Influence de la Bible sur l’élévation de la moralité ; publique. — Supériorité de la vie de famille en Israël. — Connaissance de la loi de Dieu. — Etude des langues et de la Thorah. — Importance des Rabbins. — Influence de l’étude exclusive de la loi sur l’éducation. — Enseignement donné au foyer. — Écriture. — Les scribes. — Falsification des signatures et des documents. — Instruction des jeunes filles. — Ecoles élémentaires. — Enseignement moral et intellectuel. — Règles imposées aux régents. — Etude de la Mishnah et de la Bible. — Ecoles dans les synagogues. — Soin des enfants pauvres et des orphelins.
Nulle religion, si l’on en excepte celle de la Bible, n’a prouvé qu’à une époque de civilisation avancée elle fût capable de guider les hommes dans le sentier de la justice. Toutes les barrières que les religions humaines ont pu élever pour arrêter le dérèglement des mœurs ont été renversées par le flot des passions, rendu plus irrésistible encore par les digues qu’on prétendait opposer à sa fureur, Dans le paganisme, n’est-il pas évident que tout progrès, dans la voie de la civilisation, a été marqué par l’abaissement de la moralité publique ? Pendant la première période de l’existence des peuples qui le professaient, on distinguait une plus grande élévation de la morale générale que celle qui a prévalu dans les âges suivants. Tout autre est le spectacle que nous offre la religion que la Bible a enfantée dans les jours de l’Ancienne ou dans ceux de la Nouvelle Alliance. Si les mœurs publiques ne se sont pas élevées d’une manière uniforme, l’étendard de la moralité a toujours été placé plus haut. Nul n’a donné satisfaction à la norme que la Bible a posée devant les regards de tous, et cette auguste règle a démontré qu’elle possédait la puissance de guider, jusqu’à la consommation des âges, la marche de la société humaine, comme un phare lumineux, aussi bien que de la former et de la renouveler par ses influences salutaires.
Chose étrange. Au-delà des limites du pays d’Israël, il est presque impossible de parler, sans faire violence aux termes, de la vie de famille ou de la famille même, comme nous la comprenons. Le fait suivant n’est-il pas significatif ? Tacite, le grand historien romain, signale comme un détail particulier, que, parmi les juifs, on regardât comme un crime de mettre à mort un petit enfant, sentiment que, seuls, les Germains barbares partageaient avec eux.
[Tacite. Hist. V, 5. En général ce cinquième livre est fort intéressant. Amalgame d’erreur et de vérité, il nous dépeint aussi la haine intense dont était l’objet la race Juive même de la part d’hommes semblables à cet écrivain illustre.]
Ce n’est point ici le lieu de parler de l’exposition des enfants ou des crimes divers, au moyen desquels, la Grèce antique et Rome, dans les jours de leur civilisation la plus éclatante, cherchaient à se débarrasser de ces trésors précieux que ces peuples considéraient comme une portion inutile de la nation. Un bien petit nombre de ceux qui ont appris à admirer l’antiquité classique ont une intelligence complète de tous les détails de la vie sociale de cette époque. La position de la femme, les rapports des sexes, l’esclavage, l’éducation de l’enfant, ses relations avec les auteurs de ses jours, l’état de la moralité publique ne sont que très imparfaitement connus de la plupart des hommes cultivés. Un plus petit nombre encore s’est donné la peine de rassembler ces divers traits, pour en former une image unique, qui nous montrât l’exemple offert à nos regards par les classes diverses de la société païenne. En particulier ils ignorent que les hommes dont les noms ont traversé les âges et sont l’objet de notre admiration, les sages, les poètes, les historiens et les hommes d’état n’hésitaient point à approuver ces coutumes iniques ou odieuses. Pour ce monde que St Paul nous décrit, autant qu’il était possible de le faire devant les yeux chastes de ses lecteurs, dans le 1er et le 2e chapitre de l’épître aux Romains, il ne restait qu’une alternative. Il devait périr sous les foudres du jugement de Sodome ou échapper à la ruine grâce à la miséricorde du Dieu de la Nouvelle-Alliance, du Dieu de l’Évangile et de la Croix.
[La remarque d’Edersheim au sujet du manque d’humanité des anciens philosophes ne saurait être affirmée sans des réserves expresses. Parcourez les Satires de Perse et de Juvénal, et vous les verrez flageller avec colère, les vices de la société antique. Dès les premières pages de son ouvrage, le grand historien romain, Tacite, au moment de décrire la période qui s’étend de Galba à Domitien s’écrie : « Jamais on ne vit une misère plus horrible du peuple romain, jamais des signes plus infaillibles ne nous apprirent que les dieux ne souhaitaient plus notre prospérité, mais qu’ils réclamaient une vengeance éclatante pour tous nos forfaits. » (Hist. I c. 3.) Partout dans son œuvre immortelle le désespoir d’une résignation stoïque. Partout, devant ses yeux, une nuit épaisse et des crimes odieux qui présagent, pour lui, la fin inévitable et fatale. Qu’on lise enfin cette page d’un célèbre philosophe de ce temps où l’on sent retentir la colère généreuse d’une grande âme contre les descendants dégénérés du peuple roi : « Le monde est plein de vices et de crimes. Les châtiments ne peuvent plus y suffire. C’est une émulation générale de perversité. L’audace s’accroît de jour en jour, et la honte diminue dans la même proportion. Sans égard pour la justice et la vertu, la passion brise les barrières les plus sacrées. Les crimes ne sont plus secrets, ils bravent les regards. La méchanceté est devenue si générale, elle domine avec tant d’empire sur tous les cœurs qu’on ne peut plus dire que l’innocence est rare, mais qu’elle n’existe plus. » ut innocentia non rara sed nulla sit. Seneca. De ira. Il : 8.) (G.R.)
