Il y a deux opinions sur ce point. Fischer, Borger, Keil, Koppe, Mynster, Niemeyer, Van Heyst admettent trois voyages de Paul en Galatie ; le premier (Actes 14.6), pendant lequel il aurait converti les Galates ; le second (16.6) ; le troisième (18.23). Hug, Eichhorn, Bertholdt, Flatt, Schott, de Wette, Winer, Rückert, Néander ne croient qu’aux deux derniers, et fixent l’époque de la fondation dans le premier, qui est selon eux celui d’Actes 16.6. Voici les arguments et les réponses.
A. Galates 2.13. Paul cite Barnabas d’une manière qui fait supposer que les Galates le connaissaient ; or Barnabas s’était séparé de Paul (Actes 15.39), et n’était plus avec lui lors du voyage mentionné (Actes 16.6) ; donc Paul et Barnabas avaient déjà vu auparavant et ensemble les Galates ; d’où il suit que le voyage (Actes 16.6) n’est pas le premier. — R. Il n’était pas nécessaire que Barnabas fût personnellement connu en Galatie pour que Paul pût le citer. Cet évangéliste était déjà célèbre dans toute l’Asie, puisque les Grecs l’appellent le quatorzième apôtre. D’ailleurs, pourquoi les Galates n’auraient-ils pas pu avoir entendu parler de lui, ou le connaître déjà par les discours mêmes de Paul ? N’est-il pas parlé dans cette même épître (Galates 1.18 ; 2.9) de Jean, de Jacques, de Pierre ? Et qui prouvera qu’ils étaient alors connus de visage des églises galates ! Cependant ils sont tout, aussi bien supposés connus que Barnabas !
B. Les passages (Actes 15.36 ; 16.5) nous enseignent que le but de ce second voyage apostolique fut de visiter les frères et de les affermir dans la foi. — R. Cette assertion est inexacte, car nous voyons clairement que Paul aurait prêché en Asie et en Bithynie (16.6-7), s’il n’en eût été empêché. De fait, dans ce voyage n’annonça-t-il pas l’Évangile en Macédoine pour la première fois (Actes 16.10) ? Luc, du reste, distingue entre les Galates d’un côté, et de l’autre les églises que l’apôtre voulait raffermir ; il renferme entre 15.10-16.5, les frères à vivifier, et arrêtant là l’accomplissement de ce but particulier, il commence au v. 6 à parler de la Phrygie et de la Galatie, pour la première fois, et poursuit l’histoire, non du raffermissement et des visites, mais de l’évangélisation et des nouveaux succès.
C. Ces deux preuves, dit-on, sont en harmonie avec Actes 14.6, où se trouve cité le premier voyage de Paul en Galatie, car les villes Lystre et Derbe appartenaient à cette province. Dion Cassius nous dit qu’Amyntas, tétrarque de Galatie et roi de Pisidie, reçut du triumvir Antoine quelques marches limitrophes de la Lycaonie, de la Pamphylie et de l’Isaurie, et qu’après la mort d’Amyntas, la Galatie et la Lycaonie furent réduites en provinces romainesk. Pline déclare en outre que la Lystrie était habitée par les Galatesl ; Paul avait donc visité ce peuple dans son premier voyage apostolique. — R. Luc, au contraire, sépare avec beaucoup de soin de la Galatie (Actes 16.1, 6 ; 18.23) Lystre et Derbe, qu’il donne à la Lycaonie (14.6). Il cite la Phrygie, la Galatie, et deux fois la Pamphylie comme provinces distinctes (Actes 14.24 ; 15.38, etc.). Les géographes peuvent bien embrasser d’un seul nom les terres sur lesquelles règne un prince, mais le peuple continue de les appeler de leurs noms propres, antiques et habituels ; or, d’après le récit de Luc, nous voyons qu’on en agissait alors ainsi ; voilà pourquoi, d’après les Actes, on ne pourra jamais prouver que Paul, dans ce premier voyage, ait visité la Galatie proprement dite. La question est toute ici : du temps de l’apôtre, était-il consacré par le langage, que par Galates simplement on entendît Néogalates ? Or, cette supposition, loin d’être démontrée, a contre elle le témoignage positif de Luc, et ce que nous ayons dit § 1. ; l’argument est donc nul.
k – Dio Cass. 49, 32. p. 411-53, 26. p. 514. Strab. l. 12 p. 392.
l – Pline, l. 5, c. 37, 32.
D. On ajoute que les mots quartiers d’alentour (Actes 14.6) peuvent indiquer la Galatie. — R. Eichhorn a nié avec raison que ce mot grec puisse s’entendre d’une province entière, d’une vaste région. Prenons en outre une carte géographique ; l’apôtre, chassé d’Iconium dans les villes de Lystre et de Derbe, se dirigeait vers le midi, et comme la Galatie est située au nord, séparée de la Lycaonie par la Phrygie, ces deux mots ne peuvent absolument pas se rapporter à elle.
E. La Galatie prise dans ce sens large, on arrive à une autre preuve. Paul (Galates 4.14-15) parle de la joie avec laquelle il fut reçu lorsqu’il était tenté dans sa chair, affligé de maux extérieurs. On peut rattacher cette joie à ce que nous lisons des habitants d’Antioche, ville de Pisidie, qui avaient embrassé le christianisme avec bonheur (Actes 13.14, 48), et à Actes 14.19 où nous voyons l’horrible traitement que les Juifs de Lystre firent subir à l’apôtre. — R. Qu’on voie dans cette infirmité de la chair une maladie ou des vexations juives, il n’en résulte pas qu’on ne puisse entendre les paroles de Galates 4.14-15, que du voyage cité Actes 13.14 ; car rien n’empêche d’admettre que dans le voyage Actes 16.6, Paul ait souffert des maux pareils quoique Luc les passe sous silence, puisque nous savons que quelquefois par brièveté l’historien sacré n’a pas exposé toutes les paroles et tous le faits de son héros. L’explication de ces mots dans le commentaire renfermera une nouvelle réponse ; et enfin nous dirons que cette raison, ne s’appuyant uniquement que sur les troisième et quatrième arguments, tombe avec la réfutation déjà donnée de ceux-ci.
Ainsi les preuves en faveur de trois voyages de Paul en Galatie (Actes 14.6 ; 16.6 ; 18.23), sont sans fondement. En nous en référant au récit simple et naturel de Luc, il n’y en a que deux ; le premier (Actes 16.6) ; le second (Actes 18.23), où il est dit que l’apôtre traversa la contrée de Galatie et de Phrygie, fortifiant les disciples. Les Galates avaient donc été convertis dans la première visite (16.6), et alors nécessairement, c’est-à-dire, dans la seconde grande course missionnaire qui commença vers la fin de l’an 52, au retour de la conférence apostolique de Jérusalem.