Il nous reste encore à dire quelques mots sur les obstacles à la prière; ces quelques mots ont même une importance capitale. Ce que nous avons dit jusqu’ici n’est qu’une préface à ce que nous devons ajouter maintenant. Il nous faut, en effet, considérer un côté étrange de la prière; étrange, uniquement parce qu’il ne nous est pas familier; car, tout étrange qu’il soit, il n’en contient pas moins le noeud de la question. C’est là que se livre la bataille des batailles et l’on peut s’étonner qu’il en soit si peu fait mention; car, si la prière avait été vraiment comprise et nettement pratiquée, il y aurait de plus grandes défaites, de plus grandes victoires: défaites de l’ennemi, Satan; victoires de notre prince légitime, Jésus.
Voici ce qui en est: Satan a le pouvoir d’entraver la réponse... pour un temps; de retarder le résultat... pour un temps. Il ne peut retenir la réponse définitivement si l’intéressé comprend vraiment la prière et l’exerce avec une persévérance ferme et tranquille. L’effort principal de la prière doit donc être dirigé contre Satan.
Notre génération se soucie fort peu de Satan et, à la rigueur, on peut l’en excuser. Les différentes conceptions qui existent sur Satan; ses armées, ses attributs, qu’un Dante, un Milton, un Doré, ont rendus classiques; toutes ces productions littéraires et artistiques ont beaucoup contribué à obscurcir la question. Les images que ces artistes évoquaient ont été—qu’ils le voulussent ou non—presque universellement prises à la lettre. Tout homme familier avec les agissements de Satan reconnaîtra là, une fois de plus, sa parfaite habileté. Qu’importe qu’on le caricature, qu’importe qu’on ne tienne nul compte de lui, si, par là même, il peut consolider son pouvoir.
Les cornes, les sabots, la queue fourchue et tout le reste ont pour but de donner à cet être une forme matérielle. Ce sont des représentations grotesques au dernier point et elles font de Satan une vraie caricature. Celle-ci disproportionne et exagère si bien son objet qu’elle le rend hideux et ridicule. A notre époque, où l’on examine les fondements de toutes nos connaissances, on s’est détourné tout naturellement et inconsciemment de ce Satan dont on nous faisait de telles représentations; mais sous la caricature se cache toujours une vérité. Il est évidemment facile d’ignorer cette vérité quand elle se dissimule sous le masque de la caricature; prenons garde, cela est dangereux; oui, il est toujours dangereux de fermer les yeux devant la vérité.
Nous éprouvons un vrai réconfort, voire un grand intérêt, à passer de ces conceptions littéraires à celles de l’Ecriture. D’après la Bible, Satan possède une grande beauté; il occupe maintenant encore une haute position; il est doué des pouvoirs intellectuels les plus remarquables; c’est le chef de la plus admirable et de la plus compacte organisation; et cette organisation, grâce à son adresse extraordinaire, il l’a utilisée avec succès pour seconder ses buts ambitieux.
De plus il n’est pas encore enchaîné. A ce propos, je me souviens d’une conversation que j’eus un jour dans le local d’une Union Chrétienne de Jeunes Gens, avec un jeune pasteur. C’était dans une ville minière du sud-ouest des Etats-Unis, ville qui, comme tant d’autres semblables, offre mille tentations, mille occasions de pécher. Le jour précédent, un dimanche, avait été rempli par des services spéciaux; nous avions donc été très occupés et ressentions quelque fatigue. Comme nous nous reposions en causant tranquillement, je fis remarquer à mon ami quel beau jour ce serait que celui du millénium. Il me répondit immédiatement: «Nous sommes maintenant dans le millénium».—«Mais, repartis-je, je croyais que Satan devait être enchaîné à cette époque. La Bible ne dit-elle pas quelque chose d’approchant?»—«Parfaitement, me dit-il, mais je crois que Satan est actuellement enchaîné». Je ne pus alors retenir la réponse que j’avais sur les lèvres et je lui dis: «S’il est enchaîné, il faut avouer que sa chaîne est terriblement longue, car elle semble bien peu l’entraver dans son action».
