(1517 à 1518)
Berthelier recherche l’alliance des Suisses – Discours de Berthelier à Fribourg – L’évêque lui refuse un sauf-conduit – Menaces des Suisses – Huguenots – Mamelouks – Le syndic d’Orsières député à l’évêque – L’ambassadeur jeté en prison – Un député savoyard en Suisse – Le duc en Suisse – Plaintes contre l’évêque
La fuite de Berthelier était plus qu’une fuite. Il allait en Suisse ; et dès lors la Suisse allait se tourner vers Genève et lui tendre la main.
Caché sous le costume d’un huissier de la ville de Fribourg, le fidèle citoyen y arriva sans encombre. Nul n’y avait plus d’affection pour Genève que le conseiller Marty, directeur de l’hôpital, qui par son énergie, son rang et son intelligence avait une grande influence dans la ville. Berthelier se rendit chez lui, s’assit à son foyer et y resta quelque temps, triste, muet et immobile. C’est ainsi que (si l’on peut comparer les grandes choses aux petites) un illustre Romain s’était jadis assis, en se couvrant la tête, au foyer de l’étranger ; mais Coriolan cherchait chez les Volsques de quoi perdre sa patrie, et Berthelier cherchait à Fribourg de quoi sauver la sienne. Une grande pensée qui, depuis longtemps était née dans son cœur et dans celui de quelques autres patriotes, l’avait occupé, pendant qu’il chevauchait dans les campagnes vaudoises. Les temps avaient changé. La longue conspiration de la Savoie contre Genève était sur le point d’aboutir. Le duc obstiné, l’évêque avili, le comte patelin, tous ces princes unissaient leurs forces pour détruire l’indépendance de cette ville. La Suisse seule après Dieu pouvait la sauver des mains des Savoyards. Genève doit devenir un canton ou du moins un allié de la Suisse. « Pour cela…, dit Berthelier, je donnerai ma tête. » Il se mit à deviser familièrement avec son hôte. Il lui dit qu’il arrivait à Fribourg, pauvre, exilé, poursuivi, suppliant, non pour sauver sa vie, mais pour sauver Genève ; qu’il venait demander à Fribourg de recevoir les Genevois dans sa bourgeoisie. En même temps il dépeignit avec éloquence les misères de sa patrie. Marty ému lui tendit la main, l’invita à prendre courage et à le suivre dans les abbayes, où se réunissaient les corporations. « Si vous les gagnez, lui dit-il, votre cause est gagnée… »
Aussitôt le Genevois et le Fribourgeois se rendent à la principale de ces abbayes ou clubs. A peine étaient-ils entrés dans la salle, que Marty embarrassé, dit à l’oreille de son hôte : « Je vois ici des pensionnaires du duc ; voilez vos paroles, de peur qu’ils n’empêchent notre besogne. » Berthelier embarrassé lui-même, à ce qu’il semble, par la présence de ses ennemis, ou voulant tout au moins se ranger à l’avis de son protecteur, s’exprima à demi-mots, voilant sa pensée, mais de manière pourtant à ce qu’on pût la deviner. Il parlait des guerres que la Bourgogne avait faites à la Suisse, et de Charles le Téméraire ; il voulait ainsi faire penser à la guerre que la Savoie faisait à Genève, et à Charles le Bon. Il insinua que les Suisses devaient se défier du duc de Savoie, quelque bonne mine qu’il leur fit. N’avaient-ils pas fourragé son pays pendant les guerres de Bourgogne, et n’en occupaient-ils pas encore une partie ? « Vos ancêtres, disait Berthelier, ont pillé, brûlé certaines provinces… vous savez lesquelles… et en tout cas d'autres ne l’oublient pas… Si quelqu'un se rend maître de Genève, il s’y fortifiera contre vous…, mais si Genève devient votre allié, vous pourrez vous en faire un boulevard contre tous princes et potentats… » Chacun comprenait de qui Berthelier voulait parler. Mais si le regard irrité de quelque pensionnaire de Savoie se fixait sur lui, il s’interrompait, sa phrase devenait louche, entrecoupée, il parlait plus bas, comme à la volée, dit Bonivard. Puis, se rappelant Genève, il reprenait courage, et ses énergiques accents éclataient de nouveau, au milieu du conseil de Fribourg. Il oubliait alors toute prudence, et faisait, dit le chroniqueur un grand plaintif de l’oppression sous laquelle cette ville gémissait. Ces discours, qui excitaient de violents orages, ne devaient pas rester inutiles ; les paroles éloquentes de Berthelier étaient des pensées fécondes, jetées dans les cœurs des bourgeois de Fribourg. Semblables à ces graines qui, emportées par la tempête, tombent çà et là dans les Alpes, elles devaient faire renaître un jour dans Genève l’arbre antique de ses libertésn.
