Fondé sur le Roc

Chapitre 9

La manifestation du réveil

Le résultat du témoignage de M. Anderson à son retour du Pays de Galles avait donc été de renforcer en nous le trouble que le Saint-Esprit avait déjà créé dans nos cœurs. Ce sentiment devint intolérable, de même que la pensée de paraître devant nos semblables ce que nous n’étions pas en réalité et d’avoir une réputation qui ne corresponde pas à notre véritable état devant Dieu.

En effet, à quoi sert-il de maintenir une façade qui ne soit pas conforme à la réalité ? Seulement à faire durer un état qui n’est ni la vie de Dieu, ni la puissance de Son Esprit. Combien en sont là ! Cependant notre Dieu désire nous faire voir Sa puissance. Pour celui et celle qui comprennent cette expérience et qui se plient devant Dieu, il n’y a pas de limite aux possibilités que le Seigneur peut déclencher dans leur vie et ensuite par leur vie dans le monde.


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Les étudiants de chaque étage du grand bâtiment avaient l’habitude d’avoir une réunion de prière hebdomadaire. « Les frères du cinquième étage », comme on les appelait, s’étaient décidés cette semaine-là à se réunir chaque soir, avec la ferme intention de s’attendre à Dieu et au réveil… et ils prièrent comme des hommes résolus et vraiment livrés à Dieu. Le jeudi soir, ils comprirent que Dieu les conduisait en avant ; et le vendredi soir, ils prenaient une décision solennelle : « Nous ne quitterons pas cette chambre que le réveil ne soit venu. »

Ce soir-là, ils furent une demi-douzaine au début de leur réunion, et c’est l’un d’eux qui me raconta le lendemain ce qui s’était passé. Lui-même avait eu une réunion en ville et il était rentré à l’Ecole après que ses amis eurent commencé de prier. Il les rejoignit aussitôt. En s’approchant de la porte, il entendit plusieurs voix qui priaient en même temps, et en entrant il fut saisi par un sentiment extrêmement solennel de la présence de Dieu. En effet, ces frères, décidés à lutter jusqu’à la victoire, venaient d’être visités par une profonde et réelle révélation de la sainteté de Dieu. Et cela arrivait à des hommes qui aimaient les choses de Dieu et qui Lui étaient consacrés ! C’est ainsi que l’Esprit de Dieu, quand Il commence d’opérer en nous, va jusqu’au fond de notre être et dévoile dans notre vie spirituelle tout ce qui n’est pas une réalité. Cette expérience était si précise qu’aucun d’eux n’osait bouger, sinon gémir sur son état de péché révélé par la sainteté de Dieu. Le Seigneur était en train de poser des fondements solides pour ce qui allait suivre.

Peu à peu, ce sentiment profond de la sainteté et de la présence de Dieu fut suivi d’une révélation de la Croix du Calvaire et des souffrances de Jésus-Christ versant Son sang pour chacun de nous, ce qui est la pierre de touche et la base même de tout ministère. A mesure que l’un et l’autre entraient dans cette expérience, le sentiment de l’amour de Jésus-Christ les jetait brisés à Ses pieds, et ouvrait leur cœur aux flots de cet amour qu’ils avaient déjà tous prêché. Cet ami me dit que ce sentiment avait été si grand, si profond que c’était comme si la Croix avait été à nouveau dépeinte à leurs yeux (Galates 3.1). Nos frères furent alors pressés de s’humilier devant ce grand amour en sentant combien leur cœur était encore froid, et par conséquent, leur service misérable.

Cette expérience fut suivie d’une autre, après que l’un d’entre eux eut cité cette parole de l’Evangile selon Jean : « Il leur montra Ses mains et Son côté… Les disciples donc, voyant le Seigneur, eurent une grande joie » (Jean 20.20). Par la bonté de Dieu, le terrible sentiment de péché et d’indignité devant la sainteté divine fit alors place au soulagement de leur cœur, rempli de l’amour divin et désormais débordant d’un irrésistible besoin de louer ce Sauveur. Subitement, ils furent saisis d’un esprit de paix, de joie et de louange qu’ils n’avaient jamais connu de toute leur vie, c’était le réveil. Les longues semaines de labourage et de souffrance avaient fait leur œuvre, et cette paix était « l’effet de la justice », et le « labourage de la justice produisait le repos et la sécurité » (Esaïe 32.17).

Dieu avait exaucé les prières des uns et des autres. Il avait choisi Son heure, Son moyen et Ses instruments. Ce qu’Il avait si librement donné au Pays de Galles était donné à l’Ecosse, là, parmi les élèves de l’Ecole Biblique. Mais le réveil est une puissance communicative. Aussitôt après cette libération de leurs esprits maintenant inondés de joie, ces jeunes gens se mirent à supplier Dieu d’amener leurs camarades dans la chambre où ils priaient. Ils ne désiraient pas aller les chercher de peur de troubler ou de perdre la bénédiction descendue sur eux et qui devait s’étendre à toute l’Ecole. Le son de leurs voix et leurs cantiques attirèrent en effet quelques élèves du même étage. Bientôt le « feu » s’étendit à tout le cinquième étage ; puis des élèves d’autres étages se joignirent à leur tour à ceux qui priaient, de sorte qu’avant minuit, un nombre considérable de jeunes gens avaient été saisis par la puissance divine. Les cœurs débordaient de joie. Les prières se fondaient les unes aux autres, la louange s’entremêlait avec les confessions et les supplications, et pourtant dans l’ordre le plus absolu, sans que jamais le sentiment de la présence sacrée du Seigneur ne s’affaiblit. Ces frères étaient dans une telle joie et la puissance d’en haut agissait de telle façon qu’ils en oublièrent l’heure, n’éprouvant aucun besoin de sommeil. Le Seigneur était enfin intervenu, le réveil était là. Cette réunion continua jusqu’à trois heures du matin. Chacun se retira dans sa chambre, dans une joie glorieuse et ineffable. L’on ne peut vraiment décrire de telles expériences, il faut les vivre, et grands sont le privilège et la responsabilité de ceux auxquels Dieu les accorde.