D’après tout ce que nous pouvons voir, ce prince puissant n’est pas encore enchaîné, et nous ferions bien de mieux nous renseigner à son sujet. La vieille maxime militaire: «Apprends à connaître ton ennemi» devrait être observée de plus près dans ce cas.
Fait curieux, le plus ancien des livres de la Bible et le plus récent, Job et l’Apocalypse, nous donnent des renseignements très précis sur Satan. Ces deux livres, ajoutés aux renseignements tirés des Evangiles, nous fournissent presque toutes les données nécessaires pour connaître Satan. En effet, les trois ans et demi que dura l’activité de Jésus forment, à notre connaissance, la période où le diable déploya sa plus grande activité. Les allusions que Jésus lui-même fait à son sujet sont nombreuses et positives. Il y a quatre passages sur lesquels je tiens spécialement à attirer votre attention; je dis quatre, mais je ne veux pas dire par là que mes assertions reposent sur ces quelques textes isolés; non, une vérité si importante n’est pas liée à quelques textes détachés: elle se rencontre à travers la Bible tout entière; on peut dire qu’elle y est comme tissée.
Semblables à deux fils qui se croisent et forment la trame et la chaîne d’une pièce d’étoffe fine, deux faits parcourent les Ecritures, du commencement à la fin. Où que vous promeniez vos ciseaux dans le fin tissu auquel on peut comparer la Bible, vous rencontrerez ces deux fils. Ils se croisent et se mêlent d’une façon inextricable. L’un est noir, noir charbon, noir comme de l’encre; l’autre est brillant, pareil à un rayon de gloire. Ces deux fils sont partout. Le noir est un ennemi. Parcourez l’Ancien et le Nouveau Testament, de la Genèse à l’Apocalypse; vous y trouverez toujours l’ennemi; il est pénétrant, subtil, malin, cruel, obstiné; c’est un maître.
Le deuxième fil, ce sont les chefs que Dieu a choisis et qui tous ont été avant tout des hommes de prière. Ils sont aussi des hommes de puissance, non seulement comme prédicateurs, mais encore comme personnalités capables d’influencer leurs frères. Toutefois, ils sont avant tout des hommes de prière. Ils donnent à la prière la première place. Cette affirmation ne comporte, à ma connaissance, qu’une exception frappante: le roi Saul. Bien plus, l’étude de cette exception projette une brillante lumière sur le caractère de Satan. Car Saül semble être, dans la Bible, la plus grande illustration de l’oeuvre de ce prince renégat et déchu. Les passages que nous voulons étudier spécialement forment comme les modèles, les échantillons d’une étoffe: le dessin y est particulièrement accentué, les couleurs y sont plus nettes. L’exemple typique est fourni par les Evangiles, où les couleurs atteignent leur plus vif éclat, où le contraste est le plus saisissant.
2. Prier, c’est lutter
Venons-en donc à la Bible, car ce que nous savons, c’est d’elle seule que nous le tenons; le reste n’est que supposition. Les seules données décisives que nous ayons sur Satan semblent être celles que ce Livre nous donne. Nous commencerons par le Nouveau Testament.
L’Ancien Testament est le livre des images, le Nouveau celui des explications et de l’enseignement. L’enseignement que nous donne l’Ancien Testament emprunte les méthodes de la pédagogie enfantine: c’était alors le meilleur mode d’enseigner, car le monde n’était qu’un enfant. Le Nouveau Testament, par contre, procède par préceptes. Nous trouvons aussi ce procédé dans l’Ancien Testament, où il est très employé également; de même l’enseignement imaginé joue un rôle important dans le Nouveau Testament, témoin les Evangiles qui sont émaillés de paraboles; mais ce que je veux dire, c’est que l’enseignement au moyen de paraboles et d’exemples est la caractéristique de l’Ancien Testament, tandis que l’enseignement par voie de préceptes est celle du Nouveau.
Prenons maintenant l’épître aux Ephésiens. Cette lettre est en somme une prière, ce qui déjà est un point tout à fait significatif. Parmi les treize lettres de Paul, celle qu’il adressa aux Ephésiens est spécialement une lettre-prière; quand l’apôtre l’écrivit, il priait.
