Le célèbre manuscrit alexandrin (A), dont il a été question à propos de l’épître de Clément de Rome aux Corinthiens, renferme à la suite de cette épître un écrit beaucoup plus court, sans titre aucun. La dernière feuille du manuscrit n’existe plus, de sorte qu’il y a une lacune dans le texte à partir des mots οὔτε θῆλυ τοῦτο du chapitre 12, et qu’il faut se reporter à la table des matières du manuscrit pour constater que l’écrit mutilé faisant suite à l’épître de Clément était considéré par le copiste comme une « deuxième épître de Clément » Κλήμεντος ἐπιστολὴ β. La découverte du manuscrit H, anciennement à Constantinople, actuellement à Jérusalem, nous a rendu avec le texte intégral de l’écrit, l’inscription qui en fait une « deuxième épître aux Corinthiens » : Κλήμεντος πρὸς Κορινθίους ἐπιστολὴ β. C’est également comme une deuxième épître aux Corinthiens, écrite par Clément « disciple de l’apôtre Pierre », que le manuscrit syriaque (S) nous a conservé une traduction en langue syriaque à la suite de la traduction de la première épître. On n’a pas retrouvé de version latine, ni de version copte de cette prétendue épître. L’absence de versions anciennes est un indice de l’incertitude de la tradition au sujet de son authenticité.
L’histoire littéraire de l’écrit en fournit, non plus un indice, mais une preuve. Le premier témoignage formel le concernant est celui d’Eusèbe qui s’exprime ainsi : « Il ne faut pas ignorer qu’on attribue encore une seconde épître à Clément ; mais nous savons qu’elle n’a pas été aussi connue que la première, puisque nous ne voyons pas que les anciens s’en soient servis ». (H. E., III, 38, 4) Antérieurement à Eusèbe, il n’existe aucun témoignage favorable à l’authenticité de l’écrit considéré comme deuxième épître de Clément. Il est vrai que Denys de Corinthe, au deuxième siècle, écrivant au pape Soter qu’on a lu respectueusement sa lettre le dimanche, ajoute qu’on continuera de la lire ainsi qu’on l’a déjà fait pour « la première que Clément a adressée » à son Église (H. E. IV, 23, 11). Mais il serait excessif d’attribuer à ce langage une valeur de témoignage se rapportant à l’écrit de nos manuscrits ; le texte grec montre clairement que c’est la lettre de Soter qui dans la pensée de Denys est la deuxième lettre que l’on continuera de lire comme la précédente, écrite par Clément. Saint Jérôme dit nettement que les anciens ont rejeté la deuxième lettre attribuée à Clément. Saint Epiphane, il est vrai, fait allusion à « plusieurs lettres » de Clément, mais ne cite que l’épître aux Corinthiens ; s’il connaît plusieurs lettres de Clément qu’il appelle ses « lettres encycliques », et dont il dit qu’elles « portent l’éloge d’Élie, de David, de Samson et de tous les prophètes, ce n’est pas l’écrit transmis par les manuscrits sous le nom de IIe Lettre de Clément aux Corinthiens qu’il a en vue, ni même l’épître authentique aux Corinthiens qui nulle part ne donne le nom de Samson, mais les lettres sur la virginité (2.8-14) qui ont été faussement attribuées à Clément de Rome. En dépit des apparences, saint Épiphane n’est pas un témoin qui dépose en faveur de l’authenticité de l’écrit qualifié jadis de IIa Clementis.
Au reste la seule lecture du morceau les différences de style, de ton, de pensée, accusent un contraste si complet avec l’épître aux Corinthiens que la seule critique interne serait fondée à rejeter l’attribution du second écrit à l’auteur de l’épître. La pensée est souvent banale, quoiqu’on puisse noter au vol des sentences assez bien frappées. L’auteur a le souffle court ; ses meilleurs développements sont vite arrêtés ; l’expression est souvent gauche, imprécise. La composition est lâche, sans dessein suivi, très différente de l’exposition magistrale de l’épître authentique où les longs détours n’égarent pas, grâce au fil conducteur d’une pensée sûre d’elle-même.