Par contre ce qu’il dit sur le contraste entre l’Évangile et l’état moral du monde ancien est absolument exact. La plus grande des difficultés c’est de tracer un tableau véritable de cette société corrompue en usant de modération dans les termes. Que le Christianisme ait pu prendre pied dans un monde semblable, y rencontrer ses martyrs les plus admirables, ses disciples les plus fidèles, le soumettre enfin et le transformer, c’est là un miracle aussi étonnant que le renversement des barrières qui séparaient Israël et les Gentils, une merveille aussi extraordinaire que de régénérer une race pleine de justice propre et vouée aux formes extérieures du culte dont elle négligeait l’esprit. Dans les deux cas, l’homme qui étudie l’histoire verra, en ce fait, un prodige plus éclatant que celui d’un mort secouant la poussière de son tombeau. Le lecteur qui désire des détails plus complets sur la situation du paganisme peut prendre en mains et méditer l’admirable ouvrage de Dollinger Heidenthum und Judenthum p. 679-728. (G.R.)]
Lorsque nous quittons le monde païen pour pénétrer dans la demeure de l’Israélite, l’exclusisme farouche qui en défend l’accès nous procure une sorte de volupté. Il nous semble qu’abandonnant la chaleur énervante et la lumière éblouissante des tropiques nous entrons dans une salle pleine d’une ombre agréable, dont la fraîcheur bienfaisante nous fait oublier un moment que l’ombre est ici excessive, et nous paraîtra nuisible quand le jour sera sur son déclin. Cet exclusisme s’appliquait à tout ce qui venait du dehors ; à la religion, à la vie de famille, à l’existence sociale et même aux études en honneur chez les peuples païens. A l’époque de Jésus-Christ, le juif pieux n’avait pas d’autre connaissance et ne recherchait aucune autre science que celle de la loi de Dieu. En fait, il prononçait l’anathème sur toutes les autres ! Dans le paganisme la théologie ou plutôt la mythologie n’avait aucune influence sur la pensée. Loin d’ennoblir la vie morale, elle tendait, au contraire, à l’abaisser. Pour le Juif fidèle, la connaissance de Dieu était tout. L’acquérir par l’étude, la répandre par l’enseignement, tel était l’objet suprême de l’éducation. C’était là la vie de son âme. A cette vie supérieure, la seule véritable, tout le reste, aussi bien que l’existence du corps devait être subordonné. Tout devait servir à l’homme de moyen pour atteindre la fin que Dieu lui avait proposée en le créant. Deux objets constituaient la religion de l’Israélite. C’était d’abord la connaissance de Jéhovah. Celle-ci, par une série de déductions, venait aboutir à une science théologique tenue en haute estime, aux prescriptions minutieuses d’un culte fixé par la loi jusque dans ses plus petits détails, et aux œuvres de la charité pratique à l’égard des autres hommes. Ces dernières observances pouvaient même dépasser les limites de la stricte obligation (le Chovoth) pour parvenir à un degré qui portait le nom de mérite spécial ou de « justice » (Zedakah). L’obéissance, toutefois, supposait la connaissance. On rencontrait donc la théologie à la base de la vie religieuse. Elle constituait la couronne de toutes les sciences, et conférait des mérites supérieurs à ceux qui la cultivaient. Nous retrouverons cette pensée exprimée ou impliquée dans cent passages des livres juifs. Il nous suffira de citer le suivant, non seulement parce qu’il a quelque chose de rationaliste, dans la forme, mais parce que jusqu’à ce jour il est répété chaque matin dans les prières de tout pieux Israélite : « Tels sont les biens dont on recueille les fruits dans ce monde, mais dont la possession (le capital qui donne les intérêts) nous suit dans le monde à venir : honorer son père et sa mère ; se livrer à des œuvres pieuses, procurer la paix entre l’homme et l’homme, et étudier la loi, ce qui est l’équivalent de toutes les autres œuvres. » (Peah 1 :1.)
