Non au yoga

Postface

Appeler les choses par leur nom.

Ainsi que l’annonçait la préface à cette deuxième édition, nous nous sommes vu contraint d’ajouter une information à celle déjà rapportée par le sixième chapitre du présent opuscule.

En effet, parmi les adeptes du yoga, il est des contradicteurs dont les remarques et critiques ne pouvaient nous laisser indifférent.

Vous ignorez, nous dit-on, ou feignez ne pas discerner que la pratique du yoga — comme du reste la plupart des cours enseignant cette discipline — ne tient nullement compte de la visée spirituelle qu’elle comporte en Orient. Notre yoga occidental n’a donc rien de religieux. Il se limite à de simples exercices physiques.

Une telle remarque me rappelle une anecdote contée par un ami. Cela se passait en France. C’était en pleine guerre, aux jours où l’électricité faisait défaut parfois des heures durant, Cet ami avait d’importants rapports à rédiger. Il ne pouvait se mettre à ce travail qu’à ses heures de loisir, c’est-à-dire la nuit. Pour se tirer d’affaire, à défaut de bougies il avait trouvé une source de lumière originale ! Il avait placé à une certaine hauteur et maintenait rigide par deux barres fixées aux poutres du plafond, une vieille bicyclette qui n’avait du reste que la roue arrière. Mais, fortune du ciel, elle était accouplée à une dynamo munie d’une lampe en état de fonctionnement.

Donc, aux heures de nécessité, il juchait sa femme sur la machine et : « Vas-y Louise, pédale bien… tandis que j’écris ! »

C’est dans cette avantageuse position que ce couple fut surpris un jour par une voisine entrée à l’improviste.

— Comment Louise ? Vous faites du vélo ? A cette hauteur ? En voilà un nouveau sport… et des cachotteries !

— Mais non… tu ne vois pas que je suis en train d’éclairer mon mari ?


♦   ♦

Louise était honnête. Elle n’avait nulle intention de faire du vélo. Elle aurait même nié avoir jamais pratiqué ce sport.

Mes contradicteurs ont-ils la même honnêteté ?

La propagande, il est vrai, semble leur donner raison :

En résumé, dit un prospectus, le yoga peut vous apporter une meilleure santé, vous faire grossir ou maigrir suivant vos besoins, vous assouplir, vous rajeunir le corps ou le cœur, vous ouvrir la porte sur une jeunesse prolongée et radieuse. C’est une véritable cure de bien-être, dont vous tirez quatre avantages : l’art de la véritable relaxation — la jeunesse du corps par le tonus et la souplesse — une vitalité accrue par l’oxygénation et l’apprentissage de la respiration profonde — un parfait équilibre physique augmentant votre résistance à tous les maux.

Cependant, il est étonnant que des contradicteurs sérieux ne discernent pas l’imposture à laquelle ils consentent lorsqu’ils prétendent pratiquer le yoga mais s’interdisent de lui donner une portée spirituelle quelconque. Car :

Ou bien, selon le prospectus cité plus haut, ils pratiquent l’art de la relaxation. Par diverses méthodes de respiration, de gymnastique rythmique, ils cherchent du repos, de la détente, de l’équilibre, de l’harmonie. Donc, pas plus que Louise ne faisait du vélo, ils ne pratiquent le yoga. On aimerait qu’ils le disent honnêtement et renoncent une fois pour toutes à ranger sous le nom de yoga ce qui n’en est qu’une caricature commercialisée.

Ou bien, ils pratiquent en vérité le yoga. Et celui-ci ne saurait être confondu avec une gymnastique. Que ses adeptes le veuillent ou non, qu’ils le discernent ou pas, le yoga a une portée spirituelle, connue et soulignée par ce fait indéniable : « Tout yoga digne de ce nom a un fondement philosophico-religieux ».

Certes, il est possible de refuser qu’à partir de ce « soubassement » la pratique du yoga entraîne vers une quelconque spiritualité. Mais alors, une fois de plus, il faudrait avoir l’honnêteté de le reconnaître : le yoga ainsi tronqué n’est plus du yoga. Il est devenu une ascèse désintéressée.

Encore ne faut-il pas trop s’illusionner sur le caractère de gratuité de cette ascèse. Car aucun « maître » sérieux ne cache les dangers du yoga pratiqué pour lui-même.

Tous nous avertissent qu’on peut être « gravement atteint dans sa santé spirituelle ou physique, parce que, imprudent, crédule, on aurait trop vite cru être initié ou compétent ».

De plus, il est notoire que se discerne assez mal, pour le non-initié, la frontière entre une ascèse dite désintéressée et le terrain propre aux pouvoirs parapsychiques. Et cette frontière ne se franchit jamais impunément…

Au chapitre 6 de ce livre, dans notre réponse à la première objection, nous avions déjà relevé que sur le terrain d’une stricte honnêteté intellectuelle, il conviendrait d’appeler les choses par leur nom, de ne pas confondre le yoga avec une simple technique de relaxation.

Il ne semble pas que nos objecteurs nous aient entendu.

Peut-être cette fois prêteront-ils davantage attention à notre propos.

Sus au syncrétisme.

Une deuxième mise au point nous paraît nécessaire suite aux remarques parues sous la plume de M. l’abbé Jean Déchanet dans son « Cahier du Val » du quatrième trimestre 1970.

Loyalement, ce contradicteur reconnaît « la tendance manifeste au syncrétisme que traduit l’enseignement de certains maîtres es-yoga ».

Mais il nie avoir jamais donné dans ce piège lorsqu’il enseigne le yoga chrétien. Il reste même assuré du contraire. Selon lui, yoga et Evangile se marient fort bien sans qu’en cette singulière union la bonne nouvelle du salut par grâce soit d’aucune façon altérée.

Nous serions les premiers à nous en réjouir si cela était non pas vrai, mais possible.

Monsieur l’abbé Déchanet le croit. Sa foi dans les possibilités du yoga au service de l’Evangile lui ouvre de larges horizons.

Il ne demande pas au yoga le salut, il attend simple- ment de cette « ascèse »… qu’elle le mette « en état de réceptivité vis-à-vis de la foi, de la grâce, de l’amour de Dieu »…, qu’elle le rende « réceptif à certains appels du Christ (la douceur, la justice, la paix, le respect des autres) parfois oubliés des chrétiens »…, qu’elle assure à son corps une bonne santé afin d’en faire « un bon instrument de prière »…, qu’elle lui procure la paix du cœur « sur laquelle puisse se greffer la paix du Christ », qu’elle éveille en son esprit « certaines énergies cachées, pour une meilleure connaissance, une perception plus aiguë du mystère de Dieu ».

Il précise :

« Corps - Âme - esprit, ce sont ces trois dimensions de notre être intégral que nous essayons de connaître, ou mieux de reconnaître en nous. Ce sont elles que le yoga nous permet de discipliner, d’équilibrer, d’épanouir. En opérant leur « jointure », le chrétien-yogin se rend plus capable de rejoindre les autres et Dieu ».

On ne s’étonnera pas de trouver à la source de cette profession de foi non pas l’Ecriture Sainte, mais cette petite phrase de Guillaume de Saint Thierry :

« Que l’homme en toute loyauté, fasse pour Dieu ce qu’il peut comme homme! Dieu prendra sa cause en mains, car ce qu’il pouvait, l’homme, il l’a fait ».

En langage populaire, cela se traduit par : « Aide-toi, le ciel t’aidera ».

Quand on fait remarquer à l’auteur d’un tel enseignement que cet adage est une grave déformation de la vérité biblique, il se justifie en affirmant « qu’en se faisant homme, le Fils de Dieu a rendu à la nature humaine cette dignité qu’elle avait perdue avec et par le péché, et surtout certain dynamisme qui l’ouvre à Dieu comme à nouveau ». Il ajoute « que la grâce rédemptrice ressuscite en tous et chacun la grâce créatrice et que le devoir de tout homme est d’épanouir en lui cette nature que Dieu lui- même a formée et modelée et pour laquelle il n’a pas épargné son Fils ».

