Le Catholicisme à la lumière de l’Écriture Sainte

Chapitre VII

La dévotion catholique

La dévotion catholique ne comprend pas seulement l’adoration de la Trinité Divine et la réception des sacrements, elle comprend aussi tout un monde de pratiques dont l’importance est plus ou moins grande selon les circonstances. La dévotion d’un homme du peuple en Espagne sera fort différente, par exemple, de celle d’un intellectuel catholique aux Etats-Unis.

Nous nous efforcerons d’en examiner quelques pratiques, parmi celles qui sont les plus répandues dans le monde catholique.

Nous verrons d’abord le culte adressé à d’autres personnes qu’à Dieu, ensuite quelques œuvres pies et enfin plusieurs sacramentaux.

I. Cultes non adoratifs

1. La Vierge Marie.

DOCTRINE CATHOLIQUE

Voici les dogmes concernant la Vierge Marie :

  1. Marie est la Mère de Dieu au sens véritable et propre. (De foi. PTD I. 457).
  2. Marie conçut et enfanta son Fils sans dommage pour sa virginité et resta également vierge après son enfantement. (De foi. PTD I. 462).
  3. Marie a été par une grâce unique préservée dès le premier instant de sa conception de toute tache du péché originel. (De foi. PTD I. 466).
  4. Marie fut, en vertu d’un principe divin de grâce, exempte pendant toute sa vie de péché personnel. (Proposition proche de la foi. PTD I. 471).

Actuellement, dans la pratique des dévotions catholiques, une place immense est faite à la Vierge Marie. Il semble que la proportion des prières offertes soit bien d’un Pater pour dix Ave (comme l’indiquent les grains du chapelet). Les titres que Marie porte dans les litanies sont caractéristiques : « Sainte Mère de Dieu…, Etoile du matin, Porte du ciel, Salut des infirmes, Refuge des pécheurs, Secours des chrétiens, Reine des anges… ». Voici une citation de Liguori (évêque, 1696-1787) :

« Nous serons exaucés plus promptement en invoquant le saint nom de Marie qu’en invoquant celui de Jésus-Christ parce que Jésus est un juge auquel il appartient de punir, tandis que Marie est une patronne pleine de miséricorde… » et encore « Marie est la vraie médiatrice entre Dieu et l’homme… », « la vraie voie du salut n’est ouverte à personne si ce n’est par Marie, la Porte du Ciel… », « Marie est une avocate qui peut sauver tout le monde… », « Tout obéit aux ordres de Marie, même Dieu… », « Marie est plus clémente que Jésus-Christ, plus familière avec les pécheurs… »

Ces citations, toutes les « litanies », l’Office de la Vierge et toute la littérature mariale montrent la place extraordinaire que la Vierge prend dans la piété catholique.

Nous le voyons aussi par les fêtes nombreuses en son honneur ; les plus solennelles sont :

  1. L’Immaculée Conception de Marie (8 décembre). Il s’agit d’un dogme défini comme article de foi le 8 décembre 1854 par Pie IX (cat. 329).
  2. La Nativité (8 septembre) :
    « Dès sa naissance, elle fut la plus sainte de toutes les créatures et destinée à être la Mère du Sauveur. »
  3. L’Annonciation (Base biblique : Luc 1.26). Annonce par Gabriel de la naissance de Jésus.
  4. La Purification (Base biblique : Luc 2.21-24), Elle n’en avait pas besoin, si elle était née sans péché !
  5. L’Assomption (15 août) :
    « Le corps de la Vierge Marie fut élevé au ciel avec son âme. »

Cette « commune et pieuse croyance » a été définie comme un dogme par le pape Pie XII en novembre 1950. C’est désormais un article de foi :

« La Vierge Marie a été élevée au-dessus de tous les chœurs des anges et de tous les saints du Paradis, comme reine du ciel et de la terre. »

Deux mois entiers lui sont dédiés : mai, le mois de Marie, et octobre, le mois du rosaire.

Conçue sans péché, née sainte, montée au ciel, elle est légale du Christ incarné, et même sa supérieure, étant sa mère.

Une autre preuve de l’importance du culte de Marie nous est donnée par le nombre des sanctuaires et des pèlerinages en l’honneur de Marie : l’énorme majorité des plus renommés sont consacrés à la Vierge.

Malgré cette multitude de faits, les catholiques se défendent violemment d’« adorer » la Vierge Marie. Ils distinguent plusieurs sortes d’adoration : la « lâtrie » sert pour Dieu, tandis qu’à la Vierge est réservée l’« hyperdulie » seulement. En réalité, la Vierge est au centre de la dévotion d’un nombre croissant de fidèles.