Paul a beaucoup de choses à dire à ces frères qu’il a gagnés à Christ, mais il les glisse dans sa prière, comme autant de parenthèses. La phrase qui sans cesse unit les différentes idées est celle-ci: «Voilà pourquoi je prie... je fléchis les genoux», Puis, cet homme, à l’esprit exceptionnel, passe à la condition des Eglises et donne quelques exhortations pratiques toujours nécessaires à la vie de tous les jours. La prière reprend ensuite et l’épître atteint son maximum de force dans un paragraphe remarquable sur la prière. La plus belle partie de cette lettre-prière, c’est cette courte étude, et la plus belle partie de cette étude, c’est la prière. Il prie et le fait de prier le pousse à encourager les autres à l’imiter. Ouvrons notre Bible pendant cet entretien et mettons sous nos yeux ce sixième chapitre, des versets dix à vingt exclusivement.
Le but principal de toute vie chrétienne semble d’une clarté parfaite à ce vétéran des champs de bataille: «Que vous puissiez tenir contre les ruses du diable».
L’apôtre semble n’avoir eu aucune difficulté à croire en un diable personnel; probablement qu’il avait eu trop de corps-à-corps avec lui pour pouvoir en douter. Pour Paul, Satan est un chef rusé, habile à profiter pour la lutte de toutes les ressources et de tous les avantages.
Ce passage du chapitre sixième nous montre deux choses: en premier lieu, quel est le véritable ennemi, contre lequel la bataille se livre, et, en second lieu, il indique avec une intensité extraordinaire les armes qui le mettent en déroute.
Quel est le véritable ennemi? Ecoutez: «Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang»—donc pas contre les hommes; cela, jamais! contre quelque chose de plus subtil—«mais contre les dominations»—c’est-à-dire une organisation compacte d’individus—«contre les autorités»—non seulement organisées, mais douées d’une haute valeur intellectuelle—«contre les princes de ce monde de ténèbres» ce sont des princes et non de simples mortels—«contre les esprits méchants dans les lieux célestes»—des esprits, des. armées d’esprits qui ont élu leur quartier général quelque part, au-dessus de la terre. L’ennemi, ce sont des milliers d’êtres spirituels et intelligents, formant un tout solide et uni, souverains du royaume des ténèbres; leur centre d’activité est au-dessus de la terre, au-dessus du trône de Dieu; mais ils sont en relations continuelles avec les habitants de la terre.
Dans le deuxième chapitre de l’épître, la tête de cette organisation est appelée «le prince de la puissance de l’air». {Eph 2.2}
Puis, dans une de ces périodes fortement ordonnées qui lui sont familières, saint Paul nous dit comment la victoire sera gagnée. Cette phrase comprend sept versets qui forment une gradation ininterrompue.
Il y a six membres de phrase qui conduisent à l’affirmation centrale et qui énumèrent les pièces de l’armure d’un soldat romain armé pour la bataille: les reins ceints; la cuirasse recouvrant la poitrine; les pieds chaussés; le bouclier passé au bras; le casque sur la tête et l’épée à la main. Un légionnaire romain, lisant ce qui précède ou entendant Paul prêcher, s’attendrait à cette conclusion: «et combattant de toute votre force».
Ce serait évidemment la conclusion logique de tout le développement. Mais quand Paul atteint le dernier degré de la gradation, il laisse tomber la figure de rhétorique pour introduire ce avec quoi, dans notre cas, la bataille est gagnée: «en priant intensément». Au lieu du mot attendu «combattant», arrive «priant». Notre lutte consiste à prier. La prière est une lutte, une lutte spirituelle. Ce vieillard, à la fois évangéliste, missionnaire et évêque, nous dit donc par là que nous sommes en pleine mêlée. La guerre est déclarée. Comment combattrons-nous le mieux?
Tout d’abord, mettons-nous dans les meilleures dispositions possibles pour prier; puis, armés de la force que donne la prière et de notre intelligence, prions!