n – Histoire de Genève, par Pictet de Sergy, II, p. 313. — Bonivard, Chroniq. — Spon, I, p. 287. — Savyon, Annales, p. 58.
L’exilé désirait que des Fribourgeois vissent de leurs yeux les malheurs de Genève et s’y liassent avec les hommes les plus marquants. Si Genève et Fribourg se rapprochent, pensait-il, la flamme jaillira et l’union se consommera. Il atteignit son but. Des citoyens de Fribourg partirent, arrivèrent à Genève et y furent accueillis par Besançon Hugues, Vandel et tous les patriotes. Ils dînaient tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Ils parlaient des libertés des Suisses ; ils racontaient leurs luttes héroïques, et au milieu de ces colloques animés, les cœurs se fondaient et se soudaient, de manière à n’en former qu’un. Les députés, ayant été reçus par le conseil, se plaignirent de la violation des franchises de la ville et demandèrent un sauf-conduit pour Berthelier. Trois conseillers partirent aussitôt pour Saint-Joire, village au milieu des montagnes, à quelques lieues de Genève, où le bâtard avait un château et se trouvait alors. Jean n’aimait pas beaucoup qu’on vînt le déranger dans ses parties de campagne ; toutefois il donna ordre qu’on fit entrer les magistrats, et ceux-ci lui exposèrent assez vivement les plaintes de Fribourg. « Moi, violer les franchises !… dit-il l’air étonné ; mais, je n’y pense pas. Un sauf-conduit pour Berthelier !… mais il n’en a pas besoin… S’il se croit innocent, qu’il vienne ; je suis bon prince… Non, non, point de sauf-conduit ! » Le 12 août, les syndics communiquèrent aux Fribourgeois cette réponse. Les Suisses s’indignèrent, et comme si les syndics étaient pour moitié dans l’affaire : « Quoi ! s’écrièrent-ils, les Turcs eux-mêmes ne refusent pas un sauf-conduit, et un évêque ose le faire ! Un sauf-conduit, inutile… N’a-t-on pas pris Pécolat, il y a peu de jours, hors des limites de la ville ! Ne l’a-t-on pas mis à une torture telle que la douleur lui a arraché tout ce qu’on a voulu ? Des citoyens effrayés n’ont-ils pas quitté la ville ? d’autres ne s’enferment-ils pas dans leurs maisons ? Ne fait-on pas tous les jours des affaires à celui-ci ou à celui-là ? Et l’évêque refuse un sauf conduit à Berthelier… Eh bien ! nous ramasserons tous ces griefs, et nous y porterons remède. Soyez-en sûrs… nous y mettrons nos personnes et nos biens. Nous viendrons avec tant de forces que nous prendrons le gouverneur de Son Altesse dans le pays de Vaud, les amis de la Savoie dans votre ville, et alors — nous les traiterons comme vous avez traité nos amis. — Et sur ce courroux, ils se « départirent, » disent les manuscrits contemporainso.
o – Registres publics de Genève, ad diem. — Bonivard, Chroniq., II, p. 294.
