Étude sur Samuel

Bethléhem

Samuel prit la corne d’huile, et oignit David au milieu de ses frères.

(1 Samuel 16.13)

Au tableau sombre qui vient de nous être présenté succède tout d’un coup une scène de famille aussi fraîche, aussi attrayante que celles dont Ramathaïm fut le théâtre. Un repos plein de charme après une marche haletante. C’est la manière habituelle de raconter adoptée dans ce livre si profond et si varié qui s’appelle la Bible.

Le vieux prophète, avant de quitter la carrière, a plus d’une leçon encore à recevoir de son Dieu. Pour le moment, il mène deuil, et certes jamais douleur plus sincère ni plus légitime ne s’est logée dans un cœur d’homme. C’est bien celle du patriote unie à celle du croyant. L’honneur de l’Éternel a été méconnu. Israël s’est vu trompé dans ses espérances. Il sait que le monarque, autrefois salué avec tant de joie, n’est plus en faveur auprès de Jahveh. N’y a-t-il pas à craindre, dès lors, un retour à ce désordre général et dangereux qui avait précédé l’onction de Saül ? Et puis, les ennemis aussi pourraient bien avoir eu vent de la déchéance du prince hébreu. Avec quelle ardeur ils reprendront l’offensive ! Philistins, Ammonites, restes épars des Amalékites, tous ces incirconcis vont s’unir pour menacer des frontières à peine rendues à la sécurité… Je comprends vraiment les appréhensions de Samuel. Je comprends sa tristesse. Et pourtant, à voir la persistance avec laquelle il s’en nourrit, on a peur qu’elle ne cesse bientôt d’être « selon Dieuq ». On en acquiert la conviction, quand on entend le Seigneur lui crier : « Quand cesseras-tu de pleurer sur Saül ? » Si respectables que soient les larmes, il n’en faut pourtant pas vivre. Il importe de sortir de cette demi-torpeur où les chagrins nous font entrer parfois. Saül est rejeté. Même les pleurs d’un Samuel ne le feront pas rentrer en grâce.

q2 Corinthiens 7.10.

Au surplus, nous l’avons déjà dit. Le peuple aussi reste sous le coup d’un châtiment dont il ne sera point entièrement relevé. Il a péché en demandant un roi. La monarchie lui a été accordée à titre de punition plus que d’exaucement. Elle est maintenant définitivement installée ; il n’y a pas à en revenir. Ce qui va être changé, ce sera la dynastie. L’Éternel a destiné la couronne à un plus digne. Cet « homme selon son cœur » que Samuel avait vaguement annoncé à Saül, à Guilgalr ; cet « autre meilleur que lui, » dont il avait parlé après la campagne contre Amaleks, le voyant allait enfin le connaître. C’est un fils d’Isaï le Bethléhémite.

r13.14.

s15.28.

« Remplis ta corne d’huile, » commande le Seigneur – peut-être cette même corne qui a servi à l’onction du fils de Kis à Rama. « Va-t-en à Bethléhem ; » dans cette même ville où Ruth est entrée, il y a trois générations en accompagnant Naomi.

C’est un arrière petit-fils de la pieuse moabite qui va être désigné au prophète. C’est à lui qu’il devra confier le gouvernement de son peuple.

Un tel ordre ne laisse pas que d’effrayer l’ambassadeur de l’Éternel. Il connaît Saül. Il sait que ses colères sont cruelles. Si le monarque apprend la démarche de l’homme de Dieu, il le tuera, tout simplement…

Vous trouvez que Samuel est trop craintif, qu’il aurait dû ne point faire d’objection ? C’est aisé à dire. D’ailleurs, n’est-ce pas ? vous n’objectez jamais rien aux ordres qui vous sont donnés ? En attendant, rappelez-vous le drame sanglant qui se passa quelques temps après, Saül faisant mettre à mort par Doëg quatre-vingts prêtres, pour punir l’un d’eux d’avoir fourni quelque assistance à Davidt. Le sacerdoce n’arrêtait point la main furieuse du fils de Kis ; le prophétisme ne l’aurait pas non plus retenue. Il aurait tué Samuel. Mais Dieu y avait pourvu. Il ne voulait pas exposer la vie de son serviteur. Il ne lui reproche même point d’avoir un moment tremblé. Il lui explique, bien plutôt, comment il doit s’y prendre pour détourner de lui le soupçon. Samuel a continué souvent à exercer les fonctions d’un prêtre. L’éloignement constant de l’arche à Kirjath-Jearim expliquait, justifiait même ce qui eût été en d’autres temps un désordre. Il suffira donc que le prophète organise à Bethléhem un sacrifice, et qu’il amène avec lui la victime. Il s’agira d’une fête religieuse. Ce qu’il accomplira à cette occasion dans la famille d’Isaï. pourra demeurer secret.

t22.16-19.