Ce mot de Paul: «priant» est le point culminant de cette longue gradation, la quintessence de toute l’épître. L’action qu’il indique attaquera victorieusement le flanc de l’ennemi et le mettra en déroute, car il ne peut résister au travail qui se fait à genoux, à la prière persévérante.
Remarquez maintenant avec quelle profondeur Paul décrit l’homme qui agit ainsi par la prière. Sous les noms des six parties de l’armure se cachent six qualités: une claire compréhension de la vérité; une vie tout à fait soumise; un service sérieux; une foi simple et forte en Dieu; une assurance parfaite de son propre salut; une connaissance exacte des liens qui nous unissent à Dieu; une bonne intelligence de la vérité à présenter aux autres; voilà ce qui prépare un homme pour le combat victorieux de la prière.
L’homme qui remplit ces conditions—et qui prie—met en déroute les armées du prince renégat. Celui qui prie est invincible, grâce à son Chef, Jésus. L’équipement du soldat est simple; pour l’obtenir, il suffit de le désirer sérieusement.
Etudions encore l’affirmation essentielle qui termine cette période; elle est hérissée de pointes, telles celles des baïonnettes. Les instructions qu’elle contient sont celles d’un général la veille d’une bataille. «Faites toutes sortes de prières et de supplications—c’est l’intensité de l’action—, priez—c’est le motif général—, en tout temps—sans cesse, nuit et jour; par le chaud comme par le froid, par le beau temps comme par la pluie—, par l’Esprit—guidé par le Chef—et veillez à cela—vigilance ininterrompue; le mot veille est un mot militaire; surveiller l’ennemi, surveiller ses propres forces—avec une entière persévérance
– puissance de l’action, joyeuse, tenace, obstinée—pour tous les saints—il faut être en contact avec toute l’armée—et priez pour moi—moi, c’est le chef de la terre, le ralliement autour du chef direct.»
Voilà donc l’ennemi à combattre et la tactique qui le mettra en déroute.
Revenons maintenant à la partie imagée de la Bible pour obtenir une illustration et une explication des paroles de Paul. Nous la trouvons au chapitre dix du livre de Daniel.
Daniel est un homme âgé. Exilé, il n’a pas vu depuis son enfance les vertes collines de son pays natal. Vivant à Babylone, ville construite sur un terrain plat, il regrette ses chères montagnes de Palestine et gémit sur le sort pitoyable de son peuple. Il a étudié les prophéties de Jérémie et y trouve la promesse certaine que les Hébreux, au bout de soixante-dix ans, pourront regagner leur patrie. Retourner dans la patrie! A cette simple pensée, son pouls bat plus vite; le voilà qui compte les années. Les soixante-dix ans sont bientôt révolus! Daniel consacre alors une partie de son temps à la prière; il assiège, pour ainsi dire, la place de ses supplications.
Vous savez certainement ce qu’était Daniel. Premier fonctionnaire du pays assyrien, c’est lui qui dirigeait, sous le contrôle du roi, les destinées du plus grand empire de l’époque. Homme de force et de ressources, c’était un vrai génie administrateur.
Il répartit son travail de façon à être libre un certain temps et, emmenant avec lui quelques compatriotes qui partageaient ses aspirations, il se rend dans une forêt qu’arrose le Tigre. Là-bas, ils passent un jour dans le jeûne, dans la méditation et dans la prière; leur jeûne n’est pas absolu; ils se contentent simplement d’une nourriture frugale. Je suppose que, pendant ce temps de retraite, ils prient isolément ou réunis; puis ils lisent les prophéties de Jérémie, les méditent, les discutent et se remettent à prier, Ils passent de cette façon un jour entier à lire, méditer et prier.
