L'EMPEREUR, qui était un Prince rempli de sagesse, n'eut pas sitôt appris ces désordres qu'il tâcha de les arrêter dans leur naissance. Il envoya pour cet effet à Alexandrie un homme d'une rare prudence avec des Lettres, afin qu'il apaisât les disputes, et qu'il réunît les esprits. Mais ce voyage n'ayant point réussi comme il espérait, il convoqua ce Concile si célèbre de Nicée, et permit aux Évêques de s'y rendre avec leur fuite sur des chevaux et des mulets du public. Lorsque tous ceux qui purent supporter la fatigue du voyage, s'y furent rendus, l'Empereur s'y rendit lui-même, tant pour voir une nombreuse assemblée de Prélat, que pour rétablir parmi eux une parfaite intelligence. Il commanda qu'on leur fournît tout ce qui leur serait nécessaire. Ils se trouvèrent au nombre de trois cens dix-huit Évêques. Celui de Rome ne s'y trouva point à cause de son grand âge, mais il envoya deux Prêtres pour prendre connaissance de ce qui y serait traité, et pour donner leur consentement aux réformes qui y seraient prises.
Il y en avait plusieurs qui avaient reçu de Dieu les mêmes dons que les Apôtres, et plusieurs, qui comme le divin Paul, portaient imprimées sur leur corps les marques du Seigneur. Jaques Évêque d'Antioche Ville de Migdonie, et que les Syriens, et les Assyriens appellent Nisibe, a ressuscité des morts, et fait quantité d'autres miracles, que je crois qu'il est inutile de rapporter dans cette Histoire, puisque je les ai déjà racontés dans une autre, qui a pour titre Philothée. Paul Évêque de Néocésarée, Fort assis sur le bord de l'Euphrate, avait senti les effets de la fureur de Licinius. Il avait perdu l'usage des mains, parce qu'on avait brûlé avec un fer chaud, les nerfs qui leur donnent le mouvement. Il y en avait d'autres, auxquels on avait arraché l'œil droit, et d'autres auxquels on avait coupé le jarret. Paphnuce d'Égypte était du nombre de ces derniers. Enfin c'était une assemblée de Martyrs. Mais cette assemblée si célèbre ne laissait pas d'être remplie de plusieurs personnes divisées entre elles par des sentiments différents. Il y en avait quelques-uns en fort petit nombre, qui n'étaient pas moins dangereux que des écueils cachés sous la mer, et qui favorisaient secrètement les erreurs d'Arius.
L'Empereur leur fit préparer dans le Palais un grand appartement, où il y avoir autant de sièges qu'il en fallait, et leur donna ordre d'y aller, et d'y délibérer touchant les matières dont il était question. Il entra incontinent après, suivi de quelques-uns des siens avec une contenance, et une bonne mine, qui était relevée par sa modestie. Il s'assit sur un petit siège qui avait été placé au milieu, après en avoir demandé permission aux Évêques, et ils s'assirent tous avec lui. Le grand Eustate que les Évêques, les Ecclésiastiques, et les autres Fidèles d'Antioche avaient contraint de se charger de la conduite de cette Église, après la mort de Philogone, dont nous avons ci-devant parlé, prononça un Panégyrique en l'honneur de l'Empereur, et releva par des louanges fort avantageuses le soin qu'il prenait des affaires de l'Église. Lorsqu'il eut achevé son discours, l'Empereur en commença un autre, par lequel il exhorta les Prélats à la paix, leur rappela dans la mémoire la cruauté des tyrans qui avaient été exterminés, et la paix que Dieu leur avait rendue par son moyen. Il leur remontra que c'était une chose très-fâcheuse, que depuis que la puissance des ennemis était abattue, et qu'il n'y avait plus personne qui osât faire la moindre résistance, ils s'attaquassent les uns les autres, et donnassent sujet à ceux qui ne les aimaient pas, de rire et de se moquer de leurs différends ou il s'agissait de questions de Théologie, dont la décision dépendait des instructions que l'Esprit saint leur avait laissées.
« L'Évangile, leur dit-il, les Lettres des Apôtres, et les Ouvrages des anciens Prophètes nous enseignent aussi clairement ce que nous sommes obligés de croire touchant la nature Divine. Renonçons donc à toute sorte de contestations, et cherchons dans les Livres que le saint Esprit a dictés. » Là tous renoncèrent aux disputes, et embrassèrent la saine doctrine. Ménophante Évêque d'Éphèse, Patrophile Évêque de Scythopole, Théognis Évêque de Nicée, Narcisse Évêque de Néromade, qui est une Ville de la seconde Cilicie, et que l'on appelle maintenant Irénopole, Théonas Évêque de Marmarique, et Second Évêque de Ptolémaïde en Égypte combattaient la doctrine des Apôtres, et appuyaient celle d'Arius, aussi bien qu'un petit nombre d'autres, donc nous avons parlé auparavant. Ils composèrent un formulaire de foi, mais il fut déchiré et déclaré qu'il contenait une fausse doctrine. Les Évêques ayant fait un grand bruit contre eux, et ayant élevé leur voix, pour les condamner comme des hommes qui trahissaient la piété, ils se levèrent tous saisis de crainte à la réservée de Second et de Thomas, et excommunièrent Arius. Cet impie ayant été de la sorte chassé de l'Église, le formulaire de foi qui est encore reçu aujourd'hui, fut dressé d'un commun consentement, et dès qu'il eût été signé, le Concile se sépara.
Mais les Évêques que je viens de nommer, ne le signèrent pas de bonne foi ; comme il paraît tant par ce qu'ils brassèrent depuis contre les défenseurs de la piété, que parce que ceux-ci écrivirent contre eux. Eustate Évêque d'Antioche dont j'ai déjà parlé, expliquant ce prodige des Proverbes de Salomon. Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies, avant qu'il créât aucune chose, rapporte ce qui fut résolu contre eux dans le Concile, et réfute leur impiété.