Les paroles des Fribourgeois rapportées, de maison en maison, enflammèrent les cœurs. L’union entre Genève et la Suisse était pour ainsi dire accomplie avant qu’aucun acte public l’eût rendue officielle et authentique. Berthelier avait compris que Genève trouverait dans les ligues helvétiques une protection plus puissante que celle de jeunes gens enrôlés sous la bannière de la dissipationp. Dès lors on vit toujours plus se former un parti politique, calme mais ferme, qui se mit à la tête du mouvement et remplaça la bande licencieuse des enfants de Genève.
p – Mémoire de M. Mignet, p. 23.
A peine les députés de Fribourg eurent-ils quitté la ville, que les ducaux apostrophant les Genevois indépendants, et francisant, chacun à sa manière, le mot allemand Eidesgenossen (confédérés), qu’ils ne pouvaient parvenir à prononcer, leur criaient : Eidguenots, Eignots, Eyguenots, Huguenots ! Ce mot se trouve dans les chroniques du temps, orthographié de ces diverses manièresq ; Michel Roset, la plus respectable de ces autorités du seizième siècle, écrit Huguenots ; nous adoptons cette forme, puisque c’est la seule qui ait passé dans notre langue. Il est possible que le nom du citoyen qui devint le principal chef de ce parti, Besançon Hugues, ait contribué à faire prévaloir la forme Huguenots sur toutes les autres. En tout cas, il faut bien se rappeler que jusqu’après la Réformation ce sobriquet eut un sens purement politique, nullement religieux, et désigna simplement les amis de l’indépendance. Bien des années après, les ennemis des protestants de France les appelèrent de ce nom voulant les stigmatiser et leur imputer une origine étrangère, républicaine, hérétique. Telle est la vraie étymologie de ce mot ; il serait plus qu’étrange que ces deux dénominations, qui n’en sont qu’une, eussent joué un si grand rôle au seizième siècle, à Genève et dans le protestantisme français, alors si étroitement unis, sans avoir aucun rapport l’une avec l’autre. Ce fut surtout un peu plus tard, vers Noël 1518, que la cause de l’alliance étant plus avancée, l’usage en devint plus général. Les ducaux n’avaient pas lâché ce sobriquet que leurs adversaires, leur rendant la monnaie de leur pièce, leur criaient : « Taisez-vous, mamelouks que vous êtes !… Comme les mamelouks ont renié Jésus-Christ pour suivre Mahomet, ainsi vous renoncez à la liberté et à la cause publique, pour vous assujettir à la tyrannier. » A la tête de ces mamelouks, se trouvaient près de quarante riches marchands, assez bons hommes au fond malgré leur terrible surnom, mais hommes d’affaires qui craignaient que les troubles ne nuisissent à leur caisse. Ce nom de mamelouks les mettait dans une grande colère. « Oui, reprenaient les huguenots, le sultan Sélim a vaincu les mamelouks, l’an passé, en Egypte ; mais il paraît que chassés du Caire, ces esclaves se sont réfugiés dans Genève. Toutefois, si vous ne voulez pas de ce nom… eh bien, attendez, puisque vous livrez Genève par avarice, nous vous appellerons… Judass ! »
q – Bonivard en place l’origine en 1518 et dit Eiguenots (Chroniq., II, p. 331.) Les Registres du Conseil le portent sous la date du 3 mai 1520, et disent Eyguenots. En 1521 nous le voyons dans le procès de B. Toquet, Ayguinocticæ sectæ (Galiffe, Matériaux pour l’histoire de Genève, II, p. 164). Nous le retrouvons plus tard, en 1526 : Traître Eyguenot (Ibid., p. 506). Même année : Tu es Eguenot (Ibid., p. 508). Enfin Michel Roset dans sa Chronique, livre I, ch. 89, dit ordinairement Huguenot. Au seizième comme au dix-neuvième siècle, les sobriquets ont souvent passé de Genève en France.
r – Bonivard, Chroniq., II, p. 287. (Des manuscrits du seizième siècle portent Mamelus, Maumelus.).
