Priorité à la liberté

11
Tout est permis

Tout est permis ! La Bible l’affirme à plusieurs reprises, sous la plume de Paul. (1) En trois mots, l’apôtre condamne sans appel les croyants – et ils sont légion – qui insistent sur les : « Tu ne dois pas ! – L’Ecriture le défend – Dieu t’interdit… ». Au contraire, il déclare très nettement :

(1) 1 Corinthiens 6.12 et 10.23.

« Si vous êtes morts avec Christ aux rudiments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes : Ne prends pas ! Ne goûte pas ! Ne touche pas. Préceptes qui tous deviennent pernicieux par l’abus et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes. Ils ont à la vérité une apparence de sagesse en ce qu’ils indiquent un culte volontaire, de l’humilité et le mépris du corps, mais ils sont sans aucun mérite et contribuent à la satisfaction de la chair… ». (2)

(2) Colossiens 2.20-23.

Voilà qui est clair.

Notre Dieu est le Dieu de la liberté qui respecte notre liberté, la souhaite et même, l’ordonne. On n’a pas dit vrai lorsqu’on a voulu prétendre qu’il est celui des restrictions et des interdictions. Il sait qu’il n’y a pas d’épanouissement sans le pouvoir de se déterminer. En Lui, nous pouvons tout oser, tout posséder puisque « tout est à vous ». (3) Je suis libre de procéder à mes choix. De me dégager de tout ce qui me domine, de profaner ce que d’aucuns tiennent pour sacré, « de manger ou de ne pas manger, de boire ou de ne pas boire, de me marier ou de rester célibataire… ». (4) Plus de barrière : tout est permis. Absolument tout.

(3) 1 Corinthiens 3.23.

(4) Romains 14.2 ; 1 Corinthiens 7.8-9.

— Et le « MAIS », m’objectera-t-on ? Vous escamotez le mot qui accompagne chaque « tout est permis ». Paul ne reprendrait-il pas d’une main ce qu’il semble accorder de l’autre ? Ce « mais », en réalité, n’encagerait-il pas ma liberté ? En fin de compte, dois-je conclure que « tout n’est pas permis » ? – Halte-là. Sans ignorer ni éliminer ce « mais » de l’Ecriture, j’affirme que ce mot n’annule pas le « tout est permis » qui le précède. Il l’éclaire plutôt. C’est le « mais » de la prudence, du bon sens et de l’amour. Dieu refuse que l’homme libre ne s’égare telle une nation qui, longtemps écrasée sous la férule d’un dictateur, retrouve enfin sa liberté pour sombrer dans l’anarchie ou sous une autre dictature. Derrière notre Seigneur, pas de liste de choses interdites mais de la sagesse pour discerner le meilleur pour mon bien et celui des autres, à la seule gloire de Dieu.

Le MAIS de la sagesse.

Une dame de haut lignage du temps jadis fit annoncer dans sa ville qu’elle cherchait un cocher. Elle promettait bon salaire et avantages multiples. L’offre étant alléchante, de nombreux postulants se présentèrent au château. Elle en retint trois qui avaient bonne façon et semblaient correspondre à ce qu’elle attendait d’eux. Avant de fixer son choix, elle les fit venir auprès d’elle et les interrogea séparément.

— Vous savez, dit-elle au premier, que la route conduisant au château longe un précipice dangereux. A quelle distance du bord pouvez-vous faire passer sans risques les roues de ma calèche ?

— Oh, Madame ! A vingt ou vingt cinq centimètres tout au plus.

— Fort bien. Attendez ma réponse.

La dame fit venir le deuxième candidat et lui posa la même question :

— Madame, répondit-il, je me sens capable de faire passer les roues à dix centimètres du ravin. J’ai l’habitude des chevaux et ils m’obéissent… au centimètre près.

— Très bien. Demain vous connaîtrez ma décision.

S’adressant au troisième cocher qui attendait son tour dans le vestibule, elle lui demanda :

— Et vous ? A quelle distance pouvez-vous passer sans danger… ?

