Satisfait de cette œuvre de plantation, Paul passa dans la Troade ; s’arrêta à Philippe et se réfugia à Athènes (Actes 17.15), toujours persécuté à travers Thessalonique et Bérée (Actes 17.1, 10). Il se rendit bientôt à Corinthe (Actes 18.1), d’où, après un séjour d’un an et demi (Actes 18.11 [an 54-55]), il retourna pour la quatrième fois à Jérusalem (Actes 18.18), passant rapidement par Éphèse où il promit de revenir. Il descendit en effet promptement de Jérusalem à Antioche (an 56), pour commencer son troisième grand voyage missionnaire, et c’est alors qu’eut lieu probablement cette fameuse entrevue qui annonçait que le parti judaïsant, battu à Jérusalem l’an 52, avait ranimé ses rancunes pharisaïques, et que la lutte des judaïstes contre les pagano-chrétiens venait de se rallumer (Galates 2.11). En effet, plus exaspérés que jamais à la vue des triomphes croissants de Paul, ces chrétiens pharisaïques se déterminent à suivre leur puissant adversaire, ou à répandre des émissaires pour ruiner ses travaux ; et à peine l’apôtre triomphant était arrivé à Éphèse à travers la Phrygie et la Galatie (Actes 18.23) dont il avait vu rapidement et avec satisfaction les églises que de fâcheuses nouvelles, sur les lieux qu’il vient de visiter, lui sont communiquées. Il apprend que les judaïsants troublent la Galatie ; qu’ils l’attaquent lui et son enseignement ; qu’ils répandent de faux récits, de méchantes interprétations de sa conduite (1.13 etc.) ; que, s’appuyant peut-être sur l’opinion de Pierre, qui semble exiger d’un véritable apôtre d’avoir toujours été avec le Seigneur durant son séjour terrestre (Actes 1.21), ils déprécient son autorité apostolique (Galates 1.1), en calomniant l’origine de son apostolat (1.12-22), en le comparant aux autres apôtres (2.6-10), en soutenant que l’Évangile devait être prêché par les apôtres ordonnés par le Christ (2.7), qui étaient, eux douze, les pères spirituels de la nouvelle Jérusalem, de l’Israël d’en haut (Matthieu 19.28 ; Apocalypse 4.10 ; 21.14) en l’accusant de versatilité pour complaire aux hommes (1.10 ; 5.11). Il apprend qu’ils nient la pureté de sa prédication, d’abord par toutes ces accusations, ensuite en s’efforçant de montrer une opposition entre ses doctrines et celles des autres apôtres, qui faisaient observer la loi (2.7-9, 16) ; enfin, en proclamant au fond la nécessité de la loi, et de la circoncision en particulier pour être sauvé.
Ces efforts destructeurs n’étaient pas restés sans résultat. Ces hommes que Paul accuse de vouloir pervertir l’Évangile de Christ (1.6-7), de contraindre les Gentils à judaïser (2.14), de les faire finir par la chair, de les ramener à la servitude (3.3 ; 2.4 ; 5.1), de les faire circoncire (6.12), de les jalouser à mauvaise intention (4.17), de persécuter les chrétiens (4.29), de les empêcher d’obéir à la vérité (5.7), pour se glorifier d’eux en leur chair (6.12), parcequ’ils ne voulaient pas être persécutés pour la cause de Christ et qu’ils ne gardaient pas eux-mêmes la loi (6.12-13) ces faux frères, dis-je (Philippiens 3.2 ; 2 Corinthiens 11.13 ; Colossiens 2.18, etc. 1 Timothée 6.3-4) étaient en effet parvenus en partie à leurs fins. Ils avaient jeté de l’odieux sur Paul et de la confusion dans l’Église (4.16 ; 1.7 ; 5.9-12). Ils avaient séduit des Galates en faveur de la loi et de la circoncision (4.21 ; 5.2). De là, cet état d’infidélité à la vérité et d’abaissement moral dont se plaint l’apôtre (5.7 ; 3.1 ; 1.6 ; 5.13, 15, etc.). Ici l’on optait pour la circoncision, et là pour la liberté, ce qui avait enfanté des froissements, des divisions, de la licence, des perturbations anti-chrétiennes. Les uns tombaient dans l’orgueil spirituel (6.3), abusaient de la liberté chrétienne (5.13), traitaient les faibles sans douceur (6.1) ; les autres se laissaient emporter par la vanité des bonnes œuvres, et la plupart semaient dans la chair, se mordant, se dévorant les uns les autres (5.13-15, 26), ne se donnant pas aide réciproque, se glorifiant des autres par d’orgueilleuses comparaisons (6.2, 4, 10).
A l’ouïe de ces tristes événements, Paul, plein d’inquiétude sur l’avenir de ces églises et craignant d’avoir travaillé en vain à leur égard (4.11), éprouve toutes les douleurs d’une nouvelle conception. Ce premier exemple d’amalgame chaotique tenté par le judaïsme entre la loi et la foi, et de désordre spirituel et social, l’impressionne fortement et met en jeu toutes les fibres de son âme, toute la la verve de son indignation, de sa foi et de son amour. Pressé de donner à ses chers enfants une nouvelle preuve de ses sollicitudes paternelles et de rasseoir ces consciences et ces intelligences bouleversées, il prend la plume contre son habitude et quelque peine qu’il pût lui en coûter, et laisse échapper de son cœur inspiré et de sa haute et divine raison, cette lave de foi, de lumière, de vérité et d’amour, tour à tour ardente et réglée, brûlante et calme, vive et logique que nous appelons épître aux Galates.