En d’autres termes, si Monsieur Déchanet assortit sans hésitation le yoga et l’Evangile, c’est qu’il ne s’embarrasse point trop de théologie biblique et qu’il jette son dévolu sur une interprétation qui doit moins à la théologie qu’à l’idéologie. Il est vrai que celle-ci est très prisée chez les intellectuels et semble, par là, justifier sa manière de voir et de faire.

Dans cette idéologie, l’œuvre de Christ est en bonne place. La divinité du Seigneur n’est pas niée, son humanité, sa mort expiatoire, sa résurrection non plus. Mais quand il s’agit de l’homme appelé à rencontrer le Christ, là, les « choses révélées » s’altèrent.

On nous dit bien que le salut de cet homme est l’œuvre du Christ. Mais à partir de ce salut donné gratuitement par Dieu et reçu par l’homme, la vie et l’affermissement de cet homme dans la foi recherchent ailleurs que dans les chemins tracés par Dieu l’équipement nécessaire à son maintien sous la grâce.

L’Eglise primitive persévérait dans la doctrine et l’enseignement de l’Ecriture, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, dans les prières. A cette Eglise, l’apôtre Paul pouvait écrire : « Nul ne peut connaître ce qui est en Dieu si ce n’est l’Esprit de Dieu. Or, nous avons reçu l’Esprit même qui vient de Dieu afin de pouvoir comprendre. et apprécier les dons que, dans sa grâce, il nous a offerts. Nous en parlons, non avec les méthodes apprises de la sagesse humaine, mais avec celles que nous inspire l’Esprit. »

Il apparaîtrait donc que ni l’Eglise primitive, ni l’apôtre Paul n’avaient découvert la totalité des méthodes de l’Esprit. Oui, il apparaîtrait qu’une dernière méthode devait être mise à jour et portée à la connaissance des chrétiens. Monsieur Déchanet s’y est employé :

« Du yoga oriental, nous extrayons donc un choix, aussi judicieux que possible, de disciplines et de pratiques, adaptées aux tempéraments, à la santé, aux habitudes des occidentaux.

On nous a fait l’objection : Est-il honnête ou même prudent de reprendre ainsi certaines techniques orientales pour les mettre au service du christianisme ?…

Nous avons pu répondre :

Historiquement, le yoga a été et reste au service d’idéologies différentes, disparates et même opposées. Le Samkhya athée et l’Hindouisme aux cent visages l’ont coulé dans leur moule. Shri Aurobindo et les membres de la Société théosophique se réclament de lui. Nous savons qu’il y a eu un yoga égyptien et un yoga iranien. Certaines pratiques de l’Hésychasme ne sont-elles pas un yoga ?

Dès lors, nous ne voyons pas pourquoi notre spiritualité chrétienne ne pourrait pas s’inspirer d’une sagesse aussi éclectique. Nous avons donc procédé à une certaine adaptation des disciplines du yoga à notre visée chrétienne, voire à notre conception de la vie chrétienne ».

Pour un peu, nous dirions : c’était tout simple… il suffisait d’y penser ! Mais alors, dans le prolongement d’une telle inspiration, il faudrait penser à beaucoup d’autres choses. Entre autres, à une refonte de nos catéchismes, sinon de nos confessions de foi !

Dans cette brève réponse, nous ne disposons pas de la place nécessaire à une démonstration de tout ce qu’il y aurait lieu de bouleverser ou déformer (par opposition à réformer !), si nous suivions les cheminements nouveaux (?) tracés par Monsieur l’abbé Déchanet.

Un seul exemple suffira.

Fidèles à la révélation de l’Ecriture, nous avions cru jusqu’ici qu’à cause du Christ mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification, le Saint-Esprit non seulement faisait de nous de nouvelles créatures, mais que lui seul, après avoir commencé en nous cette bonne œuvre, pouvait la mener à achèvement. Oui, nous avions cru que seul Dieu pouvait élever ou abaisser l’homme.

Eh bien non ! Aux quatre « actes » enseignés par l’Esprit et désignés comme moyens de notre croissance dans la grâce (Parole de Dieu, culte ou communion fraternelle, sainte cène et prières, Actes 2.42), selon la théologie de M. Déchanet il faudrait en ajouter un nouveau — ou un cinquième — devenu en quelque sorte la clef de voûte des quatre précédents : le yoga.

N’écrit-il pas : « Il s’agit pour nous, adeptes d’un yoga sinon déjà chrétien, du moins à visée chrétienne et d’esprit chrétien, d’être davantage des hommes pour pouvoir être meilleurs chrétiens ».


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En voilà assez, suffisamment nous voulons l’espérer, pour que n’apparaisse pas arbitraire la dénonciation que nous sommes ici tenu de faire.

Dans sa seconde épître (2.1), Pierre l’apôtre nous avertit que dans l’Eglise surgiront des hérésies pernicieuses.

A regret et en tout respect, mais non moins fermement, nous disons à M. l’abbé Déchanet, que sa théologie l’égare.

En paraphrasant l’un des articles de notre confession de foi réformée, nous dirions :

La nouvelle naissance ne nous autorise pas à nous croire capables et libres dorénavant de choisir nos moyens d’approcher ou de servir Dieu. Ceux qui se croient capables — par le yoga — de devenir de « meilleurs hommes » afin d’être de meilleurs chrétiens, ceux-là se fient au néant et mettent leur confiance en un culte idolâtre digne de malédiction. Leur connaissance de Dieu se ramène à une théorie. Certes, ils cherchent à connaître Dieu. Mais cette connaissance n’engage ni ne concerne la totalité de leur existence. C’est pourquoi leur foi s’accompagne de pratiques yogiques. Leur décision et volonté y jouent un rôle, mais le Saint-Esprit n’y tient plus le sien. Car là où Dieu est authentiquement rencontré comme le seul auteur et la seule source de tout bien, la seule œuvre bonne qu’un homme puisse jamais faire, ce n’est pas d’épanouir ou de transfigurer par le yoga cette nature que Dieu lui-même aurait graciée, mais de croire. Oui croire, c’est-à-dire bénir Dieu pour l’œuvre parfaitement achevée qu’il offre gratuitement en Christ à tous ceux qui se repentent et s’en saisissent par la foi. Cette foi est assurée à tout jamais de recevoir tout ce qui est nécessaire à la vie présente et à venir. Aussi, la gratitude du chrétien se traduit-elle non par une ascèse qui le rendrait meilleur, mais par une obéissance à Dieu et un amour des autres, fruits de l’Esprit Saint et non du yoga.


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Au chapitre 6 de ce livre, dans notre réponse à la deuxième objection, nous avions déjà relevé cette confusion entre le Saint-Esprit et l’esprit d’optimisme (ou de pessimisme) dont certains croyants font usage envers eux-mêmes.

Monsieur Déchanet nous répond que sur ce point « deux théologies s’affrontent ».

Il dit vrai.

Nous laissons nos lecteurs discerner, à la lumière de l’Ecriture révélée par l’Esprit Saint, laquelle de ces deux théologies professe en tout temps l’Eglise fidèle.

Non à l’hérésie.

Parmi nos contradicteurs, les plus écoutés joignent à leur enseignement théologique sur ce sujet leurs connaissances des religions orientales. Ils ont rencontré et interrogé des yogins, ils ont réfléchi à ce qu’ils leur ont appris, en un mot, ils savent ce dont ils parlent.

On peut refuser l’enseignement de quelqu’un, le tenir pour malfondé et même dangereux, sans que pour autant nous méconnaissions à son auteur le titre de frère en la foi. Il n’y a nulle prétention ou audace à dire notre désaccord même à un professeur en théologie si son enseigne- ment nous paraît contredire la saine doctrine évangélique. Elle-même nous exhorte à examiner toutes choses, à vérifier si ce qu’on dit est exact (1 Thessaloniciens 5.21 ; Actes 17.11), à veiller sur un enseignement donné ou reçu. De plus, nous sommes avertis qu’une fausse science peut détourner de la foi.