— Madame me pardonnera d’être sincère. Je ne suis pas un poltron mais je vous avoue que je passerai du côté de la montagne, le plus loin possible du gouffre. Que le cheval fasse un écart et…

— D’accord ! D’accord ! A partir de maintenant, je vous prends à mon service. Moi aussi je suis prudente.

Cette princesse avait raison. La liberté et la prudence font toujours bon ménage. Nous sommes libres de frôler le précipice, MAIS libre aussi de nous tenir à distance. De même, aucune loi ne m’interdit de marcher sur le bord d’un toit MAIS le bon sens m’en tient éloigné. Suis-je un esclave de me montrer sage ? Qui s’approche trop du feu risque de brûler. La liberté n’exclut pas la prudence.

Un chrétien faible devant la bouteille s’abstiendra librement de tout ce qui touche à l’alcool et se gardera de fréquenter les débits de boisson. Qui est faible devant la fumée dira : « Non au tabac », sans vouloir prétendre en user modérément. Qui se laisse facilement entraîner par les autres choisira avec soin ses amitiés. Je n’ai pas à copier le comportement des autres car nos points faibles ne sont pas situés au même endroit. Les uns peuvent, les autres ne peuvent pas. C’est pourquoi je ne puis juger mes frères ni leur imposer ma ligne de conduite pas plus qu’ils ne peuvent exiger de moi que j’emboîte leurs pas. Aussi, ne nous étonnons jamais de voir d’excellents chrétiens adopter des attitudes apparemment contradictoires.

2. Le MAIS de l’amour.

Paul précise : « Tout est permis mais TOUT n’est PAS UTILE ». Utile pour qui ? La question vaut la peine d’être posée. Pour moi, sans aucun doute (ce que nous venons de voir) mais aussi pour mes semblables. En effet, une action que j’accomplis librement pour mon bien peut causer du tort à mon prochain, l’attrister même, voire le perdre. Or, parce que je me soucie de son intérêt, j’éviterai tout ce qui peut lui nuire. L’homme qui n’aime pas est prisonnier de son égoïsme, incapable qu’il est de renoncer à quoi que ce soit pour la joie des autres. La liberté implique l’amour.

Je puis jouer de la trompette à dix heures du matin. Aucune législation ne me l’interdit. Cependant, je renverrai mes gammes à plus tard si je sais mon voisin malade à l’étage au-dessus ou si j’apprends qu’un bébé dort dans la chambre à côté. Aurai-je l’air d’un brimé si je range mon instrument dans sa boîte ? Eprouverai-je le sentiment pénible de la contrainte en agissant ainsi ? Certainement pas.

« MAIS… TOUT N’ÉDIFIE PAS complète l’apôtre. Ici, édifier a le sens de « construire ». Qui aime le Maître et veut être un bon serviteur s’emploie sans relâche à sauver des pécheurs qui, par le miracle de la régénération, deviendront des « pierres vivantes » de l’édifice qu’est l’Eglise. Et il travaillera encore à unir les croyants entre eux afin qu’ils soient « solidement assemblés » les uns aux autres, mais particulièrement à Jésus-Christ la « pierre angulaire ». Pour ce faire, il s’abstiendra volontairement de tout ce qui est susceptible de choquer, attrister ou diviser des frères. Si un verre de vin scandalise l’un d’entre eux, bien que je sois libre de n’en pas consommer, je m’en priverai avec joie afin de ne pas entraver sa marche spirituelle. De plus, je me garderai de ranger « ce frère pour lequel Christ est mort » (5) dans la catégorie des « faibles dans la foi ». (6) Je renoncerai, s’il le faut, à une heure de repos légitime pour intercéder en faveur d’un ami qui s’éloigne du Sauveur. Si j’apprends qu’un malade souffre de solitude, je lui consacrerai deux ou trois heures de mon samedi au lieu de me rendre en forêt comme je l’avais projeté. En agissant ainsi aurais-je l’impression d’être un homme lié ? Au contraire. La Bible ne dit-elle pas sous la plume de Paul : « Que personne ne cherche son propre intérêt mais celui d’autrui » (1 Corinthiens 10.24) ?

(5) Romains 14.15.

(6) Romains 14.1.

