Jean Calvin, l’homme et l’œuvre

7.
Genève avant l’arrivée de Calvin

Aucune ville de la chrétienté n’avait eu une histoire plus mouvementée, plus orageuse que Genève, depuis le début du xvie siècle et surtout pendant les dix années qui précédèrent l’arrivée de Calvin. A aucune époque des forces plus variées n’avaient été en lutte pour conquérir le pouvoir. Nulle part l’écheveau n’était plus embrouillé qu’à Genève, où, comme partout à l’époque de la Réforme, les luttes religieuses se compliquaient de questions politiques. Nulle part enfin un mouvement plus particulièrement religieux ne devait rencontrer, en apparence du moins, plus de difficultés.

Genève, qui était certainement déjà connue au temps de Jules César, avait été une cité importante sous la domination romaine et était devenue le siège d’un évêché peu après le moment où la conversion de Constantin donna la paix à l’Église. La chute de l’empire romain en fit la capitale du royaume des Burgondes. Après diverses vicissitudes, elle eut pour suzerains, au début du xiie siècle, les empereurs de la famille des Hohenstaufen et fut généralement connue comme « ville impériale », sans que peut-être cette désignation fût pleinement justifiée. Les vrais détenteurs du pouvoir pendant cette période furent les comtes de Genève et les évêques. Des luttes constantes se perpétuèrent entre ses souverains laïques et spirituels et se terminèrent par la victoire décisive des seigneurs ecclésiastiques. Le xiiie siècle vit surgir une nouvelle puissance civile, celle de la maison de Savoie, jeune, ambitieuse et énergique. Les évêques de Genève se servirent de son appui pour se débarrasser des derniers vestiges de la puissance des comtes, mais découvrirent bientôt que dans les princes savoyards ils auraient un adversaire bien plus capable.

En 1285, Amédée V s’engagea à protéger les bourgeois de Genève contre leur évêque. Celui-ci fut contraint, en 1290, de céder comme fief à l’entreprenant comte de Savoie la nomination de son représentant pour l’administration temporelle : on l’appelait le vidomne (vicedominus). Jusqu’en 1528 ce poste demeura entre les mains du nouveau suzerain, et de ce chef celui-ci eut une grande influence dans les affaires genevoises. Entre temps, les bourgeois de la cité, assez importants pour que, dès 1285, leur appui fût recherché lors des entreprises savoyardes, demandaient la reconnaissance de leurs droits ; après des luttes prolongées ils arrachèrent à l’évêque Adhémar Fabri, en 1387, les « Franchises » qui donnèrent une sanction constitutionnelle à leurs « coutumes, » auxquelles ils tenaient si fort. Cette charte leur reconnaissait le droit de se réunir en « Conseil général » pour choisir les fonctionnaires de l’administration. Ceux-ci étaient quatre syndics, nommés annuellement, et un trésorier, élu pour trois ans.

En y adjoignant les syndics de l’année précédente et des conseillers élus par les syndics en fonctions, on organisa bientôt le « Petit Conseil », dont les membres, en nombre d’abord indéterminé, puis fixé à vingt-cinq, formaient le corps consultatif et exécutif chargé d’administrer les intérêts des bourgeois. En 1457 on établit un second et plus grand Conseil de 50, puis, bientôt après, de 60 membres, pour discuter ce qu’on ne pouvait pas facilement soumettre au Conseil général. Les tendances aristocratiques qui prévalaient alors à Genève sont illustrées par le fait que, depuis 1459, ce fut le « Petit Conseil » qui nomma les membres du Conseil plus nombreux, nouvellement institué. Vers la fin du xive siècle, le gouvernement de Genève était donc entre les mains de trois puissances : l’évêque, le vidomne et les bourgeois, et cette division des pouvoirs se perpétua jusqu’aux luttes de la troisième décade du xvie siècle. L’évêque, qui portait le titre honorifique de « prince de Genève », était théoriquement souverain de la ville, sous la suzeraineté de l’empereur ; il avait le droit de commander en temps de guerre, de frapper monnaie, de juger en appel et de faire grâce. Le vidomne était chargé de la défense de la cité, de la garde des prisonniers, de l’exécution des criminels et d’un droit de justice restreint dans les causes criminelles et civiles. Le jugement de toutes les affaires criminelles importantes contre des laïques appartenait aux représentants des citoyens. Ceux-ci devaient maintenir le bon ordre dans la ville, pendant la nuit, au moyen d’une police suffisante ; enfin, ils étaient chargés de veiller attentivement au respect des droits garantis par les « Franchises ».