Il est donc indispensable, en l’occurrence, de faire connaître l’enseignement dont se réclament ceux qui veulent accréditer le yoga, de l’examiner ensuite à la lumière de l’Evangile, de dire pourquoi nous tenons cet enseignement pour erroné.


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Il n’y a pas lieu de le taire : au sixième chapitre du présent ouvrage, notre réponse à la quatrième objection visait déjà ce que nous ne craignons pas d’appeler une néfaste théologie. Le dialogue engagé depuis lors avec ses partisans a mis en lumière d’autres aspects de leurs pensées. Loin d’ébranler notre conviction, leurs propos n’ont fait que souligner davantage nos divergences de vues.

Que professent-ils ?

Le yoga, selon le sens même du terme, est la mise en œuvre concentrée de tous les moyens permettant d’atteindre un but ; ici, un but spirituel. Ces moyens sont d’ordre psychique, physique, intellectuel. Ils peuvent aider le chrétien à mieux prendre conscience de la présence de son Seigneur, à mieux le rencontrer. Le yoga est une manière, une technique, également un style de vie, facilitant le contact avec le Christ.

Cette définition laisse déjà percevoir la parenté de pensées entre M. Déchanet et les tenants de cette doctrine. Ils ne croient certainement pas à une ascèse rendant l’homme meilleur ; mais ils laissent non moins paraître, eux aussi, leur foi en une capacité de l’homme d’aller « ne fût-ce qu’un tout petit bout » à la rencontre de Dieu.

Quand on leur fait remarquer leur tendance au « synergisme » (en dépit de la chute, l’homme garderait la possibilité de contribuer à son salut), leur réplique est des plus surprenantes :

Le chrétien ne fait que répondre à Dieu et cette réponse peut prendre la forme d’une technique de vie spirituelle. On joint les mains, on se met dans une attitude de prière quand on veut prier. Voilà une sorte de yoga ! On ouvre sa Bible, on la lit. Voilà une autre sorte de yoga ! A un degré beaucoup plus élevé, par Le yoga le corps est mis-en repos afin que l’esprit soit lui-même libéré et détendu pour rencontrer Dieu. Donc, la technique spirituelle n’est nullement contraire au don de la grâce. Bien mieux, elle est un des éléments de la réponse que Dieu attend de nous. Elle est même indispensable si vraiment nous voulons répondre pleinement à notre vocation chrétienne.

Pressés de dire si le succès du yoga en fait non pas un adjuvant à la prière ou à la lecture biblique, mais un succédané de celles-ci, ils précisent :

Il semble que pour de nombreux chrétiens européens d’aujourd’hui, le christianisme tel qu’il est habituellement pratiqué s’est fossilisé. Il n’est plus vivant. Or, ce que les hommes cherchent, c’est une nouvelle vie spirituelle authentique.

A la question : le yoga serait-il donc un moyen plus sûr d’accéder à Dieu que tous ceux qui ont été pratiqués jusqu’à maintenant, ils commentent :

Tous les moyens pratiqués jusqu’à maintenant sont en fait des formes de yoga. Toute vie spirituelle et religieuse, si elle est pratiquée de façon régulière, est du yoga. En Inde, il y a de nombreuses formes de yoga. Chez nous aussi, Mais aujourd’hui les méthodes habituelles de la vie spirituelle (prière, lecture de la Bible, sermon, assistance au culte) sont considérées comme inefficaces. Alors, on cherche autre chose. Par le biais de cette technique venue de l’Orient, peut-être les chrétiens pourront-ils approcher le Seigneur d’une manière nouvelle. »

A l’objection qu’une telle possibilité d’approche de Dieu ne se trouve nulle part enseignée par l’Ecriture, ils répondent :

Vous prêchez la repentance… Vous prêchez qu’il faut accepter le Christ, qu’il faut le saisir, qu’il faut vivre en Christ et par lui. Eh bien, tout cela, ce sont des formes de yoga que vous prêchez sans le savoir…


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Une première remarque s’impose. Il va de soi que la. piété ne saurait s’exprimer sans que le corps participe à cette adoration ou à ce service par une attitude et même des gestes. Cependant, parce qu’il aurait la même forme et apparemment le même contenu, un geste peut-il être aussitôt assimilé à un autre geste semblable mais différent d’intention ?

Prendre sur une table la pièce d’un franc que me rend le garçon à qui j’ai payé ma consommation ou voler un franc laissé sur cette même table à l’intention du même garçon par un autre client, c’est le même geste. Mais, dans un cas je suis un honnête homme et dans l’autre, un voleur.

Il est surprenant que soit qualifié du terme de yogin le chrétien qui ouvre sa Bible ou joint les mains. Cette confusion, déjà sur le plan du vocabulaire, est irrecevable.

Le Christ a dit à ses disciples : « Imposez les mains aux malades et guérissez-les en mon nom ». Les guérisseurs maniant le fluide font également le geste de l’imposition des mains. Selon la singulière logique des partisans du yoga, tout chrétien imposant les mains devient un occultiste sans le savoir, et tout occultiste agissant de la même manière devient un… chrétien sans le savoir !

Qui pourrait admettre cela ?


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Une deuxième remarque.

Si le yoga est un des éléments de la réponse que Dieu attend de nous, il suffirait que quelqu’un dise « Amen » à Dieu pour que ce remuement des lèvres soit tenu pour du yoga. Comme le Monsieur Jourdain de Molière, il y a bientôt deux mille ans que les chrétiens seraient des yogins « sans qu’ils en sussent rien » !

Que d’aucuns le croient et l’enseignent, libre à eux ! Ils nous permettront cependant et au nom de l’Evangile, de contester un tel enseignement.

Nous pourrions leur dire d’abord que leur recours aux techniques orientales pour mieux approcher le Seigneur et revigorer une Eglise fossilisée pourrait être tenu pour un blasphème.

Quand une église est fossilisée, c’est qu’elle a vécu plus de traditions, de propre justice, de moralisme, de formalisme que de la Parole de son Seigneur vivant. A l’heure où elle en prendrait conscience, ce ne sont pas des techniques, fussent-elles orientales, qui la rapprocheront de son Dieu. Esaïe annonce : « Je suis avec l’homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les cœurs contrits ».

C’est de repentance, et non de techniques fussent-elles spirituelles, qu’a besoin l’Eglise réputée vivante et en train de mourir.

Cette nouvelle vie spirituelle authentique que cherchent les hommes, Christ la donne. C’est par l’Esprit qu’il convainc de péché, conduit dans la vérité, nous relève d’entre les morts, nous rend sage, paisible, aimant, nous fait croître jusqu’à sa structure parfaite. C’est le St-Esprit qui prend ce qui est dans le Christ et nous le communique. Jésus n’a jamais laissé entendre que cette communication serait facilitée par une quelconque technique.

Par ailleurs, il est dit avec clarté dans l’Ecriture que l’Esprit est donné à ceux qui le demandent. Si quelqu’un se plaisait à dire qu’il est donné et reçu sous certaines conditions seulement, et s’il suggérait par là que la pratique du yoga faciliterait l’accueil de l’Esprit — nous lui répondrions selon les Evangiles, que l’Esprit est donné d’abord à cause de l’amour du Père, que Christ en est le donateur, enfin, qu’il se reçoit par la foi. Cette foi ne consiste pas en efforts yogiques pour nous saisir de l’Esprit mais, selon Actes 10.44 et 5.32 en un crédit pratique et quotidien que le cœur et l’intelligence régénérés font à la Parole du Seigneur, à ses promesses, à ses ordres.


