La société juive à l’époque de Jésus-Christ

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La mère, la fille, l’épouse Israélites

Position de la femme. — Idées des Rabbins sur la création d’Eve. — Les quatre mères. — Marie. — Deborah. — L’épouse de Manoah. — La mère de Samuel. — Abigaïl. — La femme sage de Tekoah. — Huldah. — La Sunamite. — Ruth. — Esther. — Egalité de la femme et de l’homme dans la vie sociale. — De la polygamie. — Le divorce à l’époque de Malachie. — Fiancées. — Quatre motifs qui déterminent les hommes au mariage. — Maza ou Moze. — Qualités demandées à l’épouse. — Pourquoi Eve fut-elle prise de la côte d’Adam ? — Le mariage obligation religieuse. — Age auquel on doit contracter cette union. — Les fiançailles. — Les Shitre Erusin. — Contrats de mariage ou Chetubah. — Douaire. — Formalités légales. — Cérémonies du mariage. — La semaine qui précède le mariage de Cana. — Amis de l’épouse. — Fils de la chambre nuptiale. — Costume de la mariée. — Le voile, la couronne. — Lampes. — Obstacles au mariage. — Le divorce et les motifs qui l’autorisaient. — Obligations imposées aux époux. — Femme du N. T. — Textes des jours de naissance.

Pour bien comprendre quelle était la situation de la femme au milieu du peuple Israélite, il nous suffit d’étudier, avec soin, les pages du Nouveau Testament. Dans le tableau que les écrivains sacrés nous font de la vie sociale, nous ne la voyons pas enfermée dans l’ombre du gynécée, comme cela a été l’usage, en Orient, dans tous les siècles. Elle se mêle librement à tous les habitants de la demeure. Elle entre en relation avec l’étranger. Point d’infériorité dans le rang qu’elle occupe. Souvent la femme exerce une action prépondérante dans les mouvements qui agitent les esprits, surtout dans les crises religieuses. En étudiant l’histoire de’cette époque, nous ne voyons pas, chez elle, ce désordre des mœurs privées ou publiques dont la littérature classique nous présente le tableau repoussant, dans la société contemporaine. En. Israël, la femme est pure, le foyer paisible, la famille sanctifiée par la religion. Celle-ci ne se résume pas dans l’accomplissement de quelques cérémonies publiques, Elle entre dans la vie de chaque jour. Elle entoure, des liens de ses préceptes, la marche de chacun des membres de la demeure.

Ce que le Nouveau-Testament nous enseigne, l’Ancien nous l’a montré déjà réalisé. Qui ne connaît ces « saintes femmes des temps antiques » (1 Pierre 3.5) dont saint Pierre fait mention ? Le Talmud les dépeint à son tour. La citation même du livre de la Genèse (Genèse 18.12) et son application : « Telle était Sarah qui obéissait à Abraham l’appelant son seigneur » sont employées de la même manière dans les écrits des Rabbins (Tanch. 28, 6). Là le respect qu’elle témoigne au père des croyants et son obéissance sont aussi présentés comme un modèle à l’imitation de ses filles.

Citons une parole qui peut illustrer cette vérité. « Une femme sage dit à sa fille avant son mariage : « Mon enfant, tiens-toi devant ton époux et sers-le. Si tu te conduis comme une servante, il deviendra ton esclave et t’honorera comme sa souveraine. Mais si tu cèdes à l’orgueil d’une âme enivrée de sa dignité, il deviendra ton maître et tu ne seras pas plus digne d’honneur à ses yeux que la dernière de ses esclaves. »

Quelques détails nous feront mieux pénétrer dans l’intelligence du sujet que la plus longue démonstration. Voyez comment un Rabbin explique la création de la femme formée d’une côte d’Adam (Shab. 23). Chose admirable, « ce fut comme si Adam avait échangé un pot de terre pour un précieux joyau. » Quelquefois le Juif répétait, avec une fine moquerie : « Dieu a maudit la femme, cependant tout le monde court vers elle ; Il a maudit la terre, cependant tous les hommes vivent des produits de son sein fécond. » Sarah, Rébecca, Léa et Rachel, « les quatre mères » selon l’expression des Rabbins, étaient tenues en très haute estime, et nul lecteur attentif de la Bible n’ignore l’autorité qu’elles possédaient à l’époque des patriarches. Continuez l’étude de l’histoire sacrée. Ici, c’est Marie qui sauve Moïse, entonne le cantique de la délivrance, après le passage de la mer Rouge, et conserve une influence, quelquefois funeste, jusqu’à sa mort (Michée 6.4). Voici maintenant les femmes dont le cœur est éclairé de la lumière et de la sagesse d’en haut.

Elles contribuent à l’érection du Tabernaclea. Déborah affranchit le peuple de l’esclavage et juge Israël. La piété de la femme de Manoah est aussi remarquable et plus intelligente que celle de son époux (Juges 13.3). Qui pourrait oublier la mère de Samuel ? Pendant la période des rois, les louanges des jeunes filles d’Israël excitent la jalousie de Saül ; Abigaïl ne trouve-t-elle pas le moyen de détourner l’orage que la folie de son mari a attiré sur sa demeure ? Et n’est-ce pas la conduite d’une femme sage qui met fin à la rébellion de Sheba ? La mention fréquente des reines mères, leur intervention habituelle, dans le gouvernement, nous montrent la grandeur de la position qu’elles occupent. Les noms de Huldah la prophétesse, l’idylle touchante de la Sunamite se sont présentés sûrement aussi à nos souvenirs. N’est-ce point l’histoire du dévouement d’une femme qui forme le sujet du livre de Ruth ? Celle de son amour, pur et fidèle, qui compose le thème des ravissantes descriptions du Cantique des Cantiques ? Son courage constitue le fond du livre d’Esther, tandis que le dernier chapitre du livre des Proverbes énumère la valeur et les vertus de la femme forte.

a – Une tradition juive rapporte que les femmes donnèrent une portion de leurs biens pour le Tabernacle, mais refusèrent toute offrande pour le veau d’or, ce que l’on infère de Exode 32.2 comparé avec le verset suivant.

