Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le pendant qu’il est près.
C’est un étrange serment que celui qui est rapporté au chap. 10 de l’Apocalypse. Saint Jean vit un ange ; cet ange était environné d’une nuée ; il y avait un arc-en-ciel sur sa tête ; son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu, et se tenant debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le ciel, et jura par celui qui vit aux siècles des siècles, qu’il n’y aurait plus de temps Apocalypse 10.1, 5-6. Par ce serment, si nous en croyons quelques docteurs, l’ange voulait déclarer aux Juifs que la mesure était comblée, que les jours de leur visitation étaient expirés, et que Dieu allait achever, en lâchant la bride aux armées de l’empereur Adrien, la vengeance qu’il avait commencée par celles de Vespasien et de Tite.
Ne contestons point cette idée particulière, mais considérons ce serment dans toute son étendue. Cet ange se tient sur la terre et sur la mer. Il parle à tous les habitants du monde. Il vous adresse sa voix, mes frères, et il vous enseigne la vérité la plus terrible, mais la plus importante de la religion et de la morale. C’est que la miséricorde de Dieu, qui est infinie en diverses sortes, a pourtant ses bornes et ses limites. Elle est infinie ; car elle embrasse également tous les hommes. Elle ne met aucune distinction entre le Juif et le Grec, entre le Scythe et le Barbare Colossiens 3.11. Elle pardonne les attentats les plus noirs, les trames les plus criantes, et retirant le pécheur pénitent d’un abîme de misères, elle lui ouvre le chemin à une félicité suprême. Mais elle est bornée. Quand le pécheur s’obstine, quand il résiste, quand il diffère de se convertir, Dieu ferme les entrailles de ses compassions, et refuse d’entendre la voix de ceux qui s’endurcissent à la sienne.
C’est de cet effrayant principe qu’Esaïe tire la conclusion qui fait la matière de notre texte. Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près. Dispensez-nous d’une exactitude trop rigoureuse. Nous ne nous arrêterons pas à vous expliquer ce que c’est que chercher l’Éternel et qu’invoquer l’Éternel. Quelque illusion que nous soyons sujets à nous faire sur cet article, quelque penchant que nous ayons à confondre l’apparence de la conversion avec la conversion même, il faut l’avouer, ce n’est pas là ce qui perd le plus grand nombre. Nous nous proposons aujourd’hui de sonder notre véritable plaie, de dissiper, s’il est possible, l’appât trompeur qui a jeté tant de chrétiens dans la perdition, et qui est encore le charme le plus puissant dont le démon se sert pour nous attirer. Cet appât, ce charme, j’en atteste vos consciences, c’est je ne sais quelle idée contradictoire que nous nous sommes formée des miséricordes divines ; certains desseins vagues que nous faisons de nous convertir dans les enfoncements de l’avenir, et une chimérique assurance de pouvoir y réussir dès que nous voudrons l’entreprendre.
Nous ferons diverses réflexions sur le renvoi de la conversion, et nous les tirerons de trois sources. De l’homme, de l’Écriture, de l’expérience. Nous emploierons tour à tour, la religion, l’histoire, la raison, pour faire sentir combien il est dangereux de différer de se convertir. D’abord nous tâcherons de prouver par notre propre constitution, qu’il est infiniment difficile, pour ne pas dire impossible, qu’on se convertisse lorsqu’on a croupi dans le crime. Nous montrerons dans la suite, que la révélation est d’accord avec la nature sur cet article ; et que tout ce que l’Écriture nous enseigne sur l’efficace de la grâce, sur les secours miraculeux de l’Esprit de Dieu, et sur les trésors de miséricorde qui nous sont ouverts sous l’Évangile, ne favorise en aucune manière le renvoi de la conversion. Enfin nous ferons nos efforts pour justifier par ce qui se voit tous les jours chez les pécheurs qui diffèrent de se convertir, ce que l’Écriture et la raison nous auront enseigné.
Ces réflexions auraient sans doute plus de force, jointes ensemble que séparées : j’aimerais à renvoyer un auditeur, persuadé, convaincu, comme accablé sous le poids d’un amas de raisons diverses. Mais nous devons proportionner l’étendue de nos discours à l’attention de ceux qui nous écoutent, et à notre propre faiblesse. Nous destinons trois sermons à ce grand sujet, et nous nous bornons aujourd’hui à la première partie. Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près. Ce sera donc désormais notre voix au milieu de vous. Elle retentira pendant cette heure dans cet auditoire. Si la providence nous appelle à remonter dans cette chaire, nous vous la ferons entendre encore : et si nous y remontons une troisième fois, nous vous crierons encore : Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près. Si un prédicateur chrétien était écouté avec attention, si l’on déférait à ses maximes, que cette voix changerait la face de cette église ! Que d’écailles l’on verrait tomber de nos yeux ! Que d’aveugles spirituels viendraient à recouvrer la vue ! Notre esprit, prévenu de passions et de préjugés, a besoin du secours céleste dans ses moindres méditations : mais j’attaque le pécheur dans son fort et dans son dernier retranchement ; j’ai besoin de ta force invincible, mon Dieu, et j’attends tout de ton secours. Amen.
Notre propre constitution, la nature de l’homme va nous fournir aujourd’hui des réflexions sur le renvoi de la conversion. Il est constant que nous portons dans nous-mêmes des qualités qui rendent la conversion difficile, et j’ose dire impossible, à mesure qu’elle est plus différée. Pour le comprendre, formez-vous une juste idée de la conversion, et reconnaissez que pour être en état de grâce, votre âme doit avoir deux dispositions. Elle doit être éclairée ; elle doit être sanctifiée. Elle doit connaître les vérités de la religion ; elle doit se soumettre à ses préceptes.
Premièrement, vous ne sauriez être en état de grâce, si vous ne connaissez les vérités de la religion. Ce n’est pas que nous vous proposions l’Évangile, comme une discipline qui ait pour but d’exercer la spéculation.
Nous ne voulons pas faire du chrétien un philosophe, ni accabler sa mémoire de mille et mille questions qu’on agite dans les écoles. Beaucoup moins voulons-nous mettre le salut au-dessus de la portée de ces génies bornés, qui n’étant capables que d’une légère attention, seraient hors d’état de se sauver, si le salut demandait des méditations trop profondes, et des recherches trop exactes. Cependant, vous ne sauriez contester que chaque chrétien ne soit obligé d’être instruit, à proportion des circonstances où la providence le place, et de la portion de génie qu’il a reçue du ciel. En un mot, un chrétien doit être chrétien, non parce qu’il a été élevé dans les principes du christianisme, et qu’ils lui ont été transmis par ses pères ; mais parce que ces principes sont émanés de Dieu.
Avoir des dispositions contraires, suivre une religion par entêtement et par préjugé, c’est renoncer, également et à la qualité d’homme, et à celle de chrétien ; et à celle de réformé : A la qualité d’homme qui, doué d’intelligence, ne doit jamais prendre parti sur des matières importantes, sans consulter cette intelligence qui lui a été donnée pour le guider et pour le conduire. A la qualité de chrétien ; car l’Évangile nous propose un Dieu que nous connaissons Jean 4.22 ; il veut que nous examinions avec soin toutes choses ; que nous retenions ce qui est bon 1 Thessaloniciens 5.21. A la qualité de réformé ; car c’est ici le fondement et le point capital de notre réformation, que la soumission à des docteurs humains est un esclavage indigne d’un chrétien que le Fils a affranchi Jean 8.36. L’examen, la connaissance, la lumière ; c’est la première partie de la religion, et la première voie, s’il faut ainsi dire, par laquelle on doit chercher l’Éternel.
La sanctification est la seconde. Les vérités que l’Écriture nous propose à croire et à examiner ne nous sont pas présentées pour fournir de vaines spéculations à l’esprit, et pour nourrir notre curiosité. Ce sont des vérités qui ont une influence nécessaire sur notre cœur et sur notre vie. Celui qui dit, je le connais et ne garde point ses commandements est un menteur 1jean.2.4. Vous êtes bienheureux si vous savez ces choses, et si vous les pratiquez Jean 13.17. La religion pure et sans tâche devant Dieu notre père, consiste à visiter les veuves et les orphelins dans leurs afflictions Jacques 1.27. Quand nous parlons de l’obéissance du chrétien, nous n’entendons pas quelque action passagère de piété. Nous entendons une soumission qui vienne d’un fonds de vertu ; en sorte que s’il se mêle quelque imperfection dans son obéissance, la piété soit toujours la disposition dominante dans son cœur, et que la vertu l’emporte sur l’injustice. Voilà la seconde disposition que nous devons revêtir pour être en état de grâce.
Ces choses étant ainsi établies, comme personne n’est en droit de les contester, on peut démontrer, ce me semble, par notre propre constitution, qu’une conversion différée doit être toujours suspecte, et quand on diffère de se convertir, on risque de ne se convertir jamais. Suivez-nous dans ces raisonnements.
Cela est vrai, premièrement à l’égard des lumières, qui sont essentielles à la conversion. Et ici, mes frères, nous voudrions que chacun de vous eût réfléchi sur sa constitution et sur sa nature ; qu’il eût considéré avec quelque attention la manière dont notre âme est unie avec notre corps, l’étroite liaison qui se trouve entre cette intelligence qui réfléchit au dedans de nous, et ce corps auquel cette intelligence est jointe. Car nous
ne sommes pas des esprits purs, notre âme est comme logée dans la matière ; et de la disposition de cette matière dépend le succès des efforts que nous faisons dans la recherche de la vérité, et par conséquent dans la religion.
