Fondé sur le Roc

Chapitre 8

La préparation du réveil

Ceux qui ont eu l’insigne privilège de passer par un vrai réveil du Saint-Esprit, comme le fut le réveil du Pays de Galles, savent que certaines impressions reçues alors restent ineffaçables, et que certaines leçons apprises permettent ensuite de discerner les dangers et les déviations qui menacent tout vrai mouvement du Saint-Esprit.

Je parle ici du vrai réveil : une intervention de Dieu par la puissance du Saint-Esprit dans la vie de Son Eglise, et par elle en grâce et en salut dans le monde, jusqu’aux extrémités de la terre.

Le mot réveil était alors revêtu de toute sa fraîcheur. Il signifiait réellement un renouveau divin. On n’avait pas encore employé ce mot à tort et à travers comme on en a ensuite pris l’habitude, au grand détriment de l’œuvre de Dieu et du réveil lui-même.

Le réveil est une expérience unique, précise et pratique. Quand on en comprend la portée, on réalise combien il est solennel de parler de réveil et de prier pour le réveil. Tant de chrétiens ne savent pas ce qu’ils demandent et sont en dehors de toute réalité en employant ce terme qui devient rapidement une forme de piété, un cliché vide de sens, ou une étiquette qu’on colle sur toutes sortes de manifestations souvent étrangères au vrai réveil. L’origine et les caractéristiques de tout vrai mouvement de réveil portent l’empreinte de la Parole et de l’approbation divines, et montrent des fruits qui sont agréés de Dieu et approuvés des hommes, selon Romains 14.18.

Le réveil… c’est Dieu qui intervient dans la vie de Ses enfants et de l’Eglise pour en prendre la direction ; et c’est cela souvent que l’on redoute et la raison véritable pour laquelle on s’y oppose. Le Saint-Esprit doit entrer dans Ses droits ; l’homme doit prendre sa place derrière le Seigneur. Les plans, les pensées des hommes doivent être soumis à Celui qui est le Chef de tout le corps. Pour la chair, cette intervention divine est une chose solennelle et quelquefois terrible. Dieu vient à nous, et Ses enfants reviennent à Lui et à Sa Parole, confessant leurs péchés et leurs doutes.

Le réveil… c’est la fin de la critique biblique, c’est la délivrance des victimes du doute, c’est le retour à la simplicité qui est en Christ, à l’autorité absolue de Sa Parole dans la vie des chrétiens et des Eglises. On apprend à trembler devant la Parole de Dieu. On éprouve la réalité et l’autorité de la puissance du Saint-Esprit et de la Parole. Le Saint-Esprit lui-même donne conviction de péché.

Le réveil… c’est le Seigneur Lui-même qui commence le jugement dans Sa propre maison. C’est le fouet à petites cordes qu’il brandit dans le temple. C’est la découverte des interdits et du péché dans le sanctuaire. Sans distinction, conducteurs spirituels et croyants sont amenés au pied de la Croix pour se mettre en ordre avec Dieu, et là ils trouvent leur véritable unité spirituelle.

Le réveil… c’est le règlement des comptes devant Dieu, mais en grâce et en vérité, et c’est la réparation des torts commis envers les hommes, et cela en toute droiture et franchise. L’on ne peut y échapper si c’est le vrai réveil. Confessions, réparations et restitutions, tel est le prix à payer pour l’obtenir, si l’on veut échapper à la contrefaçon, à la mort, ou à l’aveuglement spirituels qui résultent du refus d’obéir à Dieu et de se plier devant Lui.

Le réveil, c’est Dieu qui fend le ciel comme un éclair dans la nuit, qui dévoile la différence entre la vraie et la fausse piété, qui dépouille Ses enfants de cette forme et les amène à Ses pieds pour enfin connaître Son amour véritable. C’est en effet l’éclair du ciel qui purifie l’atmosphère, qui amène un changement réel, une transformation complète dans la vie individuelle et collective de l’Eglise. C’est alors que tombe la pluie de bénédiction ; les écluses des cieux s’ouvrent, et la plénitude de Dieu coule en torrents de vie emportant tout devant eux.

