« Recherchez la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur. »
Savez-vous que des guêpes déchaînées peuvent attaquer l’homme en bataille rangée ? J’ignorais la chose jusqu’à ce que j’en fisse la découverte à mes dépens.
Nous séjournions dans les Vosges et occupions une jolie chambrette sous les toits, éclairée par un large vasistas. Tout au long du jour nous percevions le vague bourdonnement d’un essaim caché sous les tuiles, mais nous n’étions pas inquiets. Par-ci par-là une guêpe se hasardait dans la pièce mais sans intention belliqueuse. Il était aisé de l’éconduire.
Or, tard dans la nuit, j’allumai la lampe et me levai ne pouvant trouver le sommeil. C’est alors qu’une escouade de guêpes furieuses, sans doute réveillées par la lumière, fit irruption dans la pièce, fonçant rageusement sur moi. J’eus beau me défendre en faisant tournoyer un linge devant moi pour me protéger, je ne pus dominer la situation car il en venait de tous côtés, attaquant partout à la fois. J’en voyais devant, derrière, à droite comme à gauche. Quelques intrépides parvenaient à m’atteindre, enfonçant leur dard comme un fantassin chargeant à la baïonnette. Ma seule ressource fut de me précipiter dans le couloir en faisant claquer la porte sur mes talons. Les voisins alertés n’eurent pas de peine à donner un sort aux quelques intrépides qui m’avaient suivi dans ma retraite.
Satan lui aussi attaque de tous côtés. Êtes-vous parvenu à lui tenir tête dans tous les domaines et, simultanément, à triompher de l’orgueil, à évacuer des pensées abominables, à dominer votre égoïsme, à maîtriser irritation et impatiences, à surmonter la crainte de l’homme, à marcher sans faille dans la vérité, à changer votre faiblesse en ferme assurance, votre indolence en zèle, votre lâcheté en courage, votre indifférence en ferveur… que sais-je encore ? Avouez-le ! C’est l’échec sur tous les fronts. Autant vouloir chasser l’obscurité avec un balai. Il est impossible à l’homme de venir à bout des multiples tentations qui l’assiègent. Les attaquants sont si nombreux et si décidés ! Il faut tenir tête « à des puissances occultes, à une organisation spirituelle satanique,… et lutter contre la légion des esprits démoniaques dans les sphères surnaturelles, véritables agents du quartier général du mal » (Éphésiens 6.12 — Selon la transcription A. Kuen).
Tout chrétien authentique s’efforce de ressembler à Jésus pour plaire à son Dieu. Quiconque est « mort au péché » ne peut se satisfaire d’une vie chrétienne médiocre ponctuée de chutes et d’égarements. Certes, la profonde tristesse que j’éprouve lorsque je suis conscient d’avoir transgressé la volonté de Dieu est une preuve certaine que je « garde ses commandements » et donc ne passe pas sur le péché « comme chat sur braise ». Mais Dieu en veut plus. Garder les commandements c’est bien : les mettre en pratique, c’est encore mieux. Trop de chrétiens en restent au pardon et à la justification. Or, la justification n’est pas tout le salut. La porte étroite débouche sur le chemin étroit (Matthieu 7.13-14). Dieu ne justifie pas son enfant sans lui demander — et donc le mettre en mesure – de vivre une vie nouvelle dont le Seigneur est le centre. « La grâce ne sauve pas en patronnant le péché mais en le détruisant. » La sanctification n’est pas la délivrance de toute tentation mais la victoire sur la tentation. Ce n’est pas une vie sans péché mais une vie de complet abandon à Celui qui peut nous préserver de toute chute et nous rendre capables de ne pas pécher, même par omission. C’est cette vie qui doit être ardemment recherchée.
Oui mais… comment ?