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En lisant de tels propos, d’aucuns penseront : Ne s’agit-il pas finalement d’une simple querelle de mots ?

Serait-ce le cas, nous serions les premiers à nous en humilier et à y mettre fin aussitôt. De plus, nous serions empressés de faire silence et non de rajouter un chapitre à notre livre.

Non, il ne s’agit pas d’une querelle de mots ! Ce débat en a peut-être l’apparence ; en réalité, il révèle chez nos contradicteurs des vues théologiques auxquelles, en toute conscience et par amour du Christ reconnu pour la vérité, nous devons dire non.

Il nous faut donc aller plus loin dans la découverte de cette théologie contestable. La voici exposée sous trois aspects que nous devons contredire.

1. — Il y a deux questions au cœur de tout débat sur l’approche chrétienne des religions non-chrétiennes. La première concerne la possibilité même d’une compréhension de l’autre et, partant, d’un dialogue avec lui. Je dois avouer qu’il me semble indispensable d’entrer dans la mesure du possible dans l’expérience de l’autre. Vous me direz que le chrétien n’a pas liberté de se faire hindou ou musulman en reniant le Christ. Je suis pleinement d’accord. Je n’oserais jamais, par exemple, m’adresser à l’image d’un dieu hindou pour lui demander la vie éternelle. Ce n’est que le Christ qui peut combler toute mon attente. Mais êtes-vous sûr que le Christ est totalement absent de la spiritualité non chrétienne ? Etes-vous sûr que les techniques spirituelles et les conseils extraordinairement pertinents relatifs à la recherche de la vérité que nous trouvons chez les Maîtres non chrétiens soient entièrement l’œuvre du diable ou d’une imagination débridée ?… Le Christ est plus grand que nos pauvres définitions, plus grand que nos convictions si souvent étriquées, plus grand que l’image que nous fabriquons de lui. J’admets volontiers que seul le Saint-Esprit peut nous révéler le Christ. Croyez-vous vraiment que le Christ a livré entre les mains du diable tous ces « païens » innombrables qui n’ont poursuivi qu’un seul but : connaître Dieu ?

2. — L’adepte des spiritualités hindoues et bouddhistes ne désire pas obtenir un salut. Il ne cherche ni la vie éternelle, ni la félicité permanente de la créature auprès de son Créateur, ni le bonheur terrestre. Il cherche plutôt l’éternité elle-même, Dieu lui-même, le bonheur qui est au-delà de la félicité éternelle comme il est au-delà du bonheur terrestre. En un mot : il est à la recherche de l’abolition de toute « dualité ». Autrement dit : loin de vouloir se sauver, il veut s’anéantir, s’effacer.

Il y a sur ce point une véritable incompatibilité entre les spiritualités de l’Inde et de l’Evangile : celui-ci nous offre la vie éternelle, celle-là ne nous offre que l’éternité conçue comme un état au-delà du temps. L’Evangile va plus loin que les spiritualités de l’Inde. Mais, la vie éternelle que le Christ nous donne n’est pas simplement le prolongement de la vie telle que nous la connaissons maintenant. Elle implique une métamorphose radicale de notre être, c’est-à-dire une extinction et une nouvelle création. Si, dès lors, les spiritualités de l’Inde nous enseignent a « crucifier » notre ego sans pour autant nous assurer de la nouvelle création (qu’elles ne se proposent nullement de nous offrir et qui ne peut venir que du Christ), je ne vois pas pourquoi nous refuserions l’aide qu’elles nous apportent. Car en affirmant que le Christ seul peut nous changer, c’est-à-dire que lui seul peut abolir notre « vieil homme », nous encourageons ce vieil homme à se maintenir face au Christ ; nous avons peur de le voir mourir. L’hindou, lui, n’a pas peur de le voir mourir ; au contraire, il veut par tous les moyens accélérer sa mort. Au fond, il ne s’agit que de cela : tuer le vieil homme et s’en remettre entièrement au Christ pour qu’il en fasse un autre, s’il le veut et comme il le veut.

3. — La grâce qui seule enlève le péché ne nous dispense nullement de l’obligation de faire des choix, d’agir, d’obéir, c’est-à-dire de mettre volontairement et en quelque sorte souverainement Dieu à la première place. Vous aussi, M. le pasteur, en condamnant le yoga et en proclamant la grâce du Christ, vous nous conviez à des choix. Vous nous demandez de rejeter le yoga, de nous adresser au Christ, de nous soumettre à sa volonté, et d’agir conformément à cette volonté. Autrement dit, vous faites appel à notre libre arbitre, à notre capacité de faire les choix que vous proposez. Il me semble donc que sur ce point au moins, il y ait une certaine convergence entre les spiritualités de l’Inde et de l’Evangile.


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Il nous faut reprendre ces trois brefs exposés, et le faire en précisant d’emblée que dans une telle recherche de la vérité à croire et à professer, il ne s’agit pas d’exprimer des idées personnelles, voire originales ou inédites, mais d’écouter ce que le Seigneur nous dit dans sa Parole.

Nous n’avons donc pas à nous excuser d’avoir souvent à la citer à l’appui de ce que nous croyons.

1. — Pour éclairer « une approche chrétienne des religions non chrétiennes » et répondre à la question : « Etes-vous sûr que le Christ est totalement absent de la spiritualité non chrétienne », il faut donc nous en remettre aux lumières que l’Ecriture nous donne.

Or, reconnaissons-le d’emblée, il faut admettre qu’il y a deux façons d’en parler, lors même qu’une seule d’entre elles rend compte véritablement de l’Evangile. Faute de l’avoir précisé, on resterait soi-même dans une demi-clarté et on ne serait pas loyal envers ceux que nous enseignons.

Ou bien nous considérons la foi évangélique comme étant de la même origine, de la même nature que les autres fois religieuses connues en ce monde. En ce cas, on admet qu’en chaque homme et chaque peuple, Dieu a mis une capacité « d’appréhender en soi et autour de soi une réalité supérieure à la vulgaire réalité des sens ». On peut alors professer que l’Evangile est une spiritualité à côté de beaucoup d’autres er qu’il aurait beaucoup à recevoir d’elles.

Soit dit en passant, c’est là ce que prétendent la plupart de nos contradicteurs.

Ou bien nous considérons la foi évangélique et particulièrement son objet, Dieu, comme une révélation unique, sans précédent, sans équivalent, humaine certes puisqu’elle s’adresse à l’homme, mais non moins totalement différente de nature que toutes les connaissances et expériences religieuses de tous les hommes. Dans ce dernier cas, le seul homme à connaître Dieu est celui à qui il plaît à Dieu de se révéler.

Certes, comme l’écrit si bien M. F. J. Leenhardt : « Chacun est libre de repousser l’idée d’une révélation de Dieu à l’homme. On peut déclarer impensable qu’une réalité échappe au jeu des lois qui régissent toutes les connaissances humaines. Nous n’avons point, quant à nous, à discuter ici la question de savoir si l’intervention dans le monde naturel d’une réalité qui lui était étrangère contredit les exigences de la pensée scientifique. Quelle que soit l’importance de ces problèmes pour tout esprit réfléchi, ils ne peuvent nous retenir. Disons simplement à ce propos que la foi a des exigences imprescriptibles. Si les difficultés sont insurmontables, il faudra se faire une idée moins flatteuse de la connaissance scientifique du monde… »

Pour notre part, nous ajouterions volontiers : il faudra aussi se faire une notion moins flatteuse de la spiritualité, de la mystique, et des maîtres à penser des religions non chrétiennes.

Pourquoi ? Serait-ce parce que nous, chrétiens, à cause de la révélation de Jésus-Christ, nous disposons d’une supériorité à partir de laquelle — avec intolérance — nous serions en droit de juger (et encore sans les connaître) les spiritualités orientales et le yoga en particulier ?

Non ! Cent fois non ! On nous en accuse souvent certes ! Mais ceux qui le font ignorent les mobiles profonds de notre attitude. Or, elle est sans rapport avec un quelconque esprit de jugement.