Parcourez les prophètes. Vous les verrez appeler le peuple de Dieu « la fille, la vierge, fille de Sion, la fille de Jérusalem, la fille de Juda », etc. La relation de ce peuple avec l’Éternel est sans cesse comparée au lien qui unit deux époux. Les termes, eux-mêmes, dont l’Ancien-Testament se sert pour désigner la femme, ont leur signification profonde. L’homme est appelé Ish et la femme Isha. C’est l’égalité affirmée entre eux. Lorsque le nom de Gever, celui qui commande, est donné à l’homme, la femme est désignée dans le domaine de son activité normale par celui de Geverah et de Gevereth la maîtresse (voyez par exemple l’histoire de Sarah, sans parler d’une foule d’autres passages), ou encore « celle qui demeure au logis »b.

bNevalh bayith. Psaumes 68.12.

Nous ne saurions être surpris qu’il en soit de même dans le Nouveau-Testament. Les services rendus, par les femmes pieuses, au Seigneur et à l’Église sont connus de tous. Leur position dénote moins un progrès qu’elle ne met en lumière la pleine réalisation de l’idée de la femme, contenue déjà dans l’Ancien-Testament. Que chacun des lecteurs de ce livre, qui a acquis quelque connaissance de l’antiquité classique, compare ce qui est dit de Dorcas, de la mère de Marc, de Lydie, Priscille, Phébé, Loïs et Eunice avec ce qui nous est rapporté des femmes les plus distinguées de cette période, et il verra quelle est la supériorité des femmes d’Israël. Il est vrai, il nous faut bien reconnaître que la polygamie était permise au sein du peuple élu ; qu’elle était pratiquée souvent à l’époque du Seigneur. Nous ne pouvons nier aussi que le divorce était alors prononcé sous le moindre prétexte. Remarquons cependant que ce n’étaient là que des concessions temporaires « à la dureté » du cœur de ce peuple. La situation du temps, l’état moral de la nation Juive et des peuples voisins doivent être pris en considération lorsque nous portons un jugement sur cette époque de l’histoire. Il importe de ne pas oublier, non plus, qu’à cet égard on peut constater un progrès spirituel dans le sein de la nation Juive. Qui peut dire que, sans ces concessions, la religion de l’Ancien-Testament ne se fût heurtée à des difficultés insurmontables ? Il nous suffira d’ajouter « que les choses étaient bien différentes dans le commencement », et que Dieu ne voulait pas qu’il en fût ainsi dans la consommation des âges. La période intermédiaire forme ainsi un progrès. L’idée du mariage s’élève d’une manière manifeste jusqu’à sa réalisation parfaite. Au surplus, quel est le lecteur de l’Ancien et du Nouveau-Testament qui pourrait échapper à la conviction que la polygamie n’était pas la règle, mais l’exception, au milieu du peuple, quand on le considère, dans son ensemble ? Bien que les facilités pratiques du divorce fussent grandes alors, les Rabbins s’efforçaient de l’entourer de conditions qui, dans plus d’un cas, devaient faire obstacle à sa réalisation. La tendance de la législation Mosaïque, et d’une manière plus complète encore celle des Rabbins qui vécurent dans les périodes les plus récentes, était de reconnaître les droits de la femme, sans même oublier ceux de l’esclave Juive. Dans les débats judiciaires, la loi faisait pencher la balance de leur côté. Nous parlerons plus tard du divorce. Mais al nous sera permis de montrer, dans les paroles de Malachie, quels étaient, à l’époque de ce prophète, les sentiments des Juifs sur ce sujet. Aurions-nous oublié la page dans laquelle il nous montre l’autel de Dieu couvert des larmes « de la femme de la jeunesse, de l’épouse d’alliance » ? — « Voici encore ce que vous faites : vous couvrez de larmes l’autel de l’Éternel, de pleurs et de gémissements, en sorte qu’il n’a plus égard aux offrandes et qu’il ne peut rien agréer de vos mains. Et vous dites pourquoi ? … parce que l’Éternel a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, à laquelle tu es infidèle bien qu’elle soit ta compagne, et la femme de ton alliance. … Prenez donc garde en votre esprit et qu’aucun ne soit infidèle à la femme de sa jeunesse ! » (Malachie 2.13-15)

L’ensemble de ce passage est rendu d’une manière si admirable dans la paraphrase des Rabbins que nous ne pouvons résister au plaisir de la citer : « Si la mort t’a ravi la femme de ta jeunesse, c’est comme si la cité sacrée, et le temple même, dans les jours d’un pèlerinage, étaient souillés, démolis et recouverts d’une poussière immonde. Pour l’homme qui chasse avec rudesse loin de lui son épouse, l’épouse affectueuse de sa jeunesse, l’autel même de Jéhovah répand des larmes d’amère douleur. »

Les relations entre les jeunes gens et les jeunes filles étaient presque aussi libres qu’elles le sont dans notre pays, autant du moins que le permettaient les mœurs de l’Orient. Ordinairement, le jeune homme choisissait lui-même son épouse. L’Écriture nous en donne de nombreux exemples. La femme devait, dans tous les cas, avant l’époque des fiançailles ou du mariage, exprimer librement son consentement. Sans cette libre adhésion, on ne considérait pas l’union comme valable. Les mineures, lorsqu’il s’agissait de jeunes filles âgées de 12 ans et un jour, pouvaient être fiancées ou cédées à un époux par le père. Dans ce cas elles conservaient le droit de réclamer plus tard le divorce. Il est certain que le Nouveau-Testament a seul donné à la femme la plénitude des droits qu’elle possède. Mais on peut affirmer la même vérité de toutes les situations et de toutes les relations sociales.

[Le pouvoir du père était plus étendu encore. Il est vrai que la loi de Moïse lui avait enlevé le droit absolu de vie et de mort sur ses enfants. (Deutéronome 21.19) Mais les vœux formés par ses filles non mariées étaient nuls, comme ceux que la femme prononçait sans le consentement du mari. Les filles âgées de moins de 12 ans pouvaient même être vendues comme esclaves, (Exode 21.7) soit pour fournir à sa propre subsistance, soit pour acquitter une dette, par leur esclavage, soit pour devenir une des épouses de second rang de l’acheteur. Mais comme le remarquent la Mishna et les deux Gemarres une extrême pauvreté seule faisait pardonner cet oubli des lois de la nature. Il fallait que le père n’eût plus même un vêtement pour se couvrir. Celui-ci était tenu du reste de consacrer au rachat les premiers biens qu’il acquérait. S’il n’en gagnait aucun d’une valeur suffisante, ou s’il perdait la vie, la victime subissait sa destinée jusqu’au moment désiré de l’affranchissement de la loi. La fille était si bien la propriété du père que tout mariage était d’abord un contrat dans lequel il recevait un prix, un douaire (Mohar) pour la cession de son enfant. Il avait même le droit de la vendre formellement à qui désirait l’épouser. (Exode 21.7) Bien plus, si la vierge avait été outragée le père pouvait refuser le mariage que le séducteur était obligé de subir, et accepter un prix pour l’outrage fait à son enfant. (Exode 22.18 ; Deutéronome 22.25) Le Christianisme a le premier élevé la femme à sa pleine et parfaite dignité. (Œhler. Theol. de l’A.T. I : 326 — Herzog : Real. Encycl. IV : 61, 877.) (G.R.)]