La population genevoise, qui s’élevait à environ treize mille âmes, était aussi variée que le gouvernement de la cité était divisé. La ville, située près des passages les plus fréquentés des Alpes, était de ce fait un centre commercial où s’échangeaient les produits de la France, de l’Allemagne et de l’Italie. Ses marchands étaient prospères et ses artisans adroits et réputés dans le monde entier. Elle occupait un rang élevé comme ville de commerce. Elle n’était guère moindre au point de vue des fondations ecclésiastiques. Son évêché passait pour un des plus enviables de la chrétienté occidentale. Le Chapitre de sa cathédrale se recrutait largement parmi les familles nobles de la contrée. La ville était divisée en sept paroisses, et les établissements monastiques étaient représentés par des bénédictins de la congrégation de Cluny, des dominicains, des franciscains, des augustins et un couvent de clarisses. L’importance ecclésiastique de la ville était constamment attestée par la présence de trois cents religieux et religieuses, les églises richement ornées, les pèlerins qui venaient visiter l’ancienne châsse de Saint-Victor ; mais malheureusement les mœurs de son clergé laissaient beaucoup à désirer. C’était une ville affairée, agréable, résidence favorite de la petite noblesse des environs qui s’était établie en assez grand nombre derrière ses murailles. Mais ces avantages étaient compensés par un certain nombre de défauts. On trouvait à Genève les vices de la ville commerçante, située sur les grandes voies de communication ; sa population était exceptionnellement adonnée au plaisir et au luxe. Son niveau moral était assez bas et, parmi ceux qui donnaient le mauvais exemple aux habitants, se trouvaient des membres de ses meilleures familles et bien des prêtres et des moines.

C’était donc une ville de contrastes et d’individualités marquées ; ses habitants ont été bien décrits par un Américain qui a soigneusement étudié leur histoirea :

a – H.-D. Foster, American Historical Review, viii, 239.

« Les Genevois étaient un peuple, non pas simple, mais complexe, cosmopolite. A ce carrefour des routes de commerce, c’était un mélange de Français, d’Allemands, d’Italiens avec leurs caractères distinctifs, un clergé important de moralité très douteuse, et un corps plus considérable de bourgeois plus solides, plus énergiques, extrêmement indépendants, mais adonnés au plaisir. On y trouvait les défauts et les excès des cités du moyen âge et ce qu’on rencontre en tout temps et tout pays dans un centre riche ; mais en même temps la puissance de développement d’une communauté ambitieuse, cosmopolite et se gouvernant elle-même. Dans leurs plus mauvais moments, les anciens Genevois étaient bruyants, tumultueux, révolutionnaires, amateurs de processions, de déguisements (pas toujours honnêtes, ni convenables), de jeu, d’immoralité, de chants obscènes et de danses ; ils n’étaient peut-être pas toujours très scrupuleux dans leurs contrats commerciaux ou politiques ; très personnels et obstinés. Dans leurs meilleurs jours, ils étaient graves, prudents, politiques avisés, travailleurs lents, mais sûrs, avec une profonde connaissance de la politique et de la nature humaine ; leurs chefs étaient capables, prêts à consacrer leur temps et leur argent au progrès de la chose publique ; le gros de la population était intelligent, mais pas toujours judicieux. Diplomates aussi déliés qu’âpres en affaires, prompts à tirer parti d’une faiblesse de leurs concurrents, commerçants adroits et sur leurs gardes, ils étaient, en outre, économes, tout en sachant à l’occasion dépenser largement ; d’esprit prompt, s’entendant à donner des sobriquets aux divers partis ; enfin, passionnément épris de liberté, énergiques et capables de sacrifices prolongés pour obtenir ou conserver ce qu’ils considéraient comme leurs droits. Sur les frontières de la Suisse, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, ils avaient un tempérament différent de ceux de ces divers pays ; leurs origines savoyardes, leurs guerres, leur Réforme, leurs immigrés finirent par créer un type distinct, le Genevois. »

Il est clair qu’au point de vue politique, et grâce à la division du pouvoir, la petite cité servait de champ clos aux rivalités d’influence. La maison de Savoie essayait constamment d’y augmenter son autorité. Disposant de la charge de vidomne depuis 1290, elle avait profité de l’extinction de la ligne masculine directe des comtes de Genève, en 1394, pour racheter leurs droits en 1401, et, en 1444, elle prit possession de l’évêché lui-même en y plaçant Amédée VIII, l’antipape du concile de Bâle. A partir de sa mort (en 1451) jusqu’en 1490 trois de ses petits-fils montèrent successivement sur son siège : deux d’entre eux étaient scandaleusement jeunes pour cette charge, et aucun des trois n’avait reçu les ordres. Ce fut encore la Savoie qui fit nommer les évêques qui leur succédèrent : Antoine Champion (1491-1495) et Philippe de Savoie, âgé de sept ans (1495-1510), ainsi que Jean, « le bâtard de Savoie », fils du troisième petit-fils d’Amédée VIII (1513-1522). C’est à celui-ci que succéda Pierre de la Baume, homme d’une conduite meilleure, mais faible, aimant le luxe, en somme indigne de sa charge et dont les bourgeois finirent par secouer l’autorité.

