lui lus ce que fit Ezéchias quand il constata que le serpent d’airain, fait par Moïse sur l’ordre de l’Eternel, gardé comme un objet précieux depuis des siècles, était devenu en Israël un objet d’idolâtrie. Ni plus, ni moins, “il le mit en pièces” 31.
31 2 Rois 18.4.
Ce que je fis à coups de marteau, avant de passer chaîne et boule dans le sac à ordures, ramassées et portées à l’usine d’incinération.
Cette fois, je pus déclarer à l’esprit de suicide qu’il n’avait plus aucun droit et ne disposait d’aucune porte d’entrée chez Colette. Et je le chassai définitivement !
Maintenant, Colette est délivrée. Heureusement pour elle, elle vivait hors sa famille. En effet, son propre père avait exercé sur elle une très mauvaise influence. Il eût été délicat, même insensé, de l’envoyer affronter ses parents, dans l’état de fragilité psychique et spirituel qui restait le sien, tout de suite après cette délivrance. C’est là un aspect de notre ministère sur lequel j’aurais à revenir dans le chapitre suivant.
En conclusion : avec des patients infestés par l’occultisme, il faut s’enquérir d’abord de leur volonté de reconnaître leur faute, de la confesser dans la repentance, de rompre tout engagement occulte et tout recours à cette abomination, de détruire les objets magnétisés ou utilisés comme support, de détruire également les biens obtenus grâce aux conseils d’un devin ou d’un spirite. Car prier pour la libération d’une personne non convaincue, donc non décidée à tourner le dos à ce chemin de malédiction, c’est demander au Seigneur un exaucement rendu impossible par celle ou celui-là même qui devrait en être le bénéficiaire.
Mais dès l’instant où la personne est disposée à la repentance et à ses conséquences pratiques, avec son accord — encore mieux : avec la collaboration d’un deuxième témoin — il faut lier l’Ennemi au nom du Seigneur, délier la personne du “filet de l’oiseleur” 32, chasser tout ‘‘occupant”, remettre à leur juste place les bornes que l’Ennemi avait déplacées, rétablir la personne dans sa pleine liberté d’enfant de Dieu.
32 Psaumes 91.3.
Dans une libération de ce type, il ne faudrait pas nous laisser arrêter par la pensée qu’une personne chrétienne, même engagée au service de Dieu, ne puisse être liée, ou profondément perturbée. Deux exemples nous en apporteront la démonstration.
Madame B, à la suite de circonstances dramatiques, a été amenée à réfléchir au sens de sa vie. Son passé l’accompagnait en accusateur, au point qu’une nuit, dans un face à face décisif avec le Christ, elle confessa dans une vraie repentance sa longue désobéissance et cria au pardon. Cette même nuit, elle connut une véritable visitation du Saint-Esprit, accompagnée d’un phénomène pour elle bouleversant et inattendu : littéralement, elle vit sortir d’elle plusieurs démons.
Dès lors, sa vie prend un cours tout nouveau. Réponse à sa souffrance de solitaire, elle a trouvé sa place dans une église confessante, c’est-à-dire portant grand intérêt à la vie communautaire. Or, sans raison valable, Madame B s’y révèle peu à peu une personne difficile, dont le comportement est constamment perturbateur de la paix des autres et des liens fraternels communément établis dans une église de ce genre. Pleins de charité, les responsables patientent, puis finissent par ranger cette difficulté sous une étiquette “passe-partout” : mauvais caractère.
Les choses s’aggravant, pasteurs et anciens s’en ouvrent à moi. Au cours d’un partage en présence de Madame B, nous examinons les raisons possibles de cet échec à la fraternité. A la fin de l’entretien, une seule chose est retenue, qui n’est du reste pas convaincante pour tous : Madame B, avant sa rencontre avec le Christ, a milité dans cette hérésie qu’est la Science chrétienne. Pour ma part, je discerne dans ce fait du passé un facteur de désordre. N’est-il pas écrit que dans les derniers jours, il y aurait des esprits séducteurs et des doctrines de démons 33 ?
33 1 Timothée 4.1.
Faute du temps nécessaire à un acte de repentance et à la prière qui doit l’accompagner, nous convenons d’une nouvelle rencontre entre Madame B et moi-même. Nous la fixons dans une église de campagne, pour la simple raison qu’elle est à mi-distance de nos deux résidences, et qu’en un après-midi de semaine, nous n’y serons pas dérangés. Nous sommes en pays protestant !
C’est bien ainsi que les choses se passèrent, fort heureusement pour nous ! Car à l’instant où, agenouillée dans le chœur de cette église, Madame B confessait son égarement dans la Science chrétienne et, au nom du Christ, refusait les conséquences de ce faux enseignement et de ses pratiques, soudain elle ne fut plus elle-même. Un bouillonnement de propos d’une rare violence sortirent de sa bouche. Tout son être fut saisi comme si quelqu’un la tenait à bras le corps et la secouait. Tandis que retentissaient de hauts cris, elle fut comme projetée en l’air. Ses cheveux se défirent, sa robe se retroussa comme si quelqu’un avait voulu la lui ôter. Madame B retomba inanimée, mais sans se faire aucun mal, sur la dalle de pierre froide.