Pendant ce temps, mon ami Thomas Mitchell et moi… nous dormions paisiblement dans nos lits ! Le lendemain matin, nous apprîmes les événements de la nuit. Quelques-uns des élèves de notre étage s’étaient joints aux « frères du cinquième », de sorte que le « feu » avait déjà gagné notre étage, et nous pouvions constater qu’ils avaient passé par une expérience unique, et cela, sans nous.

En descendant pour le petit déjeuner, je ne puis décrire ce que nous ressentîmes en rencontrant nos camarades « réveillés ». Jusqu’alors nous avions estimé que quelques-uns d’entre eux étaient endormis et formalistes, et voici, ces hommes étaient complètement transformés, débordant de joie et remplis de l’Esprit. A ce moment même, nous fûmes saisis par la conviction qu’ils avaient reçu la bénédiction attendue et que nous, nous ne l’avions pas reçue. Cette parole de l’Evangile selon Jean, 20.24, concernant Thomas, pouvait exactement nous être appliquée : « Jésus étant venu… et Thomas n’était pas avec eux ». Ce sentiment-là nous étreignit ; le réveil était venu et nous n’étions pas là, nous dormions. Au déjeuner, dans le hall de la salle à manger, un spectacle inoubliable s’offrit à nos yeux : l’Esprit de Dieu S’était répandu comme un fleuve dans toute l’Ecole, car un tel mouvement est contagieux parmi ceux qui veulent en remplir les conditions. Le repas était tout le temps entrecoupé de chants, l’expression de la joie. Mais pour mon ami et moi, c’était bien autre chose ; notre seul désir était d’en finir au plus vite pour trouver le refuge de nos chambres, car l’Esprit de Dieu était en train de continuer Son œuvre particulière dans nos cœurs. Il voulait aller profond.

Ceux qu’involontairement nous jugions, du moins dans nos esprits, nous estimant plus avancés qu’eux dans certains domaines, ceux-là avaient reçu quelque chose que nous ignorions ! Il y avait une puissance en eux qui nous révélait clairement nos lacunes, malgré notre zèle, notre audace et notre facilité dans le service de Dieu. Quelle découverte ! A ce moment-là, je compris que si j’avais reçu le Saint-Esprit, par lequel j’avais été scellé pour le jour de la rédemption, selon Ephésiens 1.13, Lui, le Saint-Esprit, ne me possédait pas. Le revêtement de puissance d’Actes 1.8 me manquait. « Mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit, qui descendra sur vous ; et vous Me servirez de témoins, tant à Jérusalem que dans toute la Judée, et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Ce texte que mon pasteur m’avait donné lors de ma confirmation attendait encore sa réalisation. Je parlai avec quelques-uns des étudiants qui avaient reçu le feu du réveil, et je fus frappé de l’humilité et de la grâce dont ils avaient été revêtus. Mais il fallait faire face à la journée qui était devant moi et l’heure des cours approchait.

Le culte d’élèves précédant le premier cours fut complètement transformé. En entrant dans la salle, nous entendîmes ceux qui y étaient déjà se livrer librement à la louange. Dans ce même culte où trois jours auparavant pas un de nous ne priait, où la courte introduction d’un élève était suivie d’un long et pénible silence, celui de la mort, il y avait maintenant un vrai torrent de prières et de louanges. Cette fois, notre cher directeur y assista, rayonnant de joie ; il nous donna quelques conseils. Je me souviens qu’il nous dit avoir eu la certitude que Dieu interviendrait, qu’il priait pour chacun de nous, nom par nom, qu’il savait que cette nuit-là Dieu était descendu au milieu de nous, et que maintenant il avait sa récompense. Puis il continua en disant que, puisque le Seigneur était venu au milieu de nous et que le réveil était là, il fallait qu’il s’étendît, mais que chacun fît attention de ne pas contrister le Saint-Esprit, qui est sensible. « Il faut Lui obéir, et sachez que c’est par vous que la bénédiction doit se répandre »… Il termina en disant qu’il était prêt à supprimer les cours si le Seigneur l’exigeait. Il ne fallait pas qu’aucun programme d’homme vint entraver le souffle de l’Esprit de Dieu en ce moment spécial. « S’Il veut que vous priiez, priez ! S’Il veut que vous chantiez, chantez ! S’Il veut vous envoyer auprès des perdus, allez-y ! » Et il nous dit de prier pour nos frères qui n’avaient pas encore reçu cette grâce.