Remarquez, cependant, la manière dont, sur ce point, l’esprit de l’Ancien-Testament qui, au fond, est bien celui du Nouveau a pénétré la vie d’Israël. Lorsque St Paul (2 Corinthiens 6.14) recommande au chrétien de ne pas s’unir avec un infidèle, il ne fait qu’expliquer allégoriquement les passages suivants de Lévitique 19.19, et Deutéronome 22.10. On rencontre déjà cette direction dans les écrits mystiques du rabbinisme. Le dernier passage y est appliqué en termes exprès aux mariages mal assortis. Mariez-vous dans le Seigneur, dit St Paul (1 Corinthiens 7.39). Les Rabbins nous tiennent le même langage. Les hommes, nous disent-ils, sont amenés à se marier pour l’un de ces quatre motifs : La passion, le désir des richesses, la soif des honneurs ou de la gloire de Dieu. Les enfants qui naîtront des époux dirigés par le premier de ces motifs seront certainement des enfants « opiniâtres et rebelles », comme nous le montre le passage de Deutéronome 20.11. L’histoire des fils d’Eli nous apprend quelle est la fin à laquelle viennent aboutir les mariages inspirés par le désir des richesses. Ils ont tout sacrifié à la passion de la fortune. Leur postérité sera telle qu’on pourra dire (1 Samuel 2.36) : « qu’elle rampera dans la fange, pour une pièce d’argent ou un morceau de pain. » Quant aux mariages amenés par la passion des honneurs, qu’on apprenne ce qu’ils produisent par l’histoire du roi Joram qui devint le gendre d’Achaz. Ce monarque eut 70 fils, et, après sa mort, sa veuve Athalie « se leva et fit périr toute la postérité royale. » (2 Rois 11.1) Combien différentes sont les unions célébrées « au nom du ciel ». Les enfants qui en naissent « sont le gage de l’éternelle durée d’Israël ». Les Rabbins employaient si souvent les expressions se marier « au nom du ciel » ou au nom de Dieu, — en Dieu et pour Dieu, — que ces mots ont dû, tout naturellement, se présenter sous la plume de l’apôtre. Les paroles de 1 Corinth. ch. 7 sur l’état de mariage trouvent, dans les écrits du Talmud, des passages qui forment, avec eux, un saisissant parallèle. Citons-en un seul qui explique l’expression v. 14 : « Autrement vos enfants seraient impurs mais maintenant ils sont saints. » C’était là exactement la distinction que les rabbins faisaient des enfants Juifs comparés à ceux des prosélytes. Les fils de ces derniers, nés avant leur conversion au Judaïsme, étaient considérés comme « impurs ». Venus au monde après cet événement, ils étaient nés « dans la sainteté ». Mais, chez les Juifs, il suffisait pour cela que les parents fissent profession de Judaïsme. St Paul nous parle au contraire d’une sainteté très différente de celle qui pouvait être obtenue par une simple cérémonie extérieure.

[Heureux les hommes pieux, dit le Sohar (sur Levit. fol. 33. Colossiens 1.30) qui connaissent les voies de Dieu, et qui marchent avec persévérance dans le sentier de la justice. Toutes leurs actions sont pures, c’est pourquoi aussi leurs enfants seront considérés comme des enfants du Dieu saint (N. o. c. 247). (G.R.)]

Il était assez habituel que les deux formes du même verbe, qui avaient presque le même sens, fussent spirituellement — sinon très révérencieusement — employées pour exprimer deux idées tout opposées dans le mariage. On demandait à l’époux nouvellement marié : « Maza ou Moze ? » c’est-à-dire « il trouve » ou « il est trouvé » par allusion à ces deux passages (Proverbes 18.22) : « Trouver une femme c’est trouver le bonheur » et (Ecclésiaste 7.26) « Je trouverai quelque chose de plus amer que la mort, la femme dont le cœur est un filet et les mains des chaînes. » C’est un exemple tout différent que celui du Talmud (Yeb. 62. b, Sanh. 76. b.), mais dont on voit aussitôt l’analogie avec la déclaration suivante (Éphésiens 5.28) : « Celui qui aime sa femme comme son propre corps, l’honore plus que son propre corps. Il élève ses enfants dans la voie de la justice et les y conduit jusqu’à l’époque de l’âge mûr. C’est d’un tel homme que l’Écriture nous dit : « Il jouira du bonheur sous sa tente. » (Job 5.24) Parmi les qualités dont la femme devait être revêtue on recherchait surtout la douceur, la modestie, et la pudeur. L’amour des querelles, le bavardage dans la rue, l’absence de modestie en public étaient des motifs suffisants pour le divorce. Il est bien entendu que jamais une Juive n’aurait conçu la pensée d’enseigner dans la synagogue, où elle occupait une place séparée de celle des hommes. L’étude à laquelle les Rabbins se vouaient, quelque appréciée qu’elle fût, était regardée comme peu convenable à la femme. Le conseil de Paul (1 Timothée 2.12) : « Je ne permets pas à la femme de prendre autorité sur l’homme » trouve un écho dans l’enseignement des Rabbins :« Celui qui se laisse gouverner par son épouse appellera, et nul ne lui donnera une réponse. »

