Les adversaires juifs et païens admettaient les miracles comme faits réels, ils n’attaquaient que leur source et les conséquences que l’Église en tirait. Les panthéistes nient la possibilité du miracle ; ils affirment qu’il est contraire à l’idée de Dieu ; ils sont représentés surtout par Spinoza dans les temps modernes ; les objections de Spinoza sont des conséquences de son système philosophique. On a coutume de considérer ce système comme l’expression d’un athéisme pur et simple, et cependant il ne s’agit pas ici d’athéisme ni même de panthéisme dans le sens ordinaire, littéral de ce mot. Spinoza ne renferme pas Dieu dans la nature ; au contraire, il résume toute la nature en Dieu ; l’homme est soumis à un destin aveugle ; mais, en ce qui concerne Dieu, l’idée de liberté subsiste. Il est vrai que ce Dieu est immanent dans la nature, et non transcendant, mais la raison en est qu’il n’agit que par les lois de la nature ; ces lois sont les organes de sa volonté. Dieu n’est lié à la nature que par sa libre volonté ; les lois qui le limitent, il se les est imposées à lui-même. Spinoza exclut donc la possibilité d’une révélation, dont l’essence est d’être un commencement nouveau, une nouvelle manifestation de Dieu à l’homme, et surtout il exclut le miracle, qui accompagne toute révélation.
Il serait inutile de parler longuement ici des objections de Spinoza au miracle, qui rabaisse, selon lui, l’idée de Dieu. Ces objections ne sont que l’application, sur un point spécial, de ses attaques contre toute révélation, qui, dit-il, déshonore la grande manifestation de Dieu dans la nature et dans l’homme. Quant au miracle, Spinoza l’accuse d’introduire le désordre dans la création, qui, pour être digne de Dieu, doit conserver un ordre immuable.