Deux paroles me vinrent immédiatement à l’esprit ! L’apôtre Paul parle de ceux qui, au temps de l’Antichrist, seraient habités par “une énergie d’erreur” 34 (elle est capable de projeter une personne en l’air !) et Marc nous cite une délivrance au cours de laquelle le démon sortit d’un enfant en l’agitant avec violence et en poussant des cris 35.
34 2 Thessaloniciens 2.11 (Segond dit plus platement une “puissance d’égarement”)
35 Marc 9.26.
Je louai Dieu pour sa victoire, priai pour Madame B qui revint à elle, étonnée (on le serait à moins) de ce qui s’était passé. Je le lui racontai brièvement. Délivrée, elle a aujourd’hui pleinement sa place dans son église et n’y est plus du tout un élément perturbateur…
♦ ♦ ♦
Cette délivrance m’apprit que si nous n’avons pas à voir des démons partout, nous avons à appeler à la repentance la personne qui aurait lié sa foi, ne fût-ce que pour un temps bref, à une doctrine démoniaque 36.
36 Voir le chapitre : Connaître l’Adversaire.
Elle m’apprit aussi qu’il n’est pas recommandable d’exercer seul un ministère de délivrance auprès d’une femme, serait-ce à l’écart, dans une église de village. Suivant à quel moment serait entré un passant, qu’aurait-il pensé du spectacle qu’il aurait eu sous les yeux… ?
Le second exemple est aussi instructif à sa manière.
Mademoiselle F a derrière elle un cheminement de service dans la foi. Elle est avant tout une femme de prière. Vivement intéressée par le réveil charismatique, dans le cadre d’une retraite spirituelle, elle connaît une expérience tout à fait nouvelle pour elle : une onction du Saint-Esprit.
Elle en est bouleversée, heureuse, vit une louange fervente. Mais… trois jours après, elle est soudain attaquée dans sa santé. Le côté droit de son visage est boursouflé par un érésipèle qui la fait beaucoup souffrir. Bientôt, l’œil est aussi atteint.
Un traitement énergique est envisagé par le médecin qui ordonne une série de piqûres. Résultat décevant ; non seulement l’infection n’est pas enrayée, mais l’œil est menacé, et les remèdes ont pour effet un délabrement du système digestif, de l’intestin en particulier. Mademoiselle F maigrit à vue d’œil, souffre atrocement, ne dort presque plus. C’est dans cet état lamentable que je la rencontre.
Notre échange met très vite sur mes lèvres une vérité élémentaire : je ne sache pas qu’une onction de l’Esprit Saint ait pour effet un déclenchement de souffrance et de maladie. Par contre, je sais que la présence du Seigneur est insupportable à l’Adversaire.
— Mademoiselle F, avez-vous jamais eu des contacts avec l’occultisme ?
— Moi ? Non !… Jamais…
— En êtes-vous certaine ? Il arrive que notre mémoire soit momentanément défaillante. Ma question a pu vous surprendre. Prenez donc le temps de réfléchir.
— Mais non, je vous l’assure ! Je n’ai jamais eu affaire avec aucune de ces pratiques…
— …Pardonnez-moi de ne pas être satisfait de votre réponse. Je vous crois sur parole. Cependant, je connais l’Ennemi. Accepteriez-vous que nous ayons un instant de prière, afin que le Seigneur mette en lumière ce qu’en toute bonne foi vous pourriez avoir oublié ou effacé de votre mémoire… ?
— Entièrement d’accord !
Nous prions, c’est-à-dire je prie pour Mademoiselle F et pour moi, afin qu’ensemble, nous recevions du Seigneur un don de connaissance et discernions, et la cause de ce mal, et le chemin de la guérison.
Après mon Amen, je m’attends à ce que Mademoiselle F prie à son tour. Au lieu de le faire, elle dit :
— Tandis que vous priiez, deux souvenirs très lointains sont revenus à ma mémoire. J’avais absolument oublié ces choses. Quand j’étais enfant, je ne sais plus exactement pour quelle raison, ma mère m’a conduite chez un “bonhomme” peu sympathique. Je m’étonnais même que ma mère ait pu lui faire confiance et le laisser me toucher. Car, en marmonnant je ne sais quoi, cet homme promena ses mains sur moi pour m’enlever la maladie…
Mais l’autre souvenir m’est encore plus désagréable. Jeune fille, intéressée par les enfants et par l’histoire biblique, j’ai accepté d’être monitrice d’école du dimanche. Le pasteur appréciait mes services et m’aimait bien. Nous eûmes une vente paroissiale. Pour donner un côté attractif à cette manifestation, le pasteur avait consenti aux services d’un devin qui s’offrait à dire notre avenir en regardant les lignes de notre main. Comme les gens redoutaient un peu cette consultation, le pasteur m’a contrainte à me prêter la première à ce jeu, afin de donner confiance aux autres ! Je ne sais plus très bien ce que m’a dit cet homme. Par contre, je me souviens du malaise intérieur qui a été le mien d’avoir été en sa compagnie, de m’être laissée scruter par lui. J’en étais bouleversée, malheureuse… au point que… effectivement, j’avais totalement effacé cet incident de ma mémoire.
— Louange à Dieu qui entend nos prières et veut notre libération. Cette fois, les choses sont claires !
Je demandai à un frère, pasteur lui aussi, et à quelques fidèles proches de Mademoiselle F, de nous assister de leurs prières.