Mon ami Mitchell et moi, nous étions de ceux-là… Nous nous sentions tout petits ; notre douleur était de beaucoup augmentée par la joie des autres… Oui, le Seigneur était venu et nous n’étions pas là ; le réveil était venu, et nous n’étions pas réveillés.

Le culte, ce matin-là, dura longtemps. C’était un samedi et il n’y avait pas de cours. Les étudiants passèrent la journée entre eux dans la prière. Plusieurs écrivirent ce qui s’était passé à leur famille et à leurs amis. Puis « les frères du cinquième étage » décidèrent de convoquer ce soir-là toute l’Ecole à une réunion de réveil, dans la tour, au huitième étage. Toute la journée, nous nous y préparâmes. Il y avait parmi les « réveillés » une atmosphère d’amour et de joie tout à fait divine. Et cela ne faisait qu’accentuer notre souffrance.

Le soir vint, c’était le 4 février ; chacun se rendit au haut du grand bâtiment. Quand mon ami et moi arrivâmes dans cette spacieuse salle, la réunion avait déjà commencé, avant l’heure. Nous entrâmes et quelque chose d’unique nous attendait. C’était comme si plusieurs réunions de prière avaient lieu simultanément. Et pourtant il n’y avait aucun désordre dans cette apparente confusion. Il n’y avait aucune fausse note dans ce chœur de louanges et de supplications. Les prières des uns s’harmonisaient avec les supplications des autres, et l’intercession n’était en rien interrompue ni affaiblie par les voix de ceux qui portaient secours à leurs camarades. Car ceux qui n’avaient pas encore reçu ce revêtement d’en haut avaient un profond besoin de secours. Prier, nous ne le pouvions pas ; louer Dieu, nous ne l’osions pas ! Nous étions là, au milieu de cet ensemble d’hommes sur qui le ciel était ouvert et qui, sans aucune réticence, répandaient leurs supplications et leurs actions de grâces. Le contraste était pénible, presque insupportable.

Tout à coup, un bras se posa sur mon épaule ; c’était celui d’un camarade irlandais avec lequel J’avais peu d’affinité. Je le jugeais superficiel, et il tournait parfois mon zèle en ridicule. Et voici, Dieu l’envoya, lui, pour m’aider dans ma détresse ! Au milieu du bruit, il me dit : « Frère, c’est par la foi que l’on reçoit la bénédiction ! » Puis il me lut Galates 3.14 : « Afin que la bénédiction promise à Abraham se répandît sur les gentils par Jésus-Christ, et que nous reçussions par la foi l’Esprit qui avait été promis. » Cette parole entra dans mon cœur, je me sentais en effet un païen, car Dieu m’avait fait prendre ma vraie place devant Lui. Dans mon angoisse spirituelle, j’étais en train de chercher à sentir la grâce du Seigneur en moi, comme je l’avais fait après ma conversion. Il répéta : « C’est par la foi ! Croyez seulement qu’Il vous donne Sa bénédiction et louez-Le ! C’est par la foi ! »

Je vous assure que le choix de l’instrument était bien celui de Dieu, et Son message était bien celui qu’il me fallait à ce moment-là. En toute simplicité, j’unis alors ma voix aux autres, dans ce concert de louanges. Sans rien voir ni rien sentir, et même contrairement à ce que je sentais, je me livrai à l’Esprit de Dieu en croyant qu’Il acceptait le don de mon être et qu’Il mettait Sa main sur moi. Puis je me tournai vers mon ami Mitchell qui, lui aussi, souffrait et implorait le Seigneur, et je lui donnai le message que je venais de recevoir. Ensemble, nous crûmes que la bénédiction de ce revêtement de puissance divine nous était donnée.

Cette réunion extraordinaire par sa puissance et unique dans son genre continua toute la nuit. Mais mon ami et moi, nous sortîmes de la salle avant nos camarades, éprouvant de nouveau le besoin de sceller dans la solitude de nos chambres ce que nous venions de recevoir. Ce que j’avais accepté, je l’avais accepté par la foi, sans le sentiment de joie qu’éprouvaient les autres : je me reposais entièrement sur la promesse de la Parole divine, mais j’étais toujours dans la même obscurité spirituelle.

Vers les premières heures du matin, j’étais assis à ma table, méditant l’expérience que je venais de faire, la scène que je venais de contempler, sachant cette fois que le Seigneur était venu. J’ouvris ma Bible et mes yeux s’arrêtèrent à Ephésiens 6.1-3. Une fois de plus, la Parole agit comme une épée à deux tranchants et une lampe à mes pieds. Le Saint-Esprit me montra que c’était à mes parents que je devais en premier lieu écrire ce qui s’était passé. C’était Dieu Lui-même qui avait conduit et voulu ma vie en dehors de la voie routinière pour être en bénédiction à un plus grand nombre, mais je n’avais pas eu suffisamment d’égards envers mon père, sa foi, ses sentiments ecclésiastiques rigides. Il avait fini par approuver ma décision d’aller à Glasgow ; mais j’éprouvai le besoin de lui écrire une lettre lui témoignant mon respect et mon affection ; je n’avais pas quelque chose de grave ou de spécial à lui dire, mais Dieu me demandait de revoir mon attitude à son égard. Et je sais que le fait d’écrire cette lettre contribua à éclairer mon esprit. Ce dimanche fut bien naturellement unique entre tant de jours uniques de cette période d’effervescence du réveil. Une fois de plus, Dieu me demandait l’obéissance. Et Il me fit la grâce d’obéir.