Or, mes frères, tous les temps, tous les âges de la vie ne sont pas également propres à mettre notre corps dans cette heureuse situation, qui laisse à l’esprit la facilité de penser et de réfléchir. Les ressorts de notre cerveau s’usent avec les années, les sens s’émoussent, les esprits s’évaporent, la mémoire s’affaiblit, le sang se glace dans les veines, un voile ténébreux couvre toute la puissance de l’âme. De là cet assoupissement des vieillards ; de là ces difficultés à recevoir des impressions nouvelles ; de là ce retour des anciens objets ; de là cette obstination dans leurs sentiments ; de là ce défaut presque universel de compréhension et d’intelligence : au lieu que les gens d’un âge moins avancé ont ordinairement l’esprit aisé, la mémoire fidèle, la conception heureuse, l’âme docile. Si l’on attend donc à s’instruire des vérités de la religion, que l’âge ait glacé le sang, offusqué la raison, affaibli la mémoire, établi le préjugé et l’obstination, il est presque impossible qu’on soit en état d’acquérir ces lumières sans lesquelles notre religion ne saurait être agréable à Dieu, ni nous donner de consolation solide dans nos maux, et de motif suffisant dans nos tentations.
Si cette réflexion ne vous frappe pas assez, suivez l’homme dans tous les âges de la vie. L’amour du plaisir l’emporte dans les premières années, et les distractions du monde le détournent de l’étude de la religion. Les sentiments de la conscience se font entendre pourtant, malgré le son bruyant de mille passions, et lui disent qu’il faut avoir une religion pour avoir l’âme tranquille, ou se convaincre que la religion est une chimère. Que fait un homme dans cet état ? Il devient incrédule ou superstitieux. Il croit sans examen et sans discussion qu’il est logé au centre de la vérité, et que la religion de ses pères est la seule qui soit bonne, ou bien il n’envisage la religion que du côté des difficultés que les incrédules lui opposent, et emploie la force de son esprit à fortifier les difficultés et à éluder les preuves. Il éloigne ainsi la religion, pour échapper à la conscience ; et devient athée obstiné, pour être scélérat paisible.
Ainsi se passe la jeunesse ; le temps coule, les années s’accumulent, les idées se fortifient, ces impressions se gravent dans le cerveau, et le cerveau perd peu à peu cette souplesse dont nous vous parlions tout à l’heure.
Il vient un temps où les passions semblent s’amortir, et comme ces passions seules avaient rendu cet homme incrédule ou superstitieux, il semble que l’incrédulité et la superstition se sont évanouies avec elles. Nous voulons profiter de la circonstance, nous travaillons à dissiper ces illusions ; nous sommons cet homme de remonter jusques à la première source de ses erreurs ; nous parlons, nous prouvons, nous argumentons, mais tous nos soins sont superflus ; et comme il arrive ordinairement que les vieillards parlent du temps passé, et qu’ils se souviennent des faits qui les frappèrent dans leur jeunesse, au lieu que les faits récents ne laissent aucune trace dans leur mémoire, il arrive aussi que les anciennes idées roulent continuellement dans leur âme.
Cet esprit qui eût été très capable de connaître la vérité, il y a vingt ou trente années, s’il eût voulu la chercher, a perdu cette précieuse disposition ; il est devenu comme inaccessible à la force d’un argument et à l’évidence d’une preuve.
Allons encore plus loin : remarquons que non seulement notre esprit perd, avec les années, la facilité de discerner le mensonge d’avec la vérité, mais que lorsque, pendant un certain temps, il s’est formé l’habitude de ne se tourner que vers des objets sensibles, il est presque impossible qu’il s’attache à d’autres. Voyez cet homme qui, depuis un certain nombre d’années, ne s’est occupé qu’à débrouiller des comptes, qu’à examiner la nature du commerce, la prudence de ses associés, la fidélité de ses correspondants ; proposez-lui, par exemple, un problème de mathématiques, dites-lui qu’il cherche la cause d’un phénomène, le fondement d’un système, vous le mettrez dans un pays inconnu, vous exigerez l’impossible. Cependant l’esprit de cet homme qui trouve ces matières si difficiles, et l’esprit de ce philosophe qui y médite sans peine, sont formés à peu près de même ; toute la différence qui est entre ces deux hommes, c’est que le dernier s’est accoutumé à fixer son esprit sur des objets détachés des sens, au lieu que l’autre s’est plongé volontairement dans la matière, a enchaîné sa raison, et s’est rendu esclave du sensible. Lors donc qu’on a passé ses années dans ces sortes d’occupations sans tenir son esprit en haleine, la religion devient un abîme, la plus claire vérité devient un mystère, l’attention de l’esprit une gêne ; et, lorsque nous voulons fixer nos esprits, ils nous échappent malgré nous-mêmes.
Enfin le dernier inconvénient qui se trouve à différer l’étude de la religion, c’est une distraction, une dissipation qui naît des objets qui ont pris possession de nos esprits. Tous ces spectacles différents, que le monde présente à nos yeux, font de vives impressions sur nos âmes, et viennent se présenter à nous, lors même, que nous voulons les éloigner. De là vient que les grands emplois, les postes trop éminents, les affaires qui demandent une application trop profonde, ne sont pas ordinairement les plus compatibles avec le salut, non seulement parce que, lorsque nous sommes actuellement attachés à ces choses, elles nous dérobent un temps que nous devons à la piété, mais parce qu’elles nous suivent ensuite malgré nous-mêmes. Nous venons dans la maison du Seigneur avec nos bœufs, avec nos pigeons, avec nos projets, avec nos vaisseaux, avec nos lettres de change, avec nos titres, avec nos grandeurs, à l’exemple de ces profanes que Jésus-Christ chassa autrefois du temple de Jérusalem Jean 2.15. Il ne faut pas être philosophe pour sentir cette vérité, il n’en faut pour témoin que l’histoire de votre vie : combien de fois, renfermés dans vos cabinets pour examiner vos consciences, vos projets ont-ils interrompu vos méditations ? Combien de fois, prosternés en la présence de Dieu, avez-vous senti ce cœur, que vous veniez lui offrir, se dérober à votre piété, pour courir après les objets du monde ? Combien de fois, occupés à sacrifier à l’Éternel un sacrifice de pénitence, mille volées d’oiseaux sont venues troubler cette sainte cérémonie Genèse 15.11 ? Preuve évidente de la vérité que nous avançons. Tous les jours on voit de nouveaux objets, ces objets laissent des idées, ces idées se présentent à nous ; et notre âme limitée, ne pouvant fournir aux idées qu’elle a déjà et à celles qu’elle voulait acquérir encore, est hors d’état d’entrer dans l’examen de la religion ? Heureux qui, venu de parents raisonnables, instruit dans les saintes lettres dès son enfance, à l’exemple de Timothée, consacra les premiers jours de sa vie à l’étude de la vérité, et n’a plus dans son lit de mort et dans le temps de sa vieillesse qu’à recueillir les consolations que donne une religion magnifique dans ses promesses et incontestable dans ses preuves.
Nous conclurons donc, à l’égard de ce qu’il y a de spéculatif dans l’ouvrage de notre salut, que notre conversion devient plus difficile à mesure qu’elle est différée. Nous conclurons, à l’égard des lumières de la foi, qu’il faut chercher l’Éternel pendant qu’on le trouve, et l’invoquer tandis qu’il est près. Il faut étudier la religion tandis qu’on a l’esprit présent, la conception aisée ; il faut, tandis qu’on est jeune, s’accoutumer à s’élever au-dessus des choses sensibles, et remplir son âme des vérités de la religion, avant que le monde en occupe la capacité.
Mais cette vérité est susceptible d’une plus claire démonstration encore, lorsque l’on considère la religion par rapport au côté pratique ; et comme cette matière roule sur des principes auxquels on fait d’ordinaire peu d’attention, nous sommes obligés de vous donner cet avis avant toutes choses : c’est qu’il faut écouter avec attention, si vous voulez tirer du fruit de ce qui nous reste à vous dire. Il y a des sujets moins liés et qu’on peut reprendre, quoiqu’on ait eu l’esprit absent pendant quelque temps, celui-ci exige une méditation suivie, et c’est le perdre tout entier que d’en négliger la moindre partie.
D’abord, rappelez à votre mémoire ce que nous avons déjà insinué, que, pour être véritablement converti, il ne suffit pas de faire quelque acte d’amour de Dieu, il faut en avoir un fonds et un principe constant ; en sorte que, s’il s’y mêle quelque imperfection, cet amour soit pourtant toujours la disposition dominante dans notre cœur. Nous ne craindrions pas qu’aucun de vous nous contestât ce principe, si nous nous contentions de le proposer ici d’une manière vague et générale, et si nous n’avions dessein d’en tirer des conséquences directement opposées aux idées de quelques-uns et à la pratique de presque tous. Mais nous sommes fortement convaincus que dans la suite de ce discours, ne pouvant échapper aux conséquences qui vont suivre de ce principe, vous combattrez de nouveau le principe même, et que vous viendrez à nier ce que vous aviez déjà accordé. Ainsi nous n’irons point plus avant que nous ne soyons convenus de ce que nous devons croire sur ce point. Nous vous demandons, mes frères, si vous croyez qu’il soit nécessaire d’aimer Dieu pour être sauvé ? Nous avons de la peine à nous persuader que quelqu’un de ceux qui nous écoutent osât répondre que non ; du moins nous ne craindrions pas de dire avec beaucoup plus de fermeté sur cet article, que sur la nécessité d’acquérir des lumières pour être chrétien, que s’inscrire contre le devoir d’aimer Dieu, c’est renoncer à la qualité d’homme, qui nous oblige d’aimer notre bienfaiteur ; à la qualité de chrétien élevé dans une économie qui lance des anathèmes contre ceux qui n’ aiment point Jésus-Christ 1 Corinthiens 16.22 ; à la qualité de protestant ; car qui de vous peut ignorer comment tous les théologiens de notre communion unanimement se sont récriés contre la doctrine de Rome sur la matière de la pénitence ? Bien plus, lorsque quelques-uns des casuistes de cette communion osèrent soutenir que l’attrition seule conçue par la crainte des peines suffit pour absoudre un pécheur ; que la contrition n’est pas nécessaire ; qu’elle est même un obstacle à l’absolution ; qu’on n’est obligé d’aimer Dieu que les jours de fête, ou une fois tous les cinq ans ; que nous sommes dispensés du devoir pénible d’aimer Dieu, et que c’est le privilège de l’économie évangéliquea ; lors, dis-je, que ces casuistes osèrent soutenir ces maximes, tous les gens de bien s’irritèrent, le monde réformé pâlit, Rome même frémit d’horreur, et opposant maxime à maxime, docteur romain à docteur romain, elle mit dans la bouche d’un de ses enfants cette juste plainte : On viole le grand commandement qui comprend la loi et les prophètes ; on attaque la piété dans le cœur ; on ôte l’esprit qui donne la vie : le prix du sang de Jésus-Christ sera donc de nous dispenser de l’aimer.
a – Lettres provinciales, X.
