« Nos supplices, dans ce cachot infernal, sont de deux sortes : ce que nous avons perdu et ce que nous subissons. De celle-ci et de ses différents points, je parlerai ensuite. D'abord, ce que nous avons perdu :
« Dans ce triste et sombre séjour de misère et de chagrin, nous avons perdu la présence de Dieu à jamais béni. Et c'est ce qui fait de ce séjour l'enfer. Aurions-nous perdu mille mondes, ce ne serait pas autant que cette seule perte. Si le moindre rayon de Sa grâce pouvait entrer ici, nous pourrions être heureux : mais nous l'avons perdue pour notre malheur éternel ».
« De même ici, nous avons perdu la compagnie des saints et des anges ; et à leur place, nous n'avons rien, sauf les démons qui nous tourmentent ».
« Ici, nous avons aussi perdu le ciel, le siège de la bénédiction. Il y a un profond abîme entre nous et le ciel de sorte que nous en sommes exclus pour toujours. Ces portes éternelles qui introduisent le racheté dans la joie sont maintenant et pour toujours fermées pour nous ».
« Pour que notre misère soit rendue encore plus douloureuse nous avons perdu l'espoir de jamais parvenir à une situation meilleure, ce qui rend notre condition vraiment sans espérance. Le plus misérable sur la terre garde cependant un espoir en réserve, et c'est pourquoi un proverbe populaire dit que s'il n'avait pas d'espoir, le cœur se briserait. Nos cœurs pourraient bien se briser depuis que nous sommes ici à la fois sans espoirs et sans secours. C'est ce que nous avons perdu qui est assez grand, quand on y pense, pour déchirer, lacérer et ronger nos misérables âmes à jamais. Pourtant, oh ! si c'était tout ! Mais nous avons la perception de la douleur aussi bien que de la perte. Et maintenant que je t'ai montré ce que nous avons perdu, je vais te montrer ce que nous subissons. »
« En premier lieu, nous subissons une grande variété de tourments ; nous sommes tourmentés de mille façons. Ceux qui ont été affligés sur la terre ont souffert rarement de plus d'un mal à la fois. Mais s'ils avaient eu en même temps la peste, la goutte, la pierre et la fièvre, combien Ils se trouveraient malheureux ! Cependant, tout cela n'est que la piqûre d'une puce en comparaison de ces douleurs poignantes et intolérables que nous endurons. Ici, toutes les variétés odieuses de l'enfer se trouvent aux prises avec nous : le feu inextinguible pour nous brûler, un lac de soufre en fusion pour nous faire suffoquer, des chaînes éternelles pour nous lier ; là, des ténèbres extrêmes pour nous effrayer et un ver de conscience qui nous ronge éternellement. Un seul d'entre eux est plus pénible à supporter que tous les tourments que l'humanité a jamais eu à subir sur la terre.
« Mais, de même qu'ici nos tourments sont variés, Ils sont universels aussi, c'est-à-dire qu'ils affectent n'importe quelle partie de notre corps et tourmentent toutes les puissances de l'âme ce qui rend plus insupportable encore ce que nous souffrons. Au cours de ces malaises qui vous saisissent, vous, les hommes, sur la terre, si l'un de vos organes est atteint les autres sont indemnes. Bien que votre corps puisse être en mauvais état votre tête peut être intacte, et si votre tête est malade, vos organes vitaux peuvent être libres ; ou bien qu'ils soient affectés, vos bras et vos jambes peuvent encore vous servir. Mais ici, Il en est tout autrement : toutes les parties de l'âme et du corps sont tourmentées à la fois.
« L'œil est tourmenté par la vue des démons qui lui apparaissent sous les formes les plus horribles et les noirs aspects que le péché peut leur donner. L'oreille est continuellement tourmentée par les hurlements éclatants et les continuelles clameurs des damnés ; les narines, à cause des flammes sulfureuses : la langue, par des ampoules brûlantes, et le corps tout entier roule dans les flammes du feu liquide. Et toutes les puissances et les facultés de nos âmes sont tourmentées. L'imagination par la pensée de la douleur présente, la mémoire par ses réflexions sur le ciel que nous avons perdu et toutes les occasions que nous avions eues d'être sauvés. Nos cerveaux sont torturés ici en considérant comment nous avons vainement passé notre temps précieux, et combien nous l'avons mal employé. Notre entendement est tourmenté à la pensée de tous nos plaisirs passés, de nos afflictions présentes, et de nos futurs chagrins qui devront durer à jamais. Et nos consciences sont torturées par un ver qui ronge continuellement ».
« Autre chose qui rend notre misère terrible est l'excès de nos tourments. Le feu qui nous brûle est si violent que toute l'eau de la mer ne suffirait à l'éteindre. Les peines que nous souffrons sont si extrêmes qu'elles sont impossibles à connaître, sauf par ceux qui les ressentent.
« Une autre caractéristique de notre misère est que nos tourments sont incessants, Aussi variés, aussi universels et extrêmement violents qu'ils soient, ils sont de plus continuels et ne nous laissent pas le moindre repos, Si nous pouvions connaître quelque relâchement, Ils pourraient être allégés. Mais ce qui rend notre condition si déplorable, c'est qu'il n'y a pas d'apaisement pour nos tourments ; ce que nous souffrons maintenant, nous devrons le souffrir toujours ».
« La société que nous avons ici est un autre des éléments de notre misère. Des démons qui sont nos bourreaux et des âmes tourmentées sont toute notre compagnie ; les épouvantables cris perçants et les hurlements sous la cruauté de nos peines sont toute notre conversation. Et ici, les tourments endurés par nos amis d'en bas, au lieu d'amoindrir notre misère à la pensée que d'autres souffrent comme nous, accroissons notre souffrance ».
« Le lieu dans lequel nous souffrons est une autre cause de l'accroissement de nos douleurs. C'est ici l'abrégé de toute la misère, une prison, un cachot, un abîme sans fond, un lac de feu et de soufre, une fournaise de feu qui brûle pendant l'éternité, la noirceur des ténèbres à jamais, en un mot, l'enfer lui-même. Naturellement, la vue d'un tel lieu ne fait qu'accroître nos souffrances ».
« La cruauté de nos bourreaux est encore une chose qui s'ajoute à nos tourments. Nos bourreaux sont des démons en qui il n'y a aucune pitié ; étant tourmentés eux-mêmes, ils prennent plaisir à nous tourmenter ».
« Tous ces détails que je t'ai énumérés sont très graves ; mais, ce qui les rend plus graves, c'est qu'il en sera toujours ainsi et toutes nos souffrances les plus intolérables dureront toute l'éternité. « Éloignez-vous de moi, vous, maudits, et allez dans le feu éternel » est ce qui résonne perpétuellement à mes oreilles. Oh ! que je puisse annuler cette fatale sentence ! Oh ! qu'il y ait une seule possibilité de le faire. Ainsi, Vais-je montré l'état misérable où nous sommes et serons à jamais. »