Les empiétements successifs de la maison de Savoie soulevaient parmi les bourgeois de Genève une opposition croissante. Dirigés par deux hommes de caractères très différents, mais tous deux très bien qualifiés, Philibert Berthelier et Bezanson Hugues, ils conclurent, le 6 février 1519, avec Fribourg une alliance défensive contre les entreprises savoyardes. Les partisans de cette ligue furent appelés « Eidguenots » (Eidgenossen), tandis qu’on donnait à leurs adversaires le nom de « Mamelouks ». Malheureusement, la première partie fut perdue : le duc Charles III de Savoie força les Genevois à abandonner l’alliance avec Fribourg. La puissance de l’évêque fut rétablie. En août de la même année 1519, Berthelier fut décapité. Les bourgeois placèrent leurs espérances sur le remplacement de Jean de Savoie par Pierre de la Baume en 1522 ; mais le nouveau prélat ne montra aucune fermeté, et ses propres droits historiques furent foulés aux pieds, non moins que ceux des bourgeois, par le duc qui était résolu à faire de Genève une ville savoyarde. A la fin de 1525, à l’aide de ses troupes, celui-ci parut être arrivé à ses fins. Mais la faiblesse de son œuvre apparut lorsqu’il eut quitté la ville, dans laquelle il ne devait jamais plus remettre les pieds. Ne pouvant compter sur le secours de l’évêque pour les aider contre la Savoie, les citoyens, dirigés par Bezançon Hugues, se tournèrent de nouveau vers Fribourg et vers le plus puissant des cantons suisses, Berne. En mars 1526, Genève avait conclu, avec ces deux voisins, une alliance formelle, et le faible évêque, après de vaines protestations, devint, en apparence, un soutien officiel et zélé du nouvel ordre de choses. Mais ce fut pour peu de temps seulement que Pierre de la Baume se mit du côté des patriotes. Il quitta la ville en 1527 pour n’y plus revenir, sauf pendant quelques jours dans l’été de 1533 ; dès 1528 il était absolument gagné aux intérêts de la Savoie.

Ces efforts pour s’affranchir du joug amenèrent naturellement des changements dans la constitution ; ainsi la création d’un parti plus radical que celui dont Bezançon Hugues avait été le chef. En 1527, à l’instar de Berne, on nomma un nouveau Conseil, celui des « Deux Cents », élu, au moins depuis 1530, par le Petit Conseil, et qui faisait, en réalité, la besogne du Conseil des Soixante encore existant. Pendant les deux années qui suivirent, l’autorité du vidomne fut abolie et de nouvelles fonctions judiciaires furent établies par le Conseil général des citoyens. Les Savoyards harcelaient Genève et rendaient les voyages peu sûrs sur les routes qui conduisaient à ses portes, mais en 1530 l’appui militaire de Berne améliora la situation. Jusqu’à cette époque l’idée d’une révolution religieuse n’avait guère été envisagée. L’évêque aurait pu conserver une large part de son autorité, s’il avait pris parti d’une manière définitive en faveur des bourgeois. Mais il s’était mis du côté de leurs ennemis, et ne pouvait dès lors échapper à l’hostilité dont on était animé contre eux. En août 1533, les syndics lui refusèrent l’exercice du droit de grâce, et, quatorze mois plus tard, ils déclarèrent son siège vacant.

Les vicissitudes ultérieures de cette lutte se compliquèrent des débuts du mouvement de la Réforme, auquel l’attitude de l’évêque, plus que toute autre cause, prépara la voie. Depuis 1528 Genève se trouvait, à ce point de vue, dans une situation délicate. Berne, la plus puissante de ses deux alliées, accepta le protestantisme au courant de cette année et en devint le champion le plus zélé ; en revanche Fribourg, plus faible, mais l’alliée la plus ancienne et la mieux disposée des deux, resta fermement attachée à l’Église romaine. Lorsque les troupes bernoises occupèrent la ville en 1530, leur présence entraîna des prédications protestantes et des attaques contre les formes du culte catholique. Le peuple n’avait eu jusqu’alors que peu de sympathies pour les innovations religieuses. Elles s’y étaient néanmoins assez développées à la date du 9 juin 1532 pour qu’on pût y placarder, sur les monuments publics, des thèses luthériennes sur la justification par la foi seule. Les prêtres, le nonce du pape et les alliés fribourgeois exprimèrent leur déplaisir. Le gouvernement genevois, mal à l’aise entre les sentiments opposés de ses alliés, désavoua toute idée de modifier la foi des pères ou d’adopter le luthéranisme ; mais en même temps il intima au vicaire l’ordre de faire prêcher « l’évangile et l’épître de Dieu selon la vérité sans y mêler aucunes fables ou inventions humaines. » Cette manifestation avait évidemment pour but et eut, en effet, pour résultat de contrebalancer les déclarations antérieures, plus favorables à Rome. Grâce à l’attitude de Berne, à l’hostilité générale contre l’évêque et sans doute aussi à quelque sympathie réelle pour les doctrines popularisées par, Luther, il y avait, à Genève, au milieu de l’été 1532, un mouvement anticatholique assez prononcé pour assurer un auditoire à quelque hardi prêcheur de la Réforme. Celui-ci se présenta, au mois d’octobre, dans la personne de Guillaume Farel.