Notre seule approche des religions non chrétiennes est celle que nous enseigne l’Ecriture divinement inspirée et à cause de cela digne de foi.

Cette Ecriture nous dit sans nuance que l’homme de toutes les races et de tous les temps, dans ses pensées comme dans ses sentiments, est « un ennemi de Dieu » (Romains 5.10). L’homme, dit l’apôtre Paul, a un comportement dicté par ses instincts et ses passions, aveuglément gouverné qu’il est par les impulsions de sa nature irrégénérée. Tout ce que désirent ses pensées et son imagination corrompues, il l’exécute, comme obligé de céder à tous les caprices de sa chair et de ses sens. Aussi est-il par nature l’objet de la colère de Dieu ; car l’homme obéit à celui qui règne en maître sur l’atmosphère que nous respirons (Satan), qui influence la mentalité ambiante. L’homme vit dans la dépendance des esprits mauvais qui accomplissent leurs œuvres en lui ». (Traduction paraphrasée d’Ephésiens 2.1-3, d’Alfred Kuen).

Aussi bien, dans l’Ancienne Alliance déjà, le peuple juif n’était-il pas invité à « entrer dans la mesure du possible dans l’expérience des religions » des peuples à ses frontières. Si les prophètes ont eu si souvent à prononcer de graves malédictions, c’est précisément parce que les Juifs ne mêlaient que trop volontiers à leur spiritualité celles des religions de leurs voisins.

A l’heure où il le leur reprochait, Jérémie ne nuançait pas tellement ses propos :

Ta méchanceté te châtiera, et ton infidélité te punira,
Tu sauras et tu verras que c’est une chose mauvaise et amère
D’abandonner l’Eternel, ton Dieu,
Et de n’avoir de moi aucune crainte,
Dit le Seigneur, l’Eternel des armées…
Comment dirais-tu : Je ne me suis point souillée,
Je ne suis point allée après les Baals ?
Regarde tes pas dans la vallée,
Reconnais ce que tu as fait,
Dromadaire à la course légère et vagabonde,
Anesse sauvage, habituée au désert,
Haletante dans l’ardeur de sa passion ;
Qui l’empêchera de satisfaire son désir ?
Tous ceux qui la cherchent n’ont pas à se fatiguer ;
Ils la trouvent pendant son mois.
Mais tu dis : C’est en vain, non !
Car j’aime les dieux étrangers, je veux aller après eux.
Comme un voleur est confus lorsqu’il est surpris,
Ainsi seront confus ceux de la maison d’Israël,
Eux, leurs rois, leurs chefs,
Leurs sacrificateurs et leurs prophètes.
Car ils me tournent le dos, ils ne me regardent pas.
Et quand ils sont dans le malheur, ils disent :
Lève-toi, sauve-nous !
Où donc sont tes dieux que tu t’es faits ?
Qu’ils se lèvent, s’ils peuvent te sauver au temps du malheur !
Car tu as autant de dieux que de villes, ô Juda !

(Jérémie 2.19-28)

Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agissait là de l’Ancienne Alliance et que la venue du Christ a changé tout cela.

Que le Christ nous ait appris à aimer le prochain, de toute race, de tout peuple, et de toute religion (l’athéisme y compris), cela est clair. Pour l’heure, nous ne parlons pas du prochain à aimer, mais de sa religion.

Le livre des Actes (chapitre 17) et l’épître aux Romains (chapitre 2) laissent clairement entendre que la rupture entre le Créateur et la créature a laissé au cœur de tout homme non seulement la pensée de l’éternité (Ecclésiaste 3.11), mais une aspiration, davantage encore, une volonté persévérante de renouer les relations rompues avec le Créateur.

On trouve dans le paganisme et dans les religions non chrétiennes, un sens de la responsabilité, des vertus morales, un tact, en un mot : un idéalisme qu’on pourrait même qualifier de providentiel puisque, dans ces nations, Dieu l’a maintenu et utilisé à sauvegarder une certaine intégrité morale au bénéfice de la famille, des relations sociales, nationales et même internationales.

Mais s’il ne faut rien retrancher de l’Ecriture, il ne faut pas non plus y ajouter. Aucune parole scripturaire ne nous autorise à confondre cet idéalisme avec une quelconque capacité donnée à la créature d’approcher Dieu.

Parlons le langage de ce temps : que l’intelligence éveillée par l’instruction et le simple bon sens nous apprennent à préserver notre corps, comme notre âme ou notre esprit, des « nuisances de l’environnement », que la science des hommes nous conduise à une meilleure respiration, donc à une meilleure oxygénation de tout notre être appelé par Dieu à être temple du Saint-Esprit, cela est indéniable.

Comme il est indéniable — c’est une comparaison — qu’il convient de dégager la piste, de la maintenir en bon état si l’on veut que se pose dans les meilleures conditions possibles l’hôte attendu par le prochain avion.

Mais — dans le prolongement de cette dernière comparaison — que l’on ne vienne pas nous dire que par une technique appropriée, la piste peut « monter un petit bout » à la rencontre de l’avion.

Donc, pour rester au plan de la religion, quand Paul a parlé avec les Athéniens, il ne leur a pas dit, alors qu’ils avaient en Socrate, Platon, Eschyle, d’admirables maîtres à penser :

« Les conseils extraordinairement pertinents de vos philosophes et poètes relatifs à la recherche de la vérité comme aussi votre incomparable dévotion religieuse me réjouissent plus que je ne saurais le dire. J’en suis venu à me demander si le Christ que je sers ne serait pas pour quelque chose dans votre sagesse et votre spiritualité. A la réflexion, j’en ai conclu que c’était le cas et qu’il y avait « une certaine convergence » entre vos spiritualités greco-latines et l’Evangile. Je sais, mon collègue l’apôtre Jean a dit que le monde entier gît sous la puissance du malin. Il doit s’être trompé ! En tous cas vous, Athéniens, vous avez échappé à cette puissance, et seule « une imagination débridée » ou « un aveuglement du diable » pourrait pousser quelqu’un à ne pas le reconnaître… »

Non ! Selon Actes 17.16 : « A la vue de cette ville pleine d’idoles, Paul sentait au-dedans de lui son esprit s’irriter ».

Pourquoi ?

Il ne niait pas qu’il y ait, parmi eux, des chercheurs de vérité et de sagesse. A leur égard, il n’avait ni mépris, ni condamnation. Tout au contraire. En vérité — et il le leur dit publiquement — il les trouvait « extrêmement religieux » (Actes 17.22). Mais pour autant ne leur dit-il pas ce qu’écrit l’un de nos contradicteurs : « La dévotion religieuse ne peut être qu’inspirée par l’Esprit saint ; c’est pourquoi toute religion mérite notre respect ». Non ! L’apôtre savait qu’en dépit de leurs aspirations et de leur dévotion, ils étaient comme tous les autres hommes, des « ennemis de Dieu » (Romains 5.10 ; Colossiens 1.21). Il savait également que par suite de l’égarement de leurs pensées et sentiments, leur sagesse restait de ce monde et leur quête de Dieu se limitait à un tâtonnement dans les ténèbres.

Aussi, quand il s’adressa à ces Athéniens, il leur parla de leur ignorance, il leur annonça le vrai Dieu, approchable seulement en Jésus crucifié et ressuscité. Enfin, il les appela à la conversion, à la repentance, à la foi, en un mot, il leur offrit une vie nouvelle selon l’Esprit du Seigneur.


♦   ♦

Il est bien évident que le Christ est plus grand que toutes nos définitions, et qu’à parler de lui, même avec une conviction fruit de l’Esprit, nous risquons sans cesse de limiter son action aux mesures de notre entendement.