EXAMEN HISTORIQUE

Mgr Bartmann admet que le culte de Marie se développa seulement vers le IVe siècle. « On s’occupa d’abord beaucoup du culte des Apôtres et des martyrs, de leurs tombeaux et de leurs reliques. Mais il semble qu’on ait perdu toute trace du tombeau de Marie et qu’on avait oublié le jour de sa mort » (PTD I. 482). Le culte de Marie grandit peu à peu et la première fête en son honneur est attestée vers l’an 500.

Il est certain que très tôt on exagère l’importance du rôle de Marie. On affirme qu’elle n’a pas eu d’autres enfants. Des légendes de plus en plus nombreuses et élaborées sont colportées à son sujet : ses parents, Anne et Joachim, l’ont eue miraculeusement. Elle devient la deuxième Eve, comme Jésus-Christ le deuxième Adam.

Après l’entrée massive dans l’Eglise des païens habitués au culte des déesses, on vint en foule vers Marie. Il est significatif de voir que c’est à Ephèse, la ville de Diane, que le Concile de 431 la déclara « Mère de Dieu », Theotokos. On commence à lui dédier des autels et des images.

Au moyen âge, le culte de Marie se développe considérablement grâce à la chevalerie (culte de la Dame). On note l’apparition de l’Ave Maria vers le XIe siècle, comme prière rituelle.

C’est ainsi qu’on voit peu à peu naître les fêtes mariales. Les premières furent : l’Annonciation et la Purification. L’Assomption repose sur un texte apocryphe du IVe-Ve siècle. Cette fête est célébrée le 15 août depuis le VIIIe siècle. La procession de ce jour est dite « du vœu de Louis XIII ».

L’Immaculée Conception fut longtemps très discutée. Thomas d’Aquin n’y croit pas, alors que Scot y croit. Les Franciscains, puis les Jésuites sont les avocats de Marie. Le Concile de Trente laisse la question ouverte. Petit à petit, les immaculistes gagnent du terrain : ils triomphent en 1854.

EXAMEN BIBLIQUE

La naissance de Jésus est surnaturelle (Matthieu 1.18-25 ; Luc 1.28 à 2.14 ; 1 Corinthiens 15.47). Mais Marie est une « femme » (Galates 4.4), elle épousa Joseph et eut sans doute d’autres enfants : Jésus est appelé (Luc 2.7) le « premier-né » de la famille.

Jésus ne lui donne pas de place spéciale à Cana (Jean 2.4 et surtout Matthieu 12.46-50). On n’avait pas d’égards spéciaux pour elle dans le cercle apostolique : elle prie avec les autres (Actes 1.14). Jésus lui-même a prévu ce culte (Luc 11.27-28) pour le condamner.

Nous ne trouvons pas d’allusion à une médiation de Marie dans les Epîtres. Marie, elle-même, ne parle pas de conception immaculée. Dans son cantique, elle parle de son Sauveur, ce qui est un non-sens si elle est sans péché (Luc 1.47).

En ce qui concerne la virginité perpétuelle de Marie, son immaculée conception, son exemption de péché pendant toute sa vie et son assomption, les Docteurs catholiques admettent que les bases bibliques en sont pratiquement inexistantes (PTD I. 456 à 485 et Supplément, par J. Duhr. S. J.).

2. Les Saints et les Anges.

DOCTRINE CATHOLIQUE

Au-dessous de la Vierge, dont le culte est une hyperdulie, l’Eglise présente à la vénération (dulie) des fidèles une multitude de Saints et d’Anges. Ils occupent, en fait, une position intermédiaire entre l’homme et Dieu.

Les Saints ont leurs autels, on les invoque. Ils sont divisés en six classes : quatre pour les hommes : patriarches, prophètes, apôtres, martyrs et confesseurs ; deux pour les femmes : vierges et saintes femmes. Ces saints, ayant été hommes et femmes, connaissent nos faiblesses et sont indulgents : ils sont des médiateurs rêvés. Il vaut mieux avoir l’usage personnel d’un saint qui vous connaît, c’est le « patron ». Les individus en ont comme les corporations, les villes : Sainte-Geneviève (Paris), Rémi (Reims), ou Les pays : Saint-Georges (Angleterre) ou Saint-Patrick (Irlande). La liste (canon) en est longue et augmente sans cesse. L’inscription sur la liste se nomme canonisation. Pour canoniser quelqu’un, on ouvre un procès. Celui qui est mort « en odeur de sainteté » est d’abord déclaré « de pieuse mémoire » ; après enquête sérieuse, il est « vénérable ». S’il a fait des miracles, c’est la béatification (normalement 50 ans après la mort). Le procès, instruit par la Congrégation des Rites, est très sévère. Il y a trois examens rigoureux de la Congrégation des Rites, du Collège des Cardinaux et du Consistoire du Pape. Si les examens sont favorables, le décret est lu à Saint Pierre. Le « bienheureux » a des autels, ses reliques sont exposées, on l’invoque, mais la vénération n’est pas générale. Pour la canonisation, tout doit être recommencé. Il faut de nouveaux miracles et il y a de nouvelles cérémonies : le Pape chante la messe du nouveau saint, on lui donne un jour du calendrier, un office dans les bréviaires et une messe. Le culte est alors général.