La vie de Farel avait été mouvementée. Né en 1489, d’une famille de la bonne bourgeoisie, à Gap, à une centaine de kilomètres au sud de Grenoble, dans le sud-est de la France, il avait vingt ans de plus que Calvin. Pendant ses années d’études à Paris et sous l’influence de Lefèvre, son attachement passionné à l’Église romaine avait fait place à des sympathies humanistes, puis aux convictions les plus fermement protestantes. Nature ardente, il ne franchit ces étapes qu’au prix de luttes prolongées : il devint l’un des enthousiastes et des plus intransigeants défenseurs de la foi évangélique. Après qu’il eut prêché quelque temps à Meaux, sous l’égide de l’évêque Briçonnet, la persécution le contraignit de fuir la France, et au début de 1524 il contribuait vigoureusement aux succès du parti de la Réforme à Bâle ; mais l’opposition d’Erasme l’obligea à se retirer. Nous le trouvons ensuite exerçant pendant deux ans un ministère de lutteur à Montbéliard, à environ 50 kilomètres à l’ouest de Bâle. Après quelques mois de séjour dans cette dernière cité et à Strasbourg, il entreprit, vers la fin de 1526, d’exercer le pastorat, dans des conditions assez orageuses, à Aigle, petite ville dépendant de Berne et située dans la vallée du Rhône, à dix kilomètres en amont de l’entrée de cette rivière dans le lac de Genève. Là il contribua largement au triomphe de la Réforme qui gagna Berne même en 1528. Il obtint en conséquence une autorisation générale de prêcher l’Évangile dans toutes les villes soumises aux Bernois, dans celles surtout où l’on parlait sa langue maternelle. Il devint ainsi le missionnaire du protestantisme dans la Suisse romande. Partout où il alla, spécialement à Neuchâtel, il y eut des troubles ; mais son succès fut considérable. L’opposition, le danger, les blessures mêmes, ne faisaient que l’exciter à dénoncer sans merci les erreurs qu’il combattait et à multiplier ses efforts. Après environ trois années de cet apostolat itinérant, son désir de faire avancer la cause de la Réforme l’amena à Genève, au commencement d’octobre 1532b, au milieu des luttes qui n’avaient pas cessé d’agiter cette ville. A cette époque essentiellement militante, il était doué, comme peu de ses contemporains, pour forcer l’attention et provoquer la contradiction. Sa voix de stentor, ses harangues familières mais puissantes, son courage qui ne reculait devant aucun obstacle, enflammaient ou irritaient pour ou contre le message et le messager, mais ne laissaient personne indifférent. Farel commença son œuvre, armé d’une lettre des autorités bernoises et accompagné par son ami Antoine Saunier, et peut-être aussi par Pierre Robert Olivétan, avec lesquels il avait travaillé parmi les Vaudois du Piémont. Genève fut tout d’abord peu disposée à l’écouter. Interrogé par les autorités civiles, il dut comparaître devant le vicaire de l’évêque et devant le Chapitre. Violemment injurié, il riposta avec une intrépidité caractéristique ; mais la populace et les chanoines de la cathédrale eux-mêmes voulurent le précipiter dans le Rhône ; un coup d’arquebuse qui lui était destiné partit sans l’atteindre et des prêtres le frappèrent à la figure ou lui donnèrent des coups de pieds. Le lendemain, 4 octobre, il dut avec ses compagnons chercher son salut dans la fuite. Remontant le lac de Genève, ils débarquèrent près de Lausanne, d’où ils gagnèrent Orbe à environ vingt kilomètres au nord. Farel y rencontra un jeune coreligionnaire, Antoine Froment, auquel il persuada de renouveler à Genève la tentative qu’il avait été contraint d’abandonner.

b – La date est donnée dans l’intéressante chronique de la nonne Jeanne de Jussie, publiée sous le titre Le Levain du Calvinisme, Chambéry, 1611, réimprimée à Genève, 1865, pp. 46-51.

