Les promesses dans cette épître, précèdent ou suivent les exhortations ; elles en sont du reste l’accompagnement constant dans toute l’Ecriture. Il ne peut en être autrement d’après le caractère distinctif de l’Evangile. Car d’une part, chaque promesse étant liée à une certaine condition morale, l’écrivain sacré est amené à parler des devoirs qu’elle impose ; d’une autre part, la proclamation de ces devoirs doit être précédée par la promesse que Dieu nous donnera la force de les accomplir, sinon elle nous jetterait dans le désespoir. Paul commence la dernière partie de sa lettre par ces mots : Réjouissez-vous toujours en notre Seigneur ; je vous le dis encore : réjouissez-vous. Quoiqu’au fond d’une prison, à la veille peut-être d’une condamnation à mort, il trouve des motifs suffisants dans la communion de son Sauveur pour recommander la joie à tous les chrétiens, et leur présenter la vie chrétienne entière comme la fête sérieuse de la rédemption. L’apôtre rattache à ces paroles, qui rappellent toutes les bénédictions de Dieu reposant sur le fidèle, de nouvelles exhortations ; il montre que cette joie n’est possible que quand la vie du chrétien répond à la loi du Seigneur. Les Philippiens, ainsi que nous l’avons remarqué, trouvaient dans leur position des pièges spéciaux ; ils pouvaient être facilement entraînés à l’irritation, à la colère, si l’homme naturel n’était dompté en eux. Aussi l’apôtre insiste-t-il auprès d’eux par le devoir de la douceur : Que votre douceur soit connue de tous les hommes, le Seigneur est proche (Philippiens 4.5). Le sentiment de la proximité du Seigneur excite les chrétiens à se garder de toute passion. Comment s’irriteraient-ils, en étant tant près de celui qui a été doux et humble de cœurb ? Ce sentiment les empêche également de devancer ses jugements et de se venger.
b – On pourrait voir dans ces mots l’annonce du retour prochain du Seigneur, que l’église apostolique attendait dans une sainte impatience, en franchissant tout l’intervalle qui l’en séparait, et qui n’était autre que toute l’histoire de l’Eglise. Mais le sens que nous avons donné est mieux en rapport, ce nous semble, avec le chapitre entier. (Note de l’Auteur.)
Après avoir rappelé cette proximité du Seigneur, l’apôtre recommande aux Philippiens de ne s’inquiéter de rien (Philippiens 4.6). Il y a un lien évident entre ces deux points. Malgré toutes les difficultés de leur position, les Philippiens ne doivent s’inquiéter de rien ; leur Sauveur est près d’eux. Paul ne condamne pas par là l’emploi des forces humaines pour vaincre une difficulté ; ce qu’il condamne, c’est le souci, l’inquiétude, qui empêchent l’âme de goûter une joie continuelle. Ces soucis doivent se transformer en prières : Exposez vos besoins à Dieu en toutes occasions, par des prières et des supplications, avec des actions de grâce (Philippiens 4.6). Si la joie doit constamment caractériser la vie chrétienne, celle-ci doit être en même temps une prière continuelle. La prière et la joie sont solidaires. Paul ne nous dit pas de ne plus songer à nos épreuves, à nos difficultés, mais seulement de n’y pas songer de manière à perdre l’esprit de prière. Au contraire, nous devons y trouver un motif de prière. La prière allège l’esprit du poids qui l’oppressait. Elle ne doit pas être uniquement une invocation du secours de Dieu pour l’avenir, mais aussi une action de grâce pour les bénédictions dont est enrichie toute vie chrétienne. Exposez vos besoins avec des actions de grâce. La supplication et l’action de grâce doivent se succéder ; la reconnaissance pour les grâces reçues ne doit pas se séparer du besoin vivement senti de grâces nouvelles.
Dans la supposition que les Philippiens suivront ses recommandations, l’apôtre ajoute : « Et la paix de Dieu, « laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos esprits en Jésus-Christ (Philippiens 4.7). » Quand les chrétiens ont une vie de prières, ils demeurent en paix avec Dieu. Cette paix, que Christ leur a conquise par sa mort, est la source de toutes leurs joies ; elle subsiste dans leurs combats, elle est invincible. C’est elle dont Christ a dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne la paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne craignez point (Jean 14.27). » Cette paix surpasse toute intelligencec ; en tant que fondée en Dieu, elle est au-dessus de toute conception humaine. Celui qui la possède a plus encore qu’il ne se l’imagine ; c’est une paix invincible, un calme céleste, auquel rien d’humain ne peut être comparé ; elle remplit l’âme de l’homme qui n’est plus en opposition avec Dieu, et dont la volonté est en parfaite harmonie avec sa volonté. Il y a dans cette paix une telle puissance qu’au milieu de toutes les luttes elle gardera nos cœurs joyeux dans la communion de Jésus-Christ (v. 7). De là cette sérénité qui met toute la vie des chrétiens à l’abri des soucis terrestres. « La paix de Dieu règne dans leur cœur (Colossiens 3.15) ; » elle y règne inaltérable et pure, quelles que soient les agitations et les troubles qui atteignent leur existence.
c – Rien n’est plus au-dessus du sens humain que d’espérer contre toute espérance (in summâ desperatione nihilominus sperare), de se trouver riche dans l’indigence et de ne pas succomber dans la faiblesse suprême (in summâ imbecillitate). Calvin, Philippiens 4.5.