Le réveil… c’est l’esprit de prière et de louange délié et manifesté en toute liberté sous le contrôle du Saint-Esprit. La prière n’est plus un travail, mais une puissance. Il faut prier, les cœurs sont enfin libres, les timides perdent leur timidité, les profanes apprennent à trembler devant Dieu, les orgueilleux deviennent humbles, toutes les forces inemployées de l’Eglise sont mobilisées par le ciel. Quand lui-même est courbé, quand lui-même en paye le prix, le conducteur spirituel voit son Eglise transformée, et ses soupirs cachés trouvent leur exaucement. L’Esprit de Dieu souffle comme le vent, Il vient comme la rosée, Il change l’atmosphère, Il la remplit de Lui-même, du parfum du Nom béni de Christ. C’est le printemps spirituel, la joie, la paix, le chant et la liberté.

Le réveil, c’est recevoir l’amour des âmes perdues et l’appel à les amener à Christ. Le réveil véritable, c’est la négation de l’égoïsme, c’est le sens de l’amour de Dieu créé en nous pour le monde. Le réveil, comme le vent, ne reste jamais stationnaire. Comme le torrent jaillissant de sa source, il coule toujours plus loin dans une direction divinement établie d’avance. Le réveil crée des vocations, envoie au loin des vies consacrées. Il prouve sa réalité par la dispersion de la bénédiction sur les non-atteints et par la diffusion de la Parole dans le monde. En un mot, Christ est glorifié.

Le réveil est semblable au Nil qui, après avoir débordé et inondé le pays, laisse derrière lui en se retirant le terrain enrichi d’un limon fertilisant. Quand le réveil se cristallise dans une forme quelconque, il a vécu. Il faut qu’il croisse, qu’il s’étende, sinon il devient stagnant et fait germer toutes sortes de maux. C’est alors que ce qui a commencé par l’Esprit termine par la chair qui, elle, fait appel à toutes les exagérations malsaines.

Mais quand le réveil envoie ses étincelles au loin dans la nuit, quand les réveillés reçoivent le manteau du service divin auprès des perdus, s’occupant des non-atteints selon la vocation missionnaire d’Actes 1.8, alors on peut être certain qu’il s’agit de l’action de l’Esprit de Dieu. Si les fleurs du printemps sont tombées, si les parfums ont fait place au fruit, c’est l’effet de la loi divine de la croissance. Et bientôt voici la moisson mûre de vies données qui, à leur tour, voient une moisson bénie là où Dieu les envoie.

Le réveil, ce n’est pas un mouvement que les hommes peuvent organiser; il dépend de Dieu seul. Ce n’est pas le produit d’efforts fiévreux, mais une visitation d’en haut, un don de Dieu. C’est le vent du ciel qui souffle où il veut. Tout vrai réveil a ses sources cachées où l’œil de l’homme ne peut pénétrer. Sous l’inspiration divine, les chrétiens, saisis par Dieu, s’unissent pour prier jusqu’à ce qu’Il bénisse. Le Seigneur a Ses intercesseurs qu’Il prépare d’avance à ce ministère. Bientôt ces sources devenues des fleuves se déversent sur telle contrée, tel pays, comme dans la vision d’Ezéchiel (chapitre 47), et, partout où coulent ces eaux, la vie renaît.


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Si je parle de préparation du réveil, c’est parce que c’est un facteur essentiel. Tout réveil de la vie divine dans un cœur, dans une Eglise, dans un pays, a son exact parallèle dans le réveil de la nature. L’hiver, avec sa mort, sa froidure et sa tristesse, nous amène à soupirer après le renouveau. Alors vient le printemps, qui nécessite les labours, les travaux préparatoires permettant les semailles. Puis éclot la belle floraison passagère qui parfume l’air et se poursuit jusqu’en été. Enfin vient la saison des moissons et des récoltes. La floraison du printemps en était l’avant-goût, le point de départ, et elle ne devait pas être considérée comme un point d’arrivée.

En Suisse romande, lorsque Dieu bénissait si visiblement au moment du réveil, vint l’heure où commença la lutte inhérente à toute vraie œuvre du Saint-Esprit. C’était le chemin de l’opprobre et de l’opposition ; plusieurs s’en allèrent, préférant un chemin plus facile. Que de fois alors n’avons-nous pas entendu des regrets, des soupirs après « ces beaux jours d’autrefois » ! Ceux qui s’expriment ainsi en de telles circonstances prouvent qu’ils voudraient que le printemps soit une saison continue et que les fleurs ne tombent jamais. Ils voudraient se délecter des parfums du réveil de la nature, en un mot rester à l’état d’enfance spirituelle avec tous les dangers de cet âge. Ils oublient que Dieu a Ses lois comme Il a Ses plans, qu’il faut que la floraison fasse place au fruit, et que les labours soient suivis de la moisson.