C’est pour un motif semblable que la synagogue prétendait que l’homme doit se mettre en quête de la jeune fille, et non celle-ci de celui-là. Seulement la raison qu’ils en donnent est singulière. L’homme fut formé du sol de la terre, la femme de la côte de l’homme. En cherchant une épouse, celui-ci ne se préoccupe donc que de retrouver ce qu’il a perdu. L’origine de l’homme provenant de la molle argile, et celle de la femme, issue d’un os sec, nous donnent, d’après les docteurs Juifs, la clé d’une question difficile. Pourquoi, demande-t-on, le premier se réconcilie-t-il plus facilement que celle-ci avec son ennemi ? Ce qui précède nous l’apprend. On enseignait également que Dieu n’a pas formé Eve en la tirant de la tête d’Adam, de peur qu’elle ne fût séduite par l’orgueil, ni de l’œil, de peur qu’elle ne fût portée à la convoitise. Elle n’a pas été prise de l’oreille, elle eût pu devenir curieuse. Prise de la bouche, elle eût été bavarde ; du cœur, elle aurait été portée à la jalousie. Formée de la main, elle eût convoité le bien d’autrui ; du pied elle eût partout porté le trouble et la désunion. Elle a été prise de la côte qui est toujours cachée par le vêtement. Ne voyez-vous pas que la modestie est la qualité suprême qu’elle doit posséder ? C’est, sans doute, pour cela qu’il était interdit aux femmes de s’engager dans les études auxquelles s’adonnaient les Rabbins. On racontait même l’histoire de la plus sage d’entr’elles, Berura, qui pour avoir négligé cette règle fut placée dans une situation très périlleuse. Il est moins facile d’expliquer pourquoi la tradition les dispensait de toutes les obligations positives auxquelles étaient assujettis tous les Israélites, sans aucune exception, (ainsi l’usage des phylactères). Il va sans dire qu’il s’agit ici de commandements et non de défenses faites expressément par la loi. Elle était aussi affranchie de certaines prières. En voici la cause probable. L’épouse ne s’appartenant pas à elle-même était soumise à la puissance d’un autre, ou bien encore le mari et la femme étaient regardés comme constituant une unité morale, de sorte que les mérites et les prières du premier s’appliquaient à son épouse. Ce dernier point de vue est expressément mis en relief quand il s’agit de la méditation de la loi. La femme doit, en effet, encourager son époux, dans l’étude des Saintes Lettres.

Il nous est facile de comprendre pourquoi, avant la venue du Messie, le mariage était considéré comme un devoir religieux. On citait à l’appui de cette idée de nombreux passages de l’Écriture. Ordinairement le jeune homme devait entrer dans les liens du mariage (selon Maimonides) à 16 ou 17 ans, au plus tard, à l’âge de 20 ans, à moins que l’étude n’absorbât tellement son temps et ses facultés qu’elle ne lui laissât aucun loisir pour ses devoirs d’époux. On estimait, néanmoins, qu’il valait mieux négliger les études que de demeurer célibataire. Ce n’est pas que l’opinion fût insensible aux préoccupations que devait entraîner la vie de famille, mais il était à craindre que les soucis d’argent ne vinssent se mêler à la pensée d’une maison à diriger, d’une femme à entretenir et de nombreux enfants à élever. Les Rabbins appellent ces soucis « une meule de moulin autour du cou » (Kidd 29. b). Cette expression semble avoir peu à peu passé en proverbe, comme tant d’autres qui sont employées dans le Nouveau-Testament.

Lorsque Marie fut prise en mariage par Joseph, nous apprend l’Évangile, elle se trouva enceinte du Saint-Esprit avant d’avoir habité avec son époux. Mais comme Joseph était un homme juste, il ne voulut pas l’exposer à la honte et il résolut de la répudier secrètement (Matthieu 1.18-19). Il existait en effet une différence entre les fiançailles et le mariage. Fiancé de Marie, Joseph n’était pas encore son époux. La distinction est formulée déjà dans l’Ancien-Testament. Les fiançailles étaient nettement affirmées par un présent (Mohar), dont le père de la fiancée cependant pouvait dispenser le jeune homme (Genèse 34.12 ; Exode 22.17 ; 1 Samuel 18.25). Dès ce moment la jeune fille était revêtue de la qualité d’épouse et l’union ne pouvait être dissoute que par un divorce régulier. Rompre une telle promesse c’était, au regard des hommes, commettre un adultère ; les biens de la femme appartenaient à son époux, à moins qu’il n’y eût expressément renoncé. Mais même dans ce cas, il était son héritier naturel.

Il nous serait impossible d’entrer ici dans tous les détails de la législation Juive sur ce sujet, de parler, par exemple, de la propriété ou des capitaux qui pouvaient survenir à la femme après ses fiançailles ou la célébration du mariage. La loi les attribuait au mari. Usant cependant de beaucoup de ménagements pour l’épouse, la législation semblait hésiter à reconnaître le droit du plus fort (Kidd. VIII : 1 etc.).

La Mishnah nous apprend qu’on dressait de réguliers Shitre Erusin ou écrits de fiançailles. Ils étaient faits par les autorités administratives, et les frais étaient supportés par le fiancé. Ces contrats stipulaient les obligations mutuelles des conjoints, la dot et les autres points sur lesquels les parties étaient tombées d’accord. Les Shitre Erusin différaient de la Chethubah régulière (littéralement écriture) ou contrat de mariage. En l’absence de ce dernier acte, les Rabbins ne regardaient l’union des époux que comme un concubinage purement légalisé (Chet. V : 1). La Chethubah établissait un dépôt de deux cents deniers au profit d’une jeune fille, et de cent deniers au bénéfice d’une veuve. Cette somme avait été élevée, par un concile composé des membres du clergé de Jérusalem, à quatre cents deniers pour la fille d’un prêtre. Il ne faut voir, du reste, dans ces chiffres, que le minimum légal d’un dépôt qui pouvait être augmenté indéfiniment, selon la volonté des contractants. Les opinions différaient cependant quand il s’agissait de déterminer si des sommes plus fortes pouvaient être légitimement réclamées par une des parties, lorsque les démarches n’allaient pas au-delà des fiançailles.

[La stipulation écrite ne fixait jamais une somme supérieure à 200 deniers pour une vierge, à 100 pour une veuve. L’époux pouvait donner une somme plus forte. Celle-là seulement était mentionnée dans l’acte « afin que la condition des filles d’Israël fût égale et qu’aucune d’elles ne pût se glorifier d’avoir été plus richement dotée que l’autre. » (Wagenseilius). (G.R.)]

D’après la coutume des Juifs contemporains, le jeune homme épouse sa femme « selon la loi de Moïse et d’Israël ». Il promet « de lui plaire, de l’honorer, de la nourrir et de prendre soin d’elle, comme c’est l’usage parmi les fils d’Israël ». La jeune fille ajoute son consentement, et le contrat est signé par deux témoins. C’était là, selon toute probabilité, la forme usitée dans les anciens temps. A Jérusalem et en Galilée, où l’on disait que le choix des hommes était déterminé par le degré de la beauté, tandis que dans le reste de la Judée, ils attachaient une importance toute particulière à la dot, le droit de demeurer dans la maison de l’époux était assuré à sa veuve.