La délivrance ne s’accompagna d’aucune manifestation, si ce n’est qu’à l’instant où, avec la pasteur présent, au nom du Seigneur nous chassions l’esprit méchant et demandions la guérison de notre sœur, celle-ci, inconsciente, chuta à terre. Très vite, elle reprit connaissance, et dans les jours qui suivirent, vit sa santé se rétablir.
Ce que je retiens de cette délivrance, c’est bien sûr la part que nous avons à faire à la sagesse et à l’action du Saint-Esprit, mais c’est aussi un précieux enseignement. Il n’est pas encore agréé des chrétiens. Je me dois donc de souligner que la tiédeur, également la doctrine fidèle mais enseignée et reçue au seul niveau de l’intelligence, peuvent faire bon ménage avec l’Ennemi. La saine doctrine l’inquiétera, bien sûr, parce que le crédit accordé à la Parole est plus inquiétant pour lui qu’une spiritualité rationnelle, même accompagnée d’une savante exégèse. Cependant, cela lui reste supportable. Mais que survienne une véritable onction de l’Esprit, cela n’est plus tenable pour lui. C’est pourquoi, dans une telle situation, il y a combat intérieur, exprimé par la maladie, physique ou psychique. C’est une vérité à connaître, sans qu’elle nous amène — il n’est pas inutile de le répéter — à de faux diagnostics et à des délivrances imaginaires.
A noter que cette situation, insupportable à l’Adversaire, peut surgir, par exemple, au cours d’une réunion de prière. Y aurait-il parmi les participants une personne habitée par un démon, la puissance de l’Esprit Saint en accord avec la ferveur de ceux qui l’invoquent, peut soudain déclencher chez cette personne des réactions désordonnées et incontrôlables par elle. Il serait aberrant qu’au lieu d’envisager la délivrance de cette personne, tel témoin ou participant à la rencontre conclue : Vous voyez bien qu’il est malsain de prier avec ferveur et que c’est dangereux d’invoquer le Saint-Esprit. Mettons un terme à cela. Nous sommes les jouets de l’Ennemi… !
Quand on sait l’étendue de ce mal — aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les adultes qui en sont affligés ; il frappe beaucoup d’adolescents, il atteint même des enfants et on le tient pour un fléau universel — quand on sait la diversité déroutante de ses causes possibles (surmenage, troubles psychiques, troubles physiologiques, déceptions sentimentales, complexes d’infériorité, peur de l’avenir, sentiments de culpabilité, circonstances difficiles, pitié de soi, énervement, séquelles de l’occultisme), on ne s’étonnera pas qu’un ministère de délivrance soit, à chaque instant, confronté à ce type de malades.
Trois tentations guettent le praticien :
1. Faire rapidement un examen de la situation, et suite à la confession de certains péchés, décider d’une imposition des mains, peut-être accompagnée du détachement de certains liens.
Je me souviens de Josette, heureuse en ménage, mère de famille comblée à tous égards, et pourtant dépressive depuis de longs mois. Venue à un cours biblique de deux jours, elle demande un entretien, son mari étant présent. Une demi-heure après, elle repartait libérée, et dès lors n’a jamais connu de rechutes.
2. Entendre de la bouche du patient qu’il a eu contact avec l’occultisme ; en conclure que c’est la cause de tout son mal. Après confession et acte libérateur, déclarer au patient qu’il est guéri et qu’il peut faire confiance au Seigneur.
Jacques, venu dans un camp, inquiétait chacun par son air sombre. Par ceux qui le connaissaient, j’appris qu’il avait des difficultés dans ses relations avec ses collègues de travail. Saisi par de brusques accès de colère, il s’était rendu intolérable. Et cela contribuait à l’isoler encore davantage et à le rendre encore plus fermé. Je décidai de ne pas le laisser repartir sans qu’un dialogue se soit établi entre lui et moi. Après quelques questions, je découvre que Jacques se fait soigner régulièrement par un guérisseur. Une brève explication, une décision de rupture, une prière libératrice au cours de laquelle il est saisi de vomissements, perd conscience et finalement revient à lui, et Jacques repartira du camp tel un homme dans lequel une aube s’est levée.
3. Attitude contraire : prendre beaucoup de temps, étudier une à une les causes possibles de la maladie, chercher à connaître le contexte familial, conjugal, professionnel, social du patient, y passer des heures, des semaines, sans que jamais on ait l’impression d’une vraie libération.
Femme pour laquelle nous sommes nombreux à prier, mère de famille, femme apparemment solide, ayant donné des preuves de son bon sens et de son équilibre, Alice, à la stupéfaction de ceux qui la connaissent, a sombré dans la dépression. Cure d’âme, visites du médecin, internement pendant de courtes périodes (elle fait des tentatives de suicide), rien ne semble l’atteindre, ni la soulager. Elle est vue par un autre médecin… Pas d’amélioration. Elle est suivie par un autre pasteur dont le ministère est particulièrement orienté vers ce type de malades… Après des mois, le mal est toujours là, inchangé, tenace.
Nous décidons de faire appel à un frère connu pour son ministère de délivrance. A quelques-uns, nous nous retrouvons chez la patiente, nous nous engageons dans un combat de prière. Soudain, une vision est donnée, révélant la présence en Alice de deux démons expressément nommés. Ils sont interpellés, chassés, et l’instant d’après, Alice est une femme comme on l’avait toujours connue : souriante, heureuse. Elle est vraiment libérée et ne connaîtra plus de dépression.