EXAMEN HISTORIQUE

Dès le début, on vénère le souvenir des serviteurs de Dieu, puis, après les persécutions, on célèbre avec des honneurs particuliers la mémoire des martyrs. Quand la foule païenne envahit l’église, il lui faut des divinités secondaires, d’où la martyrolâtrie. Tertullien partait déjà du fait que les martyrs étaient immédiatement glorifiés. Tout cela grandit au moyen âge. On invoque, par exemple, les « 14 secours » : saint Christophe, saint Georges, sainte Egide (peste), sainte Barbe (fièvre), etc. qui viennent du VIIe siècle. Quand l’empereur Phocas transforma le Panthéon romain, temple païen, en église dédiée à Marie et à tous les saints, quatorze statues monumentales des dieux furent remplacées par quatorze autels. On transporta les malades dans les églises comme autrefois dans le temple d’Esculape. (C’est ainsi que, dans la Bretagne d’aujourd’hui, vivent encore les pratiques des druides).

Il y eut cependant des protestations : Julien l’Apostat reproche aux chrétiens d’avoir remplacé les dieux par des hommes. Au IXe siècle, Claude de Turin interdit l’invocation des saints pourtant approuvée par un Concile au VIIIe siècle. La Canonisation est une institution tardive, car au début le saint était proclamé par la voix du peuple « vox populi », quelquefois de son vivant (comme pour François d’Assise) ; la première canonisation papale date du Xe siècle. Au XIIe siècle, le Pape se la réserva, mais les évêques continuèrent à faire des saints. La canonisation fut interdite aux évêques au XVIe siècle seulement.

Pendant tout le moyen âge, la Légende Dorée fleurit, elle est souvent d’origine païenne. Par exemple saint Georges, officier romain chrétien, fut tué par l’épée et, avant de mourir, distribua sa fortune aux pauvres. Ce fait historique fut dénaturé au moyen âge : on raconta qu’il délivra une jeune fille, tuant un dragon qui allait la dévorer ; C’est la légende de Persée et d’Andromède, influencée par Siegfried.

EXAMEN BIBLIQUE

Mgr Bartmann (PTD II. 221) reconnaît « qu’on ne peut guère citer d’attestations directes de l’Ecriture concernant le culte des Saints », mais affirme qu’on en trouve des « traces ». Nous affirmons que cette vénération, véritable culte, est contraire aux enseignements de l’Ecriture, et la distinction des théologiens entre lâtrie et dulie est artificielle. Il suffit pour cela de rester quelques instants dans une église catholique et d’observer les attitudes et les gestes des fidèles devant les autels des Saints et des Anges. Il suffit aussi de lire les litanies du Missel. Nous pouvons affirmer que, dans la réalité pratique, le catholique a le sentiment que les Saints et les Anges sont plus proches de lui que Dieu ou le Christ, et c’est vers eux que vont ses pensées, ses prières, ses vœux, en un mot son culte véritable.

Non seulement la Bible n’atteste pas le culte des Saints et des Anges, mais elle le condamne. Voici ce que dit l’Ecriture à propos des Anges : Apocalypse 19.10 ; 22.8-10 : « Et je tombai à ses pieds pour l’adorer mais il me dit : Garde-toi de le faire. Je suis ton compagnon de service et celui de tes frères qui ont le témoignage de Jésus. Adore Dieu. » Et : « C’est moi Jean qui ai entendu et vu ces choses. Et quand j’eus entendu et vu, je tombai aux pieds de l’ange qui me les montrait pour l’adorer. Mais il me dit : Garde-toi de le faire ! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre. Adore Dieu. » L’apôtre Paul condamne sévèrement le culte des anges dans sa lettre aux Colossiens (2.18) : « Qu’aucun homme… par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tandis qu’il est. enflé d’un vain orgueil par ses pensées charnelles… »