Il est bien évident aussi qu’il ne suffit pas de se réclamer de Jésus-Christ pour être son porte-parole. Il peut arriver que nous réclamant de son nom, nous nous laissions pourtant inspirer ou conduire par les forces et les pouvoirs de Baal, Moloch, ou Mamon, même sans pratiquer le yoga ou tel aspect de l’occultisme (Matthieu 7.21-23).

Conscient de ce risque, il est de notre responsabilité d’approcher les autres et leur religion avec humilité et charité.

Mais pour autant, si cette charité est celle de l’Esprit, elle ne peut jamais brader la vérité de l’Ecriture, et encore moins la contredire sous prétexte d’honorer la spiritualité du prochain. Le commandement d’amour est lié sans nuance à la vérité que nous devons à ce prochain. Cette vérité n’est montée du cœur d’aucun homme. Paul l’apôtre l’a dit avec une autorité et une intelligence auxquelles, pour notre part, nous disons un Amen total et définitif.

Il écrit aux Corinthiens (des Grecs, eux aussi !), selon la version paraphrasée d’Alfred Kuen (1 Corinthiens 2.1-10) :

« Frères, lorsque je suis arrivé chez vous, je ne suis pas venu rendre témoignage de Dieu avec des paroles sublimes ou de brillantes démonstrations. Je voulais vous montrer que tout mon savoir résidait en une personne : Jésus-Christ, et en un fait : sa mort sur la croix. De plus, lorsque je suis arrivé chez vous, j’avais pleine conscience de ma faiblesse.

Mon message n’avait rien d’un discours éloquent ou d’un raisonnement habile. Je n’ai pas voulu vous convaincre par des paroles persuasives ou des arguments subtils. Si ma prédication agissait en vous, elle ne le devait ni aux artifices du langage — on pourrait ajouter : ni à ceux du yoga — ni à des raisonnements propres à entraîner l’adhésion des gens. Toute mon efficacité était due à l’action manifeste et puissante de l’Esprit de Dieu. Car il fallait que votre foi fût fondée, non sur la sagesse humaine — on pourrait ajouter : et ses techniques spirituelles — mais sur la puissance de Dieu.

« La sagesse que nous prêchons n’a rien de commun avec les spéculations des penseurs de l’époque présente dont les systèmes s’effondrent les uns après les autres. Elle ne s’inspire pas non plus des Puissances détrônées qui gouvernent le monde et qui sont d’ores et déjà vouées à la destruction. Non, la sagesse que nous exposons vient de Dieu. C’est ce grand plan divin resté jusqu’ici mystérieux et qui demeure caché pour le monde, mais que Dieu nous a révélé : Avant le commencement des temps, il avait décrété qu’il nous ferait partager sa gloire. Cela, les Puissances des ténèbres qui régissent ce monde ne l’ont pas reconnu. Aucun des grands de ce siècle ne l’a compris, sinon ils n’auraient certainement jamais crucifié Celui qui règne en Seigneur dans la gloire.

» Comme le dit l’Ecriture, cette sagesse que nous annonçons fait partie de ce que l’œil n’a point vu, que l’oreille n’a pas entendu, donc de ce que l’imagination de l’homme n’aurait jamais soupçonné et que Dieu tient en réserve pour ceux qui l’aiment. Or, Dieu nous a révélé cette sagesse par son Esprit. »

Après une telle lecture — et il y aurait d’autres passages du N.T. à citer — il serait bien difficile de prétendre que le message apostolique ait jamais fait une place à des spiritualités étrangères à la foi évangélique ou ait requis leur aide ou leur technique ! A moins que nos contradicteurs fassent fi de la vérité scripturaire !


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2. — Le deuxième aspect de cette singulière théologie est certainement le plus dangereux pour la foi, lors même que son travestissement de la vérité se pare d’un vocabulaire on ne peut plus amène.

D’abord, la comparaison entre l’hindouiste et le chrétien laisse entendre que le premier aurait bien des raisons de devenir le maître du second. On nous explique : avec un sens du détachement de soi quasi exemplaire, l’hindou, par le moyen du yoga en particulier, s’emploie à accélérer le processus de dissolution de son Moi.

Par contraste, on nous montre le chrétien, certes appelé à mourir à lui-même, mais épouvantablement craintif devant cette mise à mort. Mais pas seulement craintif. C’est plus grave que cela ! Dans cette crucifixion du vieil homme, le chrétien nous est montré tellement résistant que les armes même de l’Esprit ne suffisent pas à le terrasser, pour ne pas dire l’achever !

Lisez plutôt :

Le yoga, ce n’est pas du tout une sorte de gymnastique. Il est beaucoup plus que cela. C’est une méthode de destruction systématique du Moi, méthode d’ailleurs qui même en Inde implique une aide venant d’en dehors du moi. C’est pourquoi un chrétien peut se réclamer du yoga, car quelle que soit la forme sous laquelle il est pratiqué, il est une méthode d’effacement de soi-même. Bien sûr, cette méthode à elle seule ne suffit pas pour connaître le Christ ; elle ne garantit nullement sa présence ; elle ne nous assure même pas de son secours. C’est l’Evangile qui nous dit qu’il est ressuscité et qu’il est vivant. Je sais qu’il est vivant et veut me rencontrer. Il me le dit lui-même par sa Parole, par la prédication, par la communauté de ceux qu’il a réunis. Il veut me rencontrer, et moi aussi je veux le rencontrer. Mais mon Moi fait toujours écran entre lui et moi, ce Moi que je dois abandonner…

Le yoga n’est au fond rien d’autre qu’une tactique à disposition de ceux qui ont envie d’abattre la barrière du Moi pour que le Christ vive en eux…

Nous appartient-il de le relever ?

Il y a quelque chose d’émouvant dans cette volonté d’effacement du Moi. Il y a même quelque chose de dramatique et qui rappelle le mot célèbre d’un homme lui aussi pendant longtemps prisonnier d’une fausse théologie : Luther !

Qu’on nous permette cet anachronisme : Le Réformateur a, lui aussi, fait une sorte de yoga : privations, jeûnes, cilice, pénitence, mortifications, il essaya de tout pour mater, pour tuer son vieil homme.

Mais non ! Rien n’y fait. Même le baptême vu dans cette perspective d’une mort volontaire à soi-même s’avère inefficace. Luther écrit : « J’ai cru noyer le vieil homme, mais le bougre, il sait bien nager ».

Qu’est-ce à dire ?

Eh bien ! que les amateurs d’un yoga christianisé auraient de toute urgence besoin de redécouvrir l’Evangile.

Oui, l’Evangile. Rien de moins. Et dans ce qu’il a de plus fondamental.

Une parole de l’Epître aux Romains nous paraît ici à sa place. Il nous est rapporté, au chapitre 4, qu’à l’heure où Abraham s’entendit promettre qu’il aurait une postérité, « sans faiblir dans la foi, il ne considéra pas que son corps était déjà usé — il avait près de cent ans — et que Sara n’était plus en état d’avoir des enfants. S’appuyant sur la promesse divine, fortifié par la foi et donnant gloire à Dieu, il eut la pleine conviction que ce que Dieu veut, il peut aussi l’accomplir ».

Ce que Dieu veut, il nous appartient certes de le vouloir aussi. Mais nul autre que Lui n’est à même de nous l’accorder.

Ce qu’oublient ou ignorent (?) nos contradicteurs. C’est à l’heure de son choix souverain (et non pas à l’heure où nous le décidons, en y adjoignant au besoin nos techniques spirituelles) que Dieu nous adresse vocation et libère notre volonté afin que, de notre plein gré, nous puissions consentir à son dessein.

L’exemple d’Abraham est probant. C’est selon un vouloir charnel qu’il participa au dessein divin et crut hâter la venue de la postérité promise. On sait bien par quelle sorte de yoga, d’accord avec Sara et Agar, il tenta de faciliter l’accomplissement de la promesse. On sait aussi à quel échec aux effets catastrophiques à l’heure actuelle encore (le conflit Israël-Ismaël) aboutit Abraham devenu yogin !