Des lecteurs scrupuleux, anxieux même, de l’Écriture ont voulu voir dans ces recommandations quelque chose qui ressemble à un double jeu, donc une petite tromperie. Laquelle ? Un sacrifice est annoncé ; il a lieu effectivement, avec le repas qui les suivait d’ordinaire. A l’occasion de ce sacrifice, Samuel accomplit un acte qu’il convenait à tous égards de tenir caché. Nous ne voyons pas ce que la morale la plus austère peut y trouver à redire. Cacher n’est pas tromper. Et, à le bien prendre, un des éléments constants de la Providence ne consiste-t-il pas à cacher telle portion des plans du Très-Haut ? « La gloire de Dieu, » dit un remarquable passage du livre des Proverbes, « la gloire de Dieu c’est de cacher les chosesu. »

uProverbes 30.2.

Les directions données à Samuel se bornent à peu de mots pour le moment. Inviter au sacrifice Isaï et ses fils ; oindre ensuite un de ses fils. Le nom de l’élu n’a pas été révélé au prophète. Mais il n’est pas dans ses habitudes de poser beaucoup de questions. Il est accoutumé à obéir ; il obéit.

Son arrivée excite plus que de l’étonnement. On a peur. Ce n’est peut-être pas sans raison. Ses visites, accompagnées de sacrifices, avaient volontiers pour but certains redressements à opérer ; tel reproche à faire, par conséquent, et tel avertissement à donner. Il n’a pas cessé d’être juge, lors même qu’il ne gouverne plus. En cette qualité, i] s’est montré un exécuteur rigoureux des ordres de Dieu dans l’affaire d’Agag. Les Bethléhémites ne sont peut-être pas tout à fait nets du péché commis par Saül. Tel de leurs anciens peut bien avoir, aussi, pris du butin sur Amalek. On est donc, au premier abord, plus inquiet que charmé de voir entrer Samuel dans la ville. « Ton arrivée annonce-t-elle quelque chose d’heureux ? » lui dit-on, de la voix d’une conscience qui n’est pas tranquille, – Le voyant ne se complaît point à faire trembler ses concitoyens. Il les rassure au plus vite. Il convie les gens de Bethléhem, à une fête qui commence par un culte. Seulement, il leur rappelle le devoir de se sanctifier avant d’y prendre part. Nous connaissons les ordonnances lévitiques relatives à cette sanctification : lavage du corps, lavage des vêtements, autant de symboles qui devaient représenter la purification de l’âme. – Une invitation spéciale est envoyée à Isaï et à ses fils.

Nous savons très peu de chose sur cette famille. Au nombre de ses ancêtres, nous rencontrons un certain Nachschon, qui avait été chef de la tribu de Juda dans les marches à travers le désertv, mais dont l’histoire nous reste inconnue. Isaï, à en juger par ce qui suit, aurait été plus riche en enfants qu’en revenus et en troupeaux ; du moins, un de ses fils (il en avait huit) parle du « peu de brebis » possédé par le pèrew. Il y a lieu de croire que la piété n’était point étrangère à sa maison. Le seul fait qu’elle est choisie pour assister au repas du sacrifice, présidé par le prophète, suffirait à nous le faire supposer. Les enfants paraissent respectueux pour leur père et pour l’hôte distingué qui honore leur famille. Tous lui sont présentés, les uns après les autres, en commençant par l’aînéx.

vNombres 2.3 ; Ruth 4.18-22. Ce dernier passage place aussi parmi les ancêtres d’Isaï Ruth la Moabite.

w17.28.

x – Le récit, très rapidement mené, laisse quelque doute sur le lieu et le mode de cette présentation. Eût-elle lieu devant les anciens, dans la salle du banquet ? Le texte semble l’indiquer. Il permet cependant aussi de croire que Samuel, avant le repas, s’est rendu chez Isaï pour l’inviter ainsi que ses fils. Ceux-ci, alors, auraient tous passé devant lui. Mais les anciens n’y étaient pas et n’auraient pas assisté à l’onction de David. Cela paraîtrait plus sage, en vue du secret à garder.