Ils attendent une réponse; ils l’attendent fermement. Point de réponse. Un deuxième jour passe, un troisième, un quatrième, une semaine... et toujours pas de réponse. Sans aucune hésitation, ils continuent à faire monter au Ciel leurs supplications. Deux semaines! Comme cela dut leur paraître long! Représentez-vous ce que sont quatorze jours d’attente, d’attente fébrile; l’esprit est tendu vers l’objet que l’on désire. Pas de réponse!’ Dieu pourrait être mort, selon le mot de Catherine Luther, puisqu’aucune réponse ne leur parvient. Mais Daniel n’était pas un homme à se laisser déconcerter si facilement. Il sait, pour l’avoir pratiquée, la valeur de la prière. Il ne songe donc nullement à se décourager; non, il va de l’avant, il persévère. Vingt-trois jours passent sans amener aucun changement. Et toujours ils persistent. Puis arrive le vingt-quatrième jour et, avec lui, la réponse désirée. Il est accordé à Daniel une vision dont l’éclat dépasse ce qu’un homme peut supporter; après quelques instants, lorsqu’il peut entendre les paroles de l’envoyé de Dieu et qu’il put y répondre, voici ce qu’il entendit: «Daniel, dès le premier jour, ta prière fut entendue, et c’est à cause de tes paroles que je viens.» Daniel est stupéfait d’étonnement: «Le premier jour... il y a plus de trois semaines.—Oui, il y a trois semaines, je quittai la présence de Dieu avec la réponse à ta prière. Mais (écoutez, car ce qui suit est étrange) le chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours; voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je viens maintenant te faire connaître ce qui doit arriver à ton peuple.»
Notez maintenant quatre points que chacun de vous admettra sans peine. Cet être qui parla à Daniel est un être essentiellement spirituel; il est contrecarré dans sa mission par quelqu’un; cet adversaire, évidemment, doit être, lui aussi, un être spirituel pour résister à un esprit. Le messager de Daniel vient de la part de Dieu; aucun doute à ce sujet; l’adversaire doit dès lors venir du camp opposé. Donc, fait étrange et inattendu, l’esprit du mal a le pouvoir de retenir, de retarder l’ange de Dieu, et cela pendant trois semaines. Enfin, il arrive du secours; le messager du mal échoue dans sa mission et l’ange du bien est libre de suivre sa route et de porter son message.
Il y a donc une double action; nous assistons à l’une, tandis que l’autre nous est cachée. Tout d’abord, une lutte se livre dans le royaume des esprits, lutte invisible; puis, comme nous l’indique le chapitre douze, deux esprits revêtus d’une enveloppe humaine se tiennent de chaque côté de la rivière. Les deux scènes se rapportent au même but.
Telle est l’histoire de Daniel. Comme elle illustre les paroles de Paul! C’est une image pleine de vie réelle; cette image est double. De même, toute prière comporte une double action et un double théâtre; elle se passe à la fois sur la terre, parmi les hommes, et dans les régions supérieures, parmi les esprits. Beaucoup d’entre nous, ne voyant que la partie visible, perdent courage. Pendant que nous regardons les choses visibles, regardons aussi attentivement les invisibles; ce que nous voyons est secondaire, ce que nous ne voyons pas est capital, et c’est dans ces sphères supérieures que se décident les destinées humaines.
Voici la première action, celle que l’on voit; un groupe d’hommes conduit par un chef d’une énergie remarquable et capable de diriger un empire; tous sont prosternés devant Dieu, l’esprit lucide, tranquille, vigilant; jour après jour, infatigablement, ils prient.
Voici maintenant ce que l’on ne voit pas: une lutte ardente, opiniâtre, où chaque adversaire déploie son habileté; cette lutte est engagée entre les deux princes du royaume spirituel. D’après les explications de Paul, les deux mondes, visible et invisible, sont en rapport étroit.
Daniel et ses compagnons, eux aussi, sont des lutteurs; ils participent activement à cette lutte supraterrestre; ce sont eux qui décident de l’issue de la bataille, car ils sont sur le terrain contesté. Ces hommes font vraiment en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications, veillant à cela avec une entière persévérance. Et enfin la victoire vient.
Revenons maintenant à la figure centrale du dessin. Jésus, dans une de ses paraboles, répand des flots de lumière sur les rapports de Satan avec la prière.
Deux paraboles traîtent spécialement de la prière; celle de l’homme qui va trouver un ami au milieu de la nuit {Lu 11.5-13} et celle du juge inique. {Lu 18.1-8} C’est dans la seconde qu’il est question de Satan. Cette remarquable description de la prière nous a été conservée par Luc, qui nous renseigne le mieux aussi sur la vie de prière de Jésus.