Natif du Dauphiné, comme Farel, Froment avait alors environ vingt-deux ans. Dès 1529, il l’avait aidé à répandre en Suisse les doctrines de la Réforme. De petite taille, ardent et courageux, il ne semble avoir alors encouru aucun des reproches auxquels il s’exposa, par la suite, au cours d’une existence assez mouvementée. A Genève, il débuta comme maître d’école, promettant « d’enseigner à lire et escripre en Françoys dans ung mois… mesme à ceulx qui jamais ne furent en escolle… et de guérir beaucop de malladies, pour néant ». Sous le couvert de cette profession, il répandit de tout son pouvoir les doctrines évangéliques. Ses auditeurs augmentèrent si bien que, le 1er janvier 1533, il s’aventura à prêcher sur la place du Molardc. Le tumulte qui suivit amena le conseil des Deux Cents à interdire dès le lendemain, par un vote, toute prédication qui n’aurait pas été autorisée par les syndics ou le vicaire de l’évêque ; mais Genève avait beau être encore presque entièrement catholique, les premières fondations d’une congrégation protestante venaient d’y être posées. Dans une lettre reçue le 25 mars 1533, Berne fit valoir en faveur des réformateurs sa puissante influence. Trois jours après, les syndics eurent grand-peine à éviter une bataille dans les rues, tandis que le conseil des Deux Cents s’efforçait de maintenir la paix, par une trêve qui n’était en réalité qu’une sorte de compromis. Cela ne servit pas à grand-chose.

c – On a appelé cela le premier sermon protestant à Genève, mais, pendant l’occupation bernoise en 1530, Mégander y avait prêché en allemand.

A Pâques, les protestants célébrèrent la sainte cène pour la première fois, et le 4 mai suivant, le chanoine Werly, un de leurs antagonistes les plus résolus, fut tué dans une bagarre. C’était un bourgeois de Fribourg, l’alliée catholique de Genève, et le gouvernement de ce canton réussit à pousser Pierre de la Baume à retourner à Genève, en lui faisant croire que ce serait là le meilleur moyen pour y rétablir l’ordre ecclésiastique ; mais l’évêque échoua totalement dans sa tentative et le 14 juillet il quitta la ville pour n’y plus jamais revenir. Le conflit avait été simplement aggravé. Vers la fin de l’automne 1533, on fit venir, pour défendre l’Église romaine, un prédicateur dominicain, plein d’un zèle agressif, Guy Furbity. En décembre, Farel se risqua à rentrer à Genève. Alors Fribourg et Berne envoyèrent chacune des délégués pour soutenir leurs intérêts religieux contradictoires. Ceux de Berne étaient accompagnés d’un autre élève de Farel, lequel avait, déjà dix mois auparavant, fait un court séjour à Genève : c’était Pierre Viret. Natif d’Orbe, il était petit et frêle et n’avait pas même vingt-trois ans ; mais il était déjà très connu, non seulement à cause de son talent de prédicateur, mais aussi pour la douceur de son caractère et sa modestie. Le 1er mars 1534, Farel et ses adhérents s’emparèrent de la chapelle du couvent des franciscains de Rive et y organisèrent un culte public. Le gouvernement, désemparé, tiraillé dans deux directions opposées, fut contraint de prendre parti pour son alliée protestante, Berne, qui était la plus puissante. Le 15 mai, l’alliance avec Fribourg fut rompue sous la pression de Berne. Huit jours après, une tentative iconoclaste démontrait la puissance grandissante du protestantisme, et le 24 juillet suivant le Petit Conseil vota formellement que « la seule puissance est dans la Parole de Christ et dans l’épée qu’il a mise entre les mains du Magistrat ».

Les derniers succès des protestants étaient dus pour une bonne part à la politique inintelligente de l’évêque Pierre de la Baume qui soutenait de tout son pouvoir les prétentions savoyardes et, dès l’été de 1534, faisait les plus grands efforts pour lever des troupes contre la ville. Grâce à ces circonstances, Genève passa de plus en plus sous l’influence protestante, car son indépendance semblait devoir être le prix de sa résistance à ses adversaires spirituels, non moins qu’à ses ennemis politiques. Le 1er octobre, le Petit Conseil, comme nous l’avons déjà dit, déclara vacante la charge d’évêque. Néanmoins, Genève était loin d’être gagnée à la Réforme d’une façon définitive, et un protestant, bon observateur, écrivant moins de quinze jours avant cette date, avait affirmé qu’à peine un tiers de ses habitants pouvaient être considérés comme opposés à l’évêque et au duc. Mais, à cette époque passionnée, il était à peu près impossible de rester neutre. Désormais, le courant devenait irrésistible. Une tentative d’empoisonnement fut dirigée contré les ministres et faillit emporter Viret, le 6 mars 1535 ; du moins l’opinion générale fut qu’il y avait eu un attentat prémédité. Une femme, qui passait pour la principale coupable, fut exécutée. Comme le clergé fut très généralement accusé (bien qu’il soit impossible de déterminer si c’est avec raison) d’avoir été l’instigateur de ce crime, la tension devint plus grande encore entre les factions ennemies. Le gouvernement prit sous sa protection les ministres, qu’il considérait comme en danger, et leur assigna pour demeure le Couvent de Rive. Farel demandait instamment un débat public semblable à ceux qui avaient abouti au triomphe du protestantisme à Zurich, Berne et ailleurs. L’évêque interdit à ses partisans d’y prendre part. On eut grand peine à trouver deux champions de Rome, — encore étaient-ils fort peu sûrs, — Jean Chappuis, moine dominicain, et Pierre Caroli, docteur de Sorbonne, déjà discrédité parmi les catholiques de Paris et qui devait plus tard se brouiller avec Calvin.