A son tour, le père était soumis à l’obligation de donner à sa fille une dot (nedan, nedanjah) en harmonie avec sa position. Une seconde fille avait le droit de réclamer une portion égale à celle de sa sœur aînée, ou bien un dixième de la propriété immobilière. A la mort du père, les fils, d’après la loi Juive, les seuls héritiers, étaient contraints de fournir à l’entretien de leurs sœurs, encore même que ce devoir dût les réduire à la mendicité. Ils devaient, en même temps, leur attribuer le dixième de l’héritage. La dot, monnaie, propriété ou joyaux, était mentionnée dans le contrat de mariage et appartenait, en réalité, à la femme. On estimait que le mari devait y ajouter une moitié en sus quand elle consistait en argent. Si elle était composée de bijoux, il lui cédait les quatre cinquièmes de leur valeur. La séparation survenait-elle plus tard (non le divorce), il était obligé de lui attribuer les ressources nécessaires pour sa vie, et de l’admettre à sa table et dans sa demeure pendant la soirée du sabbat. La femme pouvait réclamer, pour ses menues dépenses, un dixième de sa dot. Lorsque le père donnait sa fille à un époux sans qu’aucune mention fût faite du chiffre de la Nedanjah, il était tenu de lui allouer au moins cinquante zouzim. Si les stipulations portaient expressément qu’elle ne recevrait point de dot, la loi ordonnait, avec beaucoup de sagesse, que le fiancé, avant la célébration du mariage, lui fît cadeau des choses nécessaires pour se vêtir d’une manière convenable. Quant à l’orphelin, il recevait une dot d’au moins cinquante zouzim de la main des autorités ecclésiastiques. L’époux ne pouvait forcer sa femme à s’éloigner de la Terre sainte ou de la ville de Jérusalem, pas plus qu’à quitter le domicile de la ville pour aller résider dans la campagne, ou réciproquement. Il lui était interdit de la contraindre à échanger une bonne maison pour une demeure délabrée. Ne discernez-vous pas dans ces quelques détails, le soin que la législation mettait à protéger les intérêts de la femme ? On avait l’habitude de discuter tous ces points à l’époque des fiançailles, qui étaient célébrées avec quelque solennité. La rupture des engagements, pris en ce moment, ou une fraude volontaire, constituaient des motifs suffisants pour dissoudre le lien une fois formé. Sauf ces motifs spéciaux, nous l’avons déjà indiqué, un divorce régulier pouvait seul briser la chaîne qui unissait les deux époux. Les Rabbins enseignaient que certaines formalités étaient nécessaires pour rendre les fiançailles valables au point de vue de la loi. Il fallait remettre à la femme soit directement, soit par la main d’un messager, une pièce de monnaie, quelque petite qu’elle fût, ou une lettrec. Dans chacun de ces cas, il était d’une importance suprême de constater, devant témoins, que l’homme avait l’intention d’épouser la personne présente. Après un intervalle dont les limites étaient cependant fixées par la législation, venait l’époque du mariage. L’épouse était conduite dans la demeure de son mari avec un grand appareil, et selon certaines formes qui remontaient aux âges les plus reculés. La célébration du mariage d’une jeune fille avait lieu communément dans l’après-midi du mercredi. Ceci permettait d’employer les premiers jours de la semaine aux préparatifs nécessaires pour cette solennité importante. L’époux, à son tour, qui avait quelque plainte à déposer contre la conduite de la jeune Israélite, pouvait les porter devant le Sanhédrin du lieu qui siégeait tous les jeudis. Quant au mariage d’une veuve, il se célébrait dans la soirée du jeudi.

c – Un troisième mode de fiançailles, la cohabitation, était hautement désapprouvé par les autorités de la synagogue.

Cette dernière remarque nous permet de fixer la date des événements qui précédèrent la fête de Cana. Les cérémonies semblent indiquer qu’il s’agissait du mariage d’une jeune fille solennisé, dès lors, un mercredi. Voici donc quelle devait être la succession des événements qui se rattachent au récit sacré. Le jeudi, qui, comme toutes les journées chez les Juifs, commençait le soir du jour précédent, Jean-Baptiste rend témoignage devant la députation du sanhédrin de Jérusalem. Vendredi (Jean 1.29) le Précurseur voit Jésus qui vient à lui et d’une manière très significative prêche le premier sermon sur « l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». Le samedi (verset 35), deuxième discours de Jean sur le même texte. Cette prédication saisissante détermine la conversion de Jean l’Evangéliste, d’André et l’appel de Pierre. Le dimanche (v. 43), notre Seigneur prononce son premier sermon Messianique. Il appelle Philippe et Nathanaël. Le troisième jour après celui-ci, c’est-à-dire le mercredi a lieu le mariage de Cana en Galilée. L’importance de ces dates apparaîtra aux yeux du lecteur, si on les compare à celles de la semaine de la Passion.

Les noces étaient naturellement suivies de réjouissances. C’est pour cela qu’elles n’étaient célébrées ni pendant le sabbat, ni dans le jour qui le précédait, ou le suivait. On voulait empêcher que la moindre atteinte fût portée à l’observation du repos de la journée sainte que l’Éternel s’était réservée. Il était également défendu, par la loi, de contracter une union dans l’une des trois grandes fêtes de l’année. En effet, disaient les Rabbins : « Il ne faut pas mêler les joies de la terre aux pieuses allégresses. » C’était un devoir religieux de procurer de la joie aux nouveaux époux. Aussi, pour obéir à cet ordre, arrivait-il souvent que la gaîté dépassait les limites approuvées par les docteurs les plus sévères. C’est ainsi qu’on raconte que pour ramener un peu de gravité dans une assemblée trop abandonnée aux accès d’une allégresse inconvenante, un Rabbin brisa un vase d’une valeur de 2500 euros. Un autre mit en mille pièces, au mariage de son fils, un verre précieux ; un troisième invité à chanter s’écria au grand étonnement des convives : Malheur à nous, car nous devons tous mourir ! Aussi bien, ajoute un commentaire, (Ber. 31 : a) « L’homme ne doit pas avoir la bouche remplie de gaîté en ce monde. » Il est écrit : alors notre bouche se remplit de cris de joie (Psaumes 136). Que signifient ces paroles ? Elles nous enseignent que lorsque Israël faisait éclater ses cantiques joyeux au milieu des païens, le Seigneur avait fait pour eux de grandes choses. »