Au pied de la lettre cette étude avait pour le juif un poids égal à celui de l’observation de tous les préceptes divins. Les nécessités de la vie sociale à cette époque le contraignaient d’apprendre le grec, peut-être le latin, autant du moins qu’il était nécessaire pour les relations humaines. Il devait tolérer la traduction grecque des Saints Livres, et l’emploi de tous les idiomes dans les prières journalières du Shema, des dix-huit bénédictions, ou de l’action de grâce après le repas. Ce sont là en effet les éléments les plus anciens de la liturgie juive. Toutefois, le prêtre ne pouvait prononcer qu’en Hébreu la bénédiction sacramentelle. Seule, la langue hébraïque devait être employée pour les phylactères ou la Mesusah ( Megil I : 8 ; Sotah VII : 1, 2). L’étude de la science et de la littérature païenne était absolument interdite. C’est à cet usage et non au simple fait d’apprendre la langue grecque, nécessaire pour la vie journalière, que se rapportent les préceptes (Sotah IX : 14) qui défendaient à un père d’enseigner le grec à son enfant. Le Talmud nous en parle lui-même. Interrogé par un jeune Rabbin qui lui demandait s’il ne lui était pas permis d’étudier la sagesse grecque, puisqu’il connaissait déjà la Thorah en son entier, son oncle répondit en rappelant les paroles de ’Josué : « Tu méditeras dans cette loi jour et nuit » (Josué 1.8) ; « va, maintenant, ajouta le vieux Rabbin, et examine quelle est l’heure qui n’appartient ni au jour ni à la nuit. Si tu la découvres tu pourras, pendant ce temps, étudier la sagesse grecque. »
[La loi est semblable à un remède appliqué sur une blessure. Elle apaise la douleur aussi longtemps qu’elle demeure déposée sur les lèvres enflammées de la plaie. Aussi le R. Nehoras disait-il : je n’ai fait instruire mon fils que dans une seule science, celle de la loi. (Kiduschim, f. 82, c. 1.) Par elle l’homme obtient la consolation dans la souffrance. Il est gardé, dans sa jeunesse, de mille dangers. Et au déclin de l’existence, elle verse dans le cœur du vieillard la ferme espérance du bonheur dans la vie future. (N° CXXIV, CXXV.) (G.R)]
Cette barrière imaginée par les sages protégeait la jeunesse contre l’un des dangers qui menaçaient sa vertu. Chaque juif était obligé d’apprendre un commerce ou un art. Le but de cette prescription n’était point de le détourner, par ce moyen, de l’étude. Loin de là. On regardait comme une profanation, on le déclarait du moins, de faire usage de la science acquise pour obtenir des avantages temporels, un gain grossier ou des honneurs terrestres. Le Grand Hillel avait dit : Celui qui emploie à son profit la couronne (la Thorah) se flétrira. » A ce précepte le Rabbin Zadok ajoutait un avertissement : « N’étudie pas la couronne pour briller par son moyen, n’en fais pas un instrument propre à creuser le sol. » Agir ainsi, disait à son tour la Mishnah, ne conduit qu’à un seul résultat, celui d’abréger sa vie (Ab 1:13 ; 4:5).
[Parmi les devoirs que le père doit remplir envers son enfant on compte celui de lui enseigner un métier manuel. (Tract. Kiduschim, c. 1.) Le R. Juda ajoute : Celui qui néglige cette ordonnance doit être considéré comme un homme qui aurait élevé son fils pour en faire un voleur. C’est ainsi que le R. José était tanneur, R. Jehuda, boulanger, R. Johannan, cordonnier. (N. o. c. p. 119.) (G.R.)
Ne pas prendre prétexte de l’étude de la loi pour se faire entretenir était le principe dont on faisait hautement profession. En fait, il est bien à craindre que les choses ne se passassent souvent d’une façon toute différente. C’est ce que le lecteur du N. T. peut inférer de Marc 12.40 ; Luc 10.14 ; 20.47. (G.R.)]
Tout était subordonné à ce grand objet. Les lettres humaines ne concernaient que le temps présent, l’étude de la loi divine, l’éternité ; celles-là avaient pour objet les avantages du corps, celles-ci le bien de l’âme. Aussi toutes les sciences, en Israël, aboutissaient-elles à la théologie ou s’y rattachaient-elles par un lien intime. La jurisprudence n’était autre chose que la science du droit canon. Les mathématiques et l’astronomie servaient à établir les calculs nécessaires pour dresser le calendrier Juif. L’histoire, la géographie, les sciences naturelles, si l’on en excepte les ouvrages de quelques esprits doués d’une pénétration singulière qui parvenaient presque par le seul instinct à saisir la vérité, étaient semées d’ignorantes affirmations. Les méprises et les fables qui venaient se mêler à l’enseignement des docteurs étaient si étranges, qu’elles pouvaient ébranler la foi des disciples les plus crédules à l’autorité du témoignage de tous les savants du rabbinisme.