Il n’y a plus aujourd’hui personne qui ose s’opposer ouvertement à ce grand article de notre foi, qu’on ne peut être converti sans avoir l’habitude de l’amour divin. J’entends bien véritablement certains bruits confus, qui reprochent à quelques autres théologiens d’affaiblir les fondements de la morale, sous prétexte d’établir la vérité de nos mystères ; mais je ne saurais me convaincre que l’église réformée nourrisse de pareils docteurs dans son sein ; et si, malgré l’évidence de
cette vérité, quelqu’un la combattait encore, ce n’est point à eux que je prêche ; Jésus-Christ nous défend de jeter les perles devant les pourceaux Matthieu 7.6, et je rougis pour les chrétiens qu’il faille s’arrêter à prouver des vérités si sensibles et si palpables.
Nous revenons à vous, mes frères, souvenez-vous que vous nous accordez cette proposition. Souvenez-vous, dans la suite de ce discours, que nous sommes convenus que, pour être converti, il faut avoir un fonds et une habitude d’amour pour Dieu.
Mais ce principe accordé, tout ce que nous avons à dire contre le renvoi de la conversion vase fonder de lui-même ; car toute la question se réduit à celle-ci : si à l’heure de la mort, si à l’extrémité de la vie, si dans un espace court et rapide on peut acquérir cette habitude de l’amour divin que nous convenons tous être nécessaire au salut. Si cette habitude peut s’acquérir dans un moment, nous ne prêchons plus contre vos délais ; vous êtes fondés en raison. Renvoyez, différez, attendez jusques à la fin, et, par une rare prudence, ne commencez à rechercher les plaisirs célestes que lorsque le monde vous quittera, et que vous vous serez gorgés de ses infâmes délices. Mais s’il faut du temps, du travail, de la peine pour former ce fonds d’amour pour Dieu, dont nous avons prouvé la nécessité, vous nous accorderez aussi qu’il y a de la folie à différer d’un seul moment un ouvrage si important ; que c’est l’excès de la fureur que d’attendre jusqu’à la mort pour y travailler, et que le prophète ne peut trop élever sa voix pour crier à tous ceux qui aiment leur salut : Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près.
Cela posé, nous établissons sur deux principes tout ce que nous avons à vous proposer sur cette matière. Premier principe. On ne peut acquérir une habitude, sans former les actes qui y ont du rapport. Le langage, par exemple, est une chose extrêmement composée. Pour parler, il faut que mille ressorts jouent dans notre corps ; il faut que mille mouvements forment la parole ; il faut que mille sons l’articulent. Tout cela est d’abord extrêmement difficile, et paraît même entièrement impossible. Il n’y a qu’un moyen unique pour acquérir cette habitude, c’est de persister à faire jouer ces ressorts, à articuler ces sons, à produire ces mouvements ; alors, ce qui est d’abord impossible devient surmontable ; ce qui est devenu surmontable se rend aisé ; ce qui était simplement aisé devient comme naturel : on parle avec une facilité inconcevable et qui serait incroyable, si elle n’était confirmée par l’expérience. Les esprits coulent dans les parties destinées à ces opérations, les canaux s’ouvrent, les obstacles s’écartent, la pente se fait ; comme une rivière dont on détournait les eaux avec effort, à force de bras et à l’aide de plusieurs machines, creuse la terre, se forme un lit, et va de son propre poids dans les lieux où l’on ne la conduisait qu’avec peine.
Second principe. Quand une habitude s’est enracinée, elle devient ou très difficile, ou impossible à corriger, selon les fondements qu’elle a jetés au dedans de nous : vous le voyez dans le corps humain ; qu’un homme, par distraction ou par indolence, laisse aller son corps à une mauvaise situation ; s’il continue, sa mauvaise situation fortifie, le corps prend son pli, ce défaut devient incorrigible ; c’était une négligence, c’est une nécessité ; c’était un défaut d’attention, c’est une imperfection devenue naturelle et insurmontable. Appliquons ces principes à notre sujet, et servons-nous en pour dissiper, s’il est possible, les illusions que les hommes se font sur leur conversion et sur leurs vertus. Les habitudes de l’esprit se forment comme les habitudes du corps ; les habitudes de l’esprit deviennent incorrigibles comme les habitudes du corps.
Premièrement donc, comme pour former une habitude du corps, il faut faire des actes qui s’y rapportent, aussi pour former les actes de la religion, l’amour de Dieu, l’humilité, la patience, la charité, il faut faire des actes de charité, de patience, d’humilité. On n’acquiert pas ces vertus dès qu’on s’y dévoue ; il ne suffit pas d’être sincère dans le dessein qu’on a de les suivre, il ne suffit pas d’en former tout-à-coup la résolution : il faut revenir à la charge, et par un retour continuel d’actions suivies et réitérées, acquérir ce fonds de vertu qui donne lieu de dire d’un homme qu’il est humble, patient, charitable, pénétré de l’amour divin. N’avez-vous jamais assisté à ces sermons touchants, pathétiques, et qui se faisaient jour à travers les cœurs les plus obstinés ? N’avez-vous jamais vu de ces auditoires tremblants, pâlissants et tout baignés dans leurs larmes ? N’avez-vous jamais vu de ces auditeurs pénétrés, consternés et résolus à changer de vie ? Et n’avez-vous jamais été surpris de voir, quelques moments ensuite, chacun retourner dans les mêmes vices dont il avait aperçu l’horreur, et négliger cette vertu qui lui avait paru si belle ? D’où vient un changement si prompt ? Quelle est donc la raison d’un spectacle qui semble démentir les notions que nous avons de l’esprit humain ? La voici : cette piété, cette dévotion, ces larmes venaient d’une cause étrangère, non d’une habitude formée par des actes réitérés, et d’un fonds acquis par le travail et par la peine ; la cause cessant, l’effet cesse, le prédicateur se tait, et la dévotion se termine, au lieu que les actions de mondanité, venant d’un fonds d’amour pour le monde, reviennent incessamment, comme un torrent retenu par une digue qui lui était opposée, reprend son cours irrégulier, s’élance avec impétuosité dès que la digue est ouverte.
Il y a plus. Non seulement il faut faire des actes de piété pour acquérir des habitudes de piété, mais il en faut faire un plus grand nombre, qu’il ne faut d’actes de vices pour en former une habitude vicieuse. La raison de cela, mes frères, la pouvez-vous ignorer ? Qui ne la sent au dedans de soi ? Je la porte dans mon malheureux cœur, je la connais par de tristes preuves de sentiment et d’expérience. Cette raison est que les habitudes du vice se trouvent conformes à notre inclination naturelle. Elles se trouvent toutes formées au dedans de nous, par ce germe de corruption que nous apportons en venant au monde. Nous sommes conçus dans le péché et formés dans l’iniquité Psaumes 51.7. On fait des progrès rapides dans la carrière du vice. On parvient sans peine à la perfection dans le métier de l’iniquité. Un court noviciat suffit pour être maître dans l’école du monde et du démon ; et il n’est point étonnant qu’un homme soit tout-à-coup luxurieux, avare, vindicatif, parce qu’il porte dans son cœur les principes de tous ces vices.
Mais les habitudes de la vertu sont directement opposées à notre constitution. Elles combattent nos inclinations ; elles choquent tous nos penchants ; elles font, s’il faut ainsi dire, violence à notre nature, et nous avons une double tâche quand nous voulons devenir chrétiens. Il faut édifier, il faut abattre. Il faut abattre l’édifice de la corruption, avant que d’édifier celui de la grâce. Il faut porter le coup mortel au vieil homme, avant que d’édifier l’homme nouveau. Et comme ces Israélites qui relevaient les murs de Jérusalem, il faut travailler l’épée dans une main, et l’équerre dans l’autre Néhémie 4.17 : également appliqués à produire ce qui n’est point, et à renverser ce qui est déjà.