Il en est de même pour les saints. Actes 10.25-26 : « Lorsque Pierre entra, Corneille, qui était allé au-devant de lui, tomba à ses pieds et se prosterna. Mais Pierre le releva en disant : Lève-toi, moi aussi je suis un homme. » D’ailleurs, la Bible appelle saints tous les rachetés qui sont sanctifiés par Jésus-Christ, c’est-à-dire les chrétiens. Actes 9.39 : « Comme Pierre visitait tous les saints… » Romains 8.27 : « … et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints. » Colossiens 1.22 : « Il vous a maintenant réconciliés par sa mort dans le corps de sa chair pour vous faire paraître devant lui saints, irrépréhensibles et sans reproche… » (Voir aussi 2 Corinthiens 1.1 et Romains 1.7).

Il n’y a qu’un seul médiateur : Jésus-Christ. 1 Timothée 2.5 : « Car il y a un seul Dieu et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ. »

Cette idée même d’intermédiaires nécessaires est un véritable blasphème. Comment oser dire que la Vierge Marie, étant femme, nous comprend mieux que Dieu Lui-même et est moins sévère ? Comment prétendre que Jésus nous connaît moins intimement que notre ange gardien ou notre Saint- Patron ? L’amour de Dieu n’est-il pas plus grand et plus tendre que l’amour maternel ? (Psaumes 27.10). Dieu ne nous connaît-il pas plus intimement que nos plus intimes amis ? L’épître aux Hébreux est formelle : « Nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses : Il a été, au contraire, tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de pêché » (4.15). Les paroles de Liguori, citées plus haut (p. 123), sont un véritable blasphème : aucune créature ne peut être « plus clémente » que le Sauveur du monde.

3. Les Reliques.

PRATIQUE CATHOLIQUE

Il s’agit de la pratique tendant à conserver le corps ou des parties du corps des « saints », ou même des objets leur ayant appartenu. On en voit un peu partout dans les églises catholiques. Leur vénération est recommandée par l’Eglise, car ces objets ont des vertus surhumaines : guérisons, préservation des récoltes, protection contre la foudre, etc…

EXAMEN HISTORIQUE

L’origine de ce culte est évidemment la vénération dont on entourait les martyrs. On les enterrait avec amour et leur mémoire était cultivée. La première trace qu’on en trouve est le récit de l’enterrement solennel d’Ignace, martyrisé en 107, dont les os sont rapportés à Antioche. Plus tard, on célèbre un service commémoratif sur la tombe des martyrs, en y comprenant la Sainte-Cène. Ce n’est qu’au IVe siècle que cela devient vraiment une pratique superstitieuse. De nombreux docteurs en montrèrent le danger (par exemple saint Antoine et saint Athanase, qui firent murer un certain nombre de reliques pour les soustraire à la foule). Les pèlerinages se multiplient et aussi les reliques. On s’arrache les ossements que l’on divise. Bientôt, un gigantesque commerce se développe qui donne lieu à des fraudes monumentales : on se met à en fabriquer… Les protestations se multiplient aussi, mais le 2e Concile de Nicée en 787 sanctionne l’usage de vénérer les reliques. Longtemps, les protestations continuent (par exemple : Claude de Turin). Mais le torrent ne pouvait être arrêté et les croisades augmentèrent encore la rage des collecteurs. Vertus miraculeuses, légendes « merveilleuses » fleurissent. On met les reliques sur les autels. Vers le XIe siècle, l’usage des autels devient obligatoire, c’est un usage païen commun à la plupart des religions.

Il est inutile d’insister sur ce qui a été dit tant de fois : les ossements des saints rempliraient plus que le volume des catacombes d’où on prétend les avoir retirés, le « Sang » de Notre Seigneur suffirait à plusieurs corps, et que dire du « gémissement de saint Joseph contenu dans une petite bouteille » ?

EXAMEN BIBLIQUE

Mgr Bartmann déclare (PTD II. 224) : « L’Ecriture ne peut être alléguée pour démontrer le culte des reliques, car nous ne rencontrons nulle part dans l’Ecriture un culte des reliques… » Il ajoute « ce qu’il se soit introduit des abus dans ce culte, il est à peine besoin de le mentionner… »

Les théologiens catholiques prétendent parfois trouver une approbation du culte des reliques dans le miracle des os d’Elisée ressuscitant un mort (2 Rois 13.21), la sépulture de Moïse (Jude 9) et la verge d’Aaron (Nombres 17.10). C’est indéfendable : le cadavre est jeté far hasard dans le tombeau d’Élisée, et jamais plus on ne reparle des os du prophète ; le sépulcre de Moïse a justement été caché par Dieu à tous les hommes pour qu’on ne puisse y venir en pèlerinage, et la verge d’Aaron n’est jamais sortie de l’arche sainte, perpétuellement inaccessible. Jésus reproche aux Juifs de son temps de vénérer les ossements des prophètes sans obéir à leur enseignement (Matthieu 23.29).