[On l’a dit avec raison. Chez les Hébreux, comme chez tous les peuples de l’Orient, la vie de l’intelligence se concentrait dans la religion. Elle était le produit de l’inspiration et non celui de la méditation et du raisonnement. Chez eux à peine les premiers éléments des sciences exactes. Les mathématiques étaient nulles. On y possédait quelques méthodes pour arpenter mais sans principes géométriques. L’astronomie était réduite a ses rudiments. On distinguait les constellations connues par l’observation des bergers ou de l’agriculteur. En géographie, les Rabbins en commentant les passages Ézéchiel 5.5 ; Psaumes 74.12 semblent placer le centre de la terre dans la Ville Sainte de Jérusalem. (Ézéchiel 38.12) Quelques connaissances dues à l’expérience ou à la tradition, mais le tout dominé par le sentiment religieux, tel est le fond de la sagesse hébraïque. Là nulle théologie savante, nulle philosophie comme l’entendent les peuples de l’Occident. Dans le domaine de l’art plastique nulle supériorité (car l’art suppose l’imitation et la déification de la nature qui, pour l’Israélite, n’est que le marche-pied de Jéhovah. Mais dans la poésie lyrique, qui exprime les élans, l’allégresse ou l’amertume du cœur, en un mot les sentiments de l’âme, dans la musique peut-être qui les enflamme et les soutient, à ne les considérer même qu’à un point de vue humain, le fils de Jacob dans ses admirables poèmes dépassera les peuples païens de la hauteur des cieux. (C. p. Munck : Palest. passim.) (G.R.)]
Trois conclusions se dégagent de ce que nous avons dit. On voit déjà comment la pure connaissance de la loi occupait une place si importante dans le domaine des choses de l’intelligence que l’étude exclusive de cet unique objet remplissait la vie entière du savant Israélite. Comment être surpris dès lors que ceux qui étudiaient la théologie et les maîtres aux pieds desquels ils s’asseyaient fussent entourés d’honneur et de respect (Marc 2.6, 73 ; 12.38-39 ; Luc 11.43 ; 20.46) ? Sur ce point, les paraphrases composées par Onkelos sur l’Écriture, les anciens Targums, la Mishnah ou les deux Talmuds contiennent des affirmations singulièrement étranges. On y suppose des miracles accomplis pour confirmer les enseignements de certains Rabbins. Bien plus, des récits blasphématoires sont inventés de toutes pièces pour fournir la preuve de la vérité de leurs paroles (Bab. Mez. 86, a). Ici nous lisons que dans une discussion soulevée dans l’académie du ciel le Tout-Puissant et les anges étaient en désaccord sur un point spécial de la loi. Alors l’ange de la mort somma un Rabbin célèbre par la connaissance du sujet de prononcer sur la matière une décision définitive.
[Le titre de Rabbin avait une telle importance aux jeux des sages, que dans un passage, à 24 reprises la menace de l’excommunication est suspendue sur la tête de ceux qui ne donnent pas ce titre vénéré aux personnes qui y ont droit. (Traité Schebuoth, fol 19, col. 1.) « Si Jérusalem a été détruite, répétait le Rabbin Jéhuda, n’en cherchez pas d’autre cause que le mépris qu’elle a eu pour les disciples des sages. » (Schabbath, fol. 119, col. 2.) « Et cependant qui pourrait oublier la dignité dont ils sont revêtus ? Un jour, est-il écrit, plusieurs Rabbins étaient assis dans une salle où se donnaient les leçons, lorsqu’une Bath Kol se fit entendre du haut des cieux qui disait : Il en est un parmi vous qui serait digne que la Schechina fît en lui sa demeure, comme autrefois dans la personne de Moïse, mais le siècle souillé dans lequel vous vivez est indigne de contempler une semblable manifestation de la gloire de Jéhovah. » (Sanhédrin, fol. 11, col. 1.) (Nork. Rabb. Quell., p. 93. 97, 337) (G.R.)]
Telle était la position élevée faite au Rabbin. Serons-nous surpris maintenant que la Mishnah déclare que dans le cas de pertes d’argent, de difficultés matérielles ou d’emprisonnement (pour dettes) on doit s’occuper du maître qui nous enseigné avant de prendre soin de son propre père ? A celui-ci nous ne devons que l’existence d’ici-bas, au premier, au contraire, nous sommes redevables de la vie dans le monde à venir (Bab. Mes. II : 11). Chose remarquable. Sur ce point le catholicisme et le pharisaïsme arrivent au même résultat. Preuve en soit cette parole d’un célèbre Rabbin du treizième siècle dont l’autorité est presque absolue parmi les Juifs. Dans une glose sur Deutéronome 17.11, il déclare que : « Si un Rabbin vous enseignait que votre main droite est à gauche et votre gauche à droite, vous devriez recevoir cet enseignement avec la soumission la plus complète. »
Qui ne pressent l’influence que ces principes devaient exercer sur l’éducation du foyer et de l’école publique ? Qui ne retrouverait un souvenir certain des âges passés dans les félicitations qu’adressent aux parents ceux qui assistent à la cérémonie de la circoncision et le prêtre lui-même qui l’accomplit ? « Comme cet enfant a été joint à l’alliance (ou a atteint cette rédemption) puisse-t-il, de même, arriver à la connaissance de la Thorah, au Chuppah (le dais sous lequel la cérémonie du mariage est régulièrement accomplie) et aux bonnes œuvres. »
Il est hors de doute que, selon la loi de Moïse, on confiait au père la première éducation de l’enfanta. La direction des premiers pas était sans doute remise aux soins de la mère (Deutéronome 11.19). Si le père était incapable de lui donner cette instruction élémentaire on avait recours à un étranger. A l’époque de Jésus-Christ ; l’enseignement du foyer commençait ordinairement à l’âge de trois ans. Toutefois, avant cet âge même, on exerçait déjà sa tendre mémoire. Cette faculté a toujours été spécialement développée au sein de la nation Juiveb. Des versets de la Bible, les bénédictions, les sentences des sages, etc., étaient confiés à l’intelligence de l’enfant, et l’on inventait des règles mnémoniques pour graver, dans son jeune esprit, le souvenir de ce qu’il avait ainsi acquis. On attachait, en effet, une importance extrême à la conservation précise des paroles de la tradition. Le Talmud décrit même l’étudiant idéal, en le comparant à une citerne bien cimentée, qui ne laisse pas échapper une seule goutte de l’eau qu’elle reçoit. D’après la Mishnah, celui qui, par négligence, « oublie un seul point dans son étude de la Mishnah, la Bible le lui impute en déclarant qu’il a forfait (au bon emploi) de sa vie. » Cette affirmation était appuyée sur le passage du Deutéronome 4.9. Peut-être trouverions-nous, dans ces déclarations, quelque motif d’ajouter foi sur ce point au témoignage de Josèphe quand il vante sa « mémoire merveilleuse ». (Vit. 2)
a – Le père selon la Gemara de Babylone doit cinq choses à son fils : le circoncire, le racheter, l’instruire dans la loi, lui donner une épouse et une profession. (De Sponsal. fol. 29.) (G.R.)