Depuis mon séjour à Glasgow, ce but de la moisson a toujours été présent à mon esprit. Il y a eu maintes tentations et maints tentateurs pour m’engager à rester dans le verger du printemps, mais le Seigneur avait dit : « Les extrémités de la terre. » Il avait dit aussi : « Regarde vers le nord, le sud, l’est et l’ouest, car Je te donnerai, à toi et à ta postérité pour jamais, tout le pays que tu vois. » Il a accompli Sa volonté et Ses promesses tout en conduisant de force en force dans la diffusion de l’Evangile où Christ n’avait pas encore été annoncé.

La préparation du réveil est donc le labourage des cœurs et des consciences. C’est la confession de la mort et de la stérilité, le besoin de la chaleur et de la vie. A Glasgow, nous n’avons nullement échappé à cette préparation ; bien au contraire, nous l’avons expérimentée d’une façon précise et personnelle.

J’écris ces souvenirs que l’Esprit de Dieu vivifie et rend si réels à mon esprit dans le dessein que beaucoup de Ses enfants divisés retrouvent leur unité dans un désir commun de renouveau spirituel et en se soumettant aux lois du Saint-Esprit. C’est une telle grâce, une telle responsabilité de vivre dans le temps présent ! Le Seigneur qui voit nos besoins veut certainement rallumer en nous et dans Son œuvre le don qu’Il y a déposé, et cela pour le plus grand bien de tous.


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Je veux essayer de dépeindre l’état de nos vies à l’Ecole Biblique avant le réveil. Nous étions environ cent vingt élèves, peut-être quatre-vingts jeunes gens et quarante jeunes filles. Nous représentions tous les milieux et toutes les congrégations évangéliques de l’Ecosse, de l’Angleterre et de l’Irlande. Il n’y avait que quelques élèves étrangers.

Le fondement et les principes bibliques qui caractérisaient l’enseignement écartaient d’emblée toute confusion doctrinale. La théologie de nos professeurs était saine, positive et riche. Les élèves possédaient des convictions bibliques personnelles avant de venir à l’Ecole. Le but essentiellement pratique et missionnaire des uns et des autres assurait l’esprit de prière et l’orientation spirituelle de chaque session. Notre directeur s’efforçait de maintenir un niveau spirituel élevé et l’esprit de prière et de consécration tel qu’il devait être dans un tel lieu. Le travail pratique et varié confié aux étudiants devait les empêcher de se complaire en eux-mêmes ou de se dessécher dans un intellectualisme doctrinal, si orthodoxe fût-il. En un mot, nos privilèges étaient très grands. Et, comme nous l’avons appris ensuite, nos responsabilités l’étaient aussi.

Une certaine unité s’établit d’emblée entre les étudiants. Chacun avait déjà fait diverses expériences. Plusieurs savaient à quoi ils étaient destinés, comme évangélistes, pasteurs ou missionnaires, dans notre pays ou à l’étranger. La grande variété des milieux représentés était à la fois une richesse et un moyen d’éducation. Nous apprenions à vivre en harmonie, bien qu’ayant des conceptions religieuses très différentes, et nous apprenions ainsi à recevoir les uns des autres.

Très vite, chaque étudiant trouva sa place et la ligne d’activité convenant à ses goûts spirituels. Les uns, habitués aux formes et à la routine, s’y maintenaient. Les autres, accoutumés à l’activité agressive et bruyante, avaient, dans une ville telle que Glasgow, ample opportunité d’agir selon leur convenance.

La session débuta dans la paix, alors qu’une glorieuse page de l’histoire de l’Eglise de Christ commençait à s’écrire. Depuis les premiers mois de l’année 1904, Dieu était en train de remuer le Pays de Galles, et les nouvelles de ce qui s’y passait arrivaient en Ecosse, éveillant à la fois l’intérêt, la curiosité et les besoins spirituels. L’un des livres de ma bibliothèque que je conserve avec le plus de soin est la série complète des rapports d’un journaliste chrétien attaché à un grand quotidien gallois, et qui suivit le réveil dès le début et en particulier les réunions d’Evan Roberts. Chaque semaine, ces rapports parvenaient à Glasgow, et je m’en nourrissais, ainsi que quelques-uns de mes camarades. D’autres s’y intéressèrent, et peu à peu le réveil devint la préoccupation constante de la plupart d’entre nous.