En fait, la Bible, qui autorise la conservation des souvenirs, s’oppose au culte des reliques qui s’apparente trop souvent à un véritable fétichisme.

4. Les Images.

PRATIQUE CATHOLIQUE

Il suffit d’entrer dans une église catholique pour y voir la place qu’occupent les images. C’est une source de profit pour l’industrie sacrée de Saint-Sulpice. Les pèlerinages à des statues miraculeuses (Vierge de Lourdes, Vierge des Sept Douleurs, etc…) sont abondants dans les pays très pratiquants (Bretagne, Espagne, etc…).

DOCTRINE CATHOLIQUE

L’honneur rendu à l’image passe au prototype, dit le docteur saint Basile. Seul, le « respect » est dû aux images. Mais toute vertu du prototype appartient à l’image, ce qui arrive à l’un arrive à l’autre. Le rejet de l’image, c’est le rejet de l’incarnation : car Jésus était « l’image » du dieu invisible. Par l’image, les yeux de l’esprit sont dirigés vers l’essence spirituelle.

Ces distinctions restent théoriques, donc fausses, dans la pratique. Le peuple assimile la copie au prototype. Saint Thomas d’Aquin lui-même dit que la Croix de Jésus-Christ doit avoir le même honneur que Jésus-Christ. D’ailleurs, s’il ne s’agit que de « prototypes », comment expliquer la visite solennelle de « la Vierge de Boulogne » à la « Vierge de Paris » ? Pourquoi va-t-on à Lourdes y voir l’image de la même Vierge qui a sa statue dans le moindre village ?

EXAMEN HISTORIQUE

Pendant trois siècles, l’Eglise reste résolument opposée aux images de Jésus-Christ ou de Dieu. (Par exemple, dans les catacombes, on ne trouve que des dessins symboliques, ou des scènes bibliques.)

Irénée (IIe siècle) parle de Carpocrate : « Ses disciples ont aussi des images, peintes ou sculptées » et le leur reproche. Concile d’Elvire (can. 37) au IVe siècle : « Il a été ordonné qu’il ne doit pas y avoir de peintures dans les églises. »

Lactance (fin IVe siècle) : « Il est mal de dire que l’image de Dieu doive s’incliner devant l’image de l’homme… Là où il y a une image, il ne peut y avoir de vraie religion. (Etant faites de matériaux terrestres, elles ne peuvent être divines). »

Et Eusèbe conseille de rechercher l’image de Christ dans l’Ecriture.

Pourtant, au IVe siècle, les païens envahissant les églises y amènent leurs idoles. Ambroise, Augustin parlent d’images dans les églises, mais on est loin de réclamer alors leur vénération. Elles ne servent que de « mémorial » pour fixer l’esprit des enfants et des ignorants.

Les superstitions se multiplient rapidement, surtout dans l’Est. Ainsi, on place l’Eucharistie dans les bras de la statue, etc… Au VIe siècle, l’évêque de Marseille fait supprimer toutes les images de son diocèse, Au VIIIe siècle, l’empereur Léon l’Isaurien ordonne la suppression de toutes les images des temples chrétiens. Les papes protestent. Constantin, le fils de l’empereur, est encore plus acharné. En 754, le Concile de Constantinople déclare hérétique et idolâtre le culte des images. Des moines protestent : on confisque leurs biens et on jette les statues et Les reliques dans la mer. Mais le pape répond par un autre Concile, celui de Latran en 769, qui contredit celui de Constantinople. Mais, peu après, Charlemagne s’élève à son tour contre ce culte et le Concile de Frankfort (794) condamne les images, tout en permettant leur présence dans les églises si on ne leur rend pas de culte. Le Concile de Paris (825) confirme cette décision. Bien des images disparaissent. Mais la superstition populaire eut raison des réformateurs : en Orient vers le IXe siècle, en Occident vers le Xe, le culte est réintroduit et fleurit. Bien des statues actuelles sont païennes d’origine. L’Eglise grecque est aussi superstitieuse aujourd’hui que l’Eglise romaine, à ce propos.