b – Gfrörer Jahr. d. Heils I : p. 170, propose cette épreuve singulière : que l’on anéantisse le Talmud, il est certain qu’en rassemblant une douzaine de Rabbins instruits on pourra le rétablir de mémoire.
Pour enseigner l’alphabet on dessinait les lettres sur un tableau jusqu’à ce que l’œil de l’enfant se fût familiarisé avec elles. Le maître devait ensuite montrer du doigt ou désigner au moyen d’un style la lettre lue sur le modèle, afin de tenir toujours en éveil l’attention de l’élève. Défense expresse de se servir d’un manuscrit s’il n’était pur de toute erreur. On pensait, avec raison, qu’il était difficile de déraciner les idées fausses qui s’imprimaient dès l’origine dans l’esprit de l’enfant. A l’âge de 5 ans, celui-ci commençait à lire la Bible en hébreu, en débutant, non par le livre de la Genèse, mais par celui du Lévitique. Gardons-nous de croire, comme le suppose Altingius dans ses dissertations académiques, que ce fut pour enseigner d’abord à l’enfant la culpabilité qui pesait sur lui et le besoin que son âme avait d’une véritable justice. Le motif le plus probable de ce règlement scolaire c’est que le Lévitique contenait les ordonnances qu’un Israélite devait connaître dès l’âge le plus tendre. Quant à l’histoire d’Israël elle lui était inculquée depuis longtemps de vive voix, et répétée continuellement, dans les fêtes sacrées aussi bien qu’à la Synagogue, le jour du sabbat.
[« A qui comparerons-nous l’homme qui dès sa plus tendre jeunesse a appris à connaître les Saintes Lettres ? Nous le comparerons à la génisse accoutumée au joug dès ses premiers ans, comme s’exprime le prophète Osée (Osée 10.11) : « Ephraïm est une génisse dressée, et qui aime à fouler le grain. » Mais celui qui a renvoyé l’étude de la loi jusqu’à un âge avancé ressemble à la génisse domptée dans la force de l’âge selon les paroles du même prophète : (Osée 4.16) « Parce qu’Israël se révolte comme une génisse indomptable, l’Éternel le fera paître comme un agneau dans de vastes plaines. » [N. o. c. 323.] (G.R.)]
Nous avons dit que le talent de l’écriture était bien moins répandu que celui de la lecture. Il est incontestable que les Israélites étaient familiarisés avec cet art depuis les premiers temps de leur histoire. Peut-être l’avaient-ils acquis pendant leur séjour en Egypte. On gravait des mots sur les pierres précieuses qui ornaient le pectoral du grand-prêtre. On rappelait le souvenir des diverses généalogies des tribus, etc. Cet art n’était pas du reste l’exclusif apanage des prêtres (Deutéronome 6.9 ; 11.20 ; 24.1, 3 ; Nombres 5.23), mais il était répandu généralement parmi le peuple. Nous savons, en outre, qu’on faisait des copies de la loi (Deutéronome 17.18 ; 28.58). A son tour, le livre de Josué (Josué 10.13) mentionne déjà une œuvre littéraire appelée « le livre de Jasher » (Josué 18.9), une description écrite de la Palestine. Il nous est encore dit que Josué (Josué 24.26) « écrivit dans le rouleau de la loi de Dieu ». Il semble même que la science de l’écriture était générale au temps de Gédéon.
Dans une période plus récente le mot « scribe » nous apprend que le besoin de cette classe spéciale d’écrivains se faisait sentir partout.