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Je ne me souviens pas si c’est ce jour-là ou le dimanche suivant que j’eus à apprendre une seconde leçon avant que Dieu m’ouvrît la bouche pour rendre témoignage. Voici ce qui se passa. En général, le programme des réunions de la semaine était affiché le samedi. Un élève aîné, de la deuxième session, se faisait accompagner d’un élève de première session. Ce dimanche, je devais accompagner un méthodiste bouillant, un des « frères du cinquième étage », qui devait prêcher dans une Eglise Libre presbytérienne de la ville ; car, heureusement pour les Eglises et pour la ville, le ministère des laïques était généralement accepté et encouragé.

Le sujet du réveil était devenu général, et les nouvelles de ce qui se passait à l’Ecole se répandaient. Mon ami, M. Hollis, avait pris pour sujet la plénitude du Saint-Esprit. Il exposa ce thème glorieux non seulement comme quelqu’un qui possède son sujet, mais qui l’a expérimenté. Je l’appuyais de mes prières et de mes « amen » et, à mesure que la réunion s’écoulait, j’éprouvais un sentiment de satisfaction en voyant passer l’heure, pensant que je n’aurais plus le temps de prendre la parole. Quand il eut terminé son message, il demanda à l’auditoire de rester dans la prière et le recueillement, puis il annonça qu’il y aurait, contrairement aux habitudes de l’Eglise, une seconde réunion « dans laquelle, dit-il, mon frère qui est ici vous dira comment recevoir la plénitude du Saint-Esprit ». Je n’oublierai jamais l’instant qui suivit. Souvent il m’est arrivé que des décisions de toute première importance durent être prises en un clin d’œil. Je sentais et je savais que je n’étais pas en état de prêcher sur un tel sujet. L’expérience bénie que j’étais en train de faire était trop neuve, et je n’éprouvais encore aucune joie de ce que j’avais accepté par la foi. J’aurais pu exposer avec exactitude la doctrine de la plénitude du Saint-Esprit, avec références bibliques à l’appui, maïs cela sans en avoir fait l’expérience. Que faire ?

Pendant que chacun était dans le recueillement et que j’avais moi-même la tête entre mes mains, dans la prière, je pris ma décision. Plutôt que de prêcher ce que je ne vivais pas, de paraître et de professer ce que je n’étais pas en réalité, je me retirerais. Profitant du silence et du recueillement, je dis à mon ami que, s’il le permettait, je rentrerais à la maison et le laisserais continuer la réunion. Et l’Esprit de Dieu qui m’inspira cette décision lui montra aussi de ne pas insister ; il me laissa partir.

Arrivé à l’Ecole, dans ma chambre n° 27, je me mis à genoux et demandai à Dieu de me faire la grâce de ne jamais prêcher une vérité quelconque que je ne vivrais pas, de ne jamais être hypocrite comme serviteur de Dieu. Cette expérience pénible fut une étape de ce long labourage de l’Esprit divin ; et de nouveau, chose remarquable, j’eus le sentiment que Dieu me voilait Sa face. J’étais prêt à marcher entièrement par la foi en renonçant à tout sentiment de joie ; cependant, je fus conduit à prier à ce moment-là que Dieu me montrât s’il y avait quelque chose dans ma vie qui fût un obstacle, un interdit. Et voici, Il me fit comprendre qu’un sentiment que j’avais dans mon cœur depuis quelque temps déjà, non pas un péché, mais une affection légitime devenue une idole et de ce fait un interdit, n’était pas Son choix ni Sa volonté pour ma vie. Il me demandait cela. Je me souvins alors de notre prière : « Donne-nous le réveil à n’importe quel prix. » C’était donc le prix et, en me le demandant, le Saint-Esprit était là pour m’aider à Lui obéir. Quand Dieu est présent dans une vie, quand Il accorde la grâce de la simplicité et de l’obéissance, les décisions à prendre et le chemin à suivre ne sont pas tellement compliqués, si douloureux soient-ils. J’étais simplement en face de l’exaucement de mes prières. Sans attendre davantage, je saisis ma plume et écrivis une lettre que j’allai immédiatement mettre à la poste… Ce soir-là, à la réunion de prière, je rendis grâces à Dieu pour l’esprit d’obéissance. Et le lendemain, à la réunion de prière des étudiants, un sentiment nouveau de joie commença à remplir mon cœur.

Si je m’attarde à raconter ces détails, c’est avec le grand désir que tous ceux qui liront ces lignes soient amenés à ne pas craindre que le Saint-Esprit descende profondément dans leur vie et les conduise au pied de la Croix. Certains obstacles au réveil ne peuvent être enlevés que par nos propres mains.