Vous demanderez alors : Mais, en fait, où est la tentation ?
A partir de guérisons ainsi rapidement opérées, elle est de croire qu’un ministère de délivrance est une suite de miracles opérables au nom de Jésus, à l’heure où on lui demande d’intervenir et de faire vite parce que, l’instant d’après, d’autres besognes nous attendent.
A cause même de ce que nous savons de l’amour de Dieu et de sa puissance, elle est de dire au malade qu’il va être délivré, à coup sûr, et maintenant, puisque ‘‘aujourd’hui” est à Dieu.
L’expérience aidant, on peut reconnaître certains types de dépressifs. La tentation, c’est de classer le patient dans une catégorie connue et, de ce fait, de ne plus prendre le temps ni la peine de l’écouter vraiment.
Il y a les réussites. On s’en souvient ! Il y a aussi les échecs. Ce n’est pas qu’on les oublie, c’est que les patients ne reviennent pas nécessairement nous voir pour nous dire qu’après un temps effectivement heureux, ils ont connu une rechute. C’est dommage qu’ils se taisent. Cela nous aurait libérés de la tentation du simplisme qui guette nos ministères et nous aurait obligés à quelques remises en cause salutaires pour nous et pour nos patients. Par ailleurs, leur silence pourrait être inquiétant. Se taisent-ils parce qu’ils n’osent pas contredire nos déclarations de guérison ? parce qu’ils craignent de s’entendre dire par les bien-portants que nous sommes : “Vous avez manqué de foi” ? Se taisent-ils parce que nos libérations à durée limitée sont, à leurs yeux, un “signe de notre foi illusoire en un Dieu sans miséricorde et à la puissance surfaite”, ainsi que me l’expliquait un patient déçu ?
Il serait important que tout praticien ait un minimum de connaissances sur ce qu’est une dépression, afin que ses conseils, éventuellement ses interventions, n’ajoutent pas à la difficulté que traverse le patient.
Il n’est pas question ici que nous fassions une étude même sommaire de cette maladie. D’abord, je n’en ai pas la compétence. En outre, la brièveté obligée d’une telle étude risquerait de fourvoyer ceux qui croiraient pouvoir s’en tenir à cette vue d’ensemble simplifiée.
Cependant, sans risque d’erreur, il est loisible de dire d’abord que la dépression est une vraie maladie, au sens où le cancer en est une aussi, et qu’elle peut nous frapper aussi inopinément que ce dernier.
Par ailleurs, elle n’a rien d’une épidémie. Elle n’est pas non plus liée à des facteurs extérieurs déterminants. Certes, elle peut être favorisée par l’hérédité, par des conditions familiales ou sociales difficiles, par une éducation malheureuse, par un accident, par une grossesse éprouvante. Mais dans ce même contexte, une autre personne n’aurait pas fait de dépression. Ce qui revient à dire que cette maladie est en relation directe avec la structure d’une personne.
Donc, première vérité à souligner : une dépression est le signe qu’il y a eu peut-être déficience dans la constitution du “moi”. C’est pourquoi, il y aura lieu d’écouter avec beaucoup d’attention, d’enregistrer avec beaucoup d’intérêt, tout ce que le patient pourra raconter de lui-même, de son enfance, de ses parents, de sa famille, de ses circonstances, etc.
Deuxième vérité : Il est notoire également que, dans de très nombreux cas, la dépression est liée à des questions de relations, c’est-à-dire d’abord à une connaissance et à une acceptation de soi-même, et ensuite à une acceptation des autres. Et là, il faut le dire d’emblée, la complexité des problèmes est très grande. Elle a pour facteurs principaux la sécurité et l’amour qu’à l’âge de l’enfance, la personne a éprouvée ou non auprès de sa mère, de ses parents, puis dans ses premières années de vie au milieu des autres.
Tout l’être est ici concerné : a-t-il été aimé, choyé, caressé, ou au contraire battu, abandonné, livré très tôt à l’agressivité des autres ?
A-t-il été encouragé dans son besoin d’indépendance, de mise à l’épreuve de ses propres forces, de développement de ses facultés créatrices, de quête de l’admiration et de l’approbation des autres ?
Ou, au contraire, a-t-il été couvé, constamment mis en garde, réprimandé à chaque tentative de liberté, culpabilisé à cause de ses erreurs, traumatisé par le comportement, les paroles ou les silences de ses parents ou de sa famille ? Tout cela accompagne une personne tout au long de sa vie, explique plus ou moins la qualité des relations heureuses ou difficiles qu’elle connaît à l’âge adulte.
Troisième vérité : Après l’enfance vient l’adolescence, c’est-à-dire aussi, l’âge de la puberté, la découverte de la sexualité, la relation avec père et mère supplantée par la relation ami et amie, l’acceptation de sa virilité et de sa féminité. Il est évident que ce passage d’un âge à l’autre comporte des risques de conflit avec soi-même, avec les parents, avec le prochain. Suivant ce qu’elles étaient ou n’étaient pas, les notions morales ou religieuses ont pu aggraver les conflits jusqu’à les dramatiser, ou alors, leur donner une importance très relativisée. Ce qui s’est passé à cet âge, au plan de la sexualité particulièrement, émergera souvent dans les difficultés de l’âge adulte.