[On ne peut douter que l’art d’écrire ne fût très répandu parmi les classes cultivées depuis plusieurs siècles. Dès le temps de David et de Salomon il est fait mention d’ouvrages historiques et d’autres compositions littéraires. Pour les personnes de la classe inférieure il y avait probablement des écrivains publics, des lévites surtout qui prêtaient à tous le secours de leur ministère. Ezéchiel nous montre ceux qui exerçaient cette profession portant un écritoire dans la ceinture (Ézéchiel 9.2-3) comme c’est encore aujourd’hui l’usage parmi les Orientaux. (G.R.)]
On ne saurait croire, du reste, avec quelle facilité on falsifiait les documents ou les signatures. Josèphe en fait mention (Ant. XVI : 10,4) et le Nouveau-Testament nous rappelle que Saint Paul était obligé de mettre les Thessaloniciens en garde contre cette fraude (2 Thessaloniciens 2.2), et contraint à adopter l’usage de signer chacune de ses lettres. Il n’y a presque aucun ouvrage rabbinique qui n’ait été altéré par des interpolations postérieures, ou, si l’on veut employer un euphémisme, refondu ou réédité. En général, il n’est nullement difficile de découvrir ces altérations. Sans doute la vigilance et la pénétration sont spécialement nécessaires au savant, dans le champ de la critique, pour le préserver du danger des conclusions précipitées. Mais nous n’avons pas à entrer dans l’étude de ce sujet. Peut-être y a-t-il quelque intérêt, pour le lecteur, à savoir qu’en Egypte on employait une encre rouge pour la copie des documents écrits. L’encre usitée par les apôtres était certainement noire, comme l’indique l’expression « melan ». (2 Corinthiens 3.3 ; 2 Jean 1.12 ; 3 Jean 1.13) On écrivait aussi en lettres d’or ; (Joseph Ant. XII : 2, 12) quelquefois on se servait de couleurs mélangées d’encre rouge sympathique et de compositions chimiques employées pour cet objet.
[Ceci nous aide à comprendre l’origine de plusieurs parallèles rabbiniques que l’on se plaît à mettre en regard des paroles du Christ. Il faut toujours se rappeler que la Mishnah ne fut pas écrite avant le 2e siècle et que le très grand nombre, si ce n’est tous les parallèles des docteurs de la synagogue, cités par Wettstein, Schöttgen, Lightfoot appartiennent à une période plus récente. Nous n’affirmons pas que les rabbins aient fait, d’une manière consciente, des emprunts au christianisme, mais avant qu’un demi-siècle seulement, depuis le jour de la résurrection, se fût écoulé, la pensée chrétienne avait, pour ainsi dire « pénétré toute l’atmosphère » de l’époque. Comment donc estimer l’extension des idées nouvelles, même parmi les écrivains rabbiniques qui lui étaient le plus hostiles ? M. Renan nie ces emprunts en affirmant « qu’un mur de séparation existait entre l’église et la synagogue. » (Vie de Jésus, p. 82.) Mais comme le remarque exactement le Dr Farrar « c’est une grande méprise de supposer que le monde soit composé de compartiments hermétiquement fermés l’un pour l’autre, même lorsque la division entre ceux qui y habitent semble la plus absolue. En fait l’hostilité peut être moins une barrière qu’un canal, du moins lorsqu’elle est accompagnée de contestations ardentes. Le protestantisme a réagi sur le catholicisme lui-même, mais combien moins que l’enseignement du Christ sur le Judaïsme. » (Farrar : The Life of Christ, p. 200, u.). (G.R.)]
Les plumes de roseau sont mentionnées dans 3 Jean 1.13. Les meilleures venaient d’Egypte et le canif était indispensable à ceux qui s’en servaient. Il est question du papier (de l’égyptien papyrus) dans le passage 2 Jean 1.12 ; du parchemin dans celui de 2 Timothée 4.13. Les notes plus courtes étaient inscrites sur des tablettes qui portent dans la Mishnah le même nom que dans Luc 1.63.
Les Rabbins s’opposaient à ce que l’on donnât aux jeunes filles la même instruction qu’aux jeunes gens. Ils n’approuvaient pas, chez elles, l’étude de la loi, soit qu’ils crussent que les devoirs et la mission de la femme devaient s’exercer de préférence dans un autre domaine, soit parce que les points étudiés ne présentaient pas toujours à l’esprit des jeunes filles des sujets qu’elles pussent convenablement aborder, peut-être enfin, parce que ces études devaient amener, entre les jeunes personnes et les jeunes hommes, une familiarité qui paraissait nuisible aux bonnes mœurs. Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Les Rabbins croyaient l’esprit de la femme peu propre à ces recherches. Sur ce point, la parole la plus sévère qu’ils pussent prononcer était celle-ci : « Les femmes ont l’esprit frivole. » La répétition de cette sentence nous porte à supposer qu’ils l’employaient pour couper court à toute discussion désagréable. On trouvait, cependant, en Israël, des exemples de femmes instruites dans les études rabbiniques. Le Nouveau-Testament, aussi bien que les docteurs de la synagogue, nous rend parfois attentifs à leur science biblique non moins qu’à leur influence religieuse. Leur assistance à toutes les fêtes publiques et domestiques, au foyer et dans la synagogue, certains préceptes et observances inventés par la synagogue et qui leur étaient imposés prouvent, du moins, une chose. C’est que, sans être savantes dans la loi, il y avait, parmi elles, bon nombre de personnes qui, comme Loïs et Eunice, pouvaient donner à un enfant la connaissance des Écritures ; ou qui, comme Priscille, n’étaient pas incapables d’expliquer, même à un Apollos, les voies du Seigneur.
