Étude pratique sur l’épître de Jacques

8. La Loi Royale

2.8-13

8 Si réellement vous accomplissez la loi royale, selon cette parole : « tu aimeras ton prochain comme toi-même, » vous faites bien ; 9 mais si vous faites des acceptions de personnes, vous commettez un péché et vous êtes condamnés par la loi comme transgresseurs. 10 En effet, quiconque après avoir gardé toute la loi, faillira en un seul commandement, devient coupable de tous ; 11 car celui qui a dit : « tu ne commettras point adultère » a dit aussi « tu ne tueras point ; » si donc tu ne commets point adultère, mais que tu tues, tu es un transgresseur de la loi. 12 Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté ; 13 car le jugement est sans miséricorde sur qui n’exerce pas miséricorde ; mais la miséricorde brave le jugement.

Après avoir reproché à ses lecteurs leur partialité en faveur des riches et des puissants, Jacques leur montre combien ce principe est opposé à l’essence même de la loi divine ; savoir, à l’amour, qui est pour Jacques, comme pour Paul, l’accomplissement de la loi, la loi royale : Si réellement vous accomplissez la loi royale, selon cette parole : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, » vous faites bien ; mais si vous faites des acceptions de personnes, vous commettez un péché, et vous êtes condamnés par la loi comme transgresseurs. Mais il ne faut pas oublier qu’il avait affaire à des hommes nouvellement convertis du judaïsme à l’Evangile, qui, n’ayant pas compris le caractère intérieur de la loi divine, étaient constamment exposés à tomber dans le formalisme, soit en pratique, soit en théorie. Ils portaient cette tendance funeste jusque dans l’appréciation des infractions à la loi : n’ayant point appris à la considérer comme un ensemble plein de majesté, de grandeur et d’une sainte sévérité, ils s’étaient habitués à apprécier les péchés moins par leur nature intime que par leur nombre ; cette règle tout extérieure une fois trouvée, ils n’avaient pas de peine, en se l’appliquant à eux-mêmes, à se mettre la conscience à l’aise vis-à-vis de la loi.

Entre autres, ils ne trouvaient pas très condamnable cet égoïsme que Jacques vient de blâmer, et qui se manifestait par leur estime pour les riches et leur mépris des pauvres. Il fallait donc les rendre attentifs à la nature même de la loi, qui, étant un tout organique et indivisible, dans lequel se révèle la volonté et la sainteté divine, réclame aussi une obéissance absolue, de telle sorte que dans chaque infraction de détail c’est la loi tout entière qui est enfreinte ! En effet, quiconque après avoir gardé toute la loi, faillira en un seul commandement, devient coupable de tous ; car celui qui a dit : « Tu ne commettras point adultère, » a dit aussi : « Tu ne tueras point » ; si donc tu ne commets point adultère, mais que tu tues, tu es un transgresseur de la loi, » Jacques établit ici une règle générale dont l’application particulière au cas actuel est celle-ci : L’homme qui s’est laissé déterminer, fût-ce même dans cette occasion unique, par le principe égoïste contraire à la loi de l’amour, celui-là a transgressé toute la loi. Il l’a transgressée d’abord quant à son contenu, puisque cette loi étant la révélation de la volonté de Dieu, tous ses détails doivent avoir une égale importance ; ensuite, quant à lui-même, puisque l’égoïsme l’a emporté en lui sur l’amour. Jacques veut-il dire par là que dans l’appréciation des péchés ou des pécheurs on ne puisse admettre aucun degré, aucune nuance ? Assurément non il faut seulement distinguer soigneusement deux points de vue, celui du principe absolu et celui des faits. S’agit-il du principe dans ses exigences rigoureuses : tous sont obligés de se reconnaître coupables devant la loi ; s’agit-il des faits, c’est-à-dire de l’obéissance réelle que lui rendent les hommes ; il existe alors des degrés entre eux ; tantôt leur nature supérieure brise ses entraves et triomphe ; tantôt c’est l’égoïsme qui l’emporte ; l’appréciation des actions humaines dépend de la prédominance de l’un ou de l’autre de ces deux éléments. Même parmi les chrétiens, il n’est personne qui ait parfaitement accompli la loi ; Jacques le savait bien, et telle n’a pas été sa pensée ; il avait trop bien compris la grandeur et la sainteté de la loi, trop vivement combattu le formalisme de ces Eglises qui, dans leur appréciation des péchés, ne regardaient qu’à l’extérieur, aux détails des transgressions ; Jacques avait une trop haute idée de la perfection morale, pour pouvoir l’admettre même chez les chrétiens. Du reste, la suite le prouve clairement. Jacques part du principe que, si différentes que soient les actions des hommes, tous sont néanmoins coupables devant la loi. Mais de même que le Christ nous a enseigné cette prière : « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs, » de même Jacques rappelle à ses lecteurs que, par l’exercice de l’amour et de la miséricorde, ils peuvent, dans le sentiment du péché qui reste attaché à leur nature, se rendre dignes des compassions de Dieu. Que les chrétiens parlent et agissent avec la pensée qu’ils ont eux-mêmes besoin de la miséricorde céleste, et que la douceur de leur parole et de leur conduite soit comme l’expression involontaire de ce besoin profond de leur âme. Jacques appelle la loi d’après laquelle les chrétiens doivent être jugés une loi de liberté, parce qu’elle ne fait pas dépendre le salut d’une obéissance absolue, dont aucun homme n’est capable ; ce pénible joug a été brisé par l’Evangile ; l’obéissance que réclame la loi nouvelle, dont ils sont les serviteurs, n’est point celle de la crainte, mais la libre obéissance de l’amour qui naît à la fois du sentiment du pardon et de la confiance en la miséricorde de Dieu. Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté ; car le jugement est sans miséricorde sur qui n’exerce pas miséricorde ; mais la miséricorde brave le jugement.

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