Samuel ne se défend pas, en les voyant, d’une réelle satisfaction. Ces beaux jeunes gens qui défilent devant lui rappellent aisément l’impression qu’il avait reçue de la beauté de Saül. Il se reporte à sa première rencontre avec ce modeste campagnard qui cherchait des ânesses égarées. Il croit entendre encore les acclamations du peuple, au moment où l’élu sortit de sa cachette, avec je ne sais quoi de royal répandu sur toute sa personne. Il aurait voulu, pourquoi pas ? que le successeur de Saül ne lui fût pas inférieur sous ce rapport. Et quand il voit entrer Éliab, l’aîné, il ne peut s’empêcher de dire : C’est celui-là !

Il se trompait. Heureusement que son erreur ne pouvait pas avoir des conséquences graves. Samuel restait toujours dans l’intimité de son Dieu. A toute heure il savait entendre une voix d’En-Haut qui parlait à sa conscience, et que les autres ne discernaient point. Or cette voix fidèle, la même qui lui disait jadis à Rama, à l’approche de Saül : « C’est lui, » dit maintenant d’Éliab ; « Je l’ai rejeté. » Vous le voyez : Arrivé au terme de sa carrière, enrichi d’une foule d’expériences qui le placent au-dessus de ses contemporains et de la plupart de ses successeurs, Samuel a encore une grande leçon à apprendre. Il aurait dû la savoir. Au fond, il n’ignorait pas absolument que l’Eternel n’arrête pas toujours ses regards là où l’homme arrête les siens. Mais il avait oublié, dans un instant d’entraînement. Il lui fallait rapprendre. Il n’y a pas là de honte, croyez-le bien. La honte, c’est de prétendre savoir lorsqu’on ignore, et de se refuser à être enseigné. Ne craignons pas de prolonger notre temps d’école ; nous nous y trouverons en compagnie de Samuel.

Non, l’Éternel ne considère pas ce que l’homme admire le plus. L’apparence nous satisfait. Nous nous laissons éblouir. Dieu, qui regarde au cœur, soulève les voiles, arrache les masques. Il descend jusqu’aux sources de la vie. J’ignore s’il ne les a pas trouvées pures chez Éliab. En tout cas, elles n’étaient pas suffisantes. Éliab ne pouvait pas être roi ; Abinadab non plus ; Schamma pas davantage. Bref, aucun des sept fils que le père fait passer successivement devant le prophète. Isaï a-t-il soupçonné le sens de cet examen ? A-t-il compris la parole qui le termine : « L’Éternel n’a choisi aucun d’eux ? » J’en doute. Il me semble plutôt que cette parole aura été pour lui une énigme. Qu’est-ce donc que ce choix de l’Éternel ? Dans quel but a-t-il été fait ? Comment parvenir à le connaître ? Questions que l’homme de Dieu laisse sans réponses.

Mais il n’était pas possible qu’il sortît de la maison d’Isaï sans avoir accompli son mandat. Ce n’était pas chez quelque autre Bethléhémite que Dieu l’avait envoyé ; c’était bien chez celui-là. Il s’adresse donc au père de famille. « Sont-ce là tous tes fils ? » lui dit-il. Non ! il y en avait encore un, le plus jeune, celui dont on paraît n’avoir pas fait beaucoup de cas, précisément parce qu’il était le cadet. Ses aînés ne le traitaient pas toujours avec une très tendre affection. Comme on lui avait confié la surveillance du troupeau, on n’a pas pas jugé qu’il valût la peine de le rappeler en ville pour le sacrifice. Le père n’y pensait pas. Mais Samuel y pense, lui. Dieu ne vient-il pas de lui dire qu’il a une toute autre manière de juger que les hommes ? Si ce petit berger était celui qu’il a choisi ? Il faut s’en assurer. La fête ne commencera point qu’il ne soit arrivé… Touchante manière d’agir de notre Père céleste. Il a une pensée spéciale pour les plus petits. Les jeunes ont leur valeur devant lui, aussi bien que les plus âgés. Que sont les années à ses yeux ? Il aime à confier aux hommes les moins en vue l’exécution de ses plus grands desseins. Parfois il tient compte du droit d’aînesse ; l’histoire de Jacob nous le prouve. Mais il crée aussi le droit des cadets ; au besoin il le défend. Il prend ici le rôle d’Isaï ; il lui rappelle qu’il n’y a pas de joie complète là où les plus jeunes ne sont pas invités.