Telle est la manière, telle est l’unique manière dont nous pouvons espérer que la piété se formera au dedans de nous, par un travail opiniâtre, par des actes réitérés, par une vigilance continuelle. Or qui est-ce, qui est-ce de vous qui peut entrer dans cette pensée, et ne pas apercevoir la folie de ceux qui diffèrent leur conversion ? On s’imagine que l’exhortation d’un pasteur, que l’idée de la mort, qu’une résolution subite, pourront former tout-à-coup les vertus au dedans de nous. Mauvaise philosophie ; extravagance du pécheur ; illusion de l’amour-propre ; imagination qui renverse tout le système de notre corruption originelle, et tout le mécanisme du cœur humain. J’aimerais autant voir un homme qui voudrait jouer parfaitement d’un instrument, sans avoir été formé à cet art par l’assiduité et par le travail. J’aimerais autant un homme qui voudrait parler une langue sans en avoir étudié les mots, sans avoir surmonté, par la peine et l’exercice, la difficulté de la prononciation. Celui-ci ne ferait qu’un langage barbare, sujet à la dérision et inintelligible : l’autre ne formerait que des sons bizarres, sans douceur et sans harmonie. C’est la folie du pécheur qui veut devenir pieux, humble, charitable, patient, détaché du monde sur-le-champ, et dans un moment, par un simple désir de l’âme, sans avoir acquis ces vertus par les soins et par l’exercice. Toutes les actions de piété que vous en verrez émaner, ne seront que des mouvements qui partent d’un cœur touché véritablement, mais non converti. Sa dévotion est un zèle indiscret, qui veut usurper le royaume des cieux, et non le forcer à la manière des violents. Sa confession est un aveu arraché par la torture que le Tout-Puissant lui fait subir, par le bourrellement de la conscience, et non par les mouvements d’un cœur saintement contrit. Sa charité est extorquée par les terreurs de la mort, et par les horreurs de l’enfer. Dissipez cette crainte, adoucissez cette gêne, faites cesser ces horreurs ; vous ne verrez plus de zèle, plus de charité, plus de pénitence, et ce cœur, habitué dans le crime, reprendra sa première pente. C’est ce qui suit de notre premier principe. Voici ce qui résulte du second.
Nous avons dit que plus une habitude est enracinée, plus elle devient difficile à corriger, et même tout à fait insurmontable lorsqu’on lui laisse prendre un trop grand empire. Ce principe nous fournit une nouvelle réflexion, contre la conduite du pécheur qui diffère de se convertir : réflexion importante, et que nous voudrions graver dans l’âme de ceux qui nous écoutent. Comme dans les commencements on pèche avec liberté, en sorte qu’on pourrait s’en abstenir, si l’on voulait se faire violence, on se flatte de pouvoir conserver cette précieuse liberté, et déraciner le vice de son cœur, dès qu’on voudra en former la résolution. Mauvaise philosophie encore ; autre illusion de l’amour-propre ; nouvel appât dont le démon se sert pour nous attirer. Car quand nous avons persisté dans un vice, quand nous y avons vieilli, quand nous avons différé pendant une longue suite d’années de nous corriger, le vice s’empare de nos cœurs, et nous n’en sommes plus les maîtres.
Vous voulez vous convertir, dites-vous ? Et quand prétendez-vous faire cet ouvrage ? Demain sans plus différer. Mais n’êtes-vous pas extravagant de renvoyer jusqu’à demain ? Aujourd’hui vous vouliez l’entreprendre : vous avez frémi, eu voyant combien de travaux il fallait employer, combien de peines il vous fallait surmonter, combien de victoires il vous fallait remporter sur vous-même. Vous détournez vos yeux de cet objet, vous voulez encore aujourd’hui suivre vos penchants, laisser courir votre esprit après les objets sensibles, vous abandonner à vos passions, satisfaire votre concupiscence, et demain vous rappellerez vos réflexions, dites-vous, vous citerez vos mauvais désirs devant le tribunal de Dieu, vous leur prononcerez leur sentence. Sophisme de l’amour-propre, qui porte avec lui sa réfutation : car si ce penchant formé jusqu’à un certain point vous paraît aujourd’hui invincible, comment ne le serait-il pas demain, puisqu’aux actes des jours passés, vous voulez ajouter ceux de ce jour ? Si la seule idée, si la seule pensée du travail vous force à vous éloigner aujourd’hui, comment ne succomberez-vous pas demain sous le travail même ?
Il y a plus. Il suit de ces réflexions une conséquence qui paraîtra inouïe, sans doute, à ceux qui ne sont pas accoutumés à voir la suite d’un principe ; mais qui convaincra, peut-être, ceux qui savent faire usage de leur raison, et qui ont un peu de connaissance de l’homme. Il me semble donc que comme les habitudes ne se forment que par les actes, aussi lorsque les habitudes ont vieilli jusqu’à cet âge où le cerveau a acquis une certaine consistance, il ne suffit pas pour les corriger d’interrompre les actes qui les avaient formées.
Cela serait suffisant dans cet âge tendre, où le cerveau, flexible encore, est porté, par sa propre constitution, à prendre ses impressions avec la même facilité qu’il avait eue à les former, dans cet âge, dis-je, il suffit de cesser d’agir pour déraciner l’habitude. Mais lorsque le cerveau est parvenu à ce degré de consistance dont nous venons de parler, la seule suspension des actes ne suffit point pour déraciner l’habitude ; parce que par sa propre constitution, il est porté à demeurer dans l’état où il se trouve et à conserver les impressions qu’il a reçues. Un jeune homme oubliera facilement une langue qu’il a apprise, s’il cesse de la parler pendant quelques années ; mais un homme qui dans un âge plus avancé la possède parfaitement, peut s’assurer qu’il ne l’oubliera jamais, quand il passerait plusieurs années sans la cultiver. Cette différence vient de la réflexion que nous avons faite ; c’est que quand le cerveau est tendre encore il perd ses impressions avec la même facilité qu’il avait eue à les former : au lieu que quand il acquiert une certaine consistance, il est porté de lui-même, à les conserver.
Lors donc que l’homme a croupi dans le vice pendant un certain espace de temps, il ne lui suffit pas, pour se corriger, de cesser d’agir ; il ne lui reste qu’un moyen unique, c’est de faire des actes contraires à ceux qui avaient formé sa mauvaise habitude. Supposons, par exemple, un homme qui a croupi vingt années dans l’avarice, faisant dix actes d’avarice chaque jour. Supposons ensuite que cet homme veuille se corriger, qu’il donne dix années à cet ouvrage, qu’il fasse chaque jour de ces dix années dix actes de charité opposés à son avarice : ces dix années (à ne considérer les choses que dans le cours de la nature, car nous admettons des secours intérieurs et surnaturels dans la conversion du pécheur, et nous le prouverons dans nos actions suivantes), ces dix années suffiront-elles pour déraciner parfaitement l’avarice de cet homme ? Cela semble contraire à des principes certains. Vous l’avez entendu ; les habitudes fortifiées jusqu’à un certain degré, et continuées jusqu’à un certain âge, ne se corrigent que par un nombre d’actes contraires, et proportionnés à ceux qui les avaient formées. L’homme que nous supposons a passé vingt années dans l’exercice de l’avarice, il n’en a passé que dix dans l’exercice de la charité, ne faisant que dix actes de cette vertu chaque jour, pendant le cours de ces dix années, il est arrivé à cet âge où l’on n’a plus de facilité à recevoir des impressions nouvelles. Donc on ne peut affirmer, ce me semble, que ces dix années suffisent pour déraciner parfaitement cette habitude de son cœur. Après cela, pécheurs, demeurez dans vos habitudes, vieillissez dans le crime, entassez mauvaises œuvres sur mauvaises œuvres, et flattez-vous de corriger par un soupir, par un élan, par une larme, sans peine, sans contention, des habitudes invétérées. Telles sont les réflexions auxquelles l’idée de notre constitution nous engage, par rapport au renvoi de la conversion. On y fera diverses objections qu’il est important de résoudre.
On nous dira que nos principes sont détruits par l’expérience ; que nous voyons tous les jours des personnes qui ont vécu une longue suite d’années dans une habitude, et qui y renoncent incontinent, sans former des actes réitérés de la disposition contraire. Le fait est possible, il est même incontestable. Il arrive dans cinq cas, qui étant bien examinés seront reconnus ne porter aucune atteinte à ce que nous venons d’établir.
1. Un homme qui a toute la force de son esprit, peut par un effort de réflexion s’arracher à une mauvaise habitude, je l’avoue ; mais nous avons prévenu l’objection qu’un cas pareil semble faire naître. Nous avons pris soin d’anticiper et de ramener plusieurs fois notre solution. Nous ne parlerons que de ceux qui, étant parvenus à un âge plus avancé, ont perdu la facilité d’acquérir des dispositions nouvelles. Avez-vous vu des personnes de soixante ou de soixante et dix années renoncer à l’avarice, à l’orgueil, à quelque passion favorite, à quelque préjugé de famille ?
2. Un homme placé dans une circonstance inespérée, à la vue d’une catastrophe extraordinaire, pourra changer tout-à-coup une habitude, je l’avoue ; mais cela ne détruit point nos principes. Nous n’avons pas embrassé dans nos réflexions certaines circonstances extraordinaires, que la providence peut susciter pour bouleverser un pécheur. Quand nous disons que pour corriger une habitude invétérée, il faut un nombre d’actes qui ait quelque proportion avec celui qui l’avait formée, nous supposons une égalité d’impression dans ces actes ; nous supposons que chacun des actes qui formèrent l’habitude soit égal à celui qu’on oppose pour la détruire.
3. Un homme peut changer tout-à-coup une habitude, par des réflexions nouvelles, à l’ouïe de certaines vérités qu’il avait toujours ignorées, je l’avoue encore ; mais cet exemple ne prouve rien contre nous. Nous parlions d’un chrétien né dans le sein de l’église, nourri dans le christianisme ; d’un chrétien qui a réfléchi mille et mille fois sur les vérités de la religion, et à qui l’on a mille et mille fois proposé les motifs de conversion et de pénitence ; mais qui s’y étant endurci ne peut plus entendre de choses nouvelles sur cet article.
