La Doctrine des douze apôtres (Διδαχὴ τῶν δώδεκα ἀποστόλων), désignée souvent par le nom abrégé de Didachè, n’était pas, quand le texte complet en fut découvert, un livre entièrement inconnu. L’épître du Pseudo-Barnabé, Clément d’Alexandrie, Origène, les Constitutions apostoliques, d’autres auteurs encore l’avaient citée ou en contenaient des fragments. Saint Athanase l’avait mentionnée par son titre de Doctrine des apôtres. L’écrit avait eu dans l’antiquité beaucoup de vogue, et avait même été regardé par quelques-uns comme inspiréb. Mais le texte original entier n’en fut découvert qu’en 1873 par Philothée Bryennios dans le codex Hierosolymitanus, daté de 1056. L’édition princeps est de 1883. Elle a été suivie, depuis, de beaucoup d’autres. Outre l’original grec, il subsiste d’ailleurs une version latine des six premiers chapitres et quelques morceaux d’une traduction arabe. Des citations faites par l’Adversus aleatores et par saint Optat prouvent même qu’il a dû exister, dès le iie siècle, une version latine différente de celle que nous possédons, et qui comprenait tout l’ouvrage.
b – Eusèbe la range parmi les νόϑα ou apocryphes non canoniques (H.E., 3.25.4).
La Didachè peut se diviser en quatre parties nettement tranchées : une catéchèse morale (ch. 1 à 6) ; une instruction liturgique (7 à 10) ; une ordonnance disciplinaire (11 à 15), et enfin une conclusion d’ordre eschatologique (16).
La catéchèse morale enseigne ce qu’il faut faire (voie de la vie, 1 à 4), et ce que nous devons éviter (voie de la mort, 5 et 6).
L’instruction liturgique a pour objet le baptême, la manière de l’administrer et de s’y préparer (ch. 7) ; le jeûne (8.1) ; la prière (8.2-3) et enfin la célébration de l’eucharistie (ch. 9 et 10).
L’ordonnance disciplinaire indique la conduite à tenir à l’égard des prédicateurs, et spécialement des apôtres itinérants (11.3-6), des prophètes (11.7-12 ; 13.1,3-7), des frères voyageurs (ch. 12) et des docteurs éprouvés (13.2) ; puis, s’attachant à la vie intérieure de l’Église, elle prescrit la synaxe dominicale, et dit de quelle façon on doit traiter les évêques, les diacres et les frères de la communauté (ch. 14 et 15).
Conclusion : Veillons sur nous dans la pensée de la venue du Sauveur. Description des signes qui précéderont et accompagneront la parousie (ch. 16).
La Didachè est un écrit anonyme et l’auteur en est inconnu. Mais cet auteur en a très bien harmonisé et fondu les diverses parties. La question seulement est de savoir s’il ne s’est pas servi d’ouvrages antérieurs, et notamment si les six premiers chapitres (catéchèse morale) n’ont pas d’abord constitué un écrit indépendant, que l’auteur s’est approprié en l’incorporant à son œuvre. Quelques indices tendraient à le faire croire. Sous le titre des Deux voies, un petit écrit moral aurait d’abord circulé où auraient puisé la Didachè et plusieurs des auteurs qui semblent l’avoir citée. Cependant cette conclusion n’est pas certaine. Quant à voir dans les Deux voies un écrit juif que la Didachè aurait christianisé par l’addition du passage 1.3 à 2.1, c’est une pure hypothèse plutôt contredite par les faits.
Les dates fixées par les critiques pour la composition de la Didachè s’échelonnent entre les années 50 et 160. L’ouvrage remonte vraisemblablement aux années 80-100. D’une part, en effet, la liturgie et la hiérarchie qu’il décrit sont des plus primitives, et il ne contient aucune trace de symbole ni de canon scripturaire ni aucune allusion à la persécution païenne et au gnosticisme. D’autre part, l’auteur connaît les évangiles de saint Matthieu et de saint Luc, et témoigne déjà d’une défiance marquée contre les prédicateurs d’occasion qui visitent les communautés. Cet état de choses convient bien à la fin du Ier siècle.
Quant au lieu d’origine de la Didachè, il est impossible de le déterminer d’une façon précise. C’est sûrement en Orient qu’elle a vu le jour ; mais rien ne permet de dire avec certitude si c’est en Syrie, en Palestine ou en Egypte.
Quoi qu’il en soit, l’importance de ce petit écrit est considérable ; car, la question dogmatique mise à part, il nous représente assez fidèlement quelle était, dans ces temps reculés, la vie intérieure des communautés chrétiennes au point de vue de l’enseignement moral reçu, des pratiques observées et du gouvernement qui s’y exerçait. Quelques-uns y ont vu le plus ancien rituel chrétien ; on y peut voir plus exactement une sorte de Vade mecum du fidèle et de directoire à l’usage des préposés de l’Église.