Voici quelle fut l’occasion de cette parabole. La vie de Jésus approche de sa fin. Quittant le terrain de la simple conversation, Il passe à la parabole. Sa lutte avec les Pharisiens a atteint son caractère le plus aigu et leur haine, son apogée, s’exhale dans l’accusation, dont ils chargent Jésus, d’être inspiré du Diable. Ressentant vivement leur attaque, Il leur répond directement et pleinement; c’est alors qu’il prononce la parabole de l’homme fort qu’il faut lier avant de pouvoir piller sa maison. {Lu 11.21} Et aucun des assistants n’ose lui demander ce que cela signifie.
Examinons maintenant de plus près la seconde des deux paraboles que nous venons de citer, car elle est pleine d’enseignement pour ceux qui veulent coopérer à l’oeuvre de rédemption de notre monde.
Jésus semble si désireux que ses auditeurs comprennent la portée de ce qu’il va dire, qu’il abandonne son procédé habituel et explique nettement que sa grande pensée dans cette parabole, ce qu’il veut qu’on comprenne, c’est «qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher». Le fait essentiel, dit-il, est la prière, et le fait essentiel dans la prière est la persévérance; le danger dans la prière est de perdre courage, de faiblir devant la tâche et d’y renoncer. «Ne point se relâcher!» ces mots prouvent la suprême importance du combat.
La parabole met en jeu trois acteurs: un juge, une veuve, un adversaire. Le juge est profondément égoïste, injuste, impie et insouciant de l’opinion d’autrui..., la pire espèce d’homme, la dernière dont on dût faire un juge. Il sait parfaitement que le droit, dans le procès qu’il doit juger, est du côté de la veuve. Quant à cette dernière, que peut-on ajouter de plus à ce qualificatif de veuve? Est-il possible de dire davantage pour rendre le cas plus pathétique? Une veuve n’est-elle pas l’image de l’abandon et de l’impuissance? Une femme a besoin d’un appui. Celle-ci a perdu son ami le plus proche, le plus cher, son protecteur. Elle est seule.
Il y a, troisièmement, une partie adverse qui, contre toute légalité, a remporté un avantage sur la veuve et qui, sans trêve, l’accule au pied du mur. La femme cherche à gagner le juge à sa juste cause; sa demande pressante, maintes fois répétée, est celle-ci; «Fais-moi justice de ma partie adverse».
Telle est l’image que Jésus emploie pour dépeindre la prière incessante. Etudions-la de plus près.
«Adversaire est un qualificatif commun dans les Ecritures pour désigner Satan. C’est l’accusateur, le haïsseur, l’ennemi.» Le sens étymologique de ce mot est: partie adverse dans un procès civil. C’est le même terme que Pierre employa plus tard: «Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera». Les mots «fais-moi justice», qui reviennent par quatre fois, montrent que la veuve a des preuves en mains pour gagner son procès et que l’adversaire l’a emporté sur elle, en dépit de tout droit, uniquement par la force.
Signalons aussi dans cette parabole, un trait étrange qui doit avoir sa signification: un homme franchement impie et peu scrupuleux y représente Dieu. Voilà qui est extraordinaire. Dans toute autre bouche que celle de Jésus, cela semblerait un manque de respect; mais ici il faut y voir une extrême habileté. Si cet homme est choisi comme juge, c’est pour mettre en évidence que les procédés nécessaires pour gagner cet individu ne sont certainement pas exigés par Dieu. La veuve doit insister et plaider; c’est à cause du juge auquel elle a affaire. Dieu, lui, ne peut lui être comparé; c’est pourquoi, s’il faut ainsi insister dans nos prières à notre Père céleste, la cause en est attribuable à des raisons essentiellement différentes. Si donc, avec Dieu, de tels mobiles n’entrent pas en jeu, il ne peut rester qu’un obstacle à nos supplications, à savoir celui que suscite l’adversaire.