Aux images, il faut rattacher le culte de la croix (datant du IXe siècle), des médailles, etc…

EXAMEN BIBLIQUE

Le Serpent d’airain, image mal employée, fut détruit par Ezéchias (2 Rois 18.4). Le Veau d’or, en l’honneur de l’Eternel, était une abomination (Exode 22.4). Le deuxième Commandement interdit les images (Exode 20.4-5). Le tailleur d’idole est fustigé (Esaïe 44.12-19). Paul à Athènes condamne les statues (Actes 17.27). « Fuyez l’idolâtrie », dit l’apôtre (1 Corinthiens 10.14 ; Romains 22.28 ; Apocalypse 9.20). La Bible, en toutes ses parties, condamne sévèrement ce culte. Les Juifs s’en gardent scrupuleusement.

Note. — Il est à noter que le second commandement s’est volatilisé dans le décalogue que les enfants apprennent au catéchisme :

  1. Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement,
  2. Dieu en vain tu ne jureras ni autre chose pareillement,
  3. Les dimanches tu garderas en servant Dieu dévotement, etc.

alors que le texte des Dix commandements précise :

Tu n’auras pas d’autres dieux que moi.
Tu ne te feras aucune image sculptée…
Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu en vain (Exode 20.3 à 7).

II. Œuvres pieuses

Les Prières.

Les catholiques sont surpris par la façon spontanée de prier qu’ont les croyants évangéliques. Pour eux, prier, c’est faire un acte extérieur, c’est répéter une formule toute faite. Ils ont coutume de réciter les Ave, Pater ou litanies, surtout efficaces par répétition. Ils se servent même d’un instrument pour compter les prières : le chapelet (petite chape ou couronne). C’est une série de grains ou de perles enfilées sur une chaînette ou un cordonnet, chaque onzième grain étant plus gros.

Pratique actuelle : Généralement, le chapelet se compose de 5 dizaines de petits grains séparés par 5 plus gros ; 5 chapelets ensemble forment le rosaire (probablement parce que les prières forment une « roseraie »).

On commence par le signe de croix, et tenant le petit crucifix qui est fixé au chapelet, on récite : le Credo, un Pater, trois Ave et un Gloria Patri, on termine de la même façon. On récite un Ave par petit grain et un Pater (plus un Gloria) par gros grain.

Cette prière toute mécanique doit s’accompagner de méditations sur les mystères : 5 mystères de joie (annonciation, visitation, nativité, présentation et Jésus avec les docteurs) ; 5 mystères d’affliction (Gethsémané, flagellation, couronne d’épines, montée au calvaire et crucifixion) ; 5 mystères de gloire (résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption et Couronnement de la Sainte-Vierge). Un cycle à la fois (le premier : lundi et jeudi, etc…). Une indulgence est attachée au rosaire…

L’origine du chapelet est obscure. Les catholiques admettent que ce n’est pas très ancien, ils l’attribuent à Pierre l’Ermite. En réalité, il a commencé chez les Bénédictins, sans doute influencés par le chapelet des Musulmans vus pendant les Croisades…

Cet instrument « compte-prières » est essentiellement une idée païenne (voir bouddhisme, etc…). L’Eglise grecque ignore le chapelet, sauf quelques moines qui emploient une cordelette.

Quant à la récitation des prières, elle a commencé de bonne heure dans les couvents d’Egypte. L’Ave ne devint usité qu’à la fin du XIe siècle, l’usage s’en répandit vers le XIIIe. La finale « Sainte-Marie, mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort » ne date que du XVIe siècle. Le Concile de Besançon en 1571 la regarde encore comme superflue.

EXAMEN BIBLIQUE

Il n’y a pas de récitation de prière dans le Nouveau Testament. Les apôtres, dans leurs prières, n’utilisent jamais le Pater comme une formule à réciter. Il n’y est jamais fait allusion dans ce sens. Matthieu 6.7 : « En priant ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. »

En outre, l’idée d’infliger la récitation d’une prière comme une punition semble un blasphème. . Cela se fait pourtant fréquemment.

Note : Le Chemin de Croix.

C’est un instrument comparable au chapelet. Il est très récent. On raconte qu’un Dominicain, en rentrant de Palestine, fit construire dans son couvent des oratoires où étaient représentés les épisodes de la passion. Puis, comme des indulgences étaient attribuées aux visiteurs des lieux saints, on pensa que les tableaux de la passion pourraient aussi en fournir. Les Franciscains qui avaient la garde des lieux saints développèrent cette idée en faisant un chemin de croix en 14 stations. Cette pratique ne fut reconnue qu’à la fin du XVIe siècle. C’est encore aujourd’hui le privilège des Franciscains. Ces 14 stations sont les suivantes : 1° Jugement ; 2° Prise de la Croix ; 3° Chute ; 4° Rencontre de Marie ; 5° Simon de Cyrène ; 6° Sainte Véronique ; 7° Deuxième chute ; 8° Femmes de Jérusalem ne pleurez pas… ; 9° Troisième chute ; 10° Dépouillement des vêtements ; 11° Crucifixion ; 12° Mort ; 13° Descente de Croix ; 14° Mise au tombeau.