Le parti protestant considéra naturellement comme une victoire le résultat de cette discussion, où un seul des partis en présence avait été authentiquement représenté ; elle avait duré du 30 mai au 24 juin, et Farel s’empressa d’en recueillir les fruits Le 23 juillet, il s’empara de l’église de la Madeleine et y prêcha. Le gouvernement s’efforçait de temporiser. La position était difficile ; la ville continuait à être divisée au point de vue religieux. Le Petit Conseil donna ordre aux protestants, le 30 juillet, de limiter leurs prédications au couvent de Rive et à l’église de Saint-Germain ; mais Farel sentait que la victoire lui appartenait. Il avait, ce même jour, déclaré au Conseil « qu’il devait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Avec le secours de ses amis, il s’empara successivement de l’église de Saint-Gervais, qui était alors celle des dominicains, et enfin, le 8 août, de la cathédrale de Saint-Pierre elle-même, Le bris des images suivit immédiatement. Les églises furent pillées par la populace. Le gouvernement s’inclina. La majorité du Conseil des Deux Cents vota, le 10 août, qu’on s’abstînt désormais de briser des images ; mais, en même temps, que la célébration de la messe fût suspendue jusqu’à nouvel ordre. La défaite du parti de Rome était dès lors manifeste. La révolution était consommée et le clergé catholique, les moines et les religieuses quittèrent presque tous la ville. C’est pendant ces dramatiques événements d’août 1535 que Calvin, dans sa paisible retraite de Bâle, terminait la lettre à François Ier, qui forme la préface de son Institution.

L’ardeur agressive des convictions protestantes et l’hostilité de l’évêque à l’indépendance de la cité ne furent pourtant pas les seules causes de la chute du parti catholique à Genève. Le corps ecclésiastique tout entier semble y avoir été ignorant et incapable. Un grand nombre de prêtres étaient indignes. Si, parmi les ordres monastiques, il y en avait un qui, à bon droit, passait pour l’emporter au point de vue du savoir, c’était bien celui de saint Dominique. Or, les dominicains genevois s’excusèrent de ne pas prendre part à la dispute de mai 1535 en alléguant qu’ils n’avaient pas parmi eux d’homme instruit, Jeanne de Jussie nous laisse entendre que la morale de beaucoup des ecclésiastiques était des plus relâchées, et des recherches plus récentes confirment ce témoignage. Ainsi que Kampschulte l’a bien dit : « La cité catholique épiscopale succomba parce qu’elle devait succomber : telle une forteresse dont la défense a été confiée à des mains lâches et incapables. »

Pendant que ces derniers événements se passaient, Genève était engagée dans une lutte politique difficile. L’évêque, de son château de Peney, à huit kilomètres en aval sur le Rhône, s’unissait au duc de Savoie pour lever des troupes et piller les environs de Genève, empêchant son commerce, maltraitant les bourgeois dont on avait pu s’emparer et harcelant impitoyablement la ville. Berne ne voulait accorder aucun secours, sans doute dans l’espoir égoïste que Genève, trop sérieusement menacée, se placerait, pour prix de sa délivrance, sous sa propre juridiction. Lorsqu’au courant de l’automne de 1535, Neuchâtel vint au secours de Genève, des agents bernois renvoyèrent ces auxiliaires dans leurs foyers après un succès plein de promesses au combat de Gingins. En décembre 1535, le roi François Ier, sur le point d’attaquer le duc de Savoie gagné à la cause de l’empereur par la politique tortueuse de Charles Quint dans la grande lutte pour la suprématie en Europe, offrait à Genève la protection de la France, à des conditions qui semblaient assurer une indépendance locale à peu près complète. Si cette offre avait été acceptée, la ville serait devenue ultérieurement une possession française et le cours de l’histoire de la Réforme aurait été profondément modifié. Mais Berne s’alarma fort à cette perspective. Genève soumise à l’influence française, c’était pour Berne la ruine de toutes ses espérances. Aussi, le 16 janvier 1536, renonçant à sa politique de temporisation, déclara-t-elle la guerre au duc de Savoie. L’armée bernoise ne rencontra pas grande résistance. Elle pilla les terres des ennemis de Genève presque jusqu’aux portes de celle-ci, chassa les paysans catholiques de la région et brûla les châteaux des ennemis. En février, elle était à Genève. En mars, elle acheva la conquête des territoires savoyards qui bordaient le lac en s’emparant de Chillon dont elle libéra les prisonniers. Toute résistance effective du duc de Savoie devint dès lors impossible, car l’armée bernoise avait à peine achevé son œuvre quand il fut attaqué encore d’un autre côté par les Français, bien autrement redoutables. Genève se trouva de la sorte soudainement délivrée d’un péril qui la faisait trembler depuis des années. Mais les exigences de sa peu généreuse alliée faillirent lui faire perdre la liberté qu’elle venait d’acquérir. Le 5 février 1536, les autorités bernoises réclamèrent la jouissance des droits qu’y avaient exercés l’évêque et le vidomne. Cela aurait fait de Berne le souverain réel de Genève. Les syndics et les Conseils refusèrent avec énergie. Genève ne voulait pas perdre les libertés qu’elle venait de conquérir à si grand prix. En fin de compte, le 7 août 1536, Berne consentit à un traité par lequel Genève conservait tous les droits en discussion et qui avaient, en dernier lieu, appartenu à l’évêque et au duc ; elle gardait les terres relevant du siège épiscopal, du Chapitre et du prieuré de Saint-Victor. Le territoire de Genève comprenait ainsi, non seulement la ville, mais environ vingt-huit villages environnants, gouvernés par des procureurs nommés par le Petit Conseil.