Quatrième vérité, que l’on n’aurait peut-être pas soulignée il y a cinquante ans&bsp;: Il est difficile de vivre aujourd’hui. Entendons-nous ! Comparativement, notre existence est moins rude, moins pénible, on pourrait même dire moins douloureuse, moins tragique qu’il y a un siècle. Pensons aux difficultés auxquelles il fallait faire face : la mortalité infantile, les travaux harassants ; même avec ses âpres exigences, cette existence-là était infiniment plus facile que la nôtre. Car, aujourd’hui, il n’est pas de jour où, une fois au moins, à cause de ce que nous voyons, entendons, lisons, nous sommes insécurisés, remis en question, quand ce n’est pas accusés, culpabilisés, condamnés.
Et le pire des tourments qui nous est constamment infligé, ce n’est même pas d’être un coupable — coupable de la faim des autres, de la pauvreté des autres, du malheur des autres… (et à de rares exceptions, ces autres ne sont pas à notre porte, ils ne sont même pas dans notre localité, ils sont au Chili, au Vietnam, au Bengladesh, en Afrique du Sud) — le vrai tourment, inconscient mais non moins réel, c’est d’être accusé d’un mal pour lequel, ou bien nous ne pouvons rien faire, ou bien, même avec la meilleure des bonnes volontés, nous ne savons pas que faire.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que dans une telle situation, beaucoup de gens éprouvent finalement de l’angoisse et en deviennent malades.
Dans ce contexte brossé à grands traits, que peut être un ministère de délivrance ?
D’abord un ministère informé, ai-je dit. Cela signifie aussi un ministère qui n’ignore pas les vertus de la médecine.
La complexité évoquée pourrait nous rendre humbles et nous interdire cet ostracisme que certains chrétiens pleins de foi — je me réjouis qu’ils en aient ! — croient devoir prononcer à l’égard des médicaments découverts par la chimie et la psychiatrie. J’aimerais être assuré que ces défenseurs à tout prix de la seule médecine spirituelle en cas de dépression, en d’autres domaines n’ont jamais recours à l’oculiste, au dentiste, au chirurgien, au généraliste, mais s’en remettent à Dieu seul.
Pour ma part, je ne pense pas que le médicament à lui seul soit le remède à la dépression (et je ne connais aucun médecin qui le dise !). Si le médicament momentanément enlève l’angoisse, permet le sommeil, détend les nerfs, donc rend un malade sociable, plus accessible au dialogue, plus réceptif à la parole, pourquoi aurais-je l’audace… ou la stupidité de le lui déconseiller ?
Cela signifie aussi un ministère qui n’ignore pas cette autre forme d’adjuvant que peut être l’ergothérapie ou la musicothérapie ou la relaxation (à ne pas confondre avec le yoga). Par conséquent, il s’interdira de dire à un dépressif que tout cela, c’est “du monde” et n’a aucune valeur, tandis que le recours à la prière serait la seule thérapie recommandable ! Le ridicule ne coûte pas rien, il coûte la peine des autres, scandalisés de notre esprit borné un peu vite confondu, mais par nous seulement, avec le Saint-Esprit…
Et n’allons pas, au sujet des dépressifs, dire du mal de la psychothérapie. Car, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, il se pourrait que dans notre ministère, nous fassions de la psychothérapie sans le savoir. Sauf que la nôtre serait moins intelligente et moins adjuvante que celle des psychothérapeutes préparés à cette tâche. Car ils ont à dessein d’aider tout dépressif à connaître le comment et le pourquoi de ses réactions négatives et maladives en certaines circonstances ou devant certaines personnes.
Non sans raison, un médecin-psychiatre chrétien faisait remarquer récemment que les praticiens, agissant au nom du Christ, ne s’occupaient souvent que ‘‘des gens atteints d’une dépression banale, névrotique ou réactionnelle, mais étaient peu intéressés aux états dépressifs plus complexes (névroses graves et surtout psychoses)” 37. Cela n’est que trop vrai. C’est pourquoi, notre ministère se gardera d’ignorer que, pour l’instant, c’est à la médecine psychiatrique et à ses maisons d’internement que sont souvent confiés les cas difficiles… pour la simple raison que, ni communautairement, ni spirituellement, les chrétiens ne sont préparés à s’en occuper en vérité !
37 Dr M. de Hadjetlache, dans Ichthus Janvier 77, n° 65.
Ainsi positivement informés et largement ouverts au ministère des autres, nous chercherons donc à conjoindre leur ministère au nôtre.
Je n’ignore pas que cela pose quelques problèmes.
Ils ne seraient pas embarrassants si psychologues, psychothérapeutes et psychiatres, étaient ouverts à une collaboration. Cela ne le serait pas non plus s’ils comprenaient qu’aider un homme à retrouver psychiquement ou mentalement une juste relation avec lui-même ou avec les autres, est certes nécessaire, mais que ça l’est aussi d’aider cet homme à retrouver sa relation avec Dieu.
Or, avouons-le, à l’heureuse exception des pionniers de la médecine de la personne ouverts à la dimension spirituelle, ils ne sont pas encore nombreux, les “psy…” disposés à cette utile collaboration, disposés à croire qu’une relation retrouvée avec Dieu peut hâter d’autant le retour d’un homme à l’équilibre intérieur et à l’harmonisation de ses rapports avec le prochain.
Que faire dans ces conditions ?