Ce que Dieu faisait là-bas produisit en nous un certain trouble, car nous constations combien nous étions loin de cette puissance de vie telle qu’elle est en Jésus-Christ, telle qu’elle se manifestait au Pays de Galles. Le zèle, nous l’avions, mais ce n’est pas nécessairement la puissance spirituelle. L’orthodoxie biblique, nous l’avions aussi, mais elle n’est pas nécessairement la vie divine, elle peut n’être qu’intellectuelle, lettre morte. Des formes correctes, des cadres ecclésiastiques, nous en avions, mais souvent ils étouffent et excluent la puissance du Saint-Esprit.

Notre Père céleste allait nous apprendre la leçon difficile que le prophète Michée décrit en ces termes : « Avec quoi préviendrai-je l’Eternel, et me prosternerai-je devant le Dieu souverain ? Le préviendrai-je avec des holocaustes, avec des veaux d’un an ? L’Eternel prendra-t-Il plaisir à des milliers de moutons, ou à dix mille torrents d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour mon forfait, et mes enfants pour le péché de mon âme ? O homme ! Il t’a déclaré ce qui est bon ; et qu’est-ce que l’Eternel demande de toi, sinon de faire ce qui est droit, d’aimer la miséricorde et de marcher dans l’humilité avec ton Dieu ? » (Michée 6.6-8.)

Comme Jésus-Christ Lui-même le dit : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais Tu M’’as formé un corps. Tu n’as point pris plaisir aux holocaustes ni aux sacrifices pour le péché. Alors J’ai dit : Me voici ; Je viens, ô Dieu, pour faire Ta volonté, comme il est écrit de Moi dans le Livre » (Hébreux 10.5-7).

Nous devions apprendre à connaître le néant de ce que nous avions jusqu’alors jugé acceptable devant Dieu, et être amenés à confesser à Dieu notre impuissance et l’insuffisance de notre service. C’est là l’une des plus grandes grâces qui nous aient été faites.


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Je me liai très vite avec quelques camarades, surtout avec l’un d’entre eux, Thomas Mitchell, qui avait le même zèle ardent pour le service de Dieu, dans n’importe quelle activité agressive de salut auprès des perdus.

Si je parle ici de moi-même, ce n’est certes pas pour me glorifier, comme on le verra plus loin, mais pour montrer par quel chemin d’humiliation mes amis et moi avons dû passer, malgré tout ce que nous professions et possédions, avant de recevoir le réveil ardemment désiré. Dieu construit toujours sur des fondements sûrs. Il sème dans une terre préparée. Il instruit avant d’inspirer. Il discipline avant de donner Sa plénitude.

Il connaissait l’ardent désir de Ses jeunes serviteurs, mais avant d’y répondre, Il voulait assurer à nos vies et à notre service un fondement solide, et nous enseigner des leçons qui ne seraient jamais oubliées. L’or de nos connaissances bibliques devait passer par le feu. Le zèle de notre service devait être contrôlé et purifié par Son Saint-Esprit. Que le jeune chrétien apprenne d’emblée cette leçon ! Que le chrétien adulte qui voit sa stérilité ne se décourage pas, mais qu’il revienne à son Sauveur qui veut lui donner ce « cœur de chair », cette simplicité qui est en Christ et la vie véritable de l’Esprit qui en résulte. C’est maintenant le temps favorable !

A la fin de l’année, deux faits se précisèrent : Les nouvelles du Pays de Galles, toujours plus abondantes, nous apportaient comme « le bruit d’une grosse pluie » et créaient dans nos cœurs une soif intense de ce que Dieu donnait ailleurs. En même temps, nous réalisions l’insuffisance de notre zèle, la stérilité de nos connaissances et l’absence de vie divine de notre témoignage.