s – Ibid., p. 288
Pendant que la ville était ainsi agitée, l’évêque, glorieux de la torture donnée au pauvre Pécolat, se transportait de Saint-Joire à Thonon. Il n’avait jamais eu à un pareil degré le plaisir de faire sentir sa puissance, et il en jouissait ; car, servile devant le duc, il y avait pourtant en lui quelques traits du tyran. Il avait fait trembler quelqu’un !… aussi regardait-il ce guet-apens exercé sur Pécolat comme une action illustre ; et il désirait jouir de son triomphe dans la capitale du Chablais. En même temps il répétait à qui voulait l’entendre qu’il ne retournerait pas à Genève : « On m’y assassinerait, » disait-il. Les Genevois, consciencieusement soumis à l’ordre établi, résolurent de faire connaître leur loyauté par une démarche éclatante. Il y avait dans Genève un vieillard vénéré de tous les partis, Pierre d’Orsières, dont la famille possédait la seigneurie de ce nom, au Valais, sur le chemin du Saint-Bernard. Quarante ans auparavant (1477), il avait été l’un des otages donnés aux Suisses ; dès lors, il avait été élu six fois premier magistrat de l’État. Son fils Hugonin avait été nommé chanoine en considération de son père ; prêtre fanatique, il fut plus tard l’un des clercs les plus opposés à la Réformation. Le conseil arrêta d’envoyer à l’évêque une députation solennelle, et mit le syndic d’Orsières à la tête. C’était pousser un peu loin peut-être le désir de paraître de loyaux sujets, et ces débonnaires Genevois allaient apprendre ce qu’il en coûte de vouloir flatter un tyran. Le bâtard résolut de conquérir de nouveaux triomphes ; tourmenté par la maladie, il avait besoin de distractions : les souffrances de ses ennemis lui faisaient éprouver une certaine jouissance, c’était son genre de sympathie. Il portait à tous les Genevois, et même aux plus catholiques, une mortelle haine ; une occasion de la satisfaire s’offrit à lui. La députation s’étant présentée le 7 septembre, et lui ayant fait toute sorte de révérence, il fixa son regard livide et irrité sur le beau vieillard, dont la tête blanchie se baissait humblement devant lui, et ordonna qu’on le saisît, qu’on l’otât de devant lui, et le jetât dans un cachot. S’il avait été fier de son exploit envers le chaussetier Pécolat, il l’était bien plus maintenant d’avoir, d’un coup de main, fait disparaître un homme dont la famille brillait au premier rang, et que ses concitoyens avaient revêtu du caractère sacré d’un ambassadeur. La nouvelle de cet attentat étant parvenue à Genève, toute la ville (huguenots et mamelouks) poussa un cri. L’homme le plus vénéré de l’Etat était saisi comme un criminel, au moment même où il donnait à l’évêque les marques de la plus loyale fidélité. On ne doutait pas que ce crime ne fût le signal d’une attaque contre la ville ; aussitôt les citoyens coururent aux armes, tendirent les chaînes dans toutes les rues, et fermèrent les portest.
t – Registres manuscrits du Conseil du 8 septembre 1517.
Ces fautes de l’évêque déplaisaient au duc, et le surprenaient dans un moment difficile. Charles III, prince faible et versatile, penchait alors du côté de l’Empereur, et mécontentait son neveu François Ier, qui semblait disposé à lui donner une rude leçon. De plus, la démarche des Fribourgeois l’inquiétait, car Genève était perdue pour la Savoie, si les Suisses embrassaient sa cause. La liberté, refoulée jusqu’alors dans les Alpes allemandes, planterait son drapeau dans cette ville du Léman, et y élèverait une chaire, d’où elle soulèverait peut-être les populations de langue française. Les politiques les plus habiles de la Savoie, Seyssel qui venait d’être nommé archevêque de Turin, et Eustache Chappuis qui connaissait à fond les rapports mutuels des Etats, et que Charles-Quint employa plus tard dans ses négociations avec Henri VIII, représentèrent au duc qu’il fallait se garder à tout prix d’aliéner les Suisses. Charles III effrayé consentit à tout, et Chappuis fut chargé de réparer les fautes commises par l’évêque.
