La repentance est l'une des doctrines fondamentales de la Bible, mais c'est aussi l'une des plus mal comprises. Les définitions qu'on en donne généralement sont bien étranges et bien erronées.
Personne n'est prêt à recevoir et à croire l'Évangile, à moins d'être prêt aussi à se repentir de ses péchés et à s'en détourner. Avant de rencontrer Jésus, Jean-Baptiste n'avait qu'un seul discours : « Repentez-vous ; car le royaume des cieux est proche. » (Mat 3.2.) Mais s'il avait continué à répéter cette parole, sans jamais montrer au peuple « l'Agneau de Dieu », son œuvre eût été très imparfaite. Quand Jésus parut, il s'empara de la même déclaration : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (Mat 4.17.). Et quand Il envoya ses disciples pour prêcher, ce fut avec le même message : « Ils prêchèrent qu'on se repentît. » (Marc 6.12) Après qu'Il eut été glorifié, quand le Saint-Esprit fut envoyé du ciel, nous retrouvons Pierre, au jour de la Pentecôte, faisant entendre le même cri : « Repentez-vous ! » Et ce fut cette prédication — la repentance et la foi en l'Evangile — qui produisit de si merveilleux résultats (Actes 1.33,47)
Avant que je dise ce qu'est la repentance, j'expliquerai brièvement ce qu'elle n'est pas. La repentance n'est pas la crainte. Bien des gens confondent ces deux choses. Ils s'imaginent qu'ils doivent être alarmés, terrifiés; ils attendent qu'une sorte de frayeur s'empare d'eux. Mais il y a des multitudes de gens alarmés qui ne se repentent pas. Que de matelots, dans la tempête, crient miséricorde à Dieu, pour recommencer, une fois la peur passée, à jurer et à se mal conduire ! Ce n'était pas la repentance, mais la peur qui les faisait crier.
La repentance n'est pas non plus une impression. Bien des gens s'attendent à éprouver une émotion extraordinaire; ils voudraient se donner à Dieu, mais ils n'osent le faire avant de l'avoir ressentie. A Baltimore, je prêchais chaque dimanche à 900 criminels dans la maison de force. Il n'y avait pas un seul homme, dans cet auditoire, qui ne se sentit misérable; pendant la première semaine de leur séjour dans la prison, ils avaient tous passé la moitié du temps à pleurer. Pourtant, si on leur eût donné la liberté, la plupart seraient retournés à leur mauvaises actions. An fond, ils se sentaient malheureux parce qu'ils avaient été pris, voilà tout.
La repentance n'est pas davantage le jeûne et la macération. Un homme peut jeûner pendant des mois et des années, et loin d'abandonner son péché, faire de ses pénitences une raison pour persévérer dans le mal.
La repentance n'est pas le remords. Judas eut des remords, il en eut de si terribles qu'ils le poussèrent au suicide : cependant il ne s'était pas repenti. Je crois que, s'il fût revenu vers son Maître, s'il se fût jeté à ses pieds et lui eût demandé grâce, il eût été pardonné. Au lieu de cela, il alla vers les prêtres, puis il se pendit. Toutes les pénitences du monde n'impliquent pas la vraie repentance. Souvenez-vous bien que vous ne pouvez payer les péchés de votre âme avec les douleurs de votre chair. Chassez cette dangereuse et coupable illusion.
La repentance n'est pas la conviction, du péché. Cela peut paraître étrange, mais ce n'est que trop vrai. J'ai vu des hommes si profondément convaincus de leur péché qu'ils n'en pouvaient dormir, ni manger, ni boire. Ils restaient des mois entiers dans cet état, mais ne se convertissaient pas.
Prier n'est pas se repentir. Cela aussi peut paraître étrange, et pourtant bien des gens, désireux d'être sauvés, se confient vainement dans leurs prières et dans la lecture de la Bible, s'imaginant que cela tient lieu de repentance. On peut crier à Dieu et ne s'être point converti.