Mais notre contestation porte encore sur un autre aspect de cette théologie. Ses partisans disent que la sanctification de l’homme est aussi impossible que son propre salut. Ce n’est pas là toute la vérité et il importe ici, ô combien, de dire davantage et mieux. Cette sanctification n’est pas plus possible à l’homme sauvé qu’à l’homme perdu. En effet, ce serait une erreur de croire que par son salut l’homme sauvé soit rendu dorénavant capable de faire ce que Dieu veut. La Bible ne le dit nulle part. Si par le Christ, l’homme sauvé est rendu libre dorénavant de vouloir ce que Dieu veut, la capacité d’accomplir cette volonté reste entièrement et totalement l’œuvre du Seigneur agissant en lui.

C’est donc inséparablement du Christ vivant que l’homme sauvé peut grandir dans la foi, porter le fruit de justice, de vérité, d’amour, en un mot : de sainteté, que Dieu attend de lui. Il doit le désirer, le vouloir, y consentir ; mais pas plus que le sarment séparé du cep ne pourrait animer la moindre cellule d’une feuille ou d’un fruit, le chrétien racheté ne saurait par lui-même ou ses propres efforts pourvoir à sa sanctification.

Comme le dit Paul aux Corinthiens (1.30) : « Jésus a été fait pour nous sagesse, justice, sanctification et rédemption ».


♦   ♦

Non, ce n’est pas par le yoga que le Moi sera jamais crucifié, si tant est qu’après la croix il ait encore besoin de l’être.

S’en rendent-ils compte ?

De la même manière que les Galates, les partisans d’un « yoga mis au service de la sanctification » effacent en partie le scandale de la croix.

Christ serait-il donc mort en vain ?

Perçoivent-ils qu’en se réclamant du yoga pour crucifier leur Moi,

ou bien ils proclament par là que Christ mourant, contrairement à sa déclaration solennelle, n’a pas tout à fait accompli l’œuvre salutaire nécessaire au rachat de l’homme et à son entière sanctification,

ou bien, s’ils ne commettent pas ce sacrilège, ils commettent au moins le suivant : ayant commencé par l’Esprit, ils finissent par la chair.

En d’autres termes : ils admettent qu’en la croix s’accomplisse le juste jugement de l’homme pécheur, mais ils ne croient pas qu’en cette même crucifixion, l’œuvre imparfaite de cet homme dorénavant justifié trouve également son plein pardon.

On pourrait le dire encore autrement :

Ils admettent que le Moi ait été justement et avec Christ mis à mort dans la croix… mais, après ça, ils permettent à ce Moi de rester lui-même, en quelque sorte d’échapper au jugement et de reprendre ses droits ; comme il les gêne et les encombre de ses exigences dans leur marche d’homme de foi, ils s’acharnent alors contre lui. Ils y mettent du reste beaucoup de temps, de concentration d’esprit, de gymnastique du corps, de respiration dirigée, hélas ! sans contrecarrer pour autant ses interventions.

On aimerait les inviter à relire attentivement le chapitre 8 des Romains. En voici quelques lignes, dans la transcription d’Alfred Kuen :

…Ma volonté égoïste est plus forte que les préceptes ; mon désir de jouissance leur ôte toute force. Voila pourquoi Dieu a envoyé son propre Fils sous la forme d’un simple homme, revêtu d’un corps qui ressemblait à notre corps accessible au péché. Dans cette chair semblable à la nôtre, Jésus a triomphé du péché et notre nature pécheresse s’est vue condamnée et désarmée. En offrant sa vie en sacrifice pour le péché, il a brisé le joug du mal. Désormais une vie juste, conforme aux exigences de la loi, devient possible à condition de ne plus mener notre existence d’après les normes usuelles, suivant les impulsions de notre nature déchue, mais de placer toute notre conduite sous le contrôle de l’Esprit de Dieu.

Ceux qui suivent les suggestions de l’Esprit se préoccupent de ce que Dieu désire et concentrent leur recherche sur les richesses spirituelles. Or, suivre la pente de la nature, se laisser mener par ses instincts, c’est aller à la mort ; mais rechercher la pensée de l’Esprit, obéir à ses directives, voilà qui nous conduit à la vie et à la paix… Vous vivez sous le contrôle de l’Esprit de Dieu, vous suivez ses injonctions, si du moins il a fait sa demeure en vous. Evidemment, si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ en lui, il ne fait pas partie des siens, ce n’est pas un vrai chrétien.

Si, par contre, Christ vit en vous par son Esprit, vous êtes devenus des hommes nouveaux, votre corps a beau rester mortel à cause du péché, votre être intérieur est vivifié à cause de la justice qui vous a été donnée.

Voila pourquoi, chers frères, nous ne sommes plus tributaires de nos instincts. Si nous avons des obligations, ce n’est plus envers notre nature pécheresse. Nous ne sommes plus obligés d’accomplir ce qu’elle exige de nous. Si vous continuez à suivre ses impulsions et à la laisser régner en vous, vous marchez vers la mort. Si, par contre, par la Puissance du Saint-Esprit, vous livrez à la mort les instincts pêcheurs du corps et votre comportement charnel, vous vivrez réellement. Car ceux qui se laissent diriger par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu.

En paraphrasant ce que Paul écrivait aux Galates, selon le chapitre 5 de son épître, on pourrait dire aussi :

« Si Christ nous a rendus libres, c’est pour que nous le restions et que nous jouissions de la liberté acquise. Donc n’allons pas nous replacer sous le joug d’une nouvelle servitude. Or, le yoga en est une par sa prétention à collaborer à la crucifixion du Moi.

» Voici, moi Paul, je vous dis que si le yoga est pour quelque chose dans votre salut et votre sanctification, Christ ne vous servira de rien. Et d’autre part, je vous préviens une fois de plus que tout homme qui se soumet à ces techniques spirituelles s’engage par là à en tenir d’autres pour valables, par exemple l’hypnotisme, la magnétisation, ou encore, la recherche de médiumnité. Si c’est à vos techniques dites spirituelles que vous demandez de vous conduire à la vraie vie, vous n’avez plus rien de commun avec Christ. Si vous voulez gagner l’approbation divine par vos efforts et vos œuvres, vous vous coupez de la communion avec Christ, vous quittez le domaine de la grâce de Dieu. »


♦   ♦

3. — En troisième lieu, nous contestons à cette théologie sa prétention au libre arbitre, partant, sa prétendue capacité à faire des choix. Et nous refusons d’admettre que nous l’ayons nous-même invitée à les faire. A moins qu’on nous ait mal compris…

Si nous en croyons la révélation divine, aucun homme, par nature, n’a la liberté que cette théologie semble lui attribuer.

Dans Romains 7, Paul lui-même va jusqu’à reconnaître qu’à l’heure où il voudrait faire le bien, choisir ce qui lui serait en quelque sorte favorable — serait-ce le choix le meilleur : celui de la volonté divine — ce choix est impossible… à moins d’une intervention de Dieu !

Ce qui revient à dire que le terme de libre arbitre ne convient à aucun homme.

Cela est entièrement confirmé par l’Ecriture. Il est écrit : « La chair ne sert à rien » (Jean 6.63).

Cela ne signifie nullement que la chair n’ait pas une volonté et, à l’appui de celle-ci, l’entendement de la raison. Mais comment un homme pourrait-il agir même en sa propre faveur, donc choisir ce qui lui serait un bien, alors que cet homme, par lui-même, ignore qui est Dieu et du même coup ce bien que Dieu lui voudrait ?

Comment donc les yogins ou autres spiritualistes le sauraient-ils ?