L’enfant a reçu l’éducation du foyer domestique, on lui a appris les commandements et les ordonnances, et comme le Talmud le déclare expressément on lui a enseigné à répéter à haute voix les prières traditionnelles. Il les connaît parfaitement par l’usage même qu’il en a fait. A six ans nous le retrouvons à l’école. Ce n’est pas l’Académie ou « beth hammedrash » dont il ne pourra suivre les cours que s’il possède les aptitudes nécessaires. Bien moins encore sera-t-il admis dans l’auditoire d’un Rabbi célèbre, ou pourra-t-il assister aux discussions du Sanhédrin. Ces privilèges sont réservés à des élèves plus avancés. Nous ne parlons, en ce moment, que des écoles primaires ou élémentaires qui, au temps de Jésus-Christ, étaient attachées à chaque synagogue. Nous laissons de côté les académies grecques que le méchant souverain sacrificateur Jason essaya d’introduire à Jérusalem (2 Maccabées 4.12-13). Elles étaient, dans leur esprit, hostiles au Judaïsme au point que les Rabbins y défendirent tous les exercices gymnastiques. L’histoire postérieure et le développement des écoles juives nous sont présentés dans le passage suivant du Talmud (Bab. B. 21, a). « Un homme se leva au milieu du peuple et mérita que son souvenir fût conservé dans la mémoire de la postérité, c’est Josué le fils de Gamaliel. Sans lui, la loi serait tombée dans le plus profond oubli en Israël, car on aimait à se reposer sur cette déclaration du Deutéronome : « vous la leur enseignerez ». (Deutéronome 11.19) Après lui, il fut décidé que l’on établirait des maîtres à Jérusalem avec la mission d’instruire la jeunesse comme il est écrit : (Ésaïe 2.3) « La loi sortira de Sion. » Le remède cependant était insuffisant. Ceux-là seuls dont le père vivait encore profitaient des bienfaits de l’école, les autres étaient absolument négligés. Des Rabbins furent donc établis dans chaque district, et on eut soin que les enfants de 16 à 17 ans fréquentassent leurs académies. Mais ces moyens, aussi, étaient inefficaces. Châtiés par les maîtres, les enfants fuyaient l’enceinte de l’école. Enfin Josué, le fils de Gamaliel, fit prendre une décision importante. Dans chaque province et dans chaque ville on décida de placer des régents qui recevraient tous les garçons âgés de six à sept années. » Ajoutons que ce Josué était probablement le souverain sacrificateur de ce nom qui a laissé un souvenir respecté dans l’histoire et qui vivait avant la destruction du temple. La réorganisation récente des écoles, dont il est ici parlé, indique du moins que déjà depuis longtemps on avait ouvert des classes élémentaires destinées aux enfants Israélites.
Chaque localité qui comptait 25 élèves d’un âge convenable, ou, selon Maimonides, 120 familles, était obligée de payer le salaire d’un instituteur. Défense était faite à celui-ci de recevoir plus de vingt-cinq enfants environ. Le nombre des écoliers s’élevait-il à quarante, le maître devait être assisté par un adjoint, quand il arrivait à cinquante les chefs de la synagogue prenaient des mesures pour que deux auxiliaires fussent associés au régent. Ces détails nous aident à comprendre le chiffre, sans aucun doute exagéré, de la statistique des écoles à Jérusalem. A l’époque de la destruction de cette ville, il n’y avait, nous dit-on, pas moins de 480 écoles dans la métropole du Judaïsme. Un autre auteur attribue même la chute de l’état Juif à la négligence de l’éducation des enfants. C’est dire l’importance que l’opinion populaire attachait à un tel objet. En fait, pour les Juifs, l’enfance était un âge particulièrement respecté et le devoir de faire pénétrer, dans les jeunes âmes, la pensée de Dieu, sacré entre tous les autres. La nation semblait retenir le souvenir de la déclaration du Sauveur affirmant que leurs anges contemplent la face de notre Père qui est dans le ciel. De là, les soins tout particuliers qu’on prenait de leur instruction religieuse aussi bien que de leur éducation. Le but que devait surtout se proposer le Maître c’était de cultiver le sentiment moral, non moins que l’intelligence ; préserver l’enfant du contact des hommes vicieux, étouffer en lui toute pensée de haine même quand on avait fait quelque mal à ses parents ; punir toute action coupable, se garder de témoigner une préférence quelconque pour un élève au détriment de l’autre ; démontrer plutôt à l’enfant ce que le péché a d’odieux, qu’énoncer les peines qui le suivront dans ce monde ou dans la vie à venir, et ainsi ne jamais le « décourager », voilà quelques-uns des préceptes qui étaient présentés à l’instituteur.
