Si ce devoir n’était pas absolument nécessaire, les difficultés qu’il présente pourraient nous détourner de l’accomplir ; mais rien n’est mieux démontré que quelques-unes des considérations sur lesquelles cette nécessité repose.
Comme tout chrétien doit vivre pour la gloire de son Père céleste, il entreprendra avec joie tout ce qui peut y contribuer, car elle est son grand, son unique but. Si ces enseignements étaient fidèlement donnés dans toutes les églises, si tous les fidèles voulaient s’y soumettre, quel moyen puissant de contribuer à la gloire de Dieu ! Si l’ignorance était bannie du milieu de nous, si toutes les familles s’occupaient activement à acquérir la connaissance des Saintes Écritures et des grandes vérités de la religion, si la méditation de la parole et des œuvres de Dieu était leur emploi journalier, combien cette contrée serait bénie, combien elle serait aimée de Dieu ! La gloire de Christ brille dans ses saints, et celui qui les honore, honore le Christ. Et cette gloire ne se déploiera-t-elle pas merveilleusement dans la nouvelle Jérusalem, quand elle apparaîtra avec splendeur et magnificence, telle qu’elle est décrite dans la révélation de saint Jean ? Si donc nous pouvons accroître le nombre et la puissance des saints, nous accroîtrons en même temps la gloire du roi des saints ; car il recevra honneur et louange de ceux qui autrefois déshonoraient son saint nom. Jésus-Christ sera aussi honoré par les fruits de son sacrifice expiatoire, et le Saint-Esprit par les fruits de sa divine influence.
Tout chrétien est obligé de faire tout ce qu’il peut pour contribuer au salut des autres ; mais un ministre y est doublement obligé, parce qu’il a été mis à part pour l’Évangile de Christ, et qu’il doit se dévouer tout entier à sa sainte mission. Personne, que je sache, ne met en doute la nécessité de la conversion ; personne, aussi, ne met en doute que l’instruction religieuse ne soit un des plus puissants moyens pour la produire. Que chacun de vous considère attentivement l’état de son troupeau, et qu’il voie si après tant de prédications publiques, la plupart des membres ne sont pas aussi ignorants que s’ils n’avaient jamais entendu l’Évangile. Pour ma part, je m’étudie à mettre dans mes prédications autant de clarté et de force que je puis en mettre, et cependant, je trouve des personnes qui ont été mes auditeurs pendant huit ou dix ans, et qui ignorent encore si Christ est Dieu ou homme, qui s’étonnent lorsque je leur raconte l’histoire de sa naissance, de sa vie et de sa mort, comme si elles n’en avaient jamais entendu parler. Et parmi ceux mêmes qui connaissent l’histoire de l’Évangile, combien il en est peu qui connaissent en même temps la nature de la foi, de la repentance, de la sainteté qu’il exige, ou du moins qui connaissent leur propre cœur ! Quoique vivant selon le monde et selon la chair, ils attendent néanmoins de Jésus-Christ leur pardon, leur justification et leur salut. Ils prennent leur confiance aveugle pour la foi qui justifie. Je me suis assuré, par l’expérience, qu’une demi-heure d’entretien particulier produit chez ces personnes ignorantes plus de connaissance, plus de componction que dix années de prédications publiques. Je sais que la prédication publique, s’adressant à la fois à un grand nombre de personnes, est un excellent moyen d’édification ; mais elle a l’inconvénient de n’être pas suffisamment claire pour tous ; elle n’admet pas ces expressions familières, ces répétitions dont nous pouvons faire usage dans un entretien particulier. Nos discours publics ont généralement trop d’étendue pour être parfaitement à la portée de l’intelligence et de la mémoire de nos auditeurs : ceux-ci ne peuvent suivre l’enchaînement de nos idées ; une pensée leur fait oublier l’autre, en sorte qu’ils ne retiennent presque rien de ce que nous avons dit. Dans des entretiens particuliers, au contraire, nous pouvons procéder graduellement et pas à pas ; nous pouvons questionner notre interlocuteur, provoquer ses réponses, et nous assurer s’il nous a bien compris. D’où je conclus que la prédication publique n’est pas suffisante ; elle n’a que peu d’efficacité si elle n’est secondée par l’instruction particulière.