Encore une fois, citons Luther :

« Tout ce qui est chair est impie, digne de la colère de Dieu et étranger à son royaume. Si la chair est bannie du royaume… les plus hautes vertus des païens, les meilleurs enseignements des philosophes — nous ajouterions : les prétendues convergences vers l’Evangile des spiritualités de l’Inde — et tout ce qu’il y a de plus noble en l’homme peuvent bien être tenus pour bons par le monde mais ne sont rien que chair devant Dieu et soumis au règne du diable, c’est-à-dire, impies et sacrilèges, et mauvais en tout.

En viendrions-nous à admettre qu’il existe en l’homme quelque chose nommé esprit qui peut être tenu pour honnête et sain ? Voyez l’absurdité qui en découle, non pour la raison, maïs pour la foi chrétienne et ce qu’elle nous enseigne. Si le meilleur de l’homme n’est ni impie, ni damné, la seule chair l’étant (c’est-à-dire ce qu’il y a de plus inférieur et grossier en l’homme), quel Christ, quel Rédempteur aurions-nous ? Allons-nous tenir pour si peu son sang, sa mort, qu’ils n’aient servi qu’à sauver la part la plus vile de l’homme, tandis que la meilleure n’avait pas besoin du Christ ? »


♦   ♦

Nous connaissons bien l’argumentation de nos contradicteurs : ils nous répondront aussitôt que leur prétention au libre arbitre intervient seulement à partir du moment où, en conséquence de l’effet salutaire de la grâce de Dieu, l’homme, en son corps comme en son entendement, est tenu d’agir, d’obéir, donc de choisir ce qui est conforme à la volonté divine.

Subtil raisonnement, une fois de plus satisfaisant peut-être pour la raison, mais contredit par l’Ecriture.

La seule liberté dont disposera jamais un homme ici-bas, fût-il le plus vertueux et le plus gracié, sera toujours celle dont Christ lui fait cadeau, celle que par le Saint-Esprit il lui communique. Et encore ne la saisira-t-il que parce qu’il plaît à Dieu de la lui dévoiler dans sa Parole et de lui en expliquer par l’Esprit le vrai sens. « C’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Philippiens 2.13).

Car la vérité à choisir en notre cœur, en notre pensée comme en nos actes, n’existe pour l’homme et ne lui devient accessible et faisable que si Jésus-Christ la lui révèle et, avec la capacité de la mettre en pratique, lui accorde le désir de l’accomplir.

Une dernière fois, citons Paul l’apôtre.

Il écrit aux Ephésiens (transcription d’Alfred Kuen) :

Vous avez reconnu en Jésus la vérité incarnée et personnifiée. Si donc vous avez reçu le véritable enseignement chrétien, vous avez appris qu’en communion avec Lui vous avez à quitter les vieilles hardes de votre ancienne manière de vivre, à vous dépouiller de votre vieux Moi irrégénéré.

Remarquons en passant que Paul ne nous dit pas de trucider ce Moi. Il dit tout simplement :

« Conformément à la vérité qui est en Jésus, il faut que l’inspiration de vos pensées soit renouvelée, votre cœur transformé et toute notre attitude mentale et spirituelle changée. Habillez-vous de neuf ; mettez les vêtements propres de la vie nouvelle dont Dieu a créé le modèle à son image. Cette vie se manifestera par la justice, la sainteté que produit la vérité ».

Quelqu’un demanderait-il encore : Que faut-il faire pour laisser Christ occuper la première place en moi et détrôner ce Moi détestable ?

Avec le Seigneur nous répondons : « Il vous faut naître de nouveau », c’est-à-dire laisser Dieu vous instruire sur votre véritable état puis, conformément à l’offre généreuse et gratuite qu’il vous fait, laisser ce même Dieu vous recréer, vous renouveler totalement, ô merveille, sans que vous ayez vous-même, d’aucune manière et sous quel angle que ce soit, à vous abattre ou à vous détruire.

La mort de votre Moi, c’est Christ qui l’a assumée à la croix. Faites-lui confiance. Elle est accomplie. Prenez-en acte et, dorénavant, tenez votre Moi exactement pour ce qu’il est : un mort, c’est-à-dire quelqu’un qui n’a même plus la prétention de se faire mourir par le moyen du yoga (Romains 6.11-14).

Mais cette considération sur vous-même s’accompagnera aussitôt et conformément à la Parole que Dieu vous adresse, d’une autre et nouvelle considération : Christ est maintenant votre vie. Qui, votre vie nouvelle est cachée en lui et il se réjouit de vous la découvrir, de vous la remettre, de vous en revêtir, d’en manifester en ce monde, pour votre joie et dans le service des autres, l’extraordinaire richesse.

Attendrez-vous une minute de plus pour vous en saisir et y goûter pleinement ?

Au risque de nous répéter.

Le yoga n’est pas à confondre avec la relaxation. C’est abuser les ignorants que de pratiquer celle-ci sous le nom de yoga alors qu’elle vise uniquement une meilleure oxygénation, une plus grande souplesse et vitalité, un harmonieux équilibre du corps. Donc, en ce domaine comme en d’autres, il faut dire non à cet abus de confiance.

Le yoga est une pratique à la mode. Parmi ses propagandistes, même parés du titre de « maîtres », il y a beaucoup de charlatans, de grippe-sous, d’exploiteurs de la crédulité des gens. Quant à ses adeptes, ils sacrifient souvent davantage au goût du jour qu’aux religions orientales. Donc, il faut dire non à ce snobisme.

Le yoga authentique est avant tout une voie spirituelle, une pratique religieuse tendant à mettre l’homme en relation avec Dieu. Cette quête du divin, si bien intentionnée soit-elle, est un leurre. Car en Jésus-Christ, Dieu nous a révélé l’abîme infranchissable séparant l’homme mortel du Dieu vivant, saint et éternel. Donc, il faut dire non à cette illusion religieuse.

Le yoga authentique se réclame de méthodes et d’exercices dont la forme a quelque analogie avec certains gestes du chrétien à l’heure où il prie et médite (attention d’esprit, mains jointes, bras levés vers le ciel, agenouillement, etc.) Cependant, le sens et la portée de ces gestes sont absolument différents et c’est induire les gens en erreur que d’assimiler les gestes du yogin et ceux du chrétien. Donc il faut dire non à cette confusion.

Le yoga authentique est une technique tendant à la mort du Moi, au vide intérieur, pour mieux accueillir Dieu. L’adopter, ce serait laisser croire que le Christ ne saurait à lui seul mener à bien l’œuvre de notre rédemption et de notre sanctification. Bien plus, ce serait professer que le chrétien ne vit pas en communion avec l’Esprit, mais possédé par lui. Donc il faut dire non à cette caricature de la révélation chrétienne.

Le yoga authentique est une mobilisation de l’homme naturel en vue de sa propre transfiguration. Cette noble cause aurait beaucoup à dire à un christianisme contemporain qui oriente l’essentiel de ses forces vers la satisfaction de ses besoins avant tout matériels et, dans cette perspective, s’accommode fort bien de l’idolâtrie du profit, de la violence, du sexe, de la technique, de la science. Il est bien clair qu’il ne suffit pas de dire la vanité des religions orientales et de leurs efforts tâtonnants. Quand on dénonce la misère physique, sociale et spirituelle de l’Inde, celle de nos grandes villes d’Europe n’en est pas diminuée pour autant. Autrement dit, notre christianisme européen ne ressort pas grandi de cette dénonciation. Cependant, si une telle comparaison n’est pas nécessairement en faveur du christianisme occidental, ce serait tomber de Charybde en Scylla que d’envisager de revigorer l’Eglise par le yoga. L’Evangile de Jésus-Christ n’a nul besoin d’adjuvants puisqu’il est l’incomparable, l’unique, l’éternelle révélation du seul vrai Dieu et la seule source du salut total de l’homme. La foi étant le seul moyen que Dieu propose à l’homme pour parvenir au salut, dans notre soif de vérité et notre responsabilité de rendre témoignage au Christ seul médiateur entre Dieu et les hommes, nous devons donc dire « Non au yoga ».

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