Ayant choisi, à dessein, un tel homme pour illustrer Sa parabole, Jésus en profite pour parler du vrai caractère de Dieu: «Et tardera-t-Il à leur égard?» Ces paroles, dans la bouche de Jésus, suggèrent immédiatement l’idée de l’amour, et spécialement de la patience dans l’amour. Les théologiens ont beaucoup argué pour savoir, dans cette phrase, en faveur de qui ou avec quoi il avait tant de patience. «A leur égard», voilà les mots qui provoquent la discussion. Combien de temps tardera-t-Il encore en faveur de ceux qui prient? ou combien de temps tardera-t-Il à sévir justement contre quelque adversaire opiniâtre? Quel est-il? La phrase suivante renferme un mot qui forme un frappant contraste avec celui que nous envisageons: promptement. Quel contraste entre ces mots: tardera-t-Il et promptement!
Ces paroles éclairent d’une vive lumière un sujet resté obscur et qui renferme plus de lumière que nous ne sommes capables d’en trouver. Les paroles de Jésus sont touts pleines de pensée; ses mots sont toujours choisis avec sagacité.
Si l’on pense à l’adversaire pour lequel Il fait preuve de tant de patience, la parabole signifierait: une grande lutte se livre dans les sphères supérieures. Dieu y montre une grande patience. Il est juste et droit. Les êtres qui prennent part à la lutte sont tous ses créatures. Il agit aussi droitement avec le diable et sa grande armée d’esprits malfaisants qu’avec ses autres créatures; il fait preuve d’une longue patience pour qu’aucune action déloyale ne soit commise contre ces créatures qui sont aussi les siennes. Il dirige néanmoins tous ses efforts vers une issue rapide de la lutte, pour le salut des fidèles qu’il aime et pour que la justice prévale.
L’enseignement de la parabole est fort simple; il renferme pour nous deux vérités terribles et capitales; celle-ci tout d’abord: la prière concerne trois personnes et pas seulement deux, Dieu que nous prions, l’homme qui prie sur le territoire contesté, et le diable contre qui nous prions. Le but de la prière n’est pas de persuader ou d’influencer Dieu, mais d’unir nos forces aux Siennes contre l’ennemi. Non pas vers Dieu, mais avec Dieu et contre Satan. Tel est l’enseignement capital que nous devons nous rappeler quand nous prions. Le but essentiel n’est pas d’atteindre Dieu, mais de repousser Satan.
La deuxième vérité capitale est que la qualité maîtresse à avoir quand nous prions est la persévérance. C’est l’épreuve finale, le dernier obstacle à franchir. Beaucoup de chrétiens, qui luttent admirablement pour la cause du Christ, perdent pied sur ce point et, par là, perdent tout. Beaucoup de fidèles, admirablement préparés par la prière, échouent là où il faudrait persévérer et leur échec est sûrement dû à une compréhension incomplète de ce qu’est la prière.
La voix du Maître résonne aujourd’hui encore, claire et pressante, à nos oreilles: «Priez sans cesse et ne vous relâchez point.»
Voyons maintenant une déclaration nette de Jésus-Christ touchant la prière. Nous la trouvons dans l’histoire d’un jeune démoniaque et d’un père angoissé et nous assistons, au pied de la montagne, à un échec des disciples. {Mt 17.14-20 ; Mr 9.14-29 ; Lu 9.37-43}
Dans ce cas, les extrêmes se touchent sûrement; le sommet de la montagne qu’ils venaient de quitter forme un contraste extraordinaire avec la vallée où la scène se passe. Le démon qui possède l’enfant semble être de toute première force; nous en avons la preuve dans ce qu’il fait du possédé; son but est de le détruire. Il y a toutefois une limite à ses forces, car ses efforts ne furent pas suivis d’un succès complet. Sa persévérance est très grande; il résiste à toutes les tentatives faites pour le chasser du corps du jeune homme; et, jusqu’à un certain point, il lutte avec succès. Les disciples ont essayé de le chasser; on comptait sur eux; ils comptaient eux-mêmes réussir, car ce n’était pas leur première tentative. Ils échouèrent honteusement, au milieu des ricanements et des railleries de la foule et eh face de la détresse croissante du pauvre père.