Pour qui est déterminé à marcher « en nouveauté de vie », le risque est grand de céder à une quadruple tentation :
1) La première est de se croire en mesure d’opérer soi-même sa propre sanctification à coups de résolutions musclées. Ce chrétien-là déchante d’autant plus vite qu’il est plus déterminé à se réformer lui-même ; tôt ou tard, il entonnera le refrain de l’apôtre : « Ce n’est pas la bonne volonté qui me manque mais plutôt la force de réaliser mes bonnes intentions. Je n’arrive pas à accomplir le bien que je me propose de faire et je commets malgré moi le mal que j’étais pourtant décidé à éviter… Je voudrais faire le bien mais je constate que seul le mal est à ma portée, et je ne puis résister à ses sollicitations. Mon être intérieur adhère de tout cœur à la loi divine, il en approuve joyeusement les exigences. Cependant, je suis bien obligé de constater en mon corps, l’empreinte d’une autre loi. Mes facultés humaines sont régies par un principe opposé à celui de ma raison et qui me met sans cesse en conflit avec la loi de ma conscience. Et cette force mauvaise me domine si bien que je me retrouve prisonnier sous la férule du péché qui est à l’œuvre de mes membres » (Romains 7.18-23 — Transcription Kuen).
2) Deuxième tentation : après une succession d’échecs, un chrétien lucide comprend qu’il ne peut se réformer lui-même sans une aide venant de l’extérieur, aussi est-ce vers Jésus qu’il se tourne afin de recevoir de lui ce supplément d’énergie qui lui manque pour triompher de ses travers et acquérir l’humilité, la patience, l’indulgence… qui lui font tant défaut. Or, je vous le demande, le Seigneur peut-il donner à son enfant un « petit coup de pouce » pour transformer sa vieille nature ? N’est-elle pas réputée mauvaise et incurable ? Quand donc comprendrons-nous « qu’il n’y a rien de bon en nous » (Romains 7.18) et que le vieil homme doit être laissé au tombeau ? Il s’endurcit plutôt que de se réformer.
3) La troisième tentation du chrétien soucieux de sanctification est de s’évertuer à franchir les étapes indiquées dans certains livres de piété. Et puisque la marche à suivre est étayée de textes bibliques, point n’est besoin de s’en écarter ou de la contrôler ; d’avance, on la juge bonne, infaillible et digne d’être appliquée. Vous en connaissez certainement le schéma :
Tout cela est conforme à l’Écriture, mais risque de conduire à de nouveaux échecs. En effet, celui qui s’applique à suivre fidèlement une méthode a tellement foi dans l’efficacité de la méthode qu’il en oublie le Seigneur, si bien qu’en définitive – et à son insu – il se confie en ses efforts (donc en ses œuvres) pour obtenir la victoire tant attendue.
4) Suprême tentation : les expériences décevantes et la découverte humiliante de sa totale incapacité à changer son caractère risquent de conduire au découragement l’enfant de Dieu, dès lors tenté de conclure : « A quoi bon ? Décidé- ment, la vie de sainteté doit être réservée à une élite dont je ne suis pas. C’est seulement au ciel, dans le face-à-face, que je serai enfin apte à vaincre le péché une fois pour toutes. Pour l’heure, il suffit que j’opère quelques petites réformes dans mes habitudes, pour vivre décemment devant les hommes et rendre ainsi un témoignage qui ne déshonore pas trop le Seigneur. » Que Dieu nous garde d’une pareille démission.
C’est au sein même de son désespoir, lorsque l’apôtre découvre qu’il est foncièrement mauvais et incurable (« je sais » — Romains 7.23), que le « Vainqueur du péché » se révèle à lui. L’expérience de Paul est instructive (Romains 7.24) : « Malheureux que je suis : Qui me délivrera » (non pas de tel ou tel péché, comme s’il s’agissait de « chasser des guêpes ») mais : Qui me délivrera de ce corps de mort ? (c’est-à-dire de moi-même, de ce MOI orgueilleux qui prétend se sanctifier). Enfin éclairé, l’apôtre peut dire sous une autre forme : « Vraiment, c’est pure sottise que de vouloir changer ma ‘‘nature mauvaise”. Le simple bon sens me demande de capituler et de cesser de mener une lutte stérile. C’est un autre que MOI – le Christ, le vainqueur de Satan – qui opérera la transformation que je suis incapable même d’amorcer… » Une merveilleuse découverte que fit saint Paul au moment précis où, désespérant de lui-même, il renonça une fois pour toutes à se sanctifier lui-même. « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur », devait-il s’écrier en explosant de joie. Que la soif de sainteté ne m’amène donc pas à poursuivre la sanctification pour elle-même mais à compter plutôt sur Jésus, « ma sanctification ». C’est lui qui me transformera à son image. Le Christ n’a-t-il pas été fait de la part de Dieu, pour moi, sagesse, justice, sanctification et rédemption » (1 Corinthiens 1.30) ? Et puisque la sanctification est une personne, je veux la rechercher et « m’en revêtir » selon les termes mêmes de l’apôtre (Romains 13.14 ; Colossiens 3.9, 12, 14). Jésus, la divine Lumière, chassera l’obscurité de tous les recoins de ma vie. « Il me rendra capable de faire sa volonté et, plus encore, il fera en moi ce qui lui est agréable. A Lui la gloire aux siècles des siècles » (d’après Hébreux 13.21).