[Encore aujourd’hui on trouve cette belle prière dans la liturgie Juive : « En ce qui concerne ceux qui me maudissent accorde à mon âme la grâce de garder le silence ; permets qu’elle soit devant leurs pas comme la poussière que l’on foule aux pieds sur le chemin ». Les références sur le caractère positif de l’enseignement élémentaire sont ici très nombreuses. Comp. Hamburger : Real. Encyc. 1 : 340. Edersheim : History of the Jewish Nation, p. 298, et le petit livre d’Erdmann : Beitr. sur Geschichte der Schulen.]
Il ne devait pas promettre à l’élève ce qu’il n’était pas résolu à tenir, de peur d’habituer son esprit au mensonge. Il lui était enjoint d’éviter les pensées qui pouvaient blesser le sentiment délicat de la pudeur, dans son âme naïve. On l’exhortait, surtout, à ne point perdre patience quand l’élève était lent à comprendre, mais à s’efforcer de rendre l’instruction plus accessible à sa faible intelligence. Sans nul doute, il pouvait et il devait punir lorsque le châtiment était indispensable, ou selon l’expression des docteurs, traiter l’enfant comme une jeune génisse pour laquelle on accroissait progressivement le poids du joug. Mais il devait éviter toute sévérité excessive. On renvoyait parfois le régent pour cette cause. Si la punition devait être administrée, il lui était permis de frapper l’élève avec une courroie, mais non avec un fouet.
A dix ans, l’enfant commençait à lire la Mishnah. A quinze il devait être en état d’étudier le Talmud, dont l’explication lui sera donnée dans une école supérieure. L’élève, au bout de trois ans, ou, au plus, de cinq années n’a-t-il fait aucun progrès marqué, il y a peu d’espérance qu’il sorte jamais du pair. Dans l’étude de la Bible, il commençait, sans l’avoir vu, par le livre du Lévitique. Puis venaient les autres livres du Pentateuque, les prophètes, enfin les hagiographes. La division correspondait aux divers degrés de valeur que les Rabbins attribuaient à ces parties du Livre divin.
Pour les élèves avancés, on divisait le jour en trois portions. L’une d’elles était consacrée à la Bible, les deux autres à la Mishnah, et au Talmud. Enfin chaque père devait apprendre à son enfant l’art de la natation.
Nous avons déjà dit que l’école, en général, se tenait dans la synagogue. Ordinairement le maître n’était autre que le « Chazan » ou ministre (Luc 4.20). Cette expression désigne, non une charge spirituelle, mais une fonction analogue à celle de bedeau. Payé par la congrégation, il ne devait recevoir aucune rétribution scolaire de ses élèves, dans la crainte qu’il ne fut porté à favoriser les plus fortunés. Des contributions volontaires couvraient les dépenses de l’école. Si elles n’étaient pas soldées, les Rabbins les plus distingués n’hésitaient pas à aller collecter, auprès des riches, l’argent nécessaire pour cet objet. Le nombre des heures pendant lesquelles on retenait les jeunes enfants à l’école était limité. L’air renfermé de la classe pouvait être nuisible pendant les heures chaudes de la journée ; les leçons étaient donc suspendues de dix heures du matin à trois heures du soir. Pour des motifs semblables, on ne devait garder les enfants que quatre heures, du 17 de Chamuz au 9 d’Ab (les mois de juillet et d’août) ; et il était interdit aux maîtres de les châtier pendant ces derniers mois.
Le plus grand honneur était attaché au nom de l’instituteur qui s’acquittait dignement de sa tâche. Du reste le manque de connaissance ou l’emploi d’une méthode défectueuse n’étaient point des motifs suffisants pour le destituer. On estimait que l’expérience donnait plutôt qualité pour remplir une fonction aussi délicate que la science acquise uniquement par la lecture. Nul maître ne pouvait être placé à la tête d’une école s’il n’était marié. Afin de décourager la concurrence malsaine il était interdit aux parents d’envoyer leurs enfants à d’autres écoles qu’à celles de la ville qu’ils habitaient.
Il serait difficile de dépeindre la sollicitude dont on entourait les fils des pauvres et les orphelins. Dans le temple une caisse spéciale, celle « du secret », recevait les dons appliqués à l’éducation des descendants des pauvres pieux. Adopter et élever un de ces êtres délaissés était considéré comme une œuvre particulièrement bonne. Rappelez-vous les traits sous lesquels l’apôtre nous montre la femme réellement veuve : « Elle a élevé ses enfants, lavé les pieds des saints, secouru les affligés, prêté son concours à toute bonne œuvre. » Ce soin des orphelins reposait sur la congrégation entière. Les autorités ecclésiastiques avaient la mission de recueillir une dot pour les jeunes filles que le ciel avait privées de la sollicitude affectueuse et des soins protecteurs des auteurs de leurs jours.
Tel était le milieu social dans lequel s’éleva l’enfant Jésus de Nazareth pendant le temps que ses pieds divins foulèrent le sol consacré de la terre qui avait été donnée en héritage aux descendants du Père des croyants.
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