Renoncer à un pêché particulier, ce n'est pas non plus un indice suffisant de repentance. Bien des gens commettent cette erreur. Un ivrogne cessera de boire, et s'imaginera être sauvé, mais il se trompe. Renoncer à un seul péché, c'est couper une seule branche de l'arbre quand l'arbre tout entier doit être arraché. Supposez que je sois à bord d'un navire et que j'y découvre soudain trois ou quatre voies d'eau. Si j'en bouche une seule, cela n'empêchera pas le navire de sombrer.
Qu'est-ce donc, me demanderez-vous, que la repentance ?
Je vous en donnerai la définition en langage militaire : c'est ce que les soldats appellent un « demi-tour à droite. » C'est changer absolument de direction : c'est marcher dans le sens opposé à celui que l'on a suivi :
« Retournez-vous, retournez-vous, car pourquoi mourriez-vous ? » Peu importe qu'un homme soit heureux ou malheureux dans le péché, qu'il en souffre ou n'en souffre pas; s'il ne s'en détourne, Dieu ne peut lui faire grâce. La repentance, c'est un changement d'esprit ou de détermination.
Prenons pour exemple cette parabole, racontée par Christ : « Un homme avait deux fils ; il vint au premier et lui dit : Mon fils, va travailler aujourd'hui dans ma vigne. Mais il répondit : « Je n'y veux point aller » (Mat 21.28,29). Après qu'il eût dit non, il réfléchit et changea d'avis. Peut-être, se dit-il : « Je n'ai pas parlé respectueusement à mon père. Il m'a demandé d'aller travailler et j'ai refusé ; j'ai eu tort. » Mais supposez qu'il eût ainsi parlé et s'en fût tenu là ; il ne se serait pas repenti. Non seulement il demeura convaincu qu'il avait eu tort, mais il s'en alla aussitôt aux champs pour labourer. Voilà comment Christ Lui-même définit la repentance. Si quelqu'un dit : « Par la grâce de Dieu, j'abandonne mon péché et je ferai désormais sa volonté », celui-là se repent ; c'est la véritable conversion.
Peut-on se repentir sur le champ ? Certainement. Il ne faut pas six mois pour changer d'avis. Il y a un moment, dans la vie de tout homme, où il peut s'arrêter et dire : « Par la grâce de Dieu, je n'irai pas plus loin sur le chemin de la mort éternelle. Je me repens de mes péchés et je m'en détourne. » S'il laisse passer ce moment-là, il petit être, trop tard. N'attendez pas de sentir vivement vos péchés ; si vous êtes convaincus d'être dans la mauvaise voie, cela suffit; détournez-vous aussitôt, c'est la vraie repentance, et c'est le salut.
Tous les exemples de conversions qui se trouvent dans la Bible sont des conversions instantanées. La repentance et la foi viennent, le plus souvent, soudainement; au moment où un homme se décide, Dieu lui donne la force ; Il ne lui demande pas de faire l'impossible. A l'homme de vouloir, à Dieu de pouvoir. Il ne commanderait pas à « tous les hommes de se repentir » s'ils en étaient incapables. Ceux qui ne se repentent pas et ne croient pas à l'Évangile ne pourront blâmer qu'eux-mêmes.
La vraie repentance doit porter des fruits.
Si nous avons fait tort a quelqu'un, nous ne pouvons demander à Dieu de nous pardonner avant d'avoir réparé le mal.