Mon ami et moi étions parmi les piliers des réunions de prière, les premiers à évangéliser. Nous allions jusqu’à offrir à nos camarades de prendre leurs réunions en échange du travail de maison qu’ils se chargeaient alors de faire pour nous ! Mais au fond de mon cœur, j’éprouvais un salutaire sentiment de trouble, de lacune spirituelle. Les cours bibliques journaliers faisaient tout mon bonheur. Quand je n’étais pas de service quelque part, je dévorais ma Bible et étudiais mes cours, mais avec une tristesse constante dans le cœur. J’éprouvais toujours davantage la nécessité d’un secours divin, et les nouvelles du Pays de Galles ne faisaient qu’accroître ce besoin.

Avant que nous nous séparions pour les vacances de Noël, notre directeur convoqua tous les élèves et nous ouvrit son cœur. Lui aussi sentait que la vie spirituelle des étudiants non seulement laissait à désirer, mais qu’elle baissait. Il nous en exprima sa souffrance. Fidèlement, il ne nous épargna pas. « Plutôt que de vous voir devenir secs comme la poussière et morts comme le sépulcre, nous dit-il, je préférerais fermer les portes de cette Ecole. Dieu demande vos vies, et ensuite Il vous apprendra à Le servir. » Son insistance et sa souffrance m’impressionnèrent. En terminant, il nous dit : « J’ai l’intention, pendant les vacances, de rejoindre M. Evan Roberts au Pays de Galles. Je demande à Dieu que les choses changent ici et qu’à mon retour nous puissions aussi voir le réveil éclater à Glasgow. »

Avec mon ami Mitchell, nous montâmes dans ma chambre et nous mîmes à genoux pour faire cette prière solennelle : « Seigneur, donne-nous le réveil à n’importe quel prix ! » Cette prière jaillit de nos cœurs où le Saint-Esprit était déjà à l’œuvre et nous préparait à ce qui allait venir.

Prenons garde à de telles prières ! Ne parlons pas à la légère d’un tel sujet. Cependant ne craignons rien, Dieu entend, Il nous prend au mot. « Il n’éteint pas le lumignon qui fume, Il ne brise pas le roseau froissé. » Sachons désirer à tout prix la vraie chose. Evitons soigneusement ce qui n’est que la contrefaçon, l’apparence du réveil, « l’article bon marché », agréable à la chair peut-être, mais qui ne vient pas du sanctuaire et maintient le chrétien dans un état psychique qui appartient à l’enfance spirituelle.

C’est à la Croix que Dieu nous attend, c’est là que finissent nos efforts propres. C’est en confessant notre faillite spirituelle au pied de la Croix que nous trouverons Celui qui communique une vie nouvelle, abondante, celle de la résurrection. Car « si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature, les choses vieilles sont passées, et voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2 Corinthiens 5.17). N’oublions pas que ces grandes vérités concernent non seulement le salut, mais le service de l’enfant de Dieu.


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La coupure que les vacances de Noël produisirent inévitablement dans la vie d’ensemble de l’Ecole se fit sentir à notre retour. Certains élèves étaient retournés à ce qu’ils avaient quitté en venant à Glasgow : les ornières, la tendance à la quiétude et à l’égoïsme d’une vie religieuse et formaliste. Quelques-uns s’étaient laissé distraire de la vie de prière intense qui avait caractérisé les premières semaines de la session. D’autres s’étaient renforcés dans un intellectualisme qui les poussait aux critiques et aux discussions. Mais d’autres avaient rendu témoignage de ce qu’ils avaient déjà reçu et, selon la loi divine, ils avaient ainsi progressé dans leur vie spirituelle. Si le chrétien ne met pas en pratique la Parole reçue, c’est la chair qui reprend ses droits. Et la chair n’est jamais aussi dangereuse et sujette aux illusions que lorsqu’elle se revêt de formes, d’étiquettes bibliques et d’un zèle apparemment spirituel.

Pendant ce temps, les nouvelles du Pays de Galles s’étaient répandues partout. Le feu commençait à s’allumer ici et là. L’Esprit de Dieu Se mouvait sur les chrétiens, créant une soif ardente de renouveau spirituel — ce qui n’existait pas auparavant. Dieu n’exauce pas toujours nos prières comme nous le désirons ; heureusement pour nous ! Mais Il compatit à nos infirmités et à notre ignorance qui se manifestent si souvent dans nos prières mêmes. Quant à nous, étudiants, le fait était évident, le Seigneur avait posé Sa main sur nous, et cela avec fermeté !