Je n’aime pas travailler dans le dos de quelqu’un ou en concurrence avec lui. C’est pourquoi, je ne consens pas à m’occuper d’un patient s’il est en traitement, à moins qu’il n’informe son psychologue, son psychothérapeute ou son psychiatre, de mon ministère, en précisant que je le veux complémentaire au sien.
Il est des thérapeutes à qui cette thérapie, même complémentaire, déplaît souverainement. C’est un fait, sans doute regrettable, mais dont il convient de tenir compte. Il est des médecins fermés, voire hostiles à la foi chrétienne. Ils ne peuvent admettre la pensée — ou s’ils l’’admettent, ils refusent d’en tenir compte — que Dieu ait quelque chose à voir avec l’âme et l’esprit de leur patient. Plus simplement aussi, ils s’en occupent humainement, un point c’est tout. Ils ont l’honorable scrupule de ne pas s’aventurer sur un terrain spirituel qu’ils ignorent dans leur propre vie. Disons enfin que plusieurs sont franchement outrés qu’on puisse attribuer au diable telle influence ou action dans la maladie et le comportement de leur patient, et ils ne ménagent pas leurs sarcasmes à ce sujet, parfois aux oreilles même du malade.
En de tels cas, j’attendrai que le patient soit sorti de clinique, ou ait terminé son traitement. En effet, dans ce climat d’opposition, le risque serait trop grand que le malade soit perturbé, que sa guérison soit même compromise parce qu’il serait en conflit avec son médecin, ou culpabilisé à mon égard. De plus, cette tension supplémentaire pourrait l’amener à exagérer la portée des remarques négatives de son médecin ou à perdre sa liberté intérieure déjà si difficile à retrouver. A tous égards, cela serait néfaste pour le patient. En de tels cas, on ose même dire que seul l’Adversaire y trouve son compte.
Comme l’enseigne le pasteur psychothérapeute Maurice Jeanneret, parlant des dépressifs : Rendre un homme plus équilibré, c’est ce que devraient faire la psychothérapie et la psychanalyse. Mais il y a tout le problème de la relation à Dieu et à Christ. Quand on rend cet homme plus équilibré, on l’aide à vivre, mais on n’a pas répondu à tous ses problèmes… Il faut savoir qu’il y a une limite ; et une raison psychologique n’est qu’une raison psychologique… Il y a aussi une limite à la psychanalyse… Il ne faut pas croire que le psychiatre résout des problèmes importants. Le problème important, ce n’est pas lui qui le résout. Je ne vais pas trouver le psychiatre pour me mettre en ordre avec Dieu…
Certes, le praticien travaillera à cette “mise en ordre”, selon la sagesse de la Parole de Dieu. Il s’y référera d’autant mieux qu’il tiendra compte de la complexité de la personne. Pour cela, le secours de l’Esprit Saint lui sera indispensable, mais tout autant le sens de l’humain que nous apprend aussi l’Evangile libérateur.
On n’est jamais au bout de cet apprentissage, et la libération des dépressifs est à chaque fois une redécouverte de tout ce qui nous manque pour être un disciple véritablement secourable aux autres. Heureusement que le Christ vient constamment en aide à nos faiblesses, et qu’il est souvent aussi “le réparateur de nos brèches” 38.
38 Esaïe 58.12.
Le cas de M. Julien nous permettra d’apporter quelques remarques en conclusion.
Ce père de famille aurait été le premier étonné si on lui avait dit qu’un jour il passerait par une dépression. En effet, rien en lui ne laissait paraître qu’il aurait même à lutter contre le suicide. Apparemment, il avait eu une enfance heureuse. Il avait reçu une bonne éducation, il avait été formé à une vie de piété et, à seize ans, il avait fait un bon apprentissage dans un métier qui correspondait à ses goûts. Certes, il y avait eu, à un moment donné, crise spirituelle et abandon de la foi. Mais cette étape n’avait pas été de longue durée et s’était conclue par une conversion à Jésus-Christ. Sa formation le désignait comme un membre auquel une église peut confier des responsabilités. Il les assuma tout en travaillant pour gagner sa vie.
Certes, un détail — un seul — avait un peu étonné ceux qui le connaissaient. Alors qu’il était un homme robuste, sportif, et de nature très heureuse, par moment il réagissait à des situations contrariantes par des crises de colère inexprimée, sinon par des larmes, inhabituelles chez un garçon de cet âge.
Dans le travail qu’il avait entrepris et auquel il se consacrait avec zèle, il ne rencontra pas toujours des aînés compréhensifs. Sa jovialité, son esprit de service, sa volonté d’éviter les conflits, semblaient favoriser leur autoritarisme. Comme le dira M. Julien, il dut “en ravaler”, souvent et longtemps, rentrant ses colères et ses déceptions, croyant ainsi rester humble et manifester de l’amour envers les autres.
Un jour, dans un conflit qui non seulement mettait en cause la compétence professionnelle de M. Julien, mais contestait la valeur du travail qu’il avait accompli, sans égards, ses patrons lui signifièrent son congé. Il ne sembla pas autrement s’en émouvoir. Il changea de lieu de travail, trouva un nouvel emploi dans la ligne de ses compétences et de ses désirs de servir le Christ. C’est dans cette activité que, peu à peu, et toujours plus gravement, il connut des réactions qui le submergèrent.