4. Un homme peut changer tout-à-coup une mauvaise habitude par l’affaiblissement de ses facultés, je l’avoue ; mais ce changement a-t-il quelque rapport à renouvellement que Dieu demande de nous ? Dans le cas qu’on nous oppose, l’effet du crime s’évanouit, mais le principe du crime demeure. Un acte particulier de la mauvaise habitude cède à la nécessité et à l’impuissance, mais le fonds de l’habitude même subsiste, et occupe l’homme tout entier.
Enfin un homme dont la vie a été un combat perpétuel de la vertu avec le vice, mais chez qui le vice a le plus souvent triomphé que la vertu, un tel homme peut tirer d’une maladie mortelle des secours pour se convertir entièrement. Il y a de l’équivoque dans la question, s’il est difficile ou impossible de se convertir au lit de mort, parce qu’entre un homme non converti, et un autre non converti, il y a souvent une immense distance, en sorte que tel n’a qu’un pas à faire pour arriver de la non-conversion à la conversion, s’il est permis de parler ainsi, au lieu que l’autre à de grands espaces à parcourir. L’homme que nous avons indiqué, celui qui avait fait assez de progrès, non pour être un vrai régénéré, mais pour approcher de la régénération, un tel homme pourra peut-être se changer dans un instant : mais comment celui qui a consumé sa vie dans l’ignorance ou dans le vice, pourrait-il fournir un si grand ouvrage dans quelques jours, ou dans quelques heures ? Cette première objection n’a donc point de force c’est ce qu’il fallait prouver.
On nous en proposera une seconde. On nous dira que ce principe prouve trop ; que si l’on ne peut être sauvé sans avoir un fonds et une habitude de vertu ; si cette habitude ne peut s’acquérir que par un grand nombre d’actes réitérés, on doit exclure du salut les pécheurs le plus vivement contrits, après qu’ils ont croupi dans le vice, et qu’il n’ont plus un temps suffisant pour former un contre-poids à la force de l’habitude continuelle.
Cette difficulté s’offre naturellement à l’esprit, mais la solution que nous opposons n’est pas bien du ressort de ce discours ; nous y répondrons mieux dans nos actions suivantes, quand nous puiserons nos arguments dans l’Écriture. Nous vous dirons alors que quand un pécheur gémit dans le sentiment de sa corruption, et qu’il a un désir sincère de se convertir, Dieu l’assiste de son secours, et lui donne des forces surnaturelles pour surmonter son mauvais penchant. Mais nous vous ferons voir en même temps, que bien loin que cette pensée favorise le renvoi de la conversion, il n’y en a point de plus propre à épouvanter une âme qui prend ce parti funeste. Car, mes frères, notre théologie et notre morale se donnent mutuellement la main, et s’établissent l’une sur l’autre. Il y a un sage milieu entre l’hérésie, et je ne sais quelle orthodoxie outrée et contradictoire ; et comme c’est une très mauvaise maxime pour établir les préceptes de Jésus-Christ, que de renoncer à ses dogmes, c’est aussi une pratique très pernicieuse de faire brèche à ses préceptes, pour fortifier ses dogmes.
Le secours de l’esprit de Dieu, et l’idée de notre impuissance naturelle, sont les motifs les plus puissants qui nous portent à travailler sans délai à notre conversion. Car s’il dépendait de vous de vous convertir lorsque vous aurez croupi dans le vice, si votre propre cœur était en votre puissance, si vous aviez assez de pouvoir sur vous-même pour vous sanctifier dès que vous voudrez l’entreprendre, vous auriez quelque raison de vous flatter dans vos délais. Mais votre conversion ne pouvant être produite que par une cause étrangère, que par le secours de l’esprit de Dieu, secours qu’il vous refusera probablement, après que vous aurez méprisé sa grâce, et que vous l’aurez outragé avec obstination et avec malice, vous ne sauriez fonder aucune espérance raisonnable sur cet article.
On tirera une troisième objection de cela même, que nous avons avoué qu’une catastrophe extraordinaire peut changer tout-à-coup un homme. Sur ce principe, on nous opposera que l’idée d’une mort prochaine peut faire des impressions pour détromper un pécheur, que les voiles de la corruption levés aux extrémités de la vie, une âme peut s’abandonner tout-à-coup aux suggestions de la conscience ; comme un homme qui aurait marché avec précipitation, les yeux fermés vers un précipice, viendrait à rebrousser chemin, si quelqu’un lui ôtait le bandeau fatal qui lui dérobait la vue du péril où il allait se jeter.
C’est ici où je vous attendais, mes frères. C’est donc le temps de la mort, sur lequel vous appuyez vos espérances ? Et nous prétendons vous prouver que, bien loin que ce soit le plus propre à la conversion, c’est précisément celui qui y est le plus contraire. Les réflexions que nous faisons sur ce sujet sont d’autant plus propres à frapper nos esprits, que les premières demandaient quelque pénétration, au lieu qu’il suffit d’avoir des yeux pour sentir la solidité de celles-ci.
Nous ne voulons pas nier absolument la possibilité du fait sur lequel l’objection est fondée. Nous avouons qu’un qui homme dans une grande liberté d’esprit voit tomber cette maison de poussière, et envisage la mort avec des yeux attentifs, peut entrer dans les dispositions que l’on propose. La mort envisagée de près nous fait connaître le monde ; elle nous découvre sa vanité, son vide, son néant. Un homme qui n’a plus que quelques moments à vivre, qui voit que son crédit, que ses biens, que ses titres, que ses grandeurs, que le monde universel ligué pour son secours, ne sauraient le soulager ; un homme dans cet état connaît mieux la vanité du monde que les plus grands philosophes, que les plus sévères anachorètes ; ainsi il peut en détacher son cœur. Nous accordons que ce fait soit possible ; nous voulons même que la Divinité, contente de cette conversion, satisfaite d’une âme qui ne se donne à la vertu que lorsque les occasions du vice lui sont enlevées, reçoive un pareil pécheur aux extrémités de la vie ; il est pourtant certain que toutes ces suppositions, bien loin de favoriser le renvoi de la conversion, en démontrent l’extravagance.
Comment se fonder sur ce qui doit arriver à l’heure de la mort ? De combien de difficultés n’est pas susceptible cette illusoire supposition ; je mourrai dans un lit, calme, tranquille ; j’aurai de la conception, de la présence d’esprit ; je me servirai de ces dispositions pour déraciner le vice de mon cœur, et pour y établir le règne de la justice ?
Car, premièrement, qui est-ce qui vous est garant que vous mourrez de cette manière ? A combien d’accidents sinistres, à combien d’événements tragiques, n’êtes-vous pas exposés ? Toutes les créatures, tous les corps qui vous environnent ne menacent-ils pas votre vie et votre santé ? Si vous fondez l’espérance de votre conversion sur une supposition de ce genre, vous devez craindre tout l’univers. Êtes-vous dans votre maison ; vous devez craindre qu’elle ne s’éboule, et que sa chute ne renverse votre projet. Êtes-vous en plate campagne ; vous devez craindre que la terre n’ouvre ses antres sous vos pieds pour vous engloutir, et ne trompe ainsi votre attente. Êtes-vous sur les eaux ; vous devez craindre de voir dans chaque flot un messager de mort, émissaire de la justice Divine, et vengeur de vos froideurs et de vos délais. Dans toutes ces craintes bien fondées, quelle tranquillité pouvez-vous goûter ? Et si quelques-uns de ces accidents vous surprennent, dites-nous que deviendra votre folle prudence ? Qui est-ce qui fera pour vous cette étude de la religion que vous avez négligée ? Qui est-ce qui versera pour vous des larmes de pénitence ? Qui est-ce qui éteindra pour vous le feu dévorant de la justice divine, embrasé contre vos crimes et prêt à vous consumer ? Est-ce une chose inouïe qu’une mort tragique ? Quelle année se passe qui ne soit signalée par quelqu’une ? Quelle campagne finit qui n’en produise sans nombre ?
En second lieu : nous supposons que vous mourrez d’une mort naturelle. N’avez-vous jamais vu de mourants ? Trouvez-vous qu’on soit bien en état de penser et de réfléchir, lorsqu’on est entre les bras de ces messagers de la mort, qui nous annoncent sa venue ? lorsqu’on est livré à ces douleurs cuisantes et insupportables, qui mettent l’âme hors de son assiette naturelle ; à ces assoupissements, qui hébètent les esprits les plus vifs et les génies les plus perçants ; à ces léthargies profondes qui rendent inutiles les motifs les plus puissants, et les exhortations les plus pathétiques ; à ces rêveries fréquentes qui présentent des fantômes et des chimères, et qui remplissent l’âme de mille terreurs paniques ? Mes frères, aimerons-nous toujours à nous séduire nous-mêmes ? Regarde, chrétien insensé, regarde ce corps pâle et exténué, regarde ce cadavre mouvant encore ; où est le génie assez fort pour se rappeler à soi-même dans ces tristes circonstances, et pour exécuter des projets chimériques de conversion ?