Le mois de janvier fut des plus pénibles. Tout ce qui caractérise « l’homme religieux » semblait vouloir s’affirmer. Plus nous priions pour le réveil, et plus les choses allaient mal ! Un esprit de division se manifesta parmi nous, et chacun se rendait fort de ses principes : le presbytérien, de sa tradition ; le dissident, de son orthodoxie ; le perfectionniste, de sa sainteté ; et nous, de notre zèle bruyant. Avec tout cela, le Saint-Esprit était contristé, notre directeur était chargé. Malgré notre entrain extérieur, nous étions tristes et, au fond de nos cœurs, nous soupirions après cette vie que nous n’avions pas ! Nous avions des réunions spéciales pour le réveil. Nous lisions les merveilleux témoignages du réveil au Pays de Galles… qui semblaient bien éloignés de ce que nous étions.

Notre directeur, M. Anderson, était revenu de voyage. Il avait passé plusieurs jours avec Evan Roberts et son staff. Son premier geste fut de convoquer les chrétiens de la ville à une réunion dans la grande salle de l’Ecole. Il tenait à raconter les expériences qu’il avait faites au Pays de Galles. Tous les élèves s’y rendirent pleins d’attente et de foi. Quelques-uns, les formalistes, étaient déjà sur la défensive, prêts à critiquer toute manifestation de réveil. Les autres espéraient que le feu et la puissance de Dieu descendraient sur la réunion ce soir-là et que le réveil éclaterait. Mais ce n’est pas ainsi que l’Esprit de Dieu agit, comme nous allons le voir.

La salle était bondée. L’atmosphère était comme chargée d’électricité. Avant même que la réunion commençât, des chants furent entonnés et les « alléluias ! » furent nombreux. Quand M. Anderson se leva pour prendre la parole, il fut salué par un redoublement de ces cris. A notre étonnement, d’un air triste et sévère, il réprima énergiquement ces manifestations : « Cela, dit-il, ce n’est pas le réveil. On ne peut pas produire le réveil, il faut d’abord en payer le prix. Il faut être courbé devant Dieu. »

Après cette introduction salutaire et inattendue, il raconta ce qu’il avait vu : des scènes inoubliables où des milliers de personnes, des villes, des villages, des contrées entières étaient courbés par la puissance de Dieu ; les auditoires immenses, les vagues de prières et de louanges à Dieu, les chrétiens levant la main au Trône de la grâce, intercédant pour le monde perdu ; les chants majestueux, la joie et la liberté spirituelles ; des Eglises entières transformées, les péchés confessés, les chrétiens réconciliés ; en un mot, la gloire et la vie de Christ manifestées, mettant fin au règne de la mort dans les Eglises. Puis il parla de son contact avec Evan Roberts et nous transmit le message que ce dernier lui avait donné pour l’Ecole et pour nous, étudiants : « L’Eternel, ton Dieu, est au milieu de toi, Il est puissant, Il te sauvera, Il Se réjouira à ton sujet avec joie ; Il Se réjouira à ton sujet en chantant » (Sophonie 3.17).

Ce passage résume l’expérience que nous fîmes ensuite. Le réveil que Dieu nous donna fut caractérisé par les chants de louange, par la puissance de Dieu qui se manifesta en salut, en délivrance, et fut accompagnée d’une joie débordante. Il en fut de même du réveil en Suisse. Dès le début de mon séjour dans ce pays, je traduisis des chœurs et des chants pour les réunions que je fus appelé à tenir dans une colonie d’enfants près de Genève ; ce fut l’origine de mon recueil : Chants de Victoire, dont plusieurs éditions se succédèrent avant que parût l’édition agrandie avec musique et employée actuellement dans bien des pays de langue française. Le réveil qui éclata ensuite donna naissance au recueil : Chants de Guerre et de Gloire, dont le caractère est unique. Ainsi le chant et l’esprit de louange du début du réveil à Glasgow continuèrent à être l’un des traits distinctifs de l’œuvre qui en est le fruit. Il est bon de remonter à l’origine des choses et de se souvenir que le réveil est la source de ces deux recueils. Revenir à cette source assurerait aussi l’unité spirituelle qui fut créée alors, comme nous le verrons.