Mais alors… « comment cela peut-il se faire » ?
La parabole de Jean 15 fournira certainement la réponse à cette question embarrassante. En parcourant le récit de Jean, on peut aisément imaginer la scène. Jésus se rend à Gethsémané et, chemin faisant, s’arrête un instant devant un pied de vigne autour duquel les douze font cercle. Le Maître, inspiré par ce tableau, trouve dans cette vigne l’emblème de sa relation avec les siens. Il est le vrai Cep et ses disciples sont semblables à des sarments porteurs de fruits. Or, il est vital pour ces sarments comme pour les disciples qu’ils soient intimement unis au cep pour recevoir la sève – la vie d’En Haut –, condition indispensable pour donner du raisin et plaire au divin vigneron.
Dans cette allégorie, soulignons une expression du v. 4 : « Demeurez en moi » (répétée au v. 7). Elle est importante, et la suivante l’est encore davantage, « je demeurerai en vous ». Si « hors de Christ, nous ne pouvons rien faire », le Seigneur non plus ne peut opérer quoi que ce soit en nous si nous n’accomplissons pas notre part, celle de « demeurer en lui » en un confiant abandon. Est-ce à dire que nous devrions, au préalable, « fabriquer » du fruit pour être « unis au Cep » ? Au contraire ! Le fruit abondera et parviendra à maturité si nous restons unis au Seigneur. Le fait de « demeurer en Christ » n’est donc pas, comme d’aucuns le croient, l’aboutissement d’une longue série d’efforts ou de renoncements accomplis pour donner à Jésus la suprématie dans notre vie. Dieu nous demande seulement, aujourd’hui même, de nous abandonner avec confiance et soumission à « Celui qui est devenu pour nous… sanctification » (1 Corinthiens 1.30).
Jésus utilise ici le verbe « demeurer » dont le sens n’échappe à personne ; il est synonyme de « habiter ». D’une certaine façon, le Maître se compare à une maison que les disciples sont invités à occuper en permanence s’ils veulent porter du fruit. Habiter Jésus ? Comment cela ? Simplement en s’approchant de lui, dans la foi (Jean 7.37) et en cultivant sa présence. Il n’y a pas de fruit possible pour qui ne vit en communion avec lui. « Heureux ceux qui habitent chez toi et peuvent te louer sans cesse » (Psaumes 84.5).
Il est certain que tout péché connu, délibérément entretenu, nous tient hors de cette demeure. Comment pourrai-je en effet le rechercher et me plaire en sa compagnie si je suis conscient de l’attrister par mon inconduite ? On ne peut entrer chez lui – dans le sanctuaire – qu’en renonçant au péché. C’est pourquoi je m’approche humblement de mon Dieu, avec un cœur ouvert à sa lumière. Si à son contact le Saint-Esprit me révèle quelque faute, je la confesserai et l’abandonnerai. Il me donnera la joie du pardon et la force de lui obéir. A bien réfléchir, nous péchons justement parce que nous sommes loin de sa personne puissante. Le péché par excellence c’est de se tenir éloigné du Père, de le négliger, de l’oublier, de fuir sa lumière ; hors de sa présence nous nous égarons et sommes incapables de résister à la tentation. Près de son père qu’il respecte, l’enfant est gardé, protégé… mais loin de sa vue, il peut céder à des influences néfastes et commettre des actes répréhensibles qui lui attireront déboires et punition.
Ah ! Que de choses changeraient dans mon comportement si je vivais en étroite communion avec mon Seigneur ! « Quand il est à ma droite, je ne chancelle pas » (Psaumes 16.8).
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