Alors survint Jésus. Restait-il sur Son visage quelque trace de la gloire de la transfiguration? Il semblerait. La foule, en Le voyant, fut surprise et accourut Le saluer. Sa présence changeait tout. Le démon, furieux, partit en faisant un dernier effort pour détruire le corps qu’il était obligé d’abandonner. L’enfant fut guéri et la foule étonnée de la puissance de Dieu.
Les disciples agirent alors avec beaucoup de sagesse. Si parfois ils commirent des erreurs, cette fois ils firent preuve de discernement; ils cherchèrent un entretien privé avec Jésus. Il n’y a pas de plus grande preuve de sagacité que celle-là. Quand vous avez essuyé un échec, quittez votre travail et recherchez un entretien privé avec Jésus.
Ils sont étonnés, découragés; aussi cette question sort immédiatement de leur coeur abattu: «Pourquoi n’avons-nous pu chasser ce démon?» Matthieu et Marc nous ont transmis la réponse complète que Jésus fit à leur demande; elle commença probablement par ces mots: à cause de votre petite foi. En effet, ils avaient perdu courage devant la force du démon, et le démon l’avait su; ils avaient été plus impressionnés par la force du mauvais esprit que par celle de Dieu, et le démon l’avait vu; ils n’avaient pas prié victorieusement contre lui. Le Maître dit: «Si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne: Transporte-toi!» Remarquez une fois de plus que la force de la foi est dirigée contre l’obstacle et que ce fut le démon qui fut le plus directement influencé par la foi de Jésus.
Vient ensuite la deuxième partie de la réponse: «Cette sorte de démon ne sort que par la prière.» Certains démons moins tenaces peuvent être expulsés par la foi qui naît de notre contact personnel et constant avec l’Esprit de Dieu. «Cette sorte» nécessite une prière spéciale et la prière seule réussit. La vraie victoire doit être gagnée dans le secret. L’action de la foi, en pleine bataille, n’est que la réalisation d’une victoire déjà gagnée. Ce démon est décidé à ne pas partir; il combat avec force, avec acharnement; il réussit. Survient alors l’Homme de prière. Un ordre tranquille est prononcé et le démon est obligé de partir.
Ces disciples ressemblent d’une manière frappante à certains d’entre nous; ils n’avaient pas compris où la vraie victoire se gagne. Eux aussi, ils avaient prononcé cet ordre, le donnant sans doute au nom de Jésus; mais il n’y avait pas entre Dieu et eux ce contact qui donne la victoire. Leur visage révélait la crainte qu’ils avaient du démon.
La prière, la vraie prière, la prière intelligente, voilà ce qui mettra en fuite les démons de Satan, car elle met en déroute le chef lui-même. David tua le lion et l’ours dans le silence des forêts avant d’affronter le géant Goliath; les disciples affrontaient le géant sans avoir fait l’expérience de la lutte dans la solitude. Cette phrase: «Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et le jeûne» signifie que cette sorte de démon sort et doit sortir devant l’homme qui prie. Ce que Jésus appelle prier chasse les démons. Puissions-nous connaître mieux par expérience ce qu’il entendait par la prière, car nous exercerions une influence positive sur les armées des mauvais esprits. Ils la craignent et redoutent l’homme qui devient habile à la manier.
Il y a évidemment beaucoup d’autres passages bibliques tout aussi explicites que ceux que nous avons étudiés et qui donnent un enseignement tout aussi simple et aussi clair. La Bible entière est pleine de cette vérité; mais ces quatre grands exemples sont tout à fait suffisants pour éclaircir parfaitement cette question. Le grand prince renégat—Satan—est actuellement un facteur actif dans la vie des hommes; il croit à la puissance de la prière; il la craint; il peut, pour un temps, en retarder les résultats et il fait son possible pour y arriver.
Elle contrecarre ses plans et le met en déroute. Il ne peut pas tenir devant elle. Il tremble dès qu’un homme de foi simple et vivante fait monter sa prière vers Dieu. Prier, c’est réclamer avec persévérance que la volonté de Dieu soit faite. La prière exige une volonté en communion absolue avec Dieu; elle s’appuie sur la victoire de Jésus; elle met à néant la volonté mauvaise du grand et déloyal adversaire.