En troisième lieu : nous voulons bien supposer que par une faveur singulière du ciel, vous ayez une de ces maladies qui conduisent insensiblement à la mort, sans en faire ressentir les horreurs : en serez-vous mieux disposés à vous convertir ? Ne sommes-nous pas tous les jours les tristes témoins de ce qui se passe dans ces occasions ? Des amis, une famille, l’amour-propre, tout conspire à nous faire bien augurer de l’issue de notre mal, lorsqu’il n’est pas désespéré : comme nous ne croyons pas que ce soit encore le moment de notre mort, nous ne croyons pas aussi que ce doive être celui de notre conversion. Après avoir disputé à Dieu les beaux jours de notre santé, nous regretterions encore ce qu’il y a de doux dans les moments de notre maladie ; nous voudrions qu’il reçût notre âme précisément et à point nommé, lorsqu’elle est déjà sur le bord de nos lèvres. Nous espérons de vivre, l’espérance enflamme le désir : le désir de vivre enracine de plus en plus l’amour que nous avions pour le monde, et l’amour du monde est inimitié contre Dieu Jacques 4.4. Cependant le malade s’exténue, le mal fait son cours, le corps s’affaiblit, l’esprit se confond, et la mort arrive avant même qu’on ait bien pensé que l’on est mortel.
Enfin supposez-vous dans les circonstances les plus heureuses, dans un lit de mort, tranquilles, paisibles, sans douleur, sans assoupissement, sans délire, sans léthargie ; supposez même que, dépouillant le préjugé et l’espérance chimérique de retourner au monde, vous connaissiez que votre fin est prochaine. Je demande, la seule pensée de la mort, la seule idée qu’il faut mourir dans peu de temps, n’est-elle pas capable de troubler votre raison, et de vous ôter cette liberté qui est si nécessaire pour travailler au grand ouvrage de votre salut ? Un homme qui a vécu plongé dans les plaisirs du siècle, occupé de ses soins, partisan de ses maximes, verra-t-il, sans frémir et sans se troubler, ses desseins avortés, ses espérances fauchées, ses projets déconcertés, la figure du monde disparaissant à ses yeux, les trônes dressés, les livres ouverts, et son âme citée devant le tribunal du souverain juge du monde ? C’est une réflexion qu’on a souvent occasion de faire, lorsqu’on est appelé à assister des mourants ; c’est que ceux qui ont les plus grandes douleurs, ne sont pas toujours les plus troublés en leur esprit : quelque violent que soit leur état, ces douleurs remplissent la capacité de leur âme, et les empêchent par cela même de fixer les yeux sur l’objet qui leur est le plus formidable, l’image d’une mort prochaine. Mais un homme qui se voit mourir, et qui envisage la mort sans être distrait par aucune douleur ; un homme qui dans cet état voit la mort telle qu’elle est, souffre quelquefois des maux plus violents que ceux de la plus violente agonie.
Que dirai-je de ce nombre infini d’occupations que cette heure fatale traîne après elle ? Il faut appeler les médecins, faire des consultations, s’efforcer à soutenir cette maison qui s’éboule. Il faut régler une succession, faire un testament, donner des soupirs au monde, pleurer sa famille, embrasser ses amis, s’arracher à soi-même. Est-il temps alors, est-il temps parmi tant d’objets touchants, au milieu du tumulte de tant de mouvements bruyants, est-il temps d’examiner la religion, de repasser sur les circonstances d’une vie qui va finir, de restituer un bien mal acquis, de réparer la réputation de son prochain qu’on avait ternie, de faire pénitence, de refondre son cœur, et de peser tous ces grands motifs qui nous portent à la vertu ? Mes frères, quand on se donne tout entier à ce grand ouvrage, quand on y emploie toute la force de son tempérament, toute la pénétration de son génie ; quand on y emploie sa vie, à peine y peut-on suffire : et comment un esprit occupé, distrait, troublé, pourrait-il en venir à bout ? Ainsi cette troisième difficulté s’évanouit comme d’elle-même ; ainsi nous pouvons tenir pour constants les principes que nous avons posés, et les conséquences que nous en avons tirées. En voici tout le précis en deux mots.
Nous avons dit d’abord ce que c’est qu’être en état de grâce : nous l’avons rapporté à deux idées, à la lumière et à la sanctification. Nous avons tiré de ces deux idées deux sortes de réflexions contre le renvoi de la conversion ; nous avons dit qu’en la différant, on la rend très difficile à l’égard des lumières.
Premièrement, parce que le cerveau perd avec le temps la facilité de penser et de réfléchir.
Secondement, parce qu’il prend l’habitude de ne se tourner que vers les objets sensibles.
Troisièmement, parce qu’il se remplit d’idées étrangères qui l’occupent, qui le suivent et qui le détournent de l’étude de la religion.
Nous vous avons dit, en deuxième lieu, que la conversion devient difficile à l’égard de la sainteté, et de cette habitude de l’amour divin dont nous avons prouvé la nécessité : nous nous sommes fondés sur deux principes, pour vous faire sentir ces difficultés.
Le premier était la manière dont les habitudes se forment, savoir par des actes réitérés : ce qui montre qu’on ne saurait acquérir dans un moment l’habitude des vertus chrétiennes ; habitude d’autant plus difficile à contracter, qu’elle est contraire à nos penchants, et qu’elle fait violence à notre nature.
Notre second principe était que les habitudes deviennent incorrigibles à mesure qu’elles vieillissent : ce qui fait encore voir l’extravagance d’un homme qui, étant résolu de se convertir, augmente par les renvois la difficulté de sa conversion.
Nous avons répondu à trois difficultés qui semblent détruire ces principes. La première était tirée de quelques cas particuliers que nous avons prouvé n’avoir aucun rapport avec celui d’un homme vieilli dans ses habitudes.
La seconde était prise des secours surnaturels dont les chrétiens sont assistés ; nous avons dit que par cela même, que nous ne pouvions pas nous sanctifier sans l’assistance du Saint-Esprit, il y avait de la folie à l’irriter.
La troisième était tirée des changements subits que peut causer l’idée d’une mort prochaine. Nous avons tâché de vous prouver que le temps de la mort, bien loin d’être propre pour la conversion, est directement opposé ; parce que personne ne peut savoir quel sera son genre de mort ; parce que les douleurs, les assoupissements, les léthargies, mettent des obstacles invincibles à cet ouvrage ; parce que le penchant qui nous porte à nous flatter, nous oblige souvent à renvoyer notre conversion de la maladie à la mort, comme nous l’avions renvoyée de la santé à la maladie ; parce que l’idée seule de la mort épouvantant la conscience, la met hors d’état de travailler à son salut. Voilà le précis de ce discours.
Nous sommes très convaincus que ceux de vous qui savent raisonner, ne nous contesteront point ces principes : je dis ceux qui savent raisonner, car il n’est pas possible que parmi deux ou trois mille personnes, il ne se trouve des esprits bizarres qui démentent les vérités les plus claires et les plus palpables. S’il y avait parmi ceux qui nous écoutent de ces personnes, qui croient l’homme capable d’opérer sa conversion par ses propres forces, ce ne serait pas à eux à condamner nos principes, et ils ne seraient pas en droit de nous faire des difficultés. Si vous êtes orthodoxes, comme nous le supposons, vous ne sauriez vous inscrire en faux contre ce que nous venons d’établir. Nos maximes ont été fondées sur les dogmes de la plus rigide orthodoxie, sur l’impuissance de l’homme, sur la nécessité de la grâce, sur la corruption originelle, et sur diverses objections que nos plus vénérables docteurs ont opposées au système des casuistes relâchés. Ainsi, comme j’ai dit, personne de vous n’est en droit de contester la doctrine que nous venons de vous enseigner : hérétiques, orthodoxes, tout le monde est engagé à la recevoir, et vous n’avez rien à y opposer. Mais nous, mes frères, nous avons plusieurs conséquences à en tirer : conséquences tristes, effrayantes, mais conséquences justes pourtant, et dignes de votre attention.
Premièrement vous devez réduire en pratique l’idée que nous avons donnée de la conversion, et particulièrement cette réflexion que nous avons tâché de vous inculquer ; c’est que pour être véritablement converti, il ne suffit pas de faire quelqu’acte d’amour de Dieu, qu’il faut que cet amour soit la disposition dominante de notre cœur. Cette idée doit corriger toutes celles que vous avez d’une bonne mort ; car on ne connaît pas ces choses dans le monde, et l’on ne veut pas les connaître. Il y a même des visionnaires qui se scandalisent lorsqu’on presse ces grandes vérités de la religion, qui voudraient répandre leurs folles erreurs dans l’église, et qui ne cessent de crier à l’ouïe de ces maximes : Prenez garde à vous, chrétiens, on ébranle les fondements de la foi, il y a du venin dans cette doctrine.
Mes frères, si c’était là un sujet moins grave et moins sérieux, on ne pourrait pas s’empêcher de tourner en | ridicule de pareils scrupules. En effet, prenez garde à vous, il y a du venin : on veut vous porter à aimer Dieu de tout votre cœur ; on veut vous porter à lui consacrer toute votre vie ; on veut vous porter à ne pas différer de vous convertir, à vous préparer à une sainte mort par un exercice continuel de piété et de pénitence. Ne vous semble-t-il pas qu’il faille beaucoup de précaution contre une pareille doctrine, et que l’Église serait dans un état bien déplorable si tous ses membres revêtaient ces dispositions ? Mais, comme nous venons de dire, c’est là un sujet trop grave et trop sérieux pour donner lieu à la raillerie.