Cela se passait donc en février 1905, et Dieu savait par quel chemin Il allait me conduire. Il voyait toutes les vies de jeunes et d’adultes qui allaient accepter ce message et ce chemin. Et Il savait aussi… toutes les vies qui allaient le rejeter, qui allaient même s’y opposer, oui, refuser le scandale de la Croix. C’est en rendant grâces à Son Nom et en Lui donnant toute la gloire que je puis dire qu’Il m’a gardé dans cette voie : le Seigneur Jésus-Christ, et Lui crucifié, et pas seulement crucifié en dehors des murailles de Jérusalem, mais crucifié dans le monde, oui, crucifié dans l’Eglise, crucifié parmi les Siens ! Il n’y a aucune vraie puissance en dehors de la Croix. C’est là notre centre, notre terrain, notre inspiration, et nous sommes unis avec tous ceux qui pensent de même. La Croix de Christ, personnellement vécue dans chaque vie, c’est là le terrain sur lequel tombe la pluie des bénédictions d’en haut.

Ce dimanche soir, je puis le dire, fut la fin du long tunnel par lequel j’ai dû passer pour mon éducation spirituelle. Si cette expérience humiliante peut être en bénédiction à Ses enfants, Ses serviteurs et Ses témoins, j’en bénirai Dieu du fond de mon cœur. Etre courbé devant Dieu n’est pas un vain mot. C’est là que Dieu nous attend tous. Tout doit être mis en ordre avec Lui, et pour que cela soit possible, il faut premièrement tout mettre en ordre avec les hommes. Quand il en est ainsi, le réveil est là.

Et voici quelles en furent les manifestations, premièrement dans la vie de l’Ecole et deuxièmement devant le public.


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Bien que la puissance divine et l’esprit de prière répandus parmi nous eussent profondément affecté nos vies, le programme journalier de l’Ecole n’était pas changé. Nos cours continuaient et c’est un fait important à relever.

En temps de réveil véritable, quand l’Esprit souffle comme le vent, quand la joie et la liberté spirituelles sont grandes, quand les esprits s’épanouissent, il existe cependant des dangers spirituels pour les croyants : l’ennemi les guette ; il se déguise en ange de lumière ; les esprits séducteurs attendent une occasion qui leur permette de s’unir au mouvement de l’Esprit de Dieu, sans se laisser apercevoir au début. Le contrôle constant de la Parole de Dieu et la communication au monde perdu de la bénédiction reçue sont le complément nécessaire de toute œuvre de réveil du Saint-Esprit. Ils en sont également la sauvegarde — d’autant plus importante que la bénédiction a été grande.

C’est l’une des leçons qui furent apprises lors du réveil au Pays de Galles. Après un début qui fut une pure manifestation de la puissance d’en haut, profitant de la grande ouverture de cœur qui se manifestait partout, des esprits étrangers s’introduisirent dans ce puissant mouvement de l’Esprit de Dieu. L’ignorance générale des lois divines concernant les forces psychiques et les esprits séducteurs permit à certaines contrefaçons de s’enraciner et de s’insinuer parmi les croyants sans discernement, mais assoiffés de quelque chose de meilleur que ce que pouvait leur donner le formalisme. Ils ignoraient les enseignements de la Parole divine qui les auraient avertis de ce danger. C’est ainsi que débuta ce qu’on appelle aujourd’hui le « Pentecôtisme ».

Lorsque le réveil se manifesta en Suisse, Mlle Marguerite de Rougemont et moi, nous comprîmes la nécessité de pourvoir les jeunes convertis d’un solide fondement biblique. Mlle de Rougemont avait aussi fait ses études à l’Ecole Biblique de Glasgow et y avait aussi reçu la certitude que Dieu l’appelait à une œuvre semblable en Suisse. L’instruction biblique de la jeunesse réveillée devenait d’autant plus nécessaire que toutes sortes d’efforts étaient faits pour entraver l’œuvre que Dieu avait commencée. Une sorte de coalition organisée avait pour but soit d’imiter le réveil et ses œuvres, soit de faire du prosélytisme parmi les jeunes convertis, au grand détriment des foyers de vie divine qui s’étaient allumés ici et là. Cependant ce mouvement offrait aux Eglises ce qui était mon grand désir depuis mon arrivée sur le continent : un renouveau de vie sur le terrain de « la foi une fois délivrée aux saints ». Toute cette opposition ne fit que hâter l’ouverture de l’Ecole Biblique, qui fut ainsi la suite normale du réveil, une phase de la croissance de ce mouvement, et cela dans la direction normale de tout réveil : les missions, le grand monde des non-atteints.


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La vie de l’Ecole reprit donc à Glasgow en plein réveil. Nous vivions ensemble, avec toute la diversité de caractères et de personnalités que nous représentions. Mais l’Esprit de Dieu avait pris possession de nos vies, et puisque Son œuvre est de magnifier Christ, Il maintenait à la Croix la vie propre de chacun, son ancienne nature avec ses susceptibilités et ses réclamations, sa capacité de zèle charnel ou d’intellectualisme biblique discuteur. Une sainte harmonie régnait : personne ne cherchait à être le premier, chacun prenait sa place de serviteur. Les luttes, les discussions, les dissentiments qui nous avaient caractérisés avant le réveil n’étaient plus. Si quelqu’un ou quelques-uns sortaient de la ligne, les autres se chargeaient de ce fardeau dans la prière, et de les remettre au pas !