Mes frères, pouvez-vous considérer attentivement l’état de vos paroissiens et ne pas vous apercevoir qu’ils implorent votre aide ? et pouvez-vous la leur refuser ? Pouvez-vous être sourds à leurs appels, lorsqu’ils vous crient, comme autrefois le Macédonien à saint Paul : « Venez à notre secours ! » Au milieu d’une foule de malades confiés à vos soins, pouvez-vous être insensibles à leurs plaintes, à leurs gémissements, à leurs sanglots ? « Celui qui voit son frère dans le besoin, et qui lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? » Si cela est vrai de celui qui ne soulage pas les besoins du corps, cela n’est-il pas encore plus vrai de celui qui ne soulage pas les besoins de l’âme ? Vous auriez certainement pitié d’un malade, d’un prisonnier, d’un affligé, — et comment n’auriez-vous pas pitié d’un pécheur ignorant et obstiné, d’un infortuné qui doit être pour jamais exclu de la présence de Dieu et exposé à sa colère, s’il ne se repent et ne se convertit ? Oh ! quel endurcissement de cœur ne dénote pas une telle insensibilité ! De quelle froideur, ou plutôt de quelle incrédulité n’est-elle pas le signe ! Car, si vous étiez bien convaincus de la misère des pécheurs impénitents, votre cœur serait nécessairement ému de compassion envers eux. Après avoir du haut de la chaire averti les pécheurs de leur danger, ne ferez-vous rien pour les y soustraire ? Laisserez-vous des millions d’hommes courir à leur perte, quand vous avez mission de les sauver ?
Si vous entendiez des pécheurs s’écrier en vous suivant : « Oh ! ayez pitié de moi ! j’ai besoin de vos conseils ; je suis sous le poids de la colère de Dieu. Je dois bientôt quitter ce monde, et je crains d’être éternellement misérable dans l’autre ; » seriez-vous sourds à leurs prières ? S’ils venaient à votre porte vous demander ce qu’ils doivent faire pour échapper à la condamnation éternelle, les repousseriez-vous et leur refuseriez-vous vos conseils ? Je ne puis me résoudre à le croire. Et cependant, ces personnes sont encore moins misérables que celles qui ne demandent pas de secours. Le pécheur insouciant qui ne réclame point votre ministère est celui qui en a le plus besoin ; car l’homme le plus digne de compassion est celui qui n’a pas assez de vie pour sentir son état de mort spirituelle, pas assez de lumières pour s’apercevoir de son danger. Considérez les pécheurs qui vous entourent, et voyez combien sont en péril imminent de condamnation ; ils n’implorent pas à la vérité votre secours, mais vous savez qu’il leur est indispensable ; vous savez que sans ce secours ils n’échapperont pas aux flammes dévorantes de l’enfer. Comment pouvez-vous vous entretenir et causer sur des sujets indifférents ou frivoles avec de telles personnes, lorsque vous connaissez leur position ? Il me semble qu’en les voyant et en songeant aux tourments éternels qu’elles doivent endurer, vous devriez, comme le prophète à la vue d’Hazaël, fondre en larmes et chercher à les toucher par les plus pressantes sollicitations.
Vos devoirs, comme ministres, ne sont pas moins essentiels à votre salut que vos devoirs, comme chrétiens. Que votre sollicitude s’étende donc aussi à vous-mêmes ; prévenez l’effet de cette terrible menace : « Si tu n’as pas averti le méchant pour lui dire de se garder de son mauvais train, afin de lui sauver la vie, ce méchant-là mourra dans son iniquité ; mais je redemanderai son sang de ta main (Ézéchiel 3.17). » Le jour n’est pas éloigné où les ministres infidèles regretteront de s’être imposé une tâche aussi redoutable et trouveront la condition du plus obscur artisan préférable à celle de conducteur du troupeau de Jésus-Christ, en songeant que non seulement ils auront à répondre pour leurs propres péchés, mais qu’ils seront encore responsables de la perte d’une multitude d’âmes.
O mes frères ! songeons que nous devons mourir ; songeons que nous devons comparaître, préparés ou non, devant un juge qui n’a point égard à l’apparence des personnes. Oh ! puissions-nous, au pied de son tribunal, nous rendre ce consolant témoignage : « Je n’ai pas vécu pour moi-même, mais pour Christ ; je n’ai point enfoui mon talent. » Travaillons donc, pendant qu’il est encore jour, car « la nuit vient où personne ne peut plus travailler. » Si vous voulez vous préparer à une mort douce et tranquille, à une éternité glorieuse, le champ de la moisson est ouvert devant vous. Ceignez vos reins et travaillez avec ardeur, afin de pouvoir vous dire à la fin de votre vie : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi ; j’ai en réserve une couronne de justice que le Seigneur, juste juge, me donnera au dernier jour. » Si vous voulez être bénis avec ceux qui meurent au Seigneur, travaillez maintenant, afin de pouvoir vous reposer alors, et faites des œuvres telles que vous vous réjouissiez de les voir vous suivre, et non telles que vous redoutiez de les voir s’élever en témoignage contre vous.