Mes frères, si quelqu’un vous annonce autre chose que ce qui vous a été enseigné, qu’il soit anathème Galates 1.9 ; si l’on veut porter atteinte à ces vérités que les auteurs sacrés vous ont laissées dans leurs écrits, que vos pères vous ont transmises, que vous avez scellées, quelques uns de votre sang, presque tous du sacrifice de vos biens et de votre fortune ; si quelqu’un veut y porter atteinte, que les docteurs réfutent, que le glaive ecclésiastique coupe, perce, retranche ; anathème encore un coup à ce téméraire. Mais aussi pensez que le but de toutes ces vérités, c’est de vous porter à aimer Dieu. Cela est si nécessaire, que nous ne faisons point difficulté de vous dire que si parmi les diverses sectes du christianisme, il y en avait quelqu’une qui fût plus propre que votre religion à vous rendre gens de bien, il faudrait abandonner celle-ci pour s’attacher constamment à l’autre. Une des premières raisons qui nous doivent faire respecter les dogmes d’un Dieu incarné, des secours intérieurs, immédiats, surnaturels du Saint-Esprit, c’est qu’il n’y a rien au monde de plus propre à serrer les liens de notre amour envers Dieu.
Revenez donc de vos préjugés ; épurez vos idées, et apprenez ce que c’est qu’une bonne vie et une bonne mort. On se flatte, on se perd, on renonce à la lumière volontairement sur ces articles. On s’imagine que pourvu qu’on ait donné un soin modique à la dévotion dans le cours ordinaire de sa vie, et qu’aux approches de la mort l’âme se soit soumise à la volonté de Dieu qui l’appelle à sortir du monde, on s’imagine avoir fourni dignement sa carrière, avoir combattu le bon combat, et n’avoir plus qu’à mettre la main sur la couronne de justice. Il ne doit pas craindre la mort, dit-on, d’un pareil chrétien, c’était un bon Israélite, c’était un honnête homme, il vivait moralement bien. Mais que veut dire ce langage, il vivait moralement bien ? Phrase aussi barbare dans l’expression qu’erronée dans le sens ; car si ces paroles, il vivait moralement bien, signifient quelque chose, c’est qu’un homme a rempli les devoirs de la morale. Mais rendra-t-on ce témoignage à l’homme que nous venons de dépeindre, à un homme qui s’est contenté d’éviter les crimes qu’on note d’infamie dans le monde, mais qui du reste n’a eu ni ferveur, ni zèle, ni patience, ni charité ? Est-ce là ce que vous appelez vivre moralement bien ? Mais quelle est donc la morale qui vous prescrit une voie si large ? Ce n’est pas la morale de Jésus-Christ. La morale de Jésus-Christ vous prêche partout le silence, la retraite, le détachement du monde ; la morale de Jésus-Christ veut que vous soyez miséricordieux, comme Dieu est miséricordieux Luc 6.36 ; que vous soyez parfaits comme votre père qui est dans les deux est parfait Matthieu 5.48 ; la morale de Jésus-Christ veut que vous aimiez Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toute votre pensée Matthieu 22.37, et que si vous ne pouvez pas parvenir à ce degré de perfection sur la terre, vous fassiez des efforts continuels pour y arriver. Voilà ce que prescrit la morale de Jésus-Christ. Mais la morale dont on parle, c’est la morale du monde, c’est la morale du démon, c’est la morale de l’enfer. Avec une pareille morale, soutiendrez-vous le jugement de Dieu ? Fléchirez-vous sa justice ? Fermerez-vous l’enfer ? Ouvrirez-vous les portes de l’éternité ? Ah ! formons-nous d’autres idées de la religion. Il y a une distance infinie entre ce qu’on appelle un honnête homme dans le monde, et un bon chrétien ; et si l’amour de Dieu n’a pas été le principe dominant dans nos cœurs, tremblons, frémissons, ou plutôt travaillons à nous réformer. Voilà la première conclusion que nous devons tirer de ce discours.
La seconde roule sur tout ce que nous avons dit par rapport à la force des habitudes, aux moyens de corriger les mauvaises et d’en acquérir de bonnes. Souvenez-vous que toutes ces choses ne se font pas en un moment ; souvenez-vous que pour y travailler avec succès, il faut s’efforcer, s’obstiner, revenir mille et mille fois à la charge. On serait plus frappé de cette réflexion si, comme nous disions dans le corps de ce discours, on s’employait quelquefois à s’étudier soi-même nous nous répandons sur tous les objets, nous montons dans les cieux pour y découvrir des astres nouveaux, nous descendons dans les abîmes et nous creusons jusque dans les entrailles de la terre, nous parcourons l’un et l’autre monde pour aller chercher la fortune dans les pays les plus reculés, et nous ignorons ce qui se passe chez nous. Nous avons un corps, une âme, chefs-d’œuvre du Tout-Puissant, et nous ne réfléchissons jamais sur ce qui s’y passe, sur la manière dont nos connaissances s’acquièrent, dont nos préjugés naissent, dont nos habitudes se forment et se fortifient.
Si ces connaissances n’étaient bonnes que pour la spéculation, on aurait lieu pourtant de nous taxer d’indolence sur ce que nous les négligeons ; mais comme elles ont une relation intime avec notre salut, on ne peut que déplorer notre tiédeur sur ce sujet. Etudions-nous donc nous-mêmes ; devenons raisonnables si nous voulons devenir chrétiens, et apprenons cette vérité importante que nous avons prouvée, savoir, que les vertus s’acquièrent par le travail, par des actes réitérés.
Et qu’on ne dise point ici qu’il ne faut pas raisonner à l’égard des vertus chrétiennes comme sur les autres habitudes de l’âme, et que le Saint-Esprit saura bien corriger subitement nos préjugés et déraciner nos mauvais penchants. Sans doute nous avons besoin de cet esprit. Oui, Esprit saint, source éternelle de sagesse, quelque grands que soient mes efforts et ma vigilance, quelque mouvements que je me donne pour mon salut, je ne me fonderai jamais sur moi-même, jamais je n’encenserai mes rets, jamais je ne sacrifierai à mes filets Habakuk 1.16, jamais je ne me reposerai sur ce roseau cassé Ésaïe 36.6, jamais je ne serai sans sentir mon néant et sans demander ton assistance.
Mais, après tout, ne croyez pas que les opérations du Saint-Esprit soient semblables à ces enchantements fabuleux renommés dans nos romans et dans nos poèmes. On vous l’a dit mille fois, et l’on ne saurait trop vous le répéter, la grâce ne détruit point la nature, elle ne fait que la perfectionner. L’Esprit de Dieu vous aidera bien de ses lumières si vous travaillez fortement à étudier la religion ; mais il ne vous infusera pas cette connaissance si vous dédaignez cette étude. L’Esprit de Dieu, établira bien l’empire des vertus chrétiennes dans votre cœur si vous vous employez à cet ouvrage ; mais il ne viendra pas porter ces vertus au dedans de vous, au milieu de vos distractions et de vos désordres. Et après tout, nous devons nous employer à devenir bons chrétiens, comme nous nous employons à devenir bons philosophes, bons mathématiciens, bons prédicateurs, bons négociants, bons capitaines, par l’assiduité, par le travail, par des actes réitérés, par un exercice opiniâtre et continuel.
Cette réflexion vous importune peut-être ; je ne m’en étonne pas : elle est très capable de jeter l’épouvante et l’horreur dans l’âme de la plupart de vous, et c’est ici l’endroit le plus difficile de cette méditation. Les pensées où ces vérités nous engagent, sont des pensées odieuses que nous voudrions éviter, et peu s’en faut que nous ne suspendions ici le fil de ce discours, et que nous ne plions sous le poids de notre ministère ; car, après la vérité que nous venons d’établir, il faut que nous portions un de ces deux jugements sur votre conduite, ou que vous cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve, ou que par une sainte obstination, vous travaillez à mettre la religion dans votre esprit et dans votre cœur, ou que vous vous excluez du salut, et que vous vous engagez si avant dans le chemin de l’enfer, qu’on a lieu de craindre que l’Esprit de Dieu mille et mille fois outragé ne se retire pour jamais.
Que vous dirons-nous, mes frères ? Lequel de ces deux jugements est le mieux fondé ? À quoi passez-vous votre vie ? Cette vigilance sans fin, cette sainte obstination, ce retour continuel de soins et de vigilance entrent-ils dans le plan de votre vie ? Ah ! ne faisons plus un problème d’une vérité désormais trop avérée.
Ministres de Jésus-Christ, envoyés de la part du Dieu des vengeances pour planter, mais aussi pour arracher ; pour bâtir, mais aussi pour démolir Jérémie 1.10 ; pour publier l’année de la bienveillance Ésaïe 61.2, mais aussi pour faire résonner le redoutable cornet de Sion aux oreilles de ce peuple. Remuons les consciences, faisons briller le glaive redoutable de la justice divine, mettons dans tout leur jour les vérités les plus terribles de la religion. Dans des temps plus heureux, l’évangile nous fournira des textes plus doux et plus consolants. Mais nous devons aller au plus pressant, et ne pas nous arrêter à orner la maison du Seigneur, tandis qu’il est question d’éteindre un incendie qui l’embrase et qui va la réduire en cendres. Oui, chrétiens, nous trahirions les sentiments de notre cœur si nous tenions un autre langage à plusieurs de vous. Vous laissez écouler le seul temps propre pour votre salut ; vous suivez un chemin funeste, dont les issues aboutissent à la mort Proverbes 14.12, et votre genre de vie va vous mettre dans une absolue impuissance de sentir les douceurs d’une bonne mort.