Il me faut cependant dire qu’il y eut parmi nous deux ou trois jeunes gens qui s’opposèrent au réveil, c’est-à-dire à l’Esprit de Dieu ; mais la puissance divine était si grande qu’ils ne purent rien faire pour entraver Son œuvre. Le fond de leur cœur ne tarda pas à se manifester ; ils n’assistèrent plus aux réunions de prière et critiquèrent d’une façon profane les choses glorieuses dont ils étaient témoins. Deux d’entre eux finirent par abandonner toute activité pour Dieu, et sombrèrent dans l’obscurité… Il est infiniment solennel de s’opposer au Saint-Esprit, quand Celui-ci agit avec puissance. On ne Le contriste pas impunément (1 Jean 2.19). La Parole et l’expérience nous enseignent cette loi divine : ceux qui résistent à l’Esprit Saint endurcissent leur cœur, tombent dans l’aveuglement spirituel que le diable sait dissimuler sous des dehors souvent trompeurs. Certaines opportunités manquées ne se retrouvent pas.

Mais ces tristes cas étaient l’exception. Il y avait parmi nous un réel sentiment de la présence de Dieu, accompagné de joie et d’une grande simplicité. Le Seigneur nous accorda de connaître quelque chose de cette vie de l’esprit qui devient peu à peu consciente des appels de l’Esprit Saint, et sensible à ce qui L’attriste ou Le réjouit.

En revanche, il n’y avait rien d’extravagant dans nos vies, rien de cette sorte de spiritualité malsaine qui fait perdre tout contact avec les choses de la vie et l’équilibre dans les choses de Dieu. Cette fausse conception de la vie spirituelle que nous appelons aujourd’hui haute spiritualité, et qui n’est à vrai dire ni élevée, ni sainte, est définie par l’apôtre Paul dans l’Epître aux Galates, ch. 5, v. 8, comme étant une « suggestion (influence ou persuasion) qui ne vient pas de Celui qui nous appelle ». Nous n’avons rien expérimenté de semblable ; les exagérations et les contrefaçons qui suivirent le réveil du Pays de Galles — comme la balle s’attache au grain, mais sans être le blé — n’ont en aucune façon fait alors leur apparition à Glasgow.

Quelle fidélité de Sa part ! Car nous n’avions à ce moment-là aucun enseignement nous avertissant des pièges du diable en temps de réveil. Aujourd’hui l’Eglise, ou plutôt ceux de ses membres qui veulent bien écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises et se laisser enseigner et avertir, ont connaissance des profondeurs de Satan, des embûches du diable et des terribles séductions spirituelles que l’ange de lumière sème parmi les saints. Les contrefaçons des choses divines qui ont suivi le réveil gallois et s’y sont subtilement identifiées, les expériences profondes faites alors ont permis la rédaction de La Guerre aux Saints *. Mais il peut être utile de dire ici que ce livre n’est pas destiné à être répandu dans le public, mais qu’il est un manuel d’instructions pour ceux qui cherchent à parvenir à la maturité en Christ, et à accomplir leur part dans le bon combat de la foi.

* La Guerre aux Saints, par Mrs. Penn-Lewis, en collaboration avec Evan Roberts.

Comme Dieu a veillé sur nous à Glasgow, Il a veillé sur nous en Suisse au moment du réveil ; dans le feu de la lutte et du combat, Il a gardé l’œuvre dans son ensemble, empêchant toute déviation, et cela grâce aux expériences faites au cours de ces années de préparation. Il nous a maintenus dans Sa ligne. Il nous a protégés des esprits séducteurs qui guettaient leur proie. A tout mouvement de vrai réveil s’attachent toujours des éléments dont les motifs ne sont pas absolument purs. Ils y cherchent leur propre intérêt et ne sont pas vraiment droits devant Dieu. Ils deviennent alors la proie facile des esprits séducteurs qui s’en emparent, les poussent à l’exaltation et à diverses exagérations malsaines. Mais quand ces personnes-là sortent du mouvement de réveil, dont elles sont littéralement expulsées par le courant de vie de l’Esprit de Dieu, il arrive souvent qu’elles se tournent contre le mouvement dont elles avaient voulu faire partie, qu’elles trompent la bonne foi de leurs compagnons d’armes sans méfiance et assemblent autour d’elles des gens tout disposés à croire le mal ; car elles calomnient alors l’œuvre qu’elles ne pouvaient assez louer… et tout cela parce qu’elles n’ont pas voulu payer le prix du réveil, confesser leur péché, l’abandonner et renoncer à elles-mêmes.

Dieu a éloigné à temps de l’Action Biblique ces éléments de trouble, mais ils firent néanmoins ensuite une œuvre néfaste en trompant un public religieux trop heureux de croire au mal et qui ne cherche même pas à contrôler la source des calomnies répandues, ni à en discerner l’esprit ; on est malheureusement souvent prêt à croire et à imputer aux autres ce qui est au fond de son propre cœur. Dans un cas, l’un de ces éléments de trouble fut immédiatement accueilli par certaines congrégations évangéliques qui en firent un prédicateur populaire, surtout pour la jeunesse. Nous avons loyalement averti ceux qui se laissaient tromper. Nos avertissements ne furent pas acceptés, alors que les calomnies que ne manquait pas de répandre celui qui nous avait quittés étaient écoutées, et colportées. Mais ce qui devait arriver arriva, car on ne se moque pas de Dieu … Et même alors, on ne jugea pas le mal ; on chercha à l’étouffer. Ceux qui portaient devant Dieu et devant le public la responsabilité de ce qui s’était passé ne voulurent pas reconnaître leur culpabilité. Ils préférèrent laisser courir les calomnies que ne croient — à vrai dire — que ceux qui y ont quelque intérêt … Ce ne fut qu’un cas, parmi plusieurs autres, car rien n’est plus tenace et malfaisant que les rancunes religieuses. C’est ainsi que pour des motifs souvent inavouables, on crée des situations, même des œuvres, et qu’on les maintient à tout prix, parce qu’elles servent des intérêts propres, tout cela au détriment d’autrui, au prix de calomnies et d’insinuations perfides.