Le message d’Evan Roberts nous fit une profonde impression. Nous sentions que le Seigneur allait intervenir et que ces paroles du prophète Sophonie étaient bien le message de Dieu pour nous. La réunion se termina dans un solennel sentiment de Sa présence. Le silence avait suivi le bruit. L’effervescence avait fait place à la conviction de péché, œuvre du Saint- Esprit, et nous étions nombreux à éprouver le besoin de cacher notre face devant le Seigneur trois fois saint.

Ce soir-là, nous remontâmes dans nos chambres encore plus troublés qu’auparavant. Une fois de plus, le Saint-Esprit semblait parler à chacun. Aux uns, Il montrait le vide du formalisme ; aux autres, la stérilité et l’absence de vie divine de leur orthodoxie ; aux bouillants, Il montrait leur manque de vraie puissance divine. Mon ami Mitchell et moi-même souffrions profondément. Notre joie s’était éteinte ; notre zèle nous paraissait forcé. Seuls ceux qui ont fait de telles expériences savent ce qu’elles comportent de douleur ; mais elles sont inoubliables, ineffaçables, et c’est là le vrai travail du Saint-Esprit.

Sous l’éblouissante clarté du Maître Lui-même, notre service, notre zèle, notre attachement à la vérité prenaient un nouvel aspect. Le Saint-Esprit sondait nos cœurs et répondait aux prières que nous avions faites en toute sincérité, sans savoir où elles nous conduiraient. Que de luttes intimes il faut traverser avant que jaillisse des cœurs la confession : « Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? »

A la suite de cette grande réunion publique, M. Anderson vint exceptionnellement, le lendemain matin, assister à notre culte d’élèves. Il semblait ne plus pouvoir supporter le fardeau qui l’écrasait à notre sujet. En effet, le niveau spirituel avait encore baissé à tel point qu’il arrivait que nul ne priât dans ce culte. Pourtant nous étions tous serviteurs et servantes de Dieu, étudiant la Bible et nous préparant au ministère. Mais l’esprit de critique augmentait entre nous ; les susceptibilités, les rivalités s’entrechoquaient ; la cause des missions pâlissait dans cette sorte de fausse lumière dans laquelle nous nous débattions. L’étude de la Parole perdait son intérêt, et la Bible semblait se fermer ; nous en méditions le texte, mais Celui qui l’avait inspiré paraissait S’éloigner. Quelques-uns se mettaient à discuter de questions de doctrine, voulant établir une sorte de contrôle rigide et légal parmi nous… mais Dieu en était totalement absent. Est-il étonnant que le Saint-Esprit ait été contristé, que l’esprit de prière ait diminué de plus en plus ? Est-il étonnant que la souffrance spirituelle de nos cœurs soit devenue presque intolérable ?

Ce matin-là, M. Anderson nous avertit pour la seconde fois qu’il ne pouvait consciencieusement continuer les cours s’il n’y avait pas de changement. « A quoi sert-il d’étudier la Bible si vous ne la vivez pas ? Comment pourrez-vous prêcher Christ crucifié si vous n’êtes pas crucifiés vous-mêmes ? » Il nous dit que nous n’étions pas là pour devenir des docteurs en théologie, des amateurs de religion, des spécialistes en doctrines. L’heure de la décision était venue. Puis il ajouta : « Je vous convoque ce soir dans cette salle des cours pour une réunion spéciale en vue du réveil que Dieu attend de nous donner. Passez cette journée en vous y préparant. »

L’effet de cette sommation, car c’en était une, fut définitif dans la plupart de nos cœurs… et le soir vint.

C’était un mardi ; toute l’Ecole se réunit. Après un chant, M. Anderson commença par nous dire ce qu’est le réveil et ce qu’il coûte. Ce qu’il décrivit répondait exactement à notre cas et à nos besoins, devenus si profonds dans la plupart de nos cœurs. Il nous fit comprendre que jamais nous ne recevrions la puissance du Saint-Esprit si nous demandions le réveil pour nous-mêmes. Un des dangers qui avaient suivi Evan Roberts et ses collègues du réveil gallois — danger qui se renouvela en Suisse lors du réveil de 1913-1918 — avait été le nombre de personnes qui venaient dans ces réunions pour un motif intéressé, cherchant à faire du prosélytisme parmi les jeunes convertis. Un autre danger était la présence d’un certain genre d’évangélistes professionnels qui se joignaient au mouvement pour en acquérir une renommée et paraître ensuite devant le public avec l’auréole du « réveil ». Il montra que si nous obéissions au Saint-Esprit, cela pourrait signifier pour nous une vocation qui nous entraînerait jusqu’aux extrémités de la terre. Plusieurs d’entre nous avaient déjà des postes de pasteurs ou d’évangélistes qui les attendaient après leurs études… et l’idée d’avoir à y renoncer était troublante ! « Les extrémités de la terre  » étaient une autre affaire !… Et pourtant tout vrai réveil aboutit là ; telle en est la marque déposée par l’Esprit Saint. A mesure que notre directeur parlait, je sentais que c’était le message de Dieu qui seul pourrait satisfaire mes besoins spirituels et répondre à mon idéal de consécration.