La suppression de l’autorité épiscopale et de la messe avait totalement bouleversé l’administration ecclésiastique de Genève. Toutefois, les bourgeois se considéraient évidemment comme formant une Église, et le gouvernement civil montra immédiatement son intention de succéder dans l’exercice de l’autorité morale et religieuse au pouvoir ecclésiastique dépossédé. Dans une large mesure il prit la place de l’évêque. Le Conseil des Deux Cents et le Conseil général, en septembre, octobre et novembre 1535, employèrent une partie des biens ecclésiastiques et de ceux des couvents à la réfection des anciens hôpitaux. Ils établirent dans le couvent des clarisses un vaste asile pour les malades et un refuge pour les mendiants auxquels on interdit la mendicité. Les prisons furent unifiées. L’année suivante, au commencement d’avril, sur l’instante requête de Farel, des prédicateurs furent envoyés dans les villages environnants ; on y interdit la messe et les habitants reçurent l’ordre d’assister aux sermons nouvellement institués. Le lendemain de cette ordonnance, le Petit Conseil montra qu’il se considérait de plus en plus comme la véritable autorité ecclésiastique, puisqu’il déclara qu’il tenait pour absous de leur excommunication les paroissiens du village de Thiez. Le gouvernement assuma tout aussi énergiquement le contrôle de l’état moral de la ville et du territoire qui en dépendait. Même avant la Réforme, alors que l’évêque était encore au pouvoir, les Conseils avaient exercé le droit de régler les jeux, les danses et les chants. Par un vote du 28 février 1536 le Conseil des Deux Cents édicta une série d’interdictions, bientôt affichées dans tout Genève, défendant les blasphèmes, les jurements, les jeux de cartes, et réglant sévèrement la vente des boissons fermentées et l’admission des étrangers dans les auberges. Peu après, les jeunes mariées reçurent l’ordre de se couvrir la tête. En juin, l’assistance au sermon fut exigée sous peine d’amende, et l’observation de jours fériés autres que le dimanche fut interdite. Au cours du même mois, un bourgeois qui avait fait baptiser son enfant nouveau-né par un prêtre fut banni. L’ancien syndic Jean Balard, homme paisible, fut, en juillet, cité devant le Conseil parce qu’en conscience il ne croyait pas devoir assister aux prédications ; on lui donna dix jours pour se conformer au nouveau culte ou quitter la ville Il est bien évident que ce n’est pas Calvin qui, à Genève, institua la réglementation de la foi et des mœurs par le gouvernement. C’était un héritage à la fois des fonctions des Conseils de la ville au moyen âge et de l’autorité épiscopale à laquelle ces Conseils prétendaient avoir succédé.

Quoique le gouvernement de Genève fût loin d’être une véritable démocratie, la plus grande partie de ses affaires étant dirigées par des Conseils aristocratiques et très exclusifs, l’acceptation complète du protestantisme parut être une affaire de si grande importance qu’on jugea nécessaire de réunir le Conseil général de tous les citoyens.

[Foster, op. cit., p. 234-236, fait ressortir que le Conseil général ne nommait chaque année que cinq membres du Petit Conseil, c’est-à-dire les quatre syndics et le trésorier. Les syndics de l’année précédente restaient membres du Petit Conseil et leurs seize assesseurs étaient choisis annuellement par le Conseil des Deux Cents. Les Deux Cents se composaient du Petit Conseil et de 175 autres membres choisis annuellement, après 1530, par le Petit Conseil. L’élection des syndics par le Conseil général avait généralement lieu le premier dimanche de février. Le lendemain on élisait le Petit Conseil et le mardi les Deux Cents. Les syndics et le Petit Conseil formaient le pouvoir législatif et la cour suprême dans tous les cas ordinaires. Dans les cas graves de politique générale les Deux Cents étaient convoqués et ils avaient également le droit de grâce. Le Conseil général choisissait annuellement les syndics et tous les trois ans le trésorier ; enfin, depuis 1529, cinq juges — un lieutenant de justice et quatre auditeurs — qui formaient le tribunal de première instance civil et criminel. Ces juges étaient élus chaque année en novembre. L’approbation du Conseil général était requise pour les décisions très importantes, comme celle que nous allons décrire. Mais, pour tout ce qui touchait aux affaires ordinaires de la police municipale, Genève ne ressemblait que de très loin à une démocratie, bien qu’elle nommât ses principaux magistrats d’une manière démocratique.]