Nous ferons remarquer que, dans les noces de Cana, il n’est pas question « des amis de l’époux ». Ceci s’accorde exactement avec les coutumes Juives. La Galilée ignorait cet usage particulier à la Judée. Ce petit détail jette une lumière précieuse sur la localité désignée dans le passage Jean 3.29, lorsqu’on parle de « l’ami de l’époux ». Mathieu nous entretient aussi des « fils de la chambre nuptiale » (Cheth 25. a), termes qui traduisent les mots « bene Chuppah » employés par les Rabbins pour désigner les hôtes invités à la noce. En Judée, on choisissait pour chaque mariage deux amis, l’un pour le fiancé l’autre pour son épouse. Avant l’union ils servaient de médiateurs entre les deux familles. Le jour du mariage, ils offraient des présents, suivaient les époux, et les reconduisaient à la chambre nuptiale. Ils se constituaient ainsi les garants de la chasteté de la jeune vierge. C’est dans ce sens que St Paul dit aux Corinthiens (2 Corinthiens 11.2) « J’ai conçu pour vous une sainte jalousie. Je vous ai fiancés à un seul époux comme une vierge pure pour vous présenter à Christ. » Paul se dépeint ici, comme un ami de l’époux, qui a rempli ces saintes fonctions dans l’union spirituelle de Christ avec l’Église des Corinthiens. Après avoir présenté la fiancée au jeune époux, les amis de noce devaient, dans la suite, maintenir l’harmonie entre eux. Une mission particulière leur était commise, celle de défendre la bonne réputation de la femme contre les calomnies de tous ses détracteurs.

[L’usage de paranymphes demeura général en Orient. On peut les comparer, au moment de la cérémonie des fiançailles, aux parrains dans celle du baptême. Comme ceux-ci, ce sont des parents spirituels. L’usage a passé aux peuples occidentaux, mais sans l’idée qu’il symbolisait. (Herzog., Real. Ency. II 591.) (G.R.)]

Ne pourrait-on pas faire remonter cet usage à l’Éternel lui-même ? Dans l’union spirituelle qu’Israël contracte avec son Dieu, il est dit de Moïse que semblable « à l’ami de l’époux » il conduit la fiancée hors du camp (Exode 19.17). Jéhovah, son époux, vient à sa rencontre à la montagne de Sinaï (Psaumes 68.7 ; Pirke du R. El. 41). Il y a plus. Dans certains ouvrages mystiques, l’Éternel nous est représenté sous cette image lorsque Adam et Eve se rencontrent pour la première fois en Eden. Le prophète Ezéchiel nous montre alors les anges dirigeant les chœurs des esprits célestes et étendant leurs ailes sur le lit nuptial (Ab. de R. Nathan IV et XII). Enfin, selon un ancien commentaire, le Tout-Puissant lui-même prend la coupe des délivrances et prononce les bénédictions traditionnelles, tandis que Michel et Gabriel nous apparaissent comme les amis de l’époux lorsque l’union de nos premiers parents est célébrée dans le Paradis.

Les cérémonies de la noce commençaient par la bénédiction précédée d’une courte formule au moyen de laquelle la jeune fille était remise au mari. Les fiancés étaient alors conduits à la chambre et au lit nuptial.

[Le père tenant lieu de prêtre plaçait la main droite de sa fille dans la main droite du jeune homme et disait : « Que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob soit avec vous. Qu’il préside à votre union et vous comble de ses bienfaits. » — Tobie 7.13. Il est douteux que cette formule remonte aux premiers âges. Quoique belle en elle-même, elle manque de la simplicité des temps primitifs. — Joël 2.16 ; le Chuppah est aussi mentionné Psaumes 19.5.]

C’est à ce moment que la jeune israélite déliait sa chevelure. Dans les temps ordinaires, la femme devait se couvrir la tête et cacher ses cheveux. Ceci ne jetterait-il pas quelques lumières sur le passage difficile, 1 Corinthiens 11.1-10 ? N’oublions pas que l’apôtre discute ici avec des Juifs. Il se place sur leur propre terrain, et les convainc de la vérité de l’ordre qu’il leur donne, en invoquant les usages mêmes auxquels ils sont soumis. Comment mettre en question dès lors la convenance de l’obligation imposée à une chrétienne d’avoir la tête couverte ? Une conduite différente, pour un Juif, aurait été le signe d’une absence scandaleuse de modestie. Quand une femme était accusée et convaincue d’adultère, c’était l’usage de lui couper la chevelure ou de la raser. On employait alors la formule : « Parce que tu as méprisé la coutume des filles d’Israël, qui marchent avec la tête couverte, ce que tu as choisi t’est arrivé. » Cet usage explique les versets 5 et 6 du même chapitre. Quant au verset 10, l’apôtre déclare que la femme doit avoir, sur la tête, une marque de dépendance de la puissance de son mari. Les mots suivants « à cause des anges » font allusion à la pensée Juive (appuyée certainement sur un fondement véritable) que les anges sont présents (au milieu des fidèles). Ils peuvent être offensés par notre conduite et en porter la douloureuse nouvelle jusqu’au trône de Dieu. Peut-être y a-t-il ici une réminiscence de l’ancienne foi des Israélites, qui croyaient que les méchants esprits prenaient domination sur la femme qui marchait la tête nue.

[Le Rabbin Simon Beni Jochai avait coutume de dire : Lorsqu’une femme se montre à tous la tête découverte, les mauvais anges viennent et se logent dans sa chevelure, de sorte que tout ce qui se trouve dans la maison est soumis à leur influence délétère. (No. : o c. 253.) (G.R.)]

L’usage du voile porté par l’épouse, ou étendu sur le jeune couple remonte aux âges primitifs. Il fut interdit quelque temps par les Rabbins, après la destruction de Jérusalem, aussi bien que la coutume de ceindre des couronnes (Cantique des cantiques 3.11 ; Ésaïe 61.10 ; Ézéchiel 16.12), qui est plus ancienne encore. On portait devant les époux des branches de palmier et de myrte, et on répandait autour d’eux des grains ou des pièces d’argent. Quelques musiciens précédaient la procession à laquelle on considérait comme un devoir religieux de se joindre. Dans la parabole des dix vierges nous voyons les jeunes filles assises sur le bord de la route dans l’attente de l’époux (Matthieu 25.1). Les docteurs de la synagogue nous apprennent qu’il était d’usage de porter des lampes au haut d’une perche. Le chiffre 10 dans la compagnie des jeunes filles, indique le nombre ordinairement choisi pour l’accomplissement des solennités publiques. Les fêtes duraient généralement une semaine, mais les jours des noces se prolongeaient tout un mois.