EXAMEN BIBLIQUE

Sans parler du principe, qui est inadmissible, disons que certains de ces épisodes n’existent pas dans les Evangiles : chutes, rencontres de Marie et de Véronique, et appartiennent à la légende.

2. Les Pèlerinages.

C’est une pratique ancienne, venant du désir légitime de revoir les lieux historiques (cf. champs de bataille, etc…). Dès le IVe siècle, Constantin se rend aux lieux saints. Au VIIIe siècle, Charlemagne traite avec le calife pour avoir la permission de s’y rendre. Les Croisades en sont le résultat lointain.

Au moyen âge, les pèlerinages changent de caractère. Ils deviennent des bonnes œuvres et expient les gros péchés. Certains pèlerins voyagent toute leur vie.

Les lieux de pèlerinage se multiplient (tombes des martyrs, reliques, lieux d’apparition, images miraculeuses, etc…). Une concurrence terrible s’établit au moyen âge entre les grands centres de pèlerinage de la chrétienté tels St-Jacques-de-Compostelle, la Terre Sainte, Cluny et Rocamadour. Lourdes, Lisieux et d’autres sanctuaires continuent cette tradition dans les temps présents (voir les livres du très catholique Léon Bloy à cet égard !).

EXAMEN BIBLIQUE

Dans Jean 4.20-24 à la question de la Samaritaine : «  faut-il adorer ? », Jésus répond que Dieu n’est pas influencé par le lieu, mais qu’il doit être adoré partout. Les pèlerinages sont encore une idée païenne. « Là où deux ou trois sont réunis », voilà le lieu (Matthieu 18.20) où Jésus nous rencontre.

3. Les Jeûnes.

Jésus et les apôtres ont connu le jeûne après les Juifs. Mais déjà Jésus le condamne comme moyen de justification (Matthieu 6.16-18). Le jeûne de la primitive Eglise avait un caractère facultatif et était toujours pratiqué pour des raisons personnelles.

Peu à peu, l’habitude s’établit de mettre à part le mercredi et le vendredi, puis la période avant Pâques (40 jours du Quadragésime ou Carême) qui date environ du IVe siècle. Puis, la période avant la Noël, de 40 jours aussi (Avent), réduite actuellement à 4 semaines. Enfin, « Les Quatre Temps » : 3 jours de jeûne avant les quatre saisons.

Dans l’Eglise grecque, il y a plus de jours de jeûne que de jours normaux. D’abord, Le jeûne fut complet, puis on sauta seulement un repas, puis furent admis les œufs, le lait, le poisson et le poulet.

Naturellement, cette pratique a donné lieu à des abus considérables.

Au moyen âge, des gens ont été brûlés pour avoir fait gras en carême…

EXAMEN BIBLIQUE

Il est écrit dans Matthieu 15.11 : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme… ». Dans 1 Corinthiens 10.25 : « Manger de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience… ». Dans Romains 14.17 : « Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire... ». Paul écrit à Timothée (1 Timothée 4.3) : « De faux docteurs » prescriront « de s’abstenir d’aliments que Dieu a créés. »

III. Les Sacramentaux.

On nomme sacramentaux « certaines actions cultuelles, avec lesquelles l’Eglise accompagne l’administration des sacrements et le service religieux, afin de les rendre plus solennels et plus impressionnants, ou bien qu’elle accomplit indépendamment et d’elle-même, pour préparer les fidèles à la réception des sacrements, les rendre plus accesibles à la grâce, les fortifier contre les tentations et donner à toute leur vie un éclat et une consécration surmaturels, On divise d’ordinaire les sacramentaux en bénédictions, et en conjurations ou exorcismes » (PTD II. 269). Ils produisent leur effet non en vertu d’une ordonnance divine (ex opere operato) mais par un pieux usage (ex opere operantis). Il est impossible d’en préciser le nombre, et les théologiens ne sont pas d’accord sur leur valeur exacte. Pour les uns ils ont une utilité subjective, pour les autres ils ont aussi un effet objectif (opus operatum). La plupart des auteurs catholiques reconnaissent que les sacramentaux ont permis de graves abus dont certains ne sont pas encore supprimés.