Mais les difficultés et les souffrances qui en résultèrent n’ont pas empêché, en Suisse comme à Glasgow, le fleuve de bénédiction de couler dans l’œuvre elle-même, et par elle dans le monde. Seul le jour de Christ révélera combien de vies, d’Eglises, de sociétés et de milieux religieux ont été bénis, directement ou indirectement, par ce fleuve puissant qui n’a pas cessé de se répandre dans tant de directions.


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Si notre vie commune se poursuivait dans la paix et la communion, elle n’était cependant pas exempte de luttes, luttes nécessaires pour nous tenir près de Dieu, luttes permises pour exercer notre foi en Dieu et notre amour les uns envers les autres. Nos cours continuaient, mais ils étaient souvent interrompus par le besoin d’adorer Dieu pour les richesses que nous découvrions dans Sa Parole. C’est alors que je fis une expérience toute nouvelle qui amena un immense changement dans ma vie.

J’avais toujours aimé ma Bible, grâce aux facteurs que j’ai décrits dans les premiers chapitres de ces souvenirs. J’avais toujours eu de la joie à l’étudier ; j’avais toujours eu faim de mieux la connaître. Mais maintenant… ! Comment puis-je décrire cette expérience, si ce n’est en m’aidant de l’image du buisson ardent ? Après avoir passé par le réveil, je devins, en étudiant ma Bible, conscient du feu de la présence de son Auteur divin. Impossible de séparer l’un de l’autre ; impossible désormais d’étudier le texte sacré sans ce sentiment d’être sur une terre sainte  impossible de l’enseigner sans être profondément conscient de cette présence divine. J’avais cependant toujours cru que la Bible est la Parole de Dieu  mais cette expérience fut si profonde que depuis je n’ai jamais pu faire autrement que d’avertir les chrétiens du danger de l’intellectualisme biblique, si orthodoxe soit-il. L’expérience faite pendant ces mois fut une grâce incomparable de Dieu  elle fut trop profonde, trop précise, pour être jamais oubliée. La Parole de Dieu n’est jamais lettre morte pour quiconque est réveillé par Son Esprit : elle devient esprit et vie dans la me- sure où le croyant accepte que son cœur et son esprit en soient exercés.

Pendant nos cours, il arrivait souvent que l’étude d’un texte, d’un passage quelconque de la Bible ou d’une de ses doctrines, fît jaillir la louange et l’action de grâces de nos cœurs. Je me rappelle que lors de l’étude de la Personne de Christ dans l’Ancien Testament, je fus tellement saisi et si profondément remué que je ne pus plus écrire. Etant en prière dans ma chambre, je pénétrai alors jusque dans le lieu très saint où aucune parole d’homme ne peut s’exprimer, mais où le cœur s’épanche en louange et en adoration. En de tels moments, on reçoit dans la tranquillité de la présence de Dieu ce qui est le droit d’aînesse de tous Ses enfants : l’esprit de révélation dont parle l’apôtre Paul aux Ephésiens, ce don du Père de gloire qui illumine les yeux du cœur, et révèle au croyant la présence de Celui qui remplit toutes les pages du volume sacré. Ce sujet, Christ dans l’Ancien Testament et spécialement dans le Tabernacle, qui m’a été en si grande bénédiction, n’a jamais cessé d’être aussi, année après année, une bénédiction spéciale non seulement aux élèves de l’Ecole Biblique, mais à tous ceux auxquels les élèves eux-mêmes ont donné ce message.

Ainsi l’étude de la Parole divine complétait le renouvellement que le Seigneur nous accordait ; aucun d’entre nous n’éprouvait plus le besoin de discuter du sens de tel ou tel texte ; nous avions compris qu’il faut se déchausser devant le buisson ardent.


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La vie de prière des étudiants fut également entièrement changée par le réveil. Nos réunions de prière restent un souvenir béni. Elles continuèrent jusqu’à la fin de la session, pas toujours avec la même abondance de manifestations, mais toujours avec la même puissance. Non seulement l’esprit de prière ne diminua pas, mais il se maintint et s’approfondit… et je puis dire que plus d’un élève finit par user complètement les genoux de son pantalon ! Quand l’Esprit de Dieu souffle, la prière n’est plus une corvée, mais un besoin ; elle n’est plus un devoir, mais l’expression de la vie du cœur.