[V. Edersheim : Le mariage dans la Bible Educator de Cassel, vol. IV, p. 267-270. — L’aumône, la délivrance des prisonniers, l’acte d’accompagner un mort à sa dernière demeure et celui de faire cortège à la mariée qui se rend dans la maison de l’époux, étaient mis au nombre des œuvres méritoires (G.R.) — Selon le Rabbin Simon (sur Chel. II : 8) quand l’épouse était conduite à sa demeure dix porte-flambeaux précédaient ordinairement la théorie solennelle. — On appelait la femme, pendant la première année du mariage, une fiancée. Cet usage est basé probablement sur Deutéronome 24.5.]

Aux empêchements que la Bible mettait au mariage, les Rabbins en ajoutaient quelques autres que l’on peut ranger sous deux chefs. Ceux-ci étendaient les obstacles que la parenté oppose à l’union, afin de protéger la moralité publique. En ligne directe, la défense de contracter mariage était absolue à tous les degrés. En ligne collatérale, elle avait pour limite le premier anneau de celle-ci. Il était, en conséquence, interdit d’épouser la femme d’un oncle maternel ou la belle-mère de sa femme.

L’épouse divorcée ne pouvait s’unir par le mariage à son séducteur, ni l’homme à la femme à laquelle il avait apporté la lettre de divorce, ou dans la cause de laquelle il avait rendu témoignage. Il était interdit d’épouser ceux qui étaient hors de sens, les mineurs et les hommes en état d’ivresse. La fraude était également un obstacle absolu, etc. Un veuf devait laisser passer trois fêtes, une veuve trois mois, avant de se remarier. Si elle avait un enfant, ou si elle allaitait, il lui était enjoint de laisser écouler deux ans avant de contracter une nouvelle union. Défense était faite à la femme de convoler en troisièmes noces. Nul mariage n’était autorisé dans les quarante jours qui suivaient la mort d’un parent, pendant le sabbat ou une journée de fête. Inutile de parler ici du mariage avec le frère d’un époux décédé, dans le cas où il ne laissait pas d’enfant, bien que la Mishnah lui consacre tout un traité (Yebamoth) et qu’il se pratiquât souvent à l’époque de Jésus-Christ (Marc 12.19). Cet usage était dans une étroite relation avec la possession du territoire de la Palestine. Il cessa d’être observé avec la destruction de l’Etat Juif. Le prêtre devait rechercher quels étaient les ascendants légaux de sa femme (jusqu’au 4e degré si elle était fille de prêtre, jusqu’au 5e degré dans tous les autres cas) à moins que le père de sa fiancée ne fût revêtu de la charge de prêtre, en service à ce moment même, ou de celle de membre du Sanhédrin. La fiancée du souverain sacrificateur ne pouvait être qu’une vierge arrivée depuis six mois au plus à l’époque de la puberté.

Grande était la facilité avec laquelle le divorce pouvait être obtenu. « Est-il permis à un homme, demandait-on à Jésus, de renvoyer sa femme sous tous les prétextes ? » (Matthieu 19.3) Rapprochez cette question de l’étonnement des disciples en entendant la réponse du Sauveur : « Si tel est le rapport de l’homme avec la femme il vaut mieux ne pas se marier ! » et vous comprendrez combien cet acte était fréquent. La parole de Jésus dépassait de beaucoup les limites tracées par l’enseignement de Christ, dans le sermon sur la montagne (Matthieu 5.32). En répondant aux Pharisiens, le Seigneur place la question sur un terrain que le disciple le plus strict de l’école rigoriste de Shammaï aurait refusé d’accepter. La limite suprême à laquelle il se serait arrêté aurait été celle de restreindre le divorce aux cas où l’époux aurait trouvé, en elle, quelque chose de souillé. (Deutéronome 24.1)

Par ces mots il aurait probablement compris non seulement une violation des promesses faites le jour du mariage, mais une transgression des lois et des coutumes du pays. En réalité toute espèce d’inconvenance, l’habitude de dénouer sa chevelure, le fait de filer la laine dans la rue, la familiarité excessive dans ses rapports avec les hommes, les mauvais traitements infligés aux parents de son époux en sa présence, la propension aux querelles, c’est-à-dire le fait de parler à son mari d’une voix si haute que les habitants de la maison voisine pussent l’entendre, une mauvaise réputation, la découverte de quelque fraude commise avant le mariage, toutes ces raisons formaient des motifs suffisants de divorce. L’épouse, de son côté, pouvait le demander, si le mari était affligé de la lèpre, affecté d’un polype ou engagé dans la pratique d’une industrie désagréable ou sale, telle que le métier de tanneur ou de chaudronnier. Le divorce était obligatoire lorsque l’une des parties était devenue hérétique, ou avait cessé de professer le judaïsme. Il existait cependant des limites à cette extrême liberté. C’était l’obligation de payer à la femme la part qui lui revenait dans l’avoir du mari, et nombre d’ordonnances minutieuses sur les lettres de divorce, sans lesquelles nulle séparation de ce genre n’était légitime. Elles devaient être couchées, sur le papier, en termes explicites, présentées à la femme elle-même, en présence de deux témoins, etc.

[L’homme dont la raison était égarée pouvait lui-même demander le divorce. Lorsqu’on interroge un homme dont l’esprit est égaré et qu’on lui demande s’il faut écrire une lettre de divorce pour sa femme, s’il répond par un signe de tête, renouvelez trois fois la question. Si sa réponse est non, non, ou bien oui, oui, on peut dresser la lettre. (N. o. c. p. 38.) — Matthieu 19.3. — L’autre variante : « pour tout délit » est mieux en harmonie avec l’esprit des Pharisiens que la leçon du texte reçu. — Les ordonnances rabbiniques resserraient les prescriptions de la loi Mosaïque dans des limites tellement étroites en ce qui concernait la femme adultère que la recherche et la punition de ce délit devaient être excessivement rares. — Les Juifs enseignent qu’une femme est dégagée de la loi qui la lie à son mari par une de ces deux choses : la mort ou la lettre de divorce. De là la parole de Paul. Romains 7.2-3. — Voici quelle est la formule moderne de la lettre de divorce :

« Telle fête, mois, jour, année… Moi N., fils de N., de la ville de N., de mon propre gré, avec pleine réflexion, sans aucune contrainte je te renonce, je te délaisse, je te répudie, je te rends toi-même à toi-même, toi N., fille de N., de la ville de N., qui jusqu’à ce jour as été mon épouse. Je te renvoie, je t’abandonne et te répudie de telle sorte que tu seras désormais libre et que tu posséderas le pouvoir d’aller et de te marier à l’époux de ton choix. Je désire que nul ne t’empêche d’agir ainsi, de ce jour à jamais et que tout homme puisse s’unir à toi. Et cette lettre que je te remets te servira d’acte de répudiation, de contrat de renvoi, de lettre de divorce, selon les préceptes de Moïse et des Israélites. N., fils de N., témoin. N., fils de N., témoin. » (V. Pastoret : Moïse législateur et moraliste, p. 800.) (G.R.)]