N’est-ce pas aussi votre avis, sœurs et frères aînés qui voulez bien lire ces pages ? Ou tiendriez-vous avant tout à faire valoir le chiffre de vos années ? Vous plairait-il de transformer en tyrannie les honneurs que vous confèrent trois ou quatre printemps de plus ? Si quelque prophète chrétien vient un jour visiter votre famille, votre orgueil vous aura-t-il rendus si désagréables, que l’hôte de vos parents devrait répéter avec un soupir la question de Samuel : Sont-ce là tous vos enfants ? Faites en sorte, plutôt, que votre père, votre mère, trouvent chez eux un David, à présenter au Samuel qu’ils recevront à leur foyer.

Il était beau, ce jeune berger. Non pas de la beauté virile et imposante de Saül ; mais de cette beauté gracieuse qui attire peut-être encore plus, et qui marque volontiers le passage de l’adolescence à l’âge mûr. Blondy, les joues rosés, portant sur toute sa personne un air de fraîcheur qu’on apprécie d’autant plus qu’il ne dure pas longtemps, David, j’en suis sûr, était charmant. Samuel ne put saluer qu’avec sympathie cette aimable apparition. Nous l’avons déjà dit : des détails de ce genre ne semblent pas superflus à l’écrivain sacré. Si la beauté ne suffit pas à dicter le choix de Dieu, elle n’est pourtant pas non plus un motif d’exclusion. Ne soyons pas plus austères que la Bible.

y – On me permettra de ne pas discuter si l’adjectif rouge, écrit dans le texte, s’applique aux cheveux ou au teint de David. Les cheveux noirs étant ordinaires dans les pays chauds, il me paraît probable qu’une chevelure blonde devait être remarquée en Palestine comme une beauté.

Ce jeune homme, ce gardeur de brebis, est donc celui que l’Éternel a désigné pour faire de lui le conducteur de son peuple. Samuel s’était assis, en attendant l’arrivée du dernier fils d’Isaï. Quand il le voit paraître, le même langage muet qui avait ordonné de rejeter Éliab et ses frères se fait entendre au prophète : « Lève-toi, oins-le, car c’est lui. » Et il verse sur cette jeune tête l’huile qu’il avait apportée. Il part, ensuite, et retourne à Rama.

La famille de David a-t-elle compris l’acte qui vient de s’accomplir ? Les anciens, s’il y en avait qui fussent présents à cette scène, en ont-ils deviné le sens ? C’est fort peu probable. Le texte n’ajoute pas la plus courte explication. L’historien Josèphe, il est vrai, a tâché de suppléer à ce silence. Il raconte que le voyant fit placer David à table à côté de lui, et lui fit bien des confidences. Il lui aurait exposé que Dieu l’appelait au trône, l’aurait exhorté à la justice, lui aurait promis qu’à cette condition « la royauté serait assurée de longues années et qu’il deviendrait une maison illustre et fameusez. » Josèphe reproduit très probablement ici quelque tradition qui avait cours chez ses concitoyens. Cela ne saurait pourtant nous en garantir l’exactitude. La manière dont le récit biblique est conçu nous donnerait plutôt à penser que rien de pareil ne s’est dit. Il importait beaucoup que Saül, au moins pour un certain temps, ne sût rien de cette scène. Or un mot imprudent est vite prononcé, plus vite encore transformé. Sur des bruits inexacts, le fils de Kis aurait fait massacrer le fils d’Isaï, avant qu’il eût eu le temps de s’enfuir. Plus tard même, quand David sera présenté à Saül, ce ne sera point en tant qu’oint du Seigneur. On le lui amènera comme un joueur de harpe qui pourrait calmer ses transports ; ou comme un jeune guerrier, vainqueur de Goliath et qui pourrait orner sa garde. Ce sera déjà bien assez pour exciter son envie.

z – Jos. Antiq. VI, 8, 1.

Samuel a usé dans tout ceci d’une très grande prudence. Il n’a point expliqué en quelle qualité David recevait l’onction. Qui donc soupçonnerait en lui le successeur du roi ? L’huile sainte le marquait, aux yeux de ses frères, d’un sceau tout autre. Ou bien il allait avoir quelque fonction à remplir dans le sacrifice qui se préparait. Ou bien il était enrôlé comme disciple dans une école de prophètes. Qu’il fût dès cet instant destiné à porter une couronne, c’est ce que personne peut être ne supposa. Plus tard, beaucoup plus tard, David comprit. Et il reconnut alors combien il lui avait été bon d’avoir été mis à part de bonne heure pour un service de Dieu, même avant d’en savoir la nature.