Dans la pratique les fidèles ne tiennent pas compte de la distinction théologique entre sacrements et sacramentaux : ils attachent une immense importance à ces derniers, dont l’usage est par ailleurs recommandé chaleureusement par les plus hautes autorités de l’Eglise.

Parmi les sacramentaux, nous examinerons, à titre d’exemple, l’eau bénite, le scapulaire, les cierges et les cloches.

1. L’Eau Bénite.

A l’entrée de toutes les églises, on trouve des récipients spéciaux contenant de l’eau ordinaire bénie par le prêtre. Elle a de merveilleuses vertus : elle chasse les démons, préserve de la foudre et des épidémies. Le fidèle y trempe les doigts avant de se signer. Le prêtre en asperge le peuple, les maisons, les cimetières, les champs, les animaux.

EXAMEN HISTORIQUE

Au IVe siècle, les païens introduisirent dans l’Eglise l’usage de l’eau lustrale. Peu à peu, l’emploi de cette eau fut admis par les prêtres et, au IXe siècle, les Fausses Décrétales le généralisèrent.

EXAMEN BIBLIQUE

L’Evangile n’autorise ni directement ni indirectement cette pratique superstitieuse.

2. Le Scapulaire.

Ce sont de petits carrés d’étoffe cousus ensemble avec le nom et l’image de la Vierge, et que l’on porte à son cou. La Vierge en aurait recommandé l’usage, comme le raconte le bréviaire, à la date du 16 juillet, lors de la Fête du Scapulaire, à des disciples de Jean-Baptiste qui firent un sanctuaire pour elle sur le Mont Carmel. Le scapulaire protège de tout mal celui qui le porte, et dans la mort, en vertu de la bulle Sabbatina, elle libère l’âme du purgatoire le samedi suivant le décès.

EXAMEN HISTORIQUE

C’est un Carmélite du nom de Stock qui, vers 1250, est à l’origine de cette superstition qui eut du mal à se répandre dans toute la chrétienté.

EXAMEN BIBLIQUE

L’Evangile condamne implicitement, dans toutes ses pages, cette pratique païenne.

3. Les Cierges.

Les catholiques font grand usage de cierges de toutes dimensions. Une fête leur est consacrée, le 2 février : la Chandeleur. Le prêtre consacre les cierges ce jour-là en disant : « Seigneur, sanctifie ces bougies pour le salut des corps et des âmes. »

EXAMEN HISTORIQUE

Les païens en faisaient un grand emploi que condamne Lactance :

« Ils allument des cierges à Dieu, comme s’il vivait dans les ténèbres ; et ne méritent-ils pas le nom de fous ceux qui offrent des lumières à l’Auteur et au Dispensateur de la lumière ? » (Hospinian. De Orig. I, II. 22).

EXAMEN BIBLIQUE

Le culte juif connaissait le chandelier à sept branches, jamais l’Evangile n’en parle ! La lumière que doit répandre le chrétien, c’est celle de son témoignage : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes » (Matthieu 5.16).

4. Les Cloches.

Toute cloche d’église doit être baptisée avec de l’eau bénite, consacrée avec de l’huile sainte, de l’encens et des prières. Elle a la vertu d’arrêter les éléments en fureur et « les dards du malin ».

EXAMEN HISTORIQUE

L’utilisation de la première cloche est attribuée à Paulin de Nole (IVe siècle), mais ce n’est qu’au VIIe siècle qu’on en parle. Dans le Capitulaire de Charlemagne (787), 1l est interdit de les baptiser. Cependant, c’est à cette époque que leur consécration officielle se précise. Assez tardivement, on inventa l’histoire des cloches voyageant à Rome pendant le Carême !

EXAMEN BIBLIQUE

Tout l’Evangile s’insurge contre le fait de conférer le baptême, signe de nouvelle naissance, à une cloche ! Rien ne s’oppose, il est vrai, à l’usage d’une cloche ou de tout autre bruit, pour convoquer les fidèles au culte, mais là n’est pas la question.

CONCLUSION

On pourrait encore examiner le cas des médailles saintes, du crucifix, du signe de croix, des rameaux bénis et d’une foule d’autres objets de piété et de pratiques plus ou moins superstitieuses. Nos conclusions seraient les mêmes.

Il est douloureux de penser, comme le dit le pasteur Bonnaire, que les sacramentaux sont sûrement plus utilisés que les sacrements eux-mêmes, y compris l’Eucharistie et la Pénitence ! C’est parce qu’ils sont plus tangibles.

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