Pour permettre à ceux qui voulaient dormir d’avoir de la tranquillité, le directeur consacra à nos réunions de prière la halle de gymnastique du sous-sol. Ainsi nous pouvions prier librement, selon que l’Esprit de Dieu nous conduisait. Combien les choses avaient changé ! J’étais parfois émerveillé de constater que mes camarades les plus réservés, les plus rigides de tempérament, étaient devenus les plus vibrants : ils étaient réellement transformés par le feu et la vie de Dieu ; ils ne pouvaient se taire ni se contenir. Les paroles leur manquaient parfois pour exprimer leurs louanges à Dieu, leurs requêtes pour leurs semblables. Personne ne se choquait, personne ne cherchait à se faire remarquer ou à jouer un rôle. Comme au Pays de Galles, la réunion se passait souvent tout entière en prières et en louanges.

Et nos chants ! C’était certes déjà des chants de guerre et de gloire ! Quand le chant est une démonstration d’esprit et de puissance, le ciel s’ouvre et l’enfer tremble. Il y a là tout un domaine spirituel sur lequel je ne puis m’étendre ici. Ceux d’entre les élèves qui n’avaient que peu de voix reçurent une nouvelle capacité de chanter ; et ces cantiques entonnés subitement sous l’action de l’Esprit de Dieu, toutes ces voix s’harmonisant merveilleusement, sont l’un de mes souvenirs les plus bénis. Les vieux Psaumes écossais s’entremêlaient avec les chants de Moody et Sankey, de Torrey et du réveil du Pays de Galles ; chaque chant était comme inspiré tout à nouveau par le besoin du moment.

Nos réunions de prière étaient parfois caractérisées par une grande tranquillité ; c’était l’adoration devant le Seigneur et Sa Croix. « La voix douce et subtile » faisait Son œuvre en nous et nous amenait jusqu’au trône de Dieu dans l’adoration… Pendant ces heures, combien Dieu était près de nous ! Aucune de nos réunions de prière n’était semblable à une autre. Nous prions sans programme établi, et souvent le Seigneur nous conduisait dans une autre direction que celle que nous avions prévue.

Je ne pourrai jamais oublier certaines de ces réunions où l’intensité des prières, la plénitude des louanges semblaient dépasser ce que l’on peut décrire. Mais Celui qui avait donné le réveil veillait sur Son œuvre et, de plus, nous étions au bénéfice de la vigilance et de la vie de prière de notre cher directeur. Nous avions encore le privilège de cet autre facteur salutaire et vital : l’activité pour notre divin Maître, et la prière pour le monde perdu, la cause des païens, cette vision qui s’étend à perte de vue, ce cri qui ne cesse de retentir à toute oreille ouverte par le Saint-Esprit : « Passe en Macédoine et viens nous secourir ! »

Je constate aujourd’hui, en louant le Seigneur Jésus pour Sa fidélité, que tandis que nous étions ignorants des lois spirituelles du réveil et du terrible danger des séductions spirituelles qui l’accompagnent, Dieu canalisait ces puissants courants de prière dans la bonne direction : celle des missions. Il vaut la peine de répéter ici, si ce n’est que pour ceux qui s’en laisseront enfin convaincre, que lors de la première opposition au réveil en Suisse romande, j’ai plusieurs fois annoncé au public de ces grandes réunions qu’il ne fallait pas juger du mouvement qui se dessinait avant d’en voir les suites, et que s’il devenait un mouvement missionnaire, alors l’on saurait incontestablement son origine divine. Est-il étonnant que malgré la concentration des haines de l’enfer et des jalousies des hommes, l’Action Biblique ait eu plus tard le privilège d’envoyer à l’étranger le dixième de ses membres obéissant à leur vocation missionnaire ? Ceux qui ont critiqué et qui critiquent, où sont-ils ?

Je me souviens d’un soir où la ville de Glasgow fut déposée comme un fardeau sur notre cœur, avec toute sa misère, tout son péché, toute sa souffrance. A certains moments, ce fardeau était plus grand que nous ne pouvions le supporter ; mais à une telle école de prière, on fait des expériences qui ne seront jamais oubliées. Dans ces heures infiniment sacrées, alors que nous ne pouvions plus formuler nos prières, nous apprîmes ce que sont les soupirs du Saint-Esprit. Mais en général, ces expériences-là précédaient nos sorties en témoignage collectif — ce que nous appellerions aujourd’hui des sorties d’action, et dont je parlerai tout à l’heure.

Certains soirs, tel continent, tel pays païen était le fardeau de nos prières, et c’est dans ces réunions-là que le Saint-Esprit donna à quelques-uns de mes camarades leur vocation, soit pour la Chine, les Indes, l’Afrique ou l’Amérique du Sud. En effet, Actes 1.8 se réalisait déjà ; de notre Jérusalem, nous franchissions la Samarie et la Judée pour atteindre par nos prières les extrémités de la terre. Est-il étonnant que la vision et l’appel missionnaires aient caractérisé plus tard l’Action Biblique ? Est-il étonnant que ce soit même ce caractère spécial que craignent certains chrétiens qui ne désirent pas que leur consécration coûte quelque chose à leur confort ou à l’agrément de leur vie de famille ? Une mère nous dit une fois : « Je vous enverrais bien mon enfant, mais j’ai peur qu’il ne devienne missionnaire ». Dieu sait, et le diable sait aussi, qu’il y a d’autres œuvres dans lesquelles n’existe pas ce risque.

C’est ainsi que jusqu’à la fin de la session la vie de prière fut maintenue dans la direction que Dieu lui avait donnée : non pas nous-mêmes, mais les autres : le monde perdu.

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