Ensuite il nous dit : « Vous avez demandé à Dieu le réveil, Il veut vous le donner, mais il y a un chemin à suivre, un seul chemin. » Et il nous lut le passage suivant : « Nous sommes ensevelis avec Lui par le baptême en Sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi marchions dans une vie nouvelle. Car si nous avons été faits une même plante avec Lui par la conformité à Sa mort, nous le serons aussi par la conformité à Sa résurrection » (Romains 6.4-5). Lentement, il lut ces paroles qui entraient en nous comme une pluie fine dans une terre bien labourée. Puis il ajouta : « S’il y avait un chemin plus facile, je vous le dirais. Il n’y en a qu’un et c’est celui-ci : mourir à soi-même avec Christ. Le réveil, c’est la puissance de la résurrection ; la condition, c’est le Calvaire. » Les cœurs se fondaient ; il régnait dans la salle ce silence spécial que produit la présence de Dieu.

Il continua en nous disant : « Je vous lis encore quelques versets avant que chacun donne sa réponse à Dieu. » Il lut sans commentaires le chapitre 13 de la première Epître aux Corinthiens. Il savait combien l’esprit de division, de critique et de susceptibilité s’était réveillé parmi nous ; il savait combien l’Esprit de Dieu en était contristé. Il avait vu comment le Saint-Esprit agissait au Pays de Galles pour unir tous les cœurs, balayer les interdits, amener les chrétiens à des réparations, à des confessions et à mettre en ordre leurs relations mutuelles. En effet, il n’y a pas d’autre chemin…

Quand il eut fini de parler, nous étions profondément travaillés et troublés. M. Anderson comprit que cette fois l’absence de prières était due à l’action du Saint-Esprit qui, Lui, nous imposait le silence ! Sagement, il termina la réunion en disant : « Je recommande à chacun de se retirer dans sa chambre pour régler devant Dieu cette grande question. » Je n’oublierai jamais le regard de notre directeur. Il avait l’air d’être soulagé d’un grand fardeau, et dans ses yeux brillait une grande espérance. Je n’oublierai jamais non plus comment mon ami et moi-même sommes montés dans nos chambres au troisième étage sans nous dire un mot. Dans tout l’Institut régnait le silence ; chacun ne demandait qu’une chose : être seul devant son Dieu.

Cette expérience fut précieuse entre toutes. Dieu ne donne pas Sa gloire à un autre. Il ne veut pas que l’onction sainte soit mise sur la chair d’aucun homme, si zélé, si orthodoxe soit-il. Le précieux grain de blé doit tomber en terre et mourir pour pouvoir porter du fruit. Dans cette œuvre divine, il ne doit pas exister de rival. Pour plusieurs étudiants, il y avait un certain avantage à être élève de l’Ecole Biblique de Glasgow ; dans le monde évangélique, c’était bien vu et l’Ecole avait une bonne renommée. Certains élèves s’en faisaient une gloire. Tous ces sentiments divers furent exposés à l’action du Saint-Esprit. Nous ne pouvions que nous tenir devant Dieu dans l’humiliation et la prière…

Mercredi, jeudi, vendredi passèrent dans ces conditions. Un silence était tombé sur nous tous ; l’atmosphère était chargée comme avant un orage. Il y avait parmi nous un esprit d’attente très prononcé ; nul ne savait ce qui allait se passer, mais la plupart d’entre nous étions décidés, par la grâce de Dieu, à payer le prix qu’Il demanderait. Quant à mon ami et moi, nous étions en train de connaître ce prix par l’humiliation profonde dans laquelle nous avaient plongés le message et la fidélité de notre directeur. Mais Dieu a Ses heures, Il a Ses façons d’agir qu’Il connaît d’avance.

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