Ce savant diplomate vit clairement que la grande affaire était d’élever, si possible, une barrière infranchissable entre les Suisses et les Genevois. Il réfléchit aux moyens d’y parvenir ; il résolut de se faire humble, bon enfant, et partit pour Genève. Il y fut fait, par l’intervention du duc, official de la cour épiscopale ; il prêta serment comme tel entre les mains des syndics ; puis il déploya toute son habileté pour éloigner les Genevois des Suisses, et les attacher à la maison de Savoie ; mais ses bonnes paroles ne convertissaient pas beaucoup de monde. « Le duc, disait le prieur de Saint-Victor, voyant que ses chats n’ont pas pris rats, envoye un matou plus matois ; » les chats étaient l’évêque et le comte. Maître Eustache se rendit ensuite à Fribourg, où il se mit à pratiquer les pensionnaires. « Ah ! lui disait-on, Berthelier est un exemple de ce que les princes de Savoie savent faire. » Rien ne devait arrêter le diplomate ; il se rendit vers le fugitif, et l’engagea à retourner à Genève, en lui promettant sa grâce. — « Grâce ! s’écria le fier citoyen, grâce ne compète pas aux gens de bien, mais aux méchants. Je demande absolution si je suis innocent, et punition si je suis coupableu … »
u – Bonivard, Chroniq., II, p. 294, 295. — Registres du Conseil de Genève du 21 août 1517. — Spon, Hist. de Genève, I, p. 278.
La fermeté de Berthelier paralysait les efforts du diplomate ; il fut décidé que le duc lui-même viendrait en Suisse. En effet, prétextant les affaires qu’il avait à Genève et à Lausanne, Charles III arriva à Fribourg et à Berne. Il s’efforça de gagner les cantons ; il les engagea à dissuader le roi de France de lui faire la guerre ; il renouvela l’alliance qu’il avait avec les Ligues ; et comme on se plaignait à lui de la tyrannie de son cousin l’évêque, de l’enlèvement illégal de Pécolat, de l’exil de Berthelier, il fit à tous les plus belles promessesv.
v – Ibid.
Mais il comptait sans son hôte ; l’évêque, qui avait un caractère plus bas que le duc, avait aussi un esprit plus obstiné. Son illustre cousin venant en Suisse, il devait y être pour le recevoir ; il était donc revenu à Genève ; et quelques hommes de bon sens lui ayant fait comprendre ce qu’il y avait de compromettant pour lui dans l’enlèvement de d’Orsières, il avait relâché le sage vieillard. S’il consentait à céder pour celui-là, il était bien décidé à ne pas céder pour les autres. En effet, les syndics s’étant plaints à lui des excès commis dans la ville et hors de la ville, lui ayant représenté que les citoyens étaient arrêtés sans cause, et cela, non par les officiers de la justice, mais, chose inouïe ! par ses archers, le prélat avait fait la sourde oreille, il avait tourné la tête, regardé ce qui se passait autour de lui et renvoyé les magistrats aussi poliment qu’il pouvait le faire ; aussi le duc étant revenu de Fribourg, les syndics lui avaient énuméré toutes leurs plaintes : « Nos franchises sont violées par l’évêque. Un citoyen ne peut être saisi hors de nos limites, et Pécolat l’a été à Pressinge. Tout procès criminel appartient aux syndics, et Pécolat est jugé par des officiers épiscopaux. » Là-dessus l’évêque et le duc, voulant paraître donner quelque satisfaction aux Suisses et aux Genevois, avaient fait transporter Pécolat de la prison de Thiez à Genève et l’avaient enfermé au château de l’Ile. Mais ni le duc ni l’évêque ne pensaient à le relâcher ; trouverait-on jamais une occasion plus belle de démontrer aux cardinaux que la vie du prélat était en danger ? Toutefois Pécolat paraissant devant les syndics, ses juges, serait-il condamné ? Les ducaux branlaient la tête. « Lévrier père, l’un d’eux, radoteur incorrigible, disait-on, se ferait mettre un prison comme en 1506 plutôt que de céder ; un autre, Richardet, tête chaude, s’emporterait et donnerait peut-être un coup d’épée ; et Porral, plaisant comme son frère aîné, tournerait le dos en se moquant des mamelouks ! »