C’est le 21 mai 1536, au son des cloches et des trompettes, qu’eut lieu cette assemblée, réclamée par Farel et convoquée par le Petit Conseil et par celui des Deux Cents. Les bourgeois de Genève, rassemblés ainsi sous la présidence de Claude Savoye, premier syndic, votèrent, sans qu’aucun dissentiment fût exprimé, que « trestous veulent vivre selon l’évangile et la parole de Dieu ainsy que dempuis l’abolition des messes nous est estée preschée et se presche tous les jours, sans plus aspirer, ny vouloir messes, ymages, ydoles ni aultres abusions papalles quelles qu’elle soyentd ».

dRegistres du Conseil, xxix, 112 ; Opera, xxi, 201.

Ceux qui dans le Conseil général avaient le droit d’exprimer leur opinion étaient au nombre de mille à quinze cents. Leur vote, exprimant la conviction que la seule planche de salut pour leurs libertés municipales se trouvait dans l’adhésion à la cause protestante, était dû à l’opposition de l’évêque et à la longue lutte politique dans laquelle Berne avait joué un rôle si caractéristique, non moins qu’aux travaux de Farel, de Froment et de Viret.

Ce n’est pas à ce titre seulement que cette assemblée du Conseil général des bourgeois de Genève est importante. Deux jours auparavant, les Deux Cents, sur l’avis du Petit Conseil, avaient nommé l’ami de Farel, Antoine Saunier, comme directeur de la « Grande École », au traitement de cent écus d’or, et lui avaient adjoint deux « bacheliers » pour l’aider dans son enseignement. En conséquence, le Conseil général vota que l’instruction des pauvres serait gratuite, « et que chescung soit tenu envoyer ses enfans à l’eschole et les faire apprendre ». L’instruction publique populaire fut donc établie à Genève, grâce surtout à l’influence de Farel, dès avant l’arrivée de Calvin, et l’un des principaux traits de la discipline genevoise y apparaissait ainsi dès la première heure.

Mais, en dépit de tout ce qui avait été fait, ce n’était encore qu’un commencement, pour peu que l’on tînt à ce que Genève devînt la cité protestante que rêvait Farel ou même simplement pour que son adhésion à la Réforme fût assurée dans l’avenir. Pour le moment, tout ce qu’on pouvait espérer, c’est que Genève se développerait au point de vue de la vie religieuse sous l’égide de l’État, dans la voie suivie déjà par Berne et Zurich. Il est probable que les services religieux qu’on y célébrait se rapprochaient du type esquissé par Farel plusieurs années auparavant dans sa « Manière et fasson qu’on tient en baillant le sainct Baptesme, etce, », Mais l’Église de Genève n’avait aucune organisation, si ce n’est que le gouvernement de la ville favorisait le protestantisme, soutenait les prédicateurs protestants et exerçait une sorte d’autorité ecclésiastique sur le territoire genevois. Elle n’avait point d’autre confession de foi que la résolution de vivre d’accord avec « la Parole de Dieu » ; elle n’avait point de discipline, point d’existence indépendante de la volonté des chefs civils de la turbulente cité. Bien des années plus tard, dans son discours d’adieux, Calvin pouvait dire avec vérité en parlant de la situation lors de son arrivée à Genève : « En ceste Église il n’y avoit quasi comme rien. On preschoit et puis c’est tout… Tout estoit en tumulte ». Rien ne prouve que Farel ne fût pas satisfait de voir les événements se dérouler jusque-là sous la surveillance de l’État, résultat dû pour une bonne part à ses harangues enflammées. Mais il sentait sans aucun doute que ses talents d’organisateur n’étaient pas à la hauteur de la situation. La papauté et l’ancien culte avaient été rejetés. Mais un architecte était indispensable, si une nouvelle construction solide et durable devait prendre la place de l’ancienne. La sûreté du jugement de Farel, non moins que son désintéressement personnel, sont démontrés par le fait qu’il crut trouver, dans le jeune auteur de l’Institution, le chef dont Genève avait besoin et que « le hasard de la guerre », ou, comme il l’aurait dit plus pieusement, la divine Providence, avait à l’improviste envoyé dans cette ville.

e – Imprimée en 1533, bien qu’écrite plus tôt, peut-être près de dix ans auparavant ; réimprimée à Strasbourg en 1859. Voy. J.-G. Baum, Le Sommaire de Guillaume Farel, Genève, 1867, p. vi.



La Cathédrale Saint Pierre à Genève.

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