Cela commença par une fatigue qui le rendait distrait, velléitaire, inconséquent. Il décevait ses employeurs par ses oublis, par une espèce de fuite devant ses responsabilités. Ce n’était plus le même homme. Il connaissait des crises d’angoisse, et quand il était au volant, il manifestait une agressivité qui le rendait dangereux sur la route. Il avait des crises de larmes qu’il ne pouvait contenir. Sa vie spirituelle s’étiolait. Son sommeil était perturbé par des cauchemars. Sur le conseil d’amis, il prit des vacances. Il sembla aller mieux, mais dès la reprise de son activité, ses angoisses recommencèrent. Il décida d’aller voir un psychothérapeute.
A l’évidence, M. Julien faisait une dépression dont la cause était, pour l’instant, difficilement repérable. Médicaments, heures d’entretien, atténuèrent la violence des angoisses. Le diagnostic établi laissait paraître avant tout une agressivité comprimée, refoulée, et présageait de véritables dégâts si elle venait à s’exprimer un jour. Je fus alors consulté par M. Julien et son épouse, et cela en plein accord avec le psychothérapeute qui le soignait.
Comme souvent en pareil cas, surtout si le patient est un chrétien, il convenait d’abord de rétablir en M. Julien la certitude que son état dépressif n’était nullement le signe d’une rupture entre Dieu et lui, et encore moins le signe d’un jugement ou d’un abandon de Dieu. Il fallait aussi et pareillement enlever de son esprit la pensée débilitante qu’il avait raté sa vocation et gâché le travail que Dieu lui avait confié. Mais cela n’était qu’un aspect du problème, et non le plus important.
Heureusement, je pus contrôler auprès du psychothérapeute mes propres constatations. Il était devenu clair que, sous des apparences heureuses, M. Julien avait eu une enfance perturbée par diverses circonstances.
Une éducation religieuse stricte avait ajouté ses “défense de…” et ses “tu dois”. Le refoulement qui en résultait constituait en M. Julien un substrat de mauvaise venue. Tôt ou tard, il ne laisserait pas de produire ses effets. Ils auraient été considérablement réduits si, après sa conversion, M. Julien avait trouvé un milieu où ses initiatives auraient été peut-être canalisées, mais aussi soutenues et non pas réprimées. Ajoutons-le : si, dans le milieu où il travaillait, il avait rencontré un aîné auprès duquel il aurait eu liberté de dire ses réactions, d’exprimer ses déceptions, de parler de ses colères rentrées, il aurait peut-être évité la crise par laquelle il passait.
Pour être vrai, les choses ne vinrent pas en lumière aussi facilement que je les raconte. M. Julien était retenu de les dire par son souci “légaliste” de ne jamais se fâcher, de rester humble et déférent envers les autres, de les aimer quel que soit leur comportement. J’ai souligné ailleurs quelle arme puissante peut devenir, aux mains de l’Ennemi, même la loi d’amour. Elle avait constitué en lui une véritable barricade. C’est après des heures d’entretien, soit avec le psychothérapeute, soit avec moi-même, que tout cela peu à peu s’éclaira. C’est aussi en invitant M. Julien à me raconter ses rêves cauchemardesques que je discernai ce que recelait son subconscient.
Au plan extérieur, les choses n’allaient pas mieux. A certains moments, l’angoisse l’emportait en lui sur tout raisonnement. Vint ensuite une période inquiétante, où M. Julien avait des pensées de violence de plus en plus incontrôlables. Cette hostilité ajoutait à sa culpabilité constamment ravivée alors que je luttais pour l’éteindre, lui rappelant qu’un cœur droit et aimé de Dieu, ce n’est pas nécessairement un cœur rempli d’amour, maïs un cœur qui reconnaît les sentiments réels qui l’habitent.
A mon étonnement et à celui du psychothérapeute qui l’accueillit chez lui à ce moment-là, survint une crise aiguë, où M. Julien tourna contre lui-même sa violence jusqu’ici contenue. C’est miracle qu’il ne se soit pas fait de mal. Nous étions à la limite du tolérable. Nous ne pouvions envisager une nouvelle crise. C’était ou bien l’internement, ou bien… la délivrance !
Dieu sait si je la demandais et en cherchais le chemin, avec quelques amis unis dans la prière. Le Seigneur, témoin de nos combats, ne peut nous laisser sans réponse quand nous prions. Comme le dit Frommel : On ne fait pas la lumière en se rongeant l’esprit dans les ténèbres, mais en se plaçant à la clarté du soleil.
A quelques reprises, nous avions cru à la victoire. Mais une ou deux semaines plus tard, ce que nous pensions établi et reconstruit se trouvait par terre, comme démoli. Pour moi, ce saccage renouvelé était signé. J’y reconnaissais la griffe d’un malfaiteur connu…
A certaines occasions, un détail, puis un autre, m’avaient frappé. M. Julien avait des expressions que je pouvais difficilement lui attribuer. Et le thérapeute avait fait une remarque significative, après la scène dont il avait été le témoin : Je suis complètement dérouté… Ou bien, M. Julien est atteint mentalement, ou bien, il y a en lui quelque chose qui tient du démon.