Un soir que j'évangélisais dans une ville, je fus abordé après la réunion par un homme de belle apparence. Il était dans une grande angoisse. « Voici le fait, me dit-il, je suis un voleur. J'ai pris de l'argent à mes patrons. Comment puis-je devenir chrétien, sans rendre cet argent-là ? » — Avez-vous la somme ? lui demandai-je. — Il me répondit qu'il ne l'avait pas tout entière : il avait dérobé 7500 Fr. et il ne lui en restait plus que 4750. Il me dit : « Ne pensez-vous pas qu'avec cet argent, je pourrais faire des affaires, et gagner ainsi de quoi rendre la somme entière ? » Je lui répondis que c'était là une mauvaise pensée ; qu'il ne pouvait s'attendre à prospérer avec de l'argent volé ; qu'il lui fallait rendre tout ce qui lui restait, et demander pardon à ses maîtres. — « Mais ils me mettront en prison, répondit-il ; ne pouvez-vous m'aider ? — Non, il faut rendre l'argent avant que vous puissiez attendre aucun secours de Dieu. — C'est bien, dur, reprit-il. — Très dur, répondis-je, mais c'est la conséquence inévitable d'une grande faute. »
Le fardeau devint si lourd qu'il n'y put tenir. Il me remit l'argent — 4750 francs et quelques centimes — et me demanda de le rapporter à ses patrons. Le soir suivant, les deux négociants et moi, nous nous rencontrâmes dans une chambre attenante à l'église. Je mis l'argent devant eux et je les informai qu'il venait de l'un de leurs employés. Je leur racontai l'histoire, je leur dis que ce dont cet homme avait besoin, c'était de miséricorde et non de justice. Les larmes coulèrent sur les visages de ces deux hommes, et ils me dirent :
« Certes, nous serions heureux de lui pardonner. » Je descendis pour aller le chercher. Après qu'il eut confessé sa faute et reçu son pardon, nous nous mimes tous quatre à genoux, et nous eûmes une réunion de prière bénie. Dieu se trouvait au milieu de nous.
Après une de mes prédications, un homme s'approcha de moi : « Voyez, me dit-il, mes cheveux sont gris et je n'ai que 32 ans. Il y a 12 ans que je porte un terrible fardeau. — Quel est-il ? lui demandai-je. — Mon père mourut et laissa ma mère seule le avec moi, n'ayant qu'une petite imprimerie pour toute fortune. Après sa mort, le petit journal que nous imprimions commença à baisser ; et je vis ma mère descendre peu à peu dans la misère. La maison et le journal étaient assurés pour 5000 francs. J'avais vingt ans. Je mis le feu à la maison, je touchai les 5000 francs et les donnai à ma mère Il y a douze ans que le souvenir de ce crime me hante. J 'ai essayé de le noyer dans les plaisirs ; j'ai blasphémé, j'ai cherché à devenir incrédule, j'ai voulu me prouver à moi-même que la Bible n'est pas vraie, j'ai tout fait, sans parvenir à faire cesser mes tourments. » Je lui dis : « Il y a un moyen de sortir de là. — Lequel ? me demanda-t-il. — Restituez. Asseyons-nous et, calculons l'intérêt de ces 5000 francs, et vous payerez cette somme à la compagnie d'assurances. » Vous auriez eu du plaisir à voir le visage de cet homme s'illuminer, lorsqu'il s'aperçut qu'il y avait espoir pour lui. Souvenez-vous que maintenant est le seul instant favorable pour vous repentir. Maintenant vous pouvez voir tous vos péchés effacés. Dieu veut vous pardonner; Il cherche à vous ramener à Lui. Mais la Bible enseigne clairement qu'il n'y a point de repentir après cette vie. — Certains docteurs prétendent qu'il est possible d'être sauvé au delà du tombeau; Je ne vois pas cela dans l'Ecriture. J'ai sondé soigneusement ma Bible et je n'ai pu y trouver un seul texte m'autorisant à croire qu'il y ait au-delà de la tombe d'autres occasions de salut.
Et pourquoi nous faudrait-il plus de temps que Dieu ne nous en donne ? A cet instant, même, si vous le voulez, vous pouvez vous détourner de vos péchés. « Je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Eternel. Convertissez-vous donc, et vivez ! » (Ezéchiel 18.32)