L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français
8 Qu’il faut éviter la trop grande familiarité
Ne fais point confidence avec toutes personnes ; Regarde où tu répands les secrets de ton cœur ; Prends et suis les conseils de qui craint le Seigneur ; Choisis tes amitiés, et n’en fais que de bonnes ; Hante peu la jeunesse, et de ceux du dehors Souffre rarement les abords.
Jamais autour du riche à flatter ne t’exerce ; Vis sans démangeaison de te montrer aux grands ; Vois l’humble, le dévot, le simple, et n’entreprends De faire qu’avec eux un long et plein commerce ; Et n’y traite surtout que des biens précieux Dont une âme achète les cieux.
Évite avec grand soin la pratique des femmes, Ton ennemi par là peut trouver ton défaut ; Recommande en commun aux bontés du Très-Haut Celles dont les vertus embellissent les âmes ; Et, sans en voir jamais qu’avec un prompt adieu, Aime-les toutes, mais en Dieu.
Ce n’est qu’avec lui seul, ce n’est qu’avec ses anges Que doit un vrai chrétien se rendre familier : Porte-lui tout ton cœur, deviens leur écolier ; Adore en lui sa gloire, apprends d’eux ses louanges Et, bornant tes désirs à ses dons éternels, Fuis d’être connu des mortels.
La charité vers tous est toujours nécessaire, Mais non pas avec tous un accès trop ouvert : La réputation assez souvent s’y perd. Et tel qui plaît de loin, de près cesse de plaire ; Tant ce brillant éclat qui ne fait qu’éblouir Est sujet à s’évanouir !
Oui, souvent il arrive, et contre notre envie, Que plus on prend de peine à se communiquer, Plus cet effort nous trompe, et force à remarquer Les désordres secrets qui souillent notre vie, Et que ce qu’un grand nom avait semé de bruit Par la présence est tôt détruit.