La loi Juive déclarait que la femme avait quatre devoirs à remplir à l’égard de son époux, et celui-ci était assujetti à dix obligations vis-à-vis d’elle. Nous en connaissons trois indiquées Exode 21.9,10. Les sept autres emportent la constitution d’une rente, les frais du médecin en cas de maladie, le rachat de la captivité, des funérailles honorables, les moyens de vivre dans la maison aussi longtemps qu’elle demeurait veuve et que sa dot n’avait pas été payée, l’entretien de ses filles, jusqu’à ce qu’elles fussent mariées, et les mesures nécessaires pour que ses fils, en recevant leur part de l’héritage du père, obtinssent alors une portion de l’avoir qui lui avait été reconnu. Tous les gains de la femme devaient appartenir à son époux, non moins que les biens qui lui survenaient par succession, après le mariage. Le mari avait l’usufruit de sa dot et des gains qu’elle pouvait réaliser lorsqu’il était chargé d’administrer sa fortune. Dans ce cas, il était aussi responsable de toutes les pertes, et considéré comme son héritier légal.

[N’oublions pas que le christianisme seul a donné à l’épouse sa parfaite dignité. La polygamie était autorisée d’après un usage antique. (Genèse 4.19 ; 1 Chroniques 2.18) Bien que limitée de bonne heure à deux épouses (1 Samuel 1.2 ; 2 Chroniques 24.3), la loi de Moïse la suppose permise. (Deutéronome 21.15 ; Lévitique 18.18) Elle distingue les épouses des simples concubines ou épouses de deuxième rang. Celles-ci étaient prises, sans autres formalités que l’offrande de quelques présents. On les achetait à bas prix (Juges 19), on les répudiait sans difficulté. (Exode 21.7 ; Deutéronome 21.10) Choisies surtout parmi les prisonnières faites pendant la guerre, ou les esclaves domestiques, en particulier lorsque l’épouse était privée d’enfants (Genèse 16.3 ; 22.24), ces concubines formaient les harems des rois. La monogamie parvint cependant peu à peu, à s’établir et à dominer. Parmi les patriarches, Isaac avait offert le beau modèle du mariage Israélite. Dans leur enseignement les prophètes supposent toujours le mariage avec une unique épouse, comme le seul véritable. Eux-mêmes, Esaïe, Osée, sont les époux d’une seule femme. Après l’exil cette idée s’affirme d’une manière toujours plus complète. (Siracide 26.1 s.) Ainsi, par l’influence secrète et puissante de la religion, la monogamie triompha en Israël. Celle-ci renferma dans des limites toujours plus étroites la liberté des âges antiques et ennoblit, en la réchauffant de son souffle, cette relation sacrée. Toutefois, l’infériorité de la femme se maintint en une certaine mesure, puisque, à la différence de l’époux dont la liberté, en cette matière, touchait presque à la licence, elle ne pouvait elle-même provoquer la séparation. Seul, le Christianisme éleva enfin la femme à la dignité de la pleine égalité avec l’homme qu’il invita à aimer son épouse, comme Christ a aimé l’Église. (Herzog, IV : 57 s. — 677 s.) (G.R.)]

La vie de famille était pure en Israël. L’affection réchauffait l’atmosphère du foyer domestique. Mères dévouées, filles tendres, tel est le tableau que nous présentent le livre des Actes, et les lettres apostoliques. Marie, Elisabeth, Anne, les femmes pieuses qui assistaient le Sauveur ou qui après sa mort entourèrent de leur sollicitude sa dépouille sacrée, n’étaient point des exemples isolés dans la Palestine. Ne voyez-vous pas leurs sœurs dans les Dorcas, les Lydie, les Phébé, et ces chrétiennes, dont Paul nous entretient dans Philippiens 4.3, et dont il nous donne un léger crayon dans les épîtres à Timothée et à Tite ? Les femmes telles que Priscille, des mères comme celle des fils de Zébédée, de Marc, des épouses semblables à la « dame élue » de saint Jean, à Loïs et à Eunice devaient répandre, dans leur demeure, une atmosphère de pureté et de douceur. Elles projetaient une lumière précieuse dans la demeure, et communiquaient un principe de force à la société à laquelle elles étaient mêlées, en dépit de tous les souffles de corruption dont le Paganisme faisait sentir les influences délétères à ceux qui vivaient autour d’elles. Nous pouvons voir dans l’histoire de Timothée comment elles instruisaient leurs fils. Certes, elles étaient privées, à cet égard, de tous les avantages que nous possédons. Mais la pratique des devoirs de la religion au foyer domestique, leur piété vivante qui ne se contentait pas de l’observation servile des prières prescrites les rendaient capables d’instruire leurs enfants dans les choses saintes, et, dès leurs plus tendres années, mêlaient la parole de Dieu à leurs dévotions et à leur vie journalière. C’est ainsi qu’on leur enseignait quelques versets de l’Écriture qui commençaient ou finissaient par les lettres mêmes de leur nom. Ce texte de naissance l’enfant devait, jour après jour, l’introduire dans ses prièresd.

dKol. Kore, de El. Soloweicyk, p. 184, cp. Taan 9, a.

Familières pour son esprit dès ses jeunes années, devenues chères à son âme par les souvenirs mêmes qu’elles faisaient revivre dans sa mémoire, les promesses de la protection de Jéhovah se dressaient, comme des barrières, entre le jeune homme et la tentation. Au milieu du tumulte de la bataille de la vie, elles étaient son réconfort. Certainement des fils qu’Israël avait élevés avec une telle sollicitude on pouvait bien dire avec raison : « Prenez garde de ne mépriser aucun de ces petits ; car je vous dis que dans le ciel leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est au ciel. »

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