Anwoth, 2 février 1632
Mon très cher frère en Christ,
Que la grâce, la miséricorde et la paix de Dieu notre Père et de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous. J’ai appris avec peine le grand danger que vous avez couru sur mer et avec joie la délivrance miséricordieuse dont vous avez été l’objet. Je suis assuré, frère, que Satan usera de toutes ses armes pour vous repousser loin du Rocher qui est votre sûreté. Tandis que le prince de la puissance de l’air exhalait contre vous sa colère au milieu des eaux, les lèvres des méchants s’ouvraient sur terre pour parler durement contre vous. Voyez quelles obligations vous avez à ce meurtrier, qui voudrait vous battre de deux verges à la fois ; mais Dieu soit béni, son bras est court. Si la mer et les vents lui avaient obéi, vous n’auriez jamais revu la terre ; béni soit Dieu « qui tient les clefs de l’enfer et de la mort » (Apocalypse 1.18). « Je fais mourir et je fais vivre » (Deutéronome 32.39) L’Éternel est celui qui fait descendre au sépulcre et qui en fait remonter » (1 Samuel 2.6). Si Satan était le geôlier qui tient, les clefs de la mort et de la tombe, elle renfermerait un bien plus grand nombre de prisonniers. Vous avez frappé à ces portes sombres, vous les avez trouvées fermées, et nous nous réjouissons tous de votre retour.
Ce n’est pas sans motif, et vous le savez, je l’espère, que vous vous êtes rendu. Le Seigneur savait que vous aviez oublié quelque objet nécessaire à votre voyage. Votre armure n’était pas assez forte pour résister aux coups de la mort. Maintenant, fortifié en Jésus, hâtez-vous de terminer vos affaires. Il en est une qui, pour être retardée, n’est pas achevée ; la mort n’en a pas fini avec vous, elle viendra une dernière fois régler ses comptes. Que tout soit prêt lorsque vous aurez à traverser ce sombre et impétueux Jourdain. Puisse alors être votre pilote, Jésus qui en connaît tous les écueils, toutes les profondeurs et toutes les sinuosités. Le dernier flot de la marée ne vous attendra pas une minute ; quoi que vous ayez oublié, il ne sera plus temps de retourner en arrière. Ce que nous oublions de faire aujourd’hui peut se remédier demain, car chaque soleil qui se lève nous apporte un nouveau jour que nous accorde le Seigneur. Mais nous ne pouvons mourir qu’une fois. Si vous gâtez votre mort, vous ne pouvez plus y retoucher. On meurt bien ou on meurt mal, il n’y a pas d’autre alternative. Comme un des mercenaires du Seigneur, vous devez travailler jusqu’à ce que l’ombre du soir vous atteigne et que le dernier grain de sable se soit écoulé dans votre clepsydre. Achevez joyeusement votre course, nous ne porterons dans la tombe qu’une bonne ou une mauvaise conscience ; lors même que le firmament se serait éclairci durant votre voyage, il peut de nouveau s’assombrir.
Lorsque vous avez commencé à suivre Jésus-Christ, vous saviez bien qu’il fallait vous charger de sa croix. Frère, tenez votre part de cet engagement et ne faites pas défaut à Jésus-Christ. Qui sait mieux conduire les enfants que notre Dieu ? Il y a cinq mille ans qu’Il dirige ses héritiers, Il les a tous élevés, et ceux qui sont entrés dans la demeure paternelle qui est dans les cieux, possèdent l’héritage qu’ils attendaient. Dieu élève ses enfants en leur infligeant des châtiments de divers genres, et cela sans aucune exception (Apocalypse 3.19). Il n’en a pas même excepté Jésus son premier né, son héritier (Hébreux 2.10). Dès avant notre naissance, il a été décrété que nous devions souffrir. Il est plus facile de se plaindre de cette sentence que de la changer. Parfois nous sommes accablés sous les terreurs de la conscience, et elles sont nécessaires à notre éducation spirituelle. Si nous n’avions ni crainte ni doute, un mortel sommeil paralyserait tous nos efforts, et le lien qui nous attache à Christ se relâcherait. Par moments, les tentations et les tribulations nous ébranlent, mais si nous étions à l’abri de leurs atteintes, nous languirions comme le blé et l’herbe privés de pluie. Le péché, Satan ! et le monde crient à nos oreilles que nous aurons un rude compte à rendre au jugement dernier, et cependant aucun d’eux, à moins de trahir la vérité, n’oserait nous dire que nos péchés peuvent changer les termes de la nouvelle alliance.
Courage donc, cher frère, tenez-vous ferme à Jésus et à la sainte vérité qui est en Lui, car le monde n’en vend pas une dragme, surtout aujourd’hui où la plupart des hommes mesurent la vérité au poids du temps, comme les jeunes marins qui placent leur compas sur un nuage. Selon les tristes idées des mauvais jours actuels, le temps est le père et la mère de la vérité. Veuille le Dieu de toute vérité nous fortifier ! car, hélas ! il n’y a plus personne pour consoler les captifs et ceux qui mènent deuil sur Sion. Que pouvons-nous faire que de prier et de pleurer sur Joseph et sur toute sa race ? Que la langue de ceux qui oublient Jérusalem s’attache à leur palais. Le Seigneur veuille se souvenir d’Édom et faire pour lui ce qu’Il a fait pour nous. Je vous remets, corps et âme, en la garde de Jésus-Christ, espérant que vous vivrez et mourrez en défendant la cause de notre Maître. Que le Seigneur Jésus lui-même soit avec vous.