Son propos était une confirmation. J’avais moi aussi la certitude que si l’âme de M. Julien était malade — parce que très sensible et, de ce fait, malmenée depuis trop longtemps par trop de gens et trop de circonstances difficiles — dans ce terrain mouvant, l’Ennemi avait établi ses quartiers. Etait-ce par le biais de la colère, par des blessures d’amour-propre, par des sentiments de culpabilité, par des complexes d’infériorité ? Je ne le sais. Je savais par contre qu’il n’y aurait changement, puis convalescence et totale guérison, que si cet Ennemi était délogé. Je priai dans ce sens.
Comme souvent dans mon ministère, je ne choisis pas l’heure de l’affrontement. Je m’y prépare et laisse le Seigneur en fixer la condition et les circonstances. Elles se présentèrent un jour, alors que M. Julien, accompagné de son épouse, était venu me voir. Nous avions eu un moment d’échange des plus paisibles, suivi d’une prière commune. Soudain, suite à une remarque de ma part qui contrariait un propos étonnant de la bouche de M. Julien, l’Ennemi se démasqua. M. Julien n’était plus lui-même. Je passe sur les détails de cette manifestation démoniaque. Disons qu’elle était intolérable et que de toute évidence l’heure était venue de libérer M. Julien. Comme le démon obtempérait difficilement à l’ordre que je lui donnai, je criai à M. Julien : Invoquez le Seigneur à votre aide… Invoquez le Christ ! Il le fit, et aussitôt, ce fut la délivrance…
♦ ♦ ♦
Je ne m’arrêterai pas à la convalescence qui suivit, sinon pour relever un fait important : de longue durée, elle fut un affrontement victorieux, successivement avec trois autres démons.
Mes remarques ?
Elle souligneront d’abord ce que j’aimerais faire entendre à tous les thérapeutes :
— J’étais reconnaissant à celui qui, par ses remèdes adéquats, sa formation professionnelle, ses réflexions suite aux entretiens avec M. Julien, contribua grandement à cette délivrance. Notre unité a été certainement un facteur important et rassurant pour M. Julien. Avec des risques, certes, nous lui avons évité l’internement et, dans son état, cela n’était pas rien.
Avec le même accent fort, et sans que j’aie à donner toute ma réponse, je demande : Que serait devenu M. Julien s’il avait été uniquement traité par un psychothérapeute ? Ne serait-il pas aujourd’hui au nombre de ces patients qui, après des séjours répétés en clinique, des recours périodiques à leur médecin, vivent tantôt mieux, tantôt plus mal, plus ou moins prisonniers de leurs remèdes, guéris par période, c’est-à-dire jamais délivrés… ?
— Elles souligneront que le cas de M. Julien est démonstratif de la solidarité entre générations, de l’importance des premières années de la vie d’un enfant, des répercussions que peuvent avoir les défaillances d’un couple, de la valeur d’une éducation qui aère au lieu d’étouffer, qui fait la part des difficultés, de l’effort, des dangers, de l’opposition mesurée, au lieu d’écarter tous les obstacles et d’amollir les gens jusqu’à les priver de colonne vertébrale.
Et cela signifie en vérité que le ministère de la délivrance, s’il a besoin de serviteurs à même de chasser les démons, a tout autant besoin de pédagogues capables d’éduquer les jeunes, mais aussi capables de former les jeunes à leur futur métier de parents. Est-ce à cette révolution-là que se passionnent les enseignants d’aujourd’hui ?
M. Julien aurait évité la dépression et traversé sans doute différemment ces années difficiles si, dans son église, il avait trouvé en même temps qu’un bon enseignement et de nombreuses activités, un ou des anciens formés à leur métier de berger, capables également d’éduquer leurs brebis, de discerner celles qui sont malades, de panser celles qui sont blessées, de libérer celles qui se déchirent aux barbelés de la vie. Est-ce à cette implication pratique de l’Evangile que se passionnent les pasteurs d’aujourd’hui ?
— Elles souligneront enfin qu’il n’y a pas de principes à établir quant à la marche à suivre avec des dépressifs. Si M. Julien avait rencontré le Christ lui-même, sans doute qu’en un instant, son passé aurait été dévoilé, ses souvenirs auraient été épurés, son identité véritable mise en lumière, ses angoisses dissipées, et les démons mis en fuite.
Le disciple a une envergure limitée et des moyens mesurés. Il fait les choses à son rythme, les prenant une à une, dans un ordre personnel, en tenant compte des circonstances, des possibilités offertes, de ce que Dieu lui permet d’accomplir en réponse à sa foi et à sa prière.
Peut-être cependant y a-t-il une règle à souligner : devant la faiblesse d’un dépressif, on serait tenté de le protéger alors qu’il est malade d’avoir été entouré de protection; on serait aussi tenté de vouloir le comprendre en le plaignant, alors qu’il aurait justement besoin de rudes propos ; ou bien, on serait tenté de lui dire : “Tu exagères, tu t’angoisses de choses imaginaires”, alors qu’un silence de notre part lui aiderait à dépasser son angoisse. On serait tenté, enfin, devant sa fuite — pour ne pas dire parfois son recours à la maladie — de prendre des décisions à sa place, de lui dicter des comportements, alors qu’il faut se taire et patienter jusqu’à ce qu’il suggère lui-même une solution possible. C’est pourquoi, s’il était une règle à retenir — et elle est à observer dans tous les cas — c’est que Dieu utilise les choses faibles pour confondre les fortes, et les choses folles pour confondre les sages. Cette règle-là nous donne un profond espoir quand il s’agit de venir en aide à un dépressif.