L’entrée de Samuel dans la maison d’Isaï Bethléhémite est un de ces événements dont l’importance doit être jugée, non par le fait immédiat, mais par les conséquences qu’il entraîne. A ce point de vue, j’en sais peu d’aussi considérables. Le prophète n’en avait probablement pas lui-même calculé toute la portée. Nous sommes en mesure, aujourd’hui, d’en concevoir l’étendue.

De cette humble demeure allait sortir le chef d’une famille royale, dont Jésus devait être le descendant. Ainsi l’avait décidé « Celui qui opère toutes chosesa. » Le berger, sur la tête duquel l’huile sainte a été versée, n’est pas un roi indiqué par la faveur populaire. Aucune acclamation n’a retenti à ce moment. Lui-même, nous venons de le dire, n’a point deviné tout de suite ses hautes destinées. Toutefois, il a été l’objet d’une vocation très personnelle et très directe. Rien ne l’avait encore désigné à l’attention du prophète ; on peut croire qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. L’Éternel l’avait discerné entre tous les Israélites ; cela suffisait. C’est pour Lui, tout d’abord, que Dieu l’a pris. « Va chez Isaï, avait-il dit au croyant. J’ai vu parmi ses fils celui que je désire pour roi. » Remarquable parole. Le peuple avait désiré Saül. Dieu a désiré David. Quelle entrée en charge pour un monarque ! C’est donc pour sa propre cause, c’est pour son règne et dès lors pour son Église, que l’Éternel a fait choix de ce nouveau prince. Le fils de Kis a été roi d’abord pour son peuple ; ensuite, toujours plus exclusivement, pour soi-même. Le fils d’Isaï est oint pour Dieu, roi pour l’Éternel et pour son service. L’ancêtre de Jésus-Christ ne portera la couronne que pour la déposer par avance, dans ses cantiques immortels, aux pieds de Celui qu’il aurait certainement salué, s’il l’eût rencontré, du cri de Nathanaël : « Maître, tu es le Fils de Dieu ; tu es le roi d’Israëlb. »

aÉphésiens 1.11.

bJean 1.50.

Alors s’est fondée, non pas la plus durable des dynasties, mais la seule qui dure encore, la seule qui doive durer toujours. La forme en est changée. Le fond n’en est point altéré, parce que c’était un fond divin. Le libre choix de Dieu donnant David aux Hébreux, était étroitement rattaché au libre choix de Dieu donnant son Fils au monde, en la personne d’un descendant de David. Connaissez-vous dans l’histoire une succession princière plus grandiose que celle-là ? Le chantre des révolutions modernes a pu dire, dans une de ses belles inspirations :

Tout s’efface, tout se délie,
Le flot sur le flot se replie,
Et la vague qui passe oublie
Léviathan comme Alcyon.c

c – Victor Hugo, Les chants du crépuscule. C.R.

Et cela est vrai. Vrai de toutes les républiques comme de toutes les monarchies. Vrai de tous les trônes, un seul excepté : celui de David. Il y a un nom de roi qui ne disparaîtra pas, et qui a laissé des traces plus profondes que ceux de César et de Napoléon. Il y a un souvenir qui ne sera pas oublié. Des millions de voix le rappellent chaque semaine, à l’heure où l’Église proclame les louanges de son Chef. C’est le souvenir, c’est le nom du berger devenu roi, dont l’Esprit saint a fait le poète préféré d’Israël et dont les Psaumes, après avoir été le trésor de la Synagogue, restent une des expressions les plus pures des douleurs comme des triomphes du chrétien.

Beaucoup d’empires s’effaceront encore. Bien des flots menaçants se replieront sur d’autres flots. Des vagues passeront, ne laissant après elles qu’un peu d’écume ou quelques grains de sable. Toujours l’âme en détresse, réunissant dans une seule prière le nom du fils d’Isaï et celui du fils de Marie, poussera ce cri de la foi : « Jésus, fils de David, aie pitié de moid ! » Les croyants, jusqu’à la fin, s’exhorteront entre eux ainsi que Paul exhortait Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ, issu de la postérité de David, ressuscité des mortse. »

dMarc 10.47.

e2 Timothée 2.8.

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