« Il est vrai, écrit J. Ellul (Ethique de la liberté) que l’amour du prochain c’est d’abord cette recherche. Considérer ce qui est utile pour l’autre, l’intérêt de l’autre, Cela suppose précisément une extraordinaire liberté, disponibilité. Liberté d’abord pour se dépouiller de soi-même, pour faire cet acte pratiquement impossible de savoir s’effacer totalement, ou plutôt de se mettre si radicalement à la place de l’autre, dans sa situation, dans sa peau, que l’on sait alors ce qui lui convient, quel est son véritable intérêt, parce qu’on est l’autre… Le premier pas de la relation humaine est toujours la contrainte. Chaque homme, dans la société, prétend toujours faire valoir ses droits, imposer quelque chose aux autres, obliger autrui. Mais si vous aimez celui-là même qui vous contraint, cet ennemi, alors vous faites disparaître la relation de puissance, et vous situez la relation dans l’amour – et du même coup vous enlevez à la relation son caractère d’obligation et vous agissez dans la liberté… La liberté ne peut se concrétiser que dans l’amour ». (*)

(*) J. Ellul. Ethique de la liberté, Edit. Labor et Fides, Genève.

3° Tout est permis… seulement « FAITES TOUT POUR LA GLOIRE DE DIEU ». (7)

(7) 1 Corinthiens 10.24.

Le « tout est permis » de Paul n’a jamais signifié que l’adultère, le vol, l’exploitation du pauvre, le mensonge et le meurtre étaient désormais autorisés ou approuvés par le Dieu saint lequel ne tiendrait pas rigueur à ceux qui s’y adonnent. Liberté n’est pas licence. Est-ce à dire que le Seigneur interdit ces choses aux croyants ? La question est mal posée. Il doit être entendu que celui qui a été authentiquement et profondément convaincu de péché par l’Esprit saint, brisé devant un Sauveur qui a payé si cher ses forfaits ne peut revenir librement « vers ce qu’il a vomi ». (8) Le péché n’est-il pas frappé d’un coup mortel dans la conscience de quiconque a vu le Fils mourant ? « Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché » ? (9) Le Christ vivant dans l’homme régénéré lui inspire désormais, non seulement le dégoût du mal, mais l’ardent désir de plaire à Dieu, de faire tout ce qui est utile aux autres et naturellement de s’éloigner de tout ce qui l’attriste et l’irrite. Si la racine a changé, les fruits sont nécessairement différents, bons à consommer.

(8) 2 Pierre 2.22.

(9) Romains 6.2.

Je sais qu’il y aura dans la vie de tout enfant de Dieu des oublis, des éclipses regrettables, des écarts affligeants : il en sera toujours affecté, conscient d’avoir perdu chaque fois sa liberté en cédant au diable qui tentait de le replacer sous sa tutelle… Mais il reviendra chaque fois aussi, humilié et confiant, vers Celui qu’il sait fidèle. (10)

(10) 2 Timothée 2.13.

J’imagine des fiancés de fraîche date, tout à la joie de leur amour. Le jeune homme, friand de « musique pop », apprend que sa bien-aimée y est absolument allergique mais se passionne pour Beethoven ou Mozart. Le fiancé écourtera-t-il les rencontres pour aller savourer sa musique endiablée ? Se plaindra-t-il d’avoir une fiancée qui lui reproche d’écouter ses airs bruyants ? Au contraire ! Il éprouvera même un certain plaisir à renoncer à ses disques préférés pour s’émerveiller avec elle à l’écoute de la Neuvième symphonie ou de la Pastorale. Peut-être deviendra-t-il un admirateur de Mozart ou de Schumann ? A moins que la jeune fille ne se convertisse à la musique « pop » ! Sait-on jamais ? Si j’aime mon Seigneur, c’est sa gloire qui me préoccupera. Ma joie sera de lui plaire, de le proclamer. De ne rien faire qui puisse salir son nom. Et je ferai l’expérience que son « joug est aisé et son fardeau léger. (11) Le joug de l’amour n’est jamais pesant.

(11) Matthieu 11.30.

Après tout, Saint Augustin avait raison de dire : « Aime Dieu et fais ce que tu veux ».

Ma liberté, c’est Jésus-Christ.

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