Il est vrai que si vous appelez des pasteurs aux extrémités de votre vie, ils auront peut-être la faiblesse de promettre à des apparences de conversion, des grâces qui ne sont offertes qu’à la conversion même. Mais nous vous le déclarons aujourd’hui, et nous prenons le ciel et la terre à témoin de cette déclaration : c’est que si après que vous aurez persisté dans votre inaction et dans vos négligences, on vous parle de paix dans votre lit de mort, vous ne devez pas vous appuyer sur ces sortes de promesses ; vous devez mettre ces choses au rang de celles qu’il ne faut pas croire, quand même un ange du ciel viendrait à vous les annoncer Galates 1.8. Les ministres sont des hommes comme les autres. On nous appelle auprès d’un mourant qui a vécu comme vit presque tout le genre humain. Là nous trouvons une famille éplorée, un père fondant en larmes, une mère au désespoir : que voulez-vous que nous fassions ? Voulez-vous que nous parlions naturellement à ce malade ? Lui dirons-nous que tout cet extérieur de pénitence est un vain fantôme sans corps et sans réalité ? Que parmi mille malades qui semblent se convertir au lit de la mort, à peine s’en trouve-t-il un qui le sincèrement ? Que pour un degré de probabilité de la vérité de sa conversion, nous en avons mille qui nous prouvent qu’elle est forcée, et qu’à parler sans détour, nous présumons que dans une heure il sera arraché de son lit de mort pour être précipité dans les supplices de l’enfer ? Nous le devrions, nous devrions employer ce dernier remède, et ne plus rien ménager avec une conscience dont la perte est presque certaine. Mais on nous contredit, on nous éloigne ; on nous dit que ces réflexions altèrent la santé du malade ; on fait plus, on pleure, on gémit. A ce spectacle touchant nous sommes attendris comme les autres ; nous ne pouvons pas nous résoudre d’ajouter affliction à affliction, et soit compassion pour celui qui meurt, soit égard pour ceux qui vivent, nous parlons des félicités célestes, et nous faisons concevoir à cet homme l’espérance d’y parvenir. Mais nous vous le disons encore, nous vous le déclarons encore, toutes ces promesses doivent vous être suspectes ; toutes ces promesses ne sauraient changer l’esprit de la religion, ni la nature de l’homme. Sans la sanctification personne ne verra le Seigneur Hébreux 12.14. Et ces larmes que vous versez aux approches de la mort, cette soumission forcée à la volonté de Dieu, ces résolutions précipitées de lui obéir, ce n’est point là la sanctification. En vain vous tiendrions-nous un autre langage. Vous entendriez vous-mêmes dans votre lit de mort un témoin irréprochable toujours prêt à nous contredire ; ce témoin c’est la conscience. En vain un prédicateur relâché s’emploie à donner de chimériques espérances à un mourant, la conscience parle sans déguisement. Le prédicateur dit : Paix, paix, la conscience répond : Il n’y a point de paix pour le méchant, a dit mon Dieu Ésaïe 57.21. Le prédicateur dit : Portes élevez vos linteaux, portes éternelles haussez-vous Psaumes 24.7. La conscience crie : Montagnes, montagnes, tombez sur nous, et cachez nous de devant la face de l’agneau Apocalypse 6.16.
Mais bon Dieu, que faisons nous dans cette chaire ? Venons-nous troubler Israël ? Sommes-nous envoyés pour maudire ? Ne vous parlerons-nous aujourd’hui que d’enfer et que de démons ? Ah ! mes frères, il est vrai, il n’y a pour parvenir au salut que les voies qui viennent de vous être prescrites ; il est vrai que jusques à ce jour vous les avez négligées ; il est vrai que le temps de la vengeance va succéder au temps de la colère. Mais il n’est point venu encore ce temps de la vengeance : vous vivez encore, vous respirez encore ; la grâce vous est encore offerte. J’entends la voix de mon sauveur qui me dit : Consolez, consolez mon peuple, parlez à Jérusalem selon son cœur Ésaïe 40.1-2. J’entends des sons éclatants qui crient sur cette église, grâce, grâce sur elle Zacharie 4.7. Comment te traiterais-je, Éphraïm ? Comment te livrerais-je, Israël, comment te traiterais-je ? Comme Adma et Séboïm ? Mon cœur est agité au dedans de moi, et mes compassions se sont échauffées ; non, je n’exécuterai point l’ardeur de ma colère, je n’en viendrai point à détruire Éphraïm Osée 11.8. Écoutez-la cette voix ; elle vous parle d’une manière particulière, jeunes gens, esprits vides encore de passions et de préjugés ; cœur nouveaux que le monde n’a point encore séduits, vous êtes précisément dans le temps propre pour le salut ; vous avez toutes les dispositions nécessaires pour apprendre les vérités de la religion, et pour soumettre vos cœurs à ses lois. Quelle pénétration, quelle conception, quelle souplesse, et par conséquent quelle préparation à prendre le joug du Seigneur ! Ne laissez pas perdre ces dispositions : mettez à profit chaque instant d’un temps si précieux. Souvenez-vous de votre Créateur pendant les jours de votre jeunesse Ecclésiaste 12.3. Avec toute votre facilité, hélas ! vous aurez encore beaucoup de peine à surmonter les mauvaises inclinations de votre cœur. Et que serait-ce si, ajoutant à la dépravation de votre nature la force de l’habitude, vous croupissez dans le vice ?
Et vous, vieillards, qui avez déjà fourni votre carrière, mais qui avez donné le plus beau de vos jours au monde, vous qui cherchez aujourd’hui l’Éternel comme en tâtonnant Actes 17.27, et qui faites de vains efforts dans la vieillesse pour ôter au monde un cœur dont il a déjà pris possession, que vous dirons-nous ? Vous dirons-nous que votre mal est sans ressource, que votre arrêt est prononcé, et que vous n’avez plus qu’à vous jeter tête baissée dans l’abîme que vous vous êtes fait volontairement ? A Dieu ne plaise que nous soyons ainsi les exécuteurs de la vengeance céleste ! Nous vous adressons la voix de notre prophète : Cherchez l’Éternel tandis qu’il se trouve ; gémissez dans le souvenir de votre vie passée : tremblez à l’idée de ce Dieu qui abandonne à la séduction ceux qui résistent à la vérité 2 Thessaloniciens 2.11. Heureuse docilité de ma jeunesse ! qu’êtes-vous devenue ? Âme plus accablée sous le fardeau de ma corruption que sous le poids des années, stupidité, préjugés, puissance fatale du péché, vous êtes, vous êtes les récompenses funestes que j’ai remportées du service de l’ennemi de mon salut.
Mais en craignant, espérez, et en espérant, agissez. Du moins, du moins, ces restes de vie que Dieu vous laisse, donnez-les à votre salut. Vous avez beaucoup plus à travailler que les autres, votre tâche est plus grande, et votre temps est plus court. Vous avez à rebrousser vers les témoignages du Seigneur Psaumes 119.59, selon l’expression du prophète. Nagez contre le torrent ; entrez par la porte étroite Matthieu 7.13 ; surtout, surtout, adressez de ferventes prières au ciel, peut-être que touché de vos regrets il révoquera sa sentence : peut-être qu’excité à compassion par votre misère, il y remédiera par sa grâce ; peut-être que surmontant par les opérations surnaturelles de l’esprit, les misères de la nature, il vous donnera des idées si vives, des sentiments si touchants, que vous serez transformés tout-à-coup en des hommes nouveaux.
Tous tant que nous sommes, convertissons-nous. Il est temps encore, mais ce temps est peut-être plus limité que nous ne pensons. Après tout, pourquoi renvoyer ? Je vois bien ce qui vous arrête : vous regardez la conversion comme un ouvrage onéreux, et l’état d’un chrétien converti comme une situation pénible et gênante, où il ne faut entrer que le plus tard qu’il est possible. Mais si vous saviez, si vous connaissiez le don de Dieu Jean 4.10 ! Si vous saviez quelles douceurs ressent un homme qui cherche Dieu dans sa parole, qui écoute ses oracles, et qui puise la lumière et la vérité dans leur source ! Si vous saviez quelle est la joie d’un homme qui se réforme à l’image de celui qui l’avait créé Colossiens 3.10 et qui tout les jours grave au dedans de soi quelques traits de l’être parfait ! Si vous saviez quelle est la consolation d’un fidèle qui cherche Dieu par la prière, qui mêle sa voix à celle des anges, et qui commence sur la terre ces exercices sacrés qui seront un jour sa félicité éternelle ! Si vous saviez quelle joie succède aux amertumes de la pénitence, lorsque le pécheur, revenu de ses égarements, prosterné aux pieds du Dieu miséricordieux, reçu au tribunal de la grâce, décharge tous ses péchés au pied de la croix du Sauveur du monde, et mêlant des larmes de joie aux larmes de sa douleur, répare par des redoublements d’amour ses froideurs et ses indolences ! Si vous saviez quel est le ravissement d’un cœur persuadé de son salut, d’un cœur qui place son espérance comme une ancre ferme au-delà du voile Hébreux 6.19, qui brave l’enfer et le démon, qui anticipe sur les félicités célestes, qui est déjà justifié, déjà ressuscité, déjà glorifié, déjà assis aux lieux célestes avec Jésus-Christ Éphésiens 2.6 !
Ah ! pourquoi différerions nous une tâche si belle ? Il faut renvoyer les choses nuisibles et pernicieuses, et quand on ne peut s’affranchir d’un malheur extrême, il faut du moins travailler à en reculer le période. Mais cette paix, cette tranquillité, cette joie, ces transports, cette résurrection, ce paradis anticipé, les arrangeriez-vous dans cette classe ? Non, Je ne différerai plus, mon Dieu, d’observer tes commandements Psaumes 119.60. Je m’avancerai, je courrai vers le but de ma vocation Philippiens 3.14. Heureux de former de si nobles vœux ! Heureux de les voir accomplis ! Amen. A Dieu, au Père, au Fils, et au Saint